Alençon Histoire et Patrimoine

 

 

La ville d'Alençon en Normandie regorge d'un riche patrimoine historique et culturel. En effet, cette charmante ville est célèbre pour sa dentelle, produite ici depuis le 17ème siècle. Les touristes peuvent découvrir l'histoire de cette technique de broderie exquise à la Maison des Dentelles d'Alençon, un musée fascinant. La ville est également un endroit idéal pour les amateurs d'architecture gothique, avec la magnifique cathédrale Saint-Pierre, construite au XIIIème siècle.

Outre sa dentelle et son architecture, Alençon offre également un riche patrimoine naturel. Les collines douces et les paysages verdoyants qui entourent la ville en font une destination de choix pour les randonneurs et les amoureux de la nature. La forêt d'Ecouves, située à quelques kilomètres de la ville, est une destination de randonnée populaire pour les habitants et les touristes.

Enfin, pour les gourmands, Alençon est réputée pour sa cuisine traditionnelle normande, qui comprend des plats tels que le camembert, le cidre, les tripes à la mode de Caen, et bien sûr, la fameuse tarte tatin. Les visiteurs peuvent déguster ces plats dans les nombreux restaurants et cafés de la ville.

 chateau des ducs alencon

Situé dans la commune d'Alençon dans le département de l'Orne en Normandie, le Château des ducs d'Alençon est un ancien Château fort datant de la fin du XIIe siècle. Bien que détruit, ses vestiges sont toujours visibles aujourd'hui. Vers 1400, Jean Ier fit construire un ensemble de bâtiments qui subsistent encore aujourd'hui. Cependant, lors de la Révolution française, le château fut transformé en prison et conserva cette fonction jusqu'en 2010. Il fut autrefois le centre du comté puis du duché d'Alençon. Depuis 1862, le château est classé monument historique.

 

 

 

Historique & Histoire 

 

 Première mention d'Alençon

 

Selon certains érudits, Alençon faisait partie du pays des Aulerces Cenomans, ce qui pourrait expliquer le nom d'Alercium mentionné dans certaines chartes. Cependant, il est également possible que le nom Alencium, qui a donné Alençon, fasse référence à un village ou un château des Alains qui occupaient la région entre le 5ème et le 6ème siècle.

Le premier document mentionnant Alençon date de 717. À cette époque, c'était simplement une centurie de la région d'Exmes (Oximensis pagus), qui faisait elle-même partie des comtés les plus vastes du royaume de Neustrie. Elle ne devint importante qu'en devenant l'une des clés de la province dont Charles-le-Simple fut obligé de céder aux Normands.

Louis d'Outre-mer avait enlevé le jeune duc de Normandie, Richard Ier, qu'il retenait à Laon et qu'il avait l'intention de tuer. Mais Yves de Creil, maître des arbalestriers de France, informa Osmond de Centeville, gouverneur de Richard, de ce complot. Osmond cacha Richard dans un faisceau d'herbes placé sur le devant de sa selle et le ramena en Normandie sain et sauf (942). Reconnaissant de ce service, Richard concéda l'Alençonnais, le Passais Normand et les territoires de Séez et d'Argentan à Yves de Creil, qui possédait déjà le Bellêmois, le Corbonnais et, dans le Maine, le Sonnois, représentant à peu près les deux tiers de l'arrondissement actuel de Mamers. Yves de Creil ou de Bellême devint ainsi le seigneur le plus puissant de Normandie, dirigeant une région plus grande que le département actuel de l'Orne. Il fit construire deux citadelles, l'une à Alençon et l'autre à Domfront, pour protéger cette partie de la frontière des attaques des Angevins et des Manceaux.

Dans la partie de la Normandie alors soumise aux Bellême, les Giroye formaient une puissante famille fidèle en tout temps. Cette famille possédait plusieurs châteaux et était liée par alliance aux plus grandes maisons de la région. Elle avait joué un rôle décisif dans la récupération de l'héritage des fils de Talvas, mais un membre des Giroye prit parti pour Geoffroy de Mayenne contre Guillaume Talvas, déclenchant ainsi une guerre injuste. Toutefois, reconnaissant la loyauté des Giroye, le sire de Mayenne fit ériger le château de Saint-Cenery pour son ami, une forteresse construite sur un rocher escarpé presque entouré par la Sarthe.

Talvas, qui avait caché sa rancune, avait déjà épousé une femme qu'il trouvait ennuyeuse ou trop vertueuse. Un jour, alors qu'elle allait à la messe, il la fit étrangler devant le peuple d'Alençon et se remaria peu de temps après avec Hildeburge de Beaumont. Les noces furent fastueuses et de nombreux seigneurs y furent invités. Raoul-Mâle-Couronne, frère de Giroye, l'avertit de ne pas y aller car il sentait que quelque chose de terrible allait se produire. Mais, confiant et loyal, Giroye ne tint pas compte de cet avertissement et se rendit à la fête, qui s'avéra être un piège

XIe siècle

Robert de Normandie s'étant révolté contre le duc Richard III, son frère, Talvas aida puissamment ce dernier à triompher de la rébellion (1027). Devenu duc, à son tour, Robert ne pardonna point à Talvas de s'être opposé à ses vues ambitieuses. De son côté, peu disposé à l'obéissance, Talvas refusa de rendre à Robert l'hommage qu'il lui devait pour son fief d'Alençon. Le duc, furieux, vint assiéger cette place avec toutes les forces de son duché (1029); il contraignit le vieux Talvas à lui demander pardon, pieds nus et en chemise, avec une selle de cheval sur les épaules : ' •

Son dos offrit à chevaucher,
Ne se pot plus humilier;
C'en étoit costume en cel jour
De querre merci à son seignour.
(Roman du Rou.)

Obtenue à ce prix, la paix ne fut pas de longue durée; Talvas ne put survivre à la douleur que lui causa la défaite de ses fils qui avaient entrepris de le venger.

La famille Giroye

Il y avait alors, dans la partie de la Normandie soumise aux Bellême, une famille puissante qui leur était demeurée fidèle dans la mauvaise comme dans la bonne fortune. Cette famille était celle des Giroye ; elle possédait un grand nombre de châteaux, et tenait par ses alliances aux plus illustres maisons de la province. Elle avait puissamment aidé les fils de Talvas à recouvrer l'héritage de leur père ; mais un des Giroye eut le tort de prendre le parti de Geoffroy de Mayenne contre Guillaume Talvas, deuxième du nom, qui lui faisait une guerre injuste. Reconnaissant des services que Giroye lui avait rendus, le sire de Mayenne fit construire pour son ami le château de Saint-Cenery, forteresse posée sur l'escarpement d'un rocher que la Sarthe entoure de presque tous les côtés. Talvas dissimula son ressentiment. Il avait épousé en premières noces une femme dont la vertu ou les représentations le fatiguaient. Un jour qu'elle allait à la messe, il la fit étrangler devant le peuple d'Alençon, et se remaria peu de temps après avec Hildeburge de Beaumont. Cette union fut célébrée avec une grande pompe. Les seigneurs du voisinage y furent invités. Raoul-Mâle-Couronne, frère de Giroye, l'engagea à ne point aller à ces noces qui lui semblaient cacher quelque piége; mais, loyal et confiant, Giroye n'hésita point à se rendre à la fête, où l'attendait un horrible guet-apens. Talvas ne se contenta pas de lui faire crever les yeux, couper le nez et les oreilles; il le mutila plus cruellement encore. Les témoins de cette barbarie fondaient en larmes. Quant au sire d'Alençon, il se livrait au plaisir de la chasse avec ses autres convives (1040). L'infortuné Giroye fut jeté dans une prison, ou du moins on lui permit de recevoir les soins de Raoul-Mâle-Couronne, qui avait étudié la médecine et soutenu des thèses contre les plus savants docteurs de Salerne. La tour où ce malheureux fut enfermé s'appela depuis la Tour de Giroye; on la voyait encore, en 1782, à droite de la principale entrée du château.

Il n'y eut qu'un cri de vengeance, parmi les Giroye et leurs amis. Mais, cou- . vert par les remparts de son château d'Alençon, qu'il avait rendu formidable, Talvas ne voulut point engager le combat dans la plaine; ses ennemis la ravagèrent. Geoffroy Martel, comte d'Anjou, profita de ces discordes pour s'emparer des places d'Alençon et de Domfront, dont les habitants lui ouvrirent les portes, tant ils étaient fatigués de la tyrannie des Bellême. Mais Guillaume-leBâtard n'était pas homme à laisser une aussi belle partie de son duché aux mains de ses ennemis; il se porta en toute hâte sur Alençon, qu'il investit avec des forces considérables. Quand les Alençonnais le virent approcher de leurs retranchements, plusieurs d'entre eux, portant des peaux sur l'épaule, se mirent à crier, à la manière des pelletiers d'alors : « A la pel, à la pel. » On sait qu'Arlette, mère du Bâtard, était la fille d'un pelletier de Falaise. « Par la splendeur de la lumière de Dieu! S'écria Guillaume, pas un n'en échappera. » Il fit couper les pieds et les mains aux trente premiers qu'il saisit morts ou vifs, et jeter ces membres ensanglantés par-dessus les murs du château, en menaçant d'un pareil sort quiconque oserait lui résister. La place se rendit au duc, qui courut à Domfront, dont les portes s'ouvrirent également devant lui (1048). Pour trouver ailleurs meilleure fortune, et pour se soustraire à la vengeance de leurs ennemis, les Giroye, sous plusieurs noms, devenus illustres dans l'histoire, compagnons ou alliés des Guiscard et des Tancrède, passèrent dans la Terre-Sainte, dans l'Italie et dans la Sicile, où ils fondèrent des principautés et des empires. Rendu à la liberté, par suite de la mort de Talvas, l'aveugle d'Alençon, Guillaume Giroye, fit lui-même plusieurs voyages dans ces contrées lointaines où ses amis et ses parents l'appelaient pour leur servir d'arbitre ou de conseil. Tous les Giroye n'avaient pas quitté la Normandie. Il en restait deux : Robert de Saint-Cenery et Ernauld d'Échauffour, son neveu, en révolte perpétuelle contre les seigneurs d'Alençon et contre Guillaume-le-Bâtard. Un jour, pendant que le duc assiégeait l'imprenable forteresse de Saint-Cenery, Robert Giroye vint s'asseoir au coin du feu, près de sa femme, qui tenait quatre pommes sur ses genoux. Il en prit deux en riant et les mangea, quoi qu'elle fit pour l'en empêcher. Les pommes étaient empoisonnées : le malheureux Robert succomba peu de jours après. Ernauld d'Échauffour le remplaça et ne rendit la place qu'à de bonnes conditions (1060). Mais de nouveau en révolte, après avoir désolé le pays par ses brigandages, il n'eut d'autre parti à prendre que de gagner la Pouille. Quelques années après, il se présenta sans crainte devant le duc de Normandie, auquel il offrit un magnifique manteau, qu'il avait rapporté de ses voyages. Touché de la confiance que Giroye lui montrait, ne pouvant d'ailleurs méconnaître un courage qui pouvait lui être utile, le Bâtard promit de le rétablir dans les domaines de sa famille. Mais la race des Bellême n'était pas éteinte : le comté d'Alençon était échu à Mabile, fille de Guillaume II, que son père avait mariée à Roger de Montgommery, un des plus illustres compagnons de Guillaumele-Conquérant. Digne fille de Talvas, elle avait hérité de toutes ses haines et de toutes ses vengeances; on n'était pas impunément son ennemi. Il était difficile de résister au pouvoir de ses charmes. Elle avait bâti un château et une ville au milieu des montagnes qui séparent le Maine de la Normandie. Cette forteresse était sur la même ligne que celle de Saint-Cenery qui lui appartenait aussi. L'une et l'autre formaient une barrière que les voisins n'essayaient point de franchir. Également posée sur la cime d'un rocher, cette places'appela la Roche-Mabile du nom de sa fondatrice. Si l'on en croit la tradition, elle se plaisait dans ce lieu sauvage ; c'est là que, nouvelle Médée ou nouvelle Circé, comme l'appellent quelques historiens, elle préparait ses philtres et ses poisons.

Elle parut apprendre avec plaisir le retour d'Ernauld Giroye qui venait de se réconcilier avec le duc Guillaume. Lorsqu'il arriva à Échauffour, les gens de Mabile lui offrirent une collation qu'ils avaient préparée d'après l'ordre de leur maîtresse; mais prévenu par un des complices, Ernauld ne voulut rien accepter. Un de ses compagnons, Gilbert de Montgommery, beau-frère de Mabile, demanda un verre de vin qu'il but sans descendre de cheval. Dévoré par le poison, il mourut trois jours après à Rémalard. Mabile ne renonça pas à son dessein. Elle parvint à gagner Roger dit Gouliafre, chambellan d'Ernauld. « Puis, dit Orderic Vital, elle  prépara des breuvages de mort que Roger présenta en même temps à son seigneur  Ernauld, à Giroye de Courville et à Gouet de Montmirail. Grâce à la puissance que Dieu prêta aux remèdes des médecins, les deux derniers en réchappèrent ; quant à Ernauld, il en mourut au bout de quelques jours. Mais il ne tarda pas à être vengé. » A la suite d'une guerre avec le comte de Mortagne, son cousin, Mabile était allée chez un de ses fils au château de Bures-sur-Dive. Elle s'était couchée et endormie après avoir pris un bain ; pendant qu'elle dormait, un inconnu s'introduisit dans sa chambre et lui trancha la tête (1082). L'émotion fut profonde dans toute la Normandie; mais quel était le coupable? Personne ne le savait d'une manière positive. Les soupçons se portèrent sur Guillaume Pantol ou Pantou qui s'était hâté de partir pour l'Italie. Lorsque l'émotion fut calmée, Pantou revint en France et se plaça sous la protection des moines de Saint-Évroult qui lui donnèrent un asile dans leur couvent. Les Montgommery, qui s'étaient saisis de ses terres, demandaient avec instance la tête du coupable. Pantou soutenait avec énergie qu'il était innocent. Il fut arrêté par le roi Guillaume que le prévenu se rendrait à Rouen où il subirait l'épreuve du fer rouge, en présence du clergé. Il obéit à la sentence. L'assemblée au milieu de laquelle il parut, réunissait tout ce que la Normandie avait d'illustre dans l'épée et dans l'église. Les Montgommery et leurs amis y étaient en armes, prêts à frapper l'accusé, s'il succombait dans cette épreuve. Pantou prit le fer étincelant, et par la permission de Dieu, dit l'historien de Saint-Évroult, il le porta sans aucune brûlure. Le clergé et tout le peuple entonnèrent les louanges de Dieu qui avait fait triompher l'innocence. En effet, Pantou n'était pas coupable; l'auteur du crime était Hugues de Saugey à qui Mabile avait donné le château de la Roche-d'Igé, confisqué sur les Giroye; mais elle le lui avait repris, mécontente de la conduite qu'il avait tenue dans la guerre contre le sire de Mortagne. Hugues de Saugey, homme d'une violence extrême, n'avait pas eu depuis d'autre pensée que celle de se venger. Après avoir consommé son crime, avec une audace inouïe, il était parti pour la Pouille où se réfugiaient tous ceux qui avaient quelque démêlé avec la justice.


Trop occupé des affaires du Conquérant en Angleterre, Roger de Montgommery, après la mort de sa femme, avait remis l'héritage de cette dernière à Robert, son fils aîné. Robert prouva que bon sang ne saurait mentir. « Il aimait mieux, dit le très-partial Orderic Vital, faire couper les bras et les jambes de ceux qui tombaient entre ses mains, que d'en obtenir des rançons considérables. Homme ou femme, il les perforait jusqu'à la bouche. ( Homines utriusque sexus ab ano usque ad ora palis transforabat.) Un jour qu'il tenait la tête d'un de ses filleuls cachée, comme par  laisanterie, sous le pan de son habit, il lui arracha les yeux de  ses propres mains. Il n'y avait pas de festin qui lui fût plus agréable qu'un horrible carnage ; il se plaisait surtout à tourmenter les moines et les religieuses, dépouillant les églises, au lieu de leur faire les moindres offrandes. Il n'était rien qu'il ne sacrifiât à son avarice ou à sa lubricité. En revanche, c'était un des hommes de guerre les plus capables, le plus habile ingénieur de son temps. Il fit construire un grand nombre de châteaux et augmenta ceux que sa mère Mabile lui avait laissés. Il en avait trente-quatre en Normandie et dans le Maine, tous plus formidables les uns que les autres. Personne au monde ne parlait mieux que lui; mais cette éloquence était celle du démon, tant elle était perfide et railleuse. » Il commença par conseiller au jeune Robert, fils de Guillaume-le-Bâtard, de s'emparer de la Normandie, que son père lui avait promise. Guillaume déposséda Bellême de tous ses domaines ; mais à la mort du Conquérant, Bellême, profitant de la consternation générale, rentra en possession de toutes les places qu'on lui avait prises (1087). Il se rendit ensuite à la cour du nouveau duc Robert-CourteHeuse auprès duquel il jouit de la plus haute faveur. Mais Odon, évêque de Bayeux, autre mauvais génie, poussa Robert à s'emparer d'Alençon et des trentetrois autres châteaux de Talvas, qui fut enfermé dans celui de Falaise. Toujours puissant, Roger de Montgommery obtint que son fils fût rendu à la liberté (1090). La vengeance n'était pas moins douce à Bellême qu'à Mabile sa mère. Il fit repentir ses vassaux de la facilité avec laquelle ils avaient changé de maître. C'est alors qu'il commit la plupart des atrocités dont les moines ont chargé sa mémoire. La situation du pays était affreuse. Nous n'avons pas parlé ici de deux guerres qu'il engagea contre Rotrou, comte de Mortagne, ni des excommunications dont il fut frappé par l'évêque de Séez au sujet de ces mêmes guerres, excommunications dont il n'était que médiocrement effrayé. Ayant fait Rotrou prisonnier, il l'enferma dans un cachot où le malheureux était obligé de se tenir courbé, sans pouvoir faire aucune espèce de mouvement. Ses pieds étaient enchaînés dans une machine de bois, des anneaux de fer retenaient ses cuisses et ses bras. Cependant Thibaut, comte de Blois, auquel Henri I" donna les domaines de Bellême (1118), ou plutôt Étienne, comte de Mortain, auquel Thibaut, son frère, les rétrocéda, parvint à faire regretter ses prédécesseurs. Enfermé dans le château d'Alençon avec une troupe de brigands, Étienne contraignit les habitants à lui remettre tous leurs enfants en ôtage. Il n'était ni femme, ni fille de noble ou de bourgeois qui échappât à la brutalité de ces bandits. Après l'avoir déshonorée, Étienne leur livra lui-même la femme d'Amiot, fille de Payen de Chassé, qui était un des chevaliers les plus distingués du pays. Cet outrage combla la mesure des maux que les Alençonnais avaient eu à souffrir. Amiot et ses amis n'osaient demander justice au roi Henri, dont Étienne était le neveu. Ils recoururent à Foulques d'Anjou qui s'empressa de se rendre à Alençon avec des forces considérables. Mais Henri ne tarda pas lui-même à venir avec une armée non moins nombreuse au secours de son neveu, que les Angevins tenaient bloqué dans le château. Le combat eut lieu dans la partie de la plaine qui s'étend à l'ouest d'Alençon et qu'on appelle encore aujourd'hui le champ de bataille. La victoire se déclara pour les Angevins (1118). Henri aima mieux rendre la seigneurie d'Alençon à Guillaume III, fils de Robert de Bellême, que de compromettre par une lutte imprudente les droits, fort contestables, qu'il avait sur la Normandie. Toutefois la paix ne s'affermit que lorsqu'un prince de la maison d'Anjou monta sur le trône d'Angleterre. Pendant de longues années, le pays d'Alençon fut livré à toute espèce de brigandages. Les Angevins ne valaient pas mieux que les satellites du comte de Mortain. La croisade que Louis VII conduisit en Palestine donna quelque repos à ces malheureuses populations. Les sires d'Alençon, Guillaume Talvas et son fils Jean furent du nombre des croisés (1147). Les moines s'étaient réconciliés avec ces descendants de la terrible maison de Bellême. Guillaume, à lui seul, avait fondé les abbayes de Saint-André-en-Gouffern, de Perseigne, près d'Alençon, de Vignats et de Valoire; il n'avait oublié dans ses libéralités ni l'Abbaye de Saint-Martin-de-Séez, ni celle de Saint-Évroult, qui l'une et l'autre étaient déjà fort riches. Illaissa cinq enfants légitimes et autant de bâtards. Ses prodigalités avaient ruiné le pays; il n'en fut pas moins regardé comme un seigneur dont les vertus et la piété égalaient la noblesse. Ce fut vers la fin de la vie du comte Jean, que le roi d'Angleterre Henri II, qui se préparait à envahir la France, donna rendez-vous aux barons normands dans la ville d'Alençon (1188). Robert III accompagna Philippe-Auguste et Richard Cœur-de-Lion en Palestine. A son retour, il fut le premier seigneur de Normandie qui se déclara contre Jean Sans-Terre, après l'assassinat d'Arthur de Bretagne (1203).

La seigneurie d'Alençon passa dans la maison de France et devint quelque temps après l'apanage de Pierre, cinquième fils de saint Louis, qui la lui concéda sous le titre de comté pour lui et pour ses descendants.

Mais les deux enfants de Pierre étant morts en bas âge, le comté d'Alençon revint à Philippe-le-Hardi qui le donna à Charles, son troisième fils. A la mort de Charles I", le second de ses fils, Charles II, eut le comté d'Alençon, le comté de Porhoet et la baronnie de Fougères en Bretagne. Après avoir imprudemment engagé l'armée dont il commandait l'avant-garde, il se fit tuer à la bataille de Crécy (1346). Dégoûté du monde par suite des revers que la France avait essuyés, Charles III, son fils, prit l'habit de dominicain. Pierre II, frère de Charles III, lui succéda. Il fut un des otages donnés au roi d'Angleterre, pour l'exécution du traité de Brétigny (1360). Ce prince s'acquitta religieusement des engagements qu'il avait pris.


Rendu à sa patrie, on le vit auprès de Du Guesclin combattre vaillamment les Anglais. Il se retira ensuite dans son comté, dont il augmenta les différentes places. Le comte Pierre, qui n'était pas exempt de faiblesse et qui employait une partie de son temps à l'amour et à la dévotion, se fit surtout remarquer par l'ordre qu'il établit dans l'administration de ses domaines, et par la manière dont il distribuait la justice à ses sujets : on le nommait Pierre le Loyal. C'est sous ce prince qu'eut lieu le fameux duel judiciaire de Jacques-le-Gris et de Jean de Carrouges, qui, tous les deux, étaient ses chambellans.


Jean Ier succéda au comte Pierre. C'est en sa faveur que le comté d'Alençon fut érigé en duché-pairie (1414). Au lieu de défendre le trône, auquel il tenait de si près, Jean I" se jeta dans les factions qui déchiraient la France, mais il expia ses fautes par la manière dont il combattit à la bataille d'Azincourt (1415). Il n'y périt en ne montrant pas moins de courage que son aïeul à la bataille de Crécy. Son fils, Jean II, n'était qu'un enfant de six ans, lorsque ce désastre arriva.

Le Duc Jean II d'Alençon, la guerre de Cent-Ans

On le conduisit à l'armée du Dauphin, depuis Charles VII, où il se forma de bonne heure au métier des armes ; toute la Normandie ne tarda pas à tomber aux mains des Anglais. Bedfort se fit nommer duc d'Alençon. Quant au jeune prince français, émancipé à dix-sept ans par Charles VII, il avait déjà le commandement d'un corps d'armée considérable. Tombé aux mains de l'ennemi au combat de Verneuil, où personne ne montra plus de courage (1424), il aima mieux rester prisonnier pendant quatre ans, que de reconnaître Henri VI et ses Anglais comme légitimes possesseurs du trône de ses aïeux. Il ne fut rendu à la liberté qu'en payant une rançon, qui emporta tout ce qui lui restait en argent et en patrimoine. Mais les destinées de la France allaient changer. Jeanne d'Arc venait d'être présentée à Charles VII.

Témoin des premières entrevues de l'héroïne de Domremy avec le roi et de quelques-unes des épreuves auxquelles on l'avait soumise, le jeune duc d'Alençon, qui passait pour le cavalier le plus accompli de son temps, fut un des premiers à reconnaître que c'était Dieu qui l'envoyait pour sauver la France. Il voulut, dit la Chronique, avoir la pucelle en sa compagnie ; il ne la quitta point jusqu'au sacre du roi à Reims (1429). Un autre enfant d'Alençon partageait l'honneur de combattre auprès d'elle.

c'était Ambroise de Loré, dont le nom se trouve si souvent mêlé avec ceux des Dunois, des Lahire et des Xaintrailles. Au siége de Jargeau, à la bataille si glorieuse de Patay, où le duc d'Alençon commandait l'armée française, Jeanne d'Arc disait à ce jeune prince au plus fort de l'action : « N'ayez doute, gentil duc, n'ayez doute : ne savez-vous pas que j'ai promis à votre épouse de vous ramener sain et sauf? » (1429) Le gentil duc la pressait d'aller en Normandie d'où il fallait d'abord chasser les Anglais. De nombreuses années devaient s'écouler avant qu'il rentrât dans son duché. Cependant Ambroise de Loré était parvenu à reprendre l'importante position de Saint-Cenery. Il n'est pas un hameau dans cette contrée qui n'ait à se rappeler quelque exploit, quelque belle action de ce vaillant capitaine. S'il quitte Saint-Cenery, c'est pour y rentrer en triomphe, soit avec des convois de vivres, soit avec les prisonniers qu'il a faits; une fois il en amena jusqu'à trois mille. Pendant qu'il balaie la plaine d'entre Caen et Alençon, une armée de sept mille hommes, soutenue par une artillerie formidable, enveloppe la forteresse des Giroye, où commande son lieutenant D'Armanges ; mais accouru en toute hâte, il force les ennemis à lever le siége et à rentrer dans Alençon, dont ils ont fait le point central de leurs opérations. Plus tard, les Anglais revinrent sur Saint-Cenery avec une armée de quinze mille hommes, vingt pièces de canon et toutes les machines et engins dont on faisait alors usage pour l'attaque des places. Ce nouveau siége dura près de cinq mois. D'Armanges, auquel Loré avait confié sa femme et ses enfants, commandait toujours dans le château. Après plusieurs sorties glorieuses, D'Armanges et son lieutenant, Saint-Aubin, furent tués. Forcés de capituler, les défenseurs de SaintCenery ne rendirent aux Anglais qu'une ruine dont ces derniers achevèrent la démolition (1433-1434).

Il ne resta de cette antique forteresse qu'une seule encoignure, aujourd'hui couverte de lierre, vénérable débris que les Alençonnais montrent avec orgueil aux étrangers. Jean II ne reprit Alençon et les autres places de son duché qu'en 1449. La domination des Anglais s'était rendue par trop odieuse. Les bourgeois d'Alençon engagèrent le duc, déjà maître d'Essay, à se présenter à un jour convenu deVant la Poterne. Jean Dumesnil, Jean Bosset, Jean Moinet et Guillaume Le Boulleur, qui alors étaient les personnages, c'est ainsi qu'on appelait les échevins d'Alençon, avaient tout disposé pour que cette porte lui fût livrée. Surpris au dedans et au dehors, les Anglais furent contraints de se rendre au duc, qui, peu de temps après, récompensa les quatre échevins en leur accordant des lettres de noblesse et en les élevant aux premiers emplois de son duché'. Jean II aimait le faste et les plaisirs ; sa maison était considérable; sa venerie la mieux fournie du royaume en officiers et en chiens de toute espèce. On admirait surtout sa chapelle, desservie par quatre-vingts chantres, tous excellents musiciens. Il se plaisait parmi les artistes et cultivait lui-même la poésie avec quelque succès. Les revenus de son duché ne pouvaient suffire à ses prodigalités : le beau duc, comme on l'appelait, commit beaucoup d'inconséquences, dont le besoin d'argent était presque toujours la cause. 

portrait charles VII musee du louvre

Portrait de Charles VII au Louvre.

Devenu défiant et singulièrement jaloux d'une autorité que le duc d'Alençon l'avait puissamment aidé à reconquérir, Charles VII l'accusa d'avoir voulu vendre la Normandie aux Anglais. Il paraît cependant qu'il ne leur avait rien promis, en échange des services pécuniaires qu'il leur avait demandés. Le roi le fit condamner à mort pour crime de trahison et de lèse-majesté ; mais en raison de ses anciens services, il commua cette peine en une prison perpétuelle (1459). Il lui en voulait surtout pour avoir soutenu le Dauphin, son filleul, dans ses entreprises séditieuses. Devenu roi, Louis XI rendit le duc à la liberté, mais sans lui restituer la totalité de ses domaines. Toujours poussé par le besoin d'argent, Jean II se jeta dans de nouvelles intrigues, soit en s'associant à la ligue du Bien public, soit en entretenant des correspondances avec l'Angleterre et le duc de Bretagne. Condamné une seconde fois à la peine capitale, le malheureux duc ne dut la grâce de mourir en prison qu'à sa vieillesse et à ses infirmités (1472-1476).

 

Louis XI

Louis XI vint à Alençon pour reprendre possession de ce duché ; il faillit être tué dans les fêtes que lui donna la ville. Au moment où il passait du parc dans le château, un page et une femme de mauvaise vie, qui étaient au-dessus de la porte, en détachèrent involontairement une pierre. Elle tomba si près du roi, qu'elle emporta une partie de sa robe de camelot tanné. Faisant aussitôt le signe de la croix, le prince se jeta à genoux, ramassa la pierre et le morceau de sa robe qu'il promit de porter au mont Saint-Michel. Il ne manqua pas d'accomplir ce vœu, en partant d'Alençon (1472).

duc alencon prison de loches cp

Prison de Jean II d'Alençon dans le château de Loches


Les habitants de cette ville craignaient qu'il ne leur en gardât rancune. Il leur accorda au contraire quelques priviléges, du nombre desquels fut le rétablissement de la mairie, que René supprima peu de temps après. Il est vrai que le duc fit aux habitants la remise de quelques perceptions urbaines, avantage qui leur sembla préférable aux honneurs de la municipalité. Quelque preuve de soumission et de déférence qu'il cherchât à donner au roi, René, fils de Jean II, ne parvint jamais à se concilier les bonnes grâces de Louis XI.

Ce prince ne lui permit pas de prendre d'autre titre que celui de comte du Perche, et ne lui remit que la moindre partie des domaines de son père, bien qu'il eût promis de les lui restituer en entier. Pour qu'il ne laissât pas de postérité, il ne lui permit pas de se marier. René, qui n'osait se plaindre tout haut, ne ménageait pas le roi quand il en parlait avec ses amis. Une dame de SaintQuentin, sa sœur naturelle, rapportait à Louis XI les plaisanteries qu'il se permettait sur le compte de Sa Majesté. L'astucieux monarque saisit ce prétexte pour accuser René de conspiration.

ll le fit enfermer au château de Loches, dans la cage de fer que le cardinal La Balue avait inventée. Le malheureux René y passa trois mois, pendant l'hiver le plus rigoureux (1481). On lui donnait à manger avec une fourche. Cependant on se relâcha de cette rigueur, en lui permettant de sortir de sa cage pour prendre ses repas. Il en demeura perclus toute sa vie. Chargé de le juger, le parlement le livra à la clémence du roi, ne pouvant le trouver coupable que d'indépendance.

Louis XI le condamna à mourir en prison; mais Charles VIII, qui monta peu de temps après sur le trône, lui rendit la liberté avec tous les biens et tous les titres de son père (1487). C'est pendant la captivité de René, que le duc d'Orléans, depuis Louis XII, se réfugia à Alençon pour échapper à la comtesse de Beaujeu, régente du royaume (1484). Libre de faire un choix, René se maria avec Marguerite de Lorraine, princesse pieuse et bienfaisante, qui vécut et mourut comme une sainte. Formés l'un et l'autre à l'école de l'adversité, ils quittèrent peu leur duché d'Alençon, s'y occupant à cicatriser les plaies de la guerre, à fonder d'utiles établissements, à acquitter, à l'aide d'une économie rigoureuse, les dettes de leurs prédécesseurs.

Jean II Alencon dessin

René mourut le 1" novembre 1492. Marguerite, qui survécut à son époux, lui éleva un magnifique mausolée dans l'église Notre-Dame d'Alençon. Ce monument a été détruit en 1793. Que dirons-nous de Charles IV, leur fils, qui crut qu'en sa qualité de beau-frère du roi et de premier prince du sang, le commandement de l'armée lui revenait de plein droit ? On sait quels furent les effets de la préférence qu'il obtint sur le connétable de Bourbon. La célèbre Marguerite d'Angoulême, qu'il avait épousée en 1509, passa les plus belles années de sa vie à Alençon, où elle s'était formé une cour qui l'emportait de beaucoup sur celle de son frère. Il y avait moins de bruit, moins d'éclat, mais plus de goût, plus de liberté. Marguerite d'Angoulême n'eut point d'enfants de son mariage avec Charles IV.

Le Lit de justice de Vendome Jean II Alencon

Le lit de Justice contre Jean II d'Alençon à Vendôme

Guerres de religions à Alençon

A la mort de ce dernier (1525), le duché d'Alençon fit retour à la couronne, mais François I" en laissa l'usufruit à sa sœur. Elle se plaisait surtout au château de Lonray, dans la compagnie d'Amée de La Fayette, dame de Silly, à qui elle avait confié l'éducation de sa fille, la célèbre Jeanne d'Albret, née de son second mariage avec le roi de Navarre. Marguerite d'Angoulême mourut en 1549. Dix ans après, Catherine de Médicis se fit donner le duché d'Alençon pour compléter son douaire. Elle s'en dessaisit, en 1566, en faveur de François, le cinquième de ses fils. Le calvinisme envahit de bonne heure le duché d'Alençon. Cette ville fut le siége d'une des premières églises réformées (1559). La haine aveugle de Catherine de Médicis contre le comte de Montgommery, qui l'avait involontairement rendue veuve, contribua plus que la tolérance de Marguerite d'Angoulême à la propagation des nouvelles doctrines.

Montgommery devint dans cette partie de la Normandie le plus ardent promoteur de la Réforme. On reconnaissait à son courage, à la fermeté de ses résolutions, qu'il y avait du sang des Talvas dans ses veines. Il faisait observer une discipline rigoureuse à ses soldats; mais il était impitoyable dans ses vengeances. Un de ses lieutenants, Lamotte-Tibergeau, portait une bandoulière d'oreilles de prêtres en écharpe. Les catholiques avaient eux-mêmes provoqué ces représailles. Il n'y avait plus de messe à Alençon, à moins que ce ne fût pendant la nuit. « David Grégoire, avec un fouet, chassait les gens hors de l'église, et disait qu'il fouettait la messe. » Des religieuses furent violemment expulsées de leurs couvents. On voit encore dans l'église de Notre-Dame la trace des mutilations que les calvinistes y commirent. Montgommery fut obligé d'abandonner Alençon, en 1568, pour rejoindre le prince de Condé à La Rochelle.

Les catholiques avaient soif de vengeance et attendaient juste une occasion pour agir. Lorsqu'ils apprirent le massacre de la Saint-Barthélemy, ils se préparèrent pour une violente riposte. Jacques de Matignon, le lieutenant général du roi en Basse-Normandie, se trouvait alors dans son château de Lonray. Il se hâta de se rendre à Alençon accompagné de ses amis, de ses domestiques et de ses gardes. Il fit fermer les portes et établit des postes dans les différents quartiers. Il interdit aux catholiques, sous peine de mort, de s'en prendre aux huguenots et ordonna à ces derniers de se rassembler sur la place, sans armes, sous sa protection. Tout d'abord, il leur rappela leur devoir d'obéissance envers le roi et la nécessité de prouver leur soumission en lui remettant des otages. « La conservation de vos vies et de vos fortunes en dépend », leur dit-il, avant d'ajouter : « Que personne n'abuse de ma confiance, si quelqu'un me manque de parole, je le ferai passer par les mains du bourreau. » (1572) D'après son historien, Cailière, il prononça ces paroles avec une grande fierté, qui se lisait sur son visage, même s'il était ému en son for intérieur... Le peuple, touché par sa bravoure, se jeta à genoux et loua son libérateur, lui offrant toutes les bénédictions du monde. Cette action fut tellement marquante pour la ville qu'elle est encore enseignée aux enfants dès leur plus jeune âge, afin qu'ils vénèrent le nom de ceux qui ont sauvé tant de bonnes familles.

Après la Saint-Barthélemy, le duc d'Alençon, François, fit son apparition sur la scène politique. Il n'entretenait pas de bonnes relations avec ses deux frères, Charles IX et Henri III. Il avait fait d'Alençon le centre de ses intrigues, vendant tout ce qu'il pouvait. La ville était une place forte avec une forte présence calviniste, et il prétendait être de leur parti. Le roi de Navarre, qui devint plus tard Henri IV, s'échappa également de la cour et rejoignit Alençon. Pour prouver sa loyauté, Catherine de Médicis l'avait obligé à se confesser et à assister à la messe, mais les habitants d'Alençon ne lui firent confiance qu'après qu'il eut renié la messe et la confession. Pendant ce voyage, on dit qu'il tomba amoureux de la fille d'un boulanger de la rue de la Personne, aujourd'hui appelée rue du Bercail, où se trouve encore le four banal. Bien que les habitants d'Alençon aient défendu la foi nouvelle avec zèle, la ville, n'ayant pas une garnison suffisante, a dû se rendre au duc de Mayenne après l'assassinat d'Henri III. Il est intéressant de noter que Mayenne était lui-même originaire d'Alençon, tout comme sa mère Anne d'Est, qui y avait accouché en 1554 sans que l'on sache pourquoi elle se trouvait là-bas. Les Alençonnais, qui n'avaient aucune sympathie pour la Ligue, n'ont pas opposé de résistance.

Le duc de Mayenne avait imposé aux habitants une contribution de guerre de laquelle il restait encore dix-huit mille écus à recouvrer. Le roi n'a pas déchargé les habitants de cette contribution. Peu de temps après, il a engagé le duché d'Alençon au duc de Wirtemberg en garantie de sa dette. Plus tard, Alençon a été inclus dans l'apanage de Gaston d'Orléans et a été légué à sa seconde fille Isabelle, mariée en 1667 à Joseph de Lorraine, duc de Guise. Après la mort d'Isabelle sans postérité en 1696, le duché d'Alençon a été donné à Charles de France, fils de Louis, Dauphin, puis a fait partie de la dotation de divers princes du sang qui n'ont pas exercé d'autorité sur la ville, sauf pour la collation de certains bénéfices. Le dernier prince à en bénéficier a été Louis-Stanislas-Xavier, plus tard Louis XVIII. Comme ses prédécesseurs, il a simplement perçu les revenus de son apanage sans jamais mettre les pieds dans la capitale de son duché. Madame de Guise, fille de Gaston d'Orléans et anciennement appelée Mademoiselle d'Alençon, est la seule à avoir résidé dans la ville. Elle a fait construire un hôtel qui a ensuite été occupé par les intendants et les préfets.

En ce qui concerne l'histoire politique d'Alençon, Marie de Médicis a réussi à faire occuper par ses partisans le château de la ville lors de ses démêlés avec Louis XIII, dont elle a confié le commandement au comte de Belin. Le roi a envoyé le marquis de Créqui à la tête de dix compagnies de ses gardes pour que le château et la ville se soumettent immédiatement (janvier 1620). Sous l'administration de Richelieu, Alençon était devenu le centre d'une administration importante, ce qui valait mieux que d'être la capitale d'un duché.

Le cardinal y a établi une généralité ou intendance, dont le ressort s'étendait sur les districts ou élections d'Argentan, de Bernay, de Conches, de Domfront, de Falaise, de Lisieux, de Mortagne et de Verneuil. Elle comprenait douze cent quatre-vingt-dix communes ou paroisses. Les intendants ne datent que de 1636; les jésuites les ont précédés. Les jésuites sont arrivés à Alençon en 1629 et ont d'abord occupé une modeste maison. Peu de temps après, ils ont obtenu la concession du petit parc des anciens ducs, où ils ont fait construire un assez beau collège. La ville n'a pu oublier le mal que les jésuites lui ont fait d'un autre côté. Il y avait toujours un grand nombre de calvinistes à Alençon, qui avaient établi des manufactures de draps, de serges, d'étamines et d'autres tissus de laine. Les jésuites ont obtenu la destruction des temples que les protestants avaient

Développement industriel de la dentelle au XVIIe

 
 La ville d'Alençon doit le développement de son industrie dentellière à une certaine Dame Gilbert, originaire d'Alençon et experte dans la fabrication de la dentelle de point de Venise. Elle a enseigné cette technique à plusieurs jeunes femmes à Alençon, avant de présenter ses créations à Colbert, qui a été tellement impressionné qu'il a encouragé Louis XIV à les voir. La compagnie pour le développement de cette industrie a été établie en 1675. En dehors de quelques événements mineurs, comme l'interdiction du bailliage d'Alençon pour avoir enregistré l'édit d'octobre 1755 et les émeutes causées par la disette de 1764-1768, il n'y a pas grand-chose à signaler jusqu'à la Révolution de 1789. L'église Notre-Dame, également connue sous le nom de Grande Église d'Alençon, a subi un incendie en 1744, qui a entraîné la reconstruction de la partie incendiée par l'ingénieur Perronet, ce qui n'a pas été du goût de tous. Les murailles de la ville ont été démolies à partir de 1724, et le château, qui était autrefois l'un des plus beaux et des plus vastes monuments du Moyen Âge, a été progressivement mutilé et détruit pour construire des prisons. Le donjon, qui avait 150 pieds de hauteur, était au centre du château.
 

 XVIIIe siècle et la Révolution

 
Entre 1781 et 1782, les magnifiques tours satellites du château furent rasées sans discernement. La partie préservée ne fait que susciter davantage de regrets pour celle qui n'existe plus. Malgré cela, le quartier où se trouvait le château et son parc est devenu le plus beau de la ville. Cependant, il aurait pu être bien plus beau si les anciennes constructions avaient été conservées plutôt que détruites. À l'exception du regrettable mausolée du duc René, aucun édifice n'a été inconsidérément démoli pendant la Révolution. Alençon avait un grand nombre de communautés de femmes, mais seulement une pour les hommes, le couvent des Capucins : il a été transformé en caserne, tandis que les autres sont devenues des manufactures ou des habitations privées. Une partie de la ville, appelée faubourg Monsort, appartenait au diocèse du Mans. Les Alençonnais ont joyeusement participé au mouvement de 1789. La noblesse éclairée a préféré se plier plutôt que de résister. Quelques gentilshommes et quelques prêtres se sont obstinés dans le mouvement contraire.
 
S'il y a eu des désordres, ils ont été rapidement réprimés par la sagesse et l'énergie des nouveaux administrateurs. La seule victime de l'agitation populaire a été un capucin. Le vicomte de Caraman, qui commandait un détachement de dragons en garnison dans la ville, a imprudemment manifesté des opinions contraires à l'esprit de la Révolution. Les administrateurs, aidés par la garde nationale, ont retenu le commandant et ses soldats en résidence surveillée jusqu'à ce que l'Assemblée Constituante ordonne leur départ d'Alençon. Cela a calmé les esprits. Le célèbre girondin Dufriche-Valazé, député de l'Orne à la Convention, a représenté assez fidèlement l'opinion de la ville d'Alençon. La chouannerie s'est organisée dans les montagnes et les bois qui séparent le Maine de la Normandie.
 
Un jeune gentilhomme d'Alençon, Frotté, en était le chef. Les chouans de l'Orne ont arrêté des diligences, enlevé des caisses de percepteurs, fusillé des prêtres constitutionnels, assassiné ou rançonné des acquéreurs de biens nationaux, devenant ainsi plus redoutables dans un pays où les habitations rurales sont isolées les unes des autres. Ils ont désolé le pays sans le conquérir. Frotté, il faut le reconnaître, n'était pas fait pour cette guerre de brigands, dans laquelle il a malheureusement persisté. Il n'a jamais eu assez de force pour tenter un coup de main sur Alençon, qui était protégée par des redoutes en terre érigées à la hâte du côté de la Bretagne. Alors que les bandes de l'Ouest s'étaient soumises, lui seul osait encore résister. 
 

Le premier consul a décidé qu'on ne se moquerait plus de lui. Il a ordonné au général Chambarlhac, envoyé dans l'Orne avec des forces importantes, de capturer Frotté, mort ou vif. Chassé de tous côtés, sans refuge, et incapable de réaliser son plan de s'enfuir en Angleterre, Frotté et six de ses officiers se sont rendus le soir à Alençon chez le général Guidal qui était responsable du département. À peine sont-ils entrés chez lui que le général Chambarlhac est arrivé avec quelques grenadiers qu'il a ordonné de les saisir. Deux lettres de Frotté, l'une interceptée quelques jours auparavant et l'autre trouvée dans la poche d'un de ses officiers, ont révélé qu'ils n'avaient pas l'intention de se soumettre sérieusement, et qu'ils avaient convenu de ne rendre que les armes hors service. On les a interrogés et les réponses ont été consignées dans les registres du département, qui ont depuis été perdus. Le lendemain, Frotté et ses officiers ont été escortés à Paris, où on leur a ordonné d'être fusillés à Verneuil.

À l'exception de quelques fanatiques, les habitants d'Alençon n'adhéraient pas aux idées pour lesquelles la chouannerie se battait. Au contraire, ils cherchaient à réaliser les bienfaits de la Révolution. La priorité était l'éducation. Le gouvernement directorial avait établi l'école centrale du département à Séez, mais Alençon convenait mieux, alors l'école a été transférée là-bas. Une bibliothèque centrale devait être associée à cette institution. M. Louis Du Rois a été chargé de rechercher et de rassembler les livres et les manuscrits provenant des différents couvents de la région. Il a fait preuve d'un zèle constant et éclairé dans l'exécution de cette mission. Les magnifiques armoires de l'Abbaye du Valdieu ont été apportées à Alençon et disposées avec goût dans l'ancienne église des jésuites pour accueillir les richesses que M. Du Bois avait rassemblées. En tant que lieu, la bibliothèque d'Alençon est peut-être la plus belle de France. D'ailleurs, cette ville possède tous les équipements nécessaires pour être la capitale du département. L'administration supérieure ne pouvait pas souhaiter un édifice plus approprié que l'ancienne intendance.

 

Bien que l'hôtel de ville, construit entre 1783 et la Révolution, ne soit pas parfait, il mérite d'être remarqué. Il présente les armoiries d'Alençon, qui sont d'azur avec un aigle éployé d'or, ainsi que l'écusson royal de France, qui était autrefois associé à celui d'Alençon.

XIXe siècle

 

Au cours de la période allant de 1800 à 1830, plusieurs bâtiments importants ont été érigés successivement, notamment la halle aux blés, la halle aux toiles, qui est très belle, et le nouveau palais de justice, qui fait face à l'hôtel de ville. La plupart des nombreux établissements d'utilité publique fondés depuis la première révolution ont été attribués à l'ancien maire, M. Mercier. En 1811, lors de leur voyage en Normandie, l'Empereur et l'Impératrice Marie-Louise ont passé quelques jours à Alençon. Cet événement a marqué l'histoire de la ville, mais elle n'a pas bénéficié de tous les avantages qu'elle espérait. L'Empereur a ordonné la création d'un lycée à Alençon, mais ce décret n'a été mis en œuvre que récemment, et de nombreuses autres dispositions n'ont pas été appliquées. Les travaux ordonnés par l'Empereur auraient dû être financés par les revenus de la ville, mais ceux-ci n'étaient pas suffisants. La manufacture de point, qui avait commencé à se développer sous l'Empire, est aujourd'hui presque inexistante.

Les fabricants ont abandonné la dentelle au profit des tissus de coton, notamment les très belles mousselines qui sont devenues l'article principal de l'industrie alençonnaise. La production de toile de chanvre et de lin, autrefois considérable, a également beaucoup décliné. Quant aux diamants d'Alençon, il n'en est plus question depuis longtemps. Cette industrie n'a jamais employé qu'un petit nombre d'ouvriers.

La ville d'Alençon a produit un certain nombre d'hommes distingués, en particulier dans les domaines des sciences et de la littérature. Parmi eux, on peut citer le jurisconsulte Le Rouillé, qui a vécu sous Marguerite d'Angoulême, Thomas Cor- mier, conseiller en l'échiquier, auteur d'une histoire de Henri II et de Charles IX, écrite en latin ; le théologien Pierre Allix, ministre à Rouen, puis à Charenton, et enfin chanoine de Windsor, en Angleterre, et trésorier de l'église de Salis- bury; le naturaliste La Billardière; le médecin Des Genettes; et M. Bourdon, un de nos plus savants mathématiciens. Alençon a produit un grand nombre d'auteurs mystiques qu'on ne lit plus aujourd'hui.

 

 

 

 

sources : https://www.le-petit-manchot.fr/fr/

 

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