1370 : Du Guesclin renverse l'invasion anglaise — La chevauchée fatale de Robert Knolles

Contexte historique : le fragile traité de Brétigny

Après la lourde défaite de Poitiers en 1356, la France est contrainte à la négociation. Le traité de Brétigny, signé en 1360, offre à l'Angleterre d'immenses territoires dans le sud-ouest de la France. En échange, Édouard III renonce à ses prétentions sur la couronne française. L'objectif ? Clarifier un échiquier féodal complexe, et concentrer la puissance anglaise autour d'une Aquitaine souveraine, confiée au Prince Noir.

Mais ce traité ne calme rien. En France, l'humiliation est profonde, et la volonté de revanche est vive.

Le réveil français : Charles V et Du Guesclin reprennent l'initiative

Dès 1364, avec la victoire de Cocherel , le vent tourne. Charles V, fraichement sacré à Reims, change de stratégie. Fini les grandes batailles rangées, place à la guerre d'usure et aux coups d'éclat stratégiques.

En 1369, estimant que les Anglais ont violé le traité, Charles V relance les hostilités. Les Français attaquent en Normandie, tandis que l'Angleterre rappelle ses vétérans, riches des pillages passés, et engage de jeunes commandants.

Mais rapidement, les défaites s'accumulent côté anglais. Les Français, mieux organisés et bénéficiant d'une supériorité démographique et économique (près de 15 millions d’habitants contre 3 millions pour l’Angleterre), reprennent l’initiative. Poitiers, clé stratégique, retombe dans le giron français. La dynamique de la guerre de Cent Ans bascule.

La bataille de Pontvallain en vidéo

 


Les stratégies s'opposent : deux visions de la guerre

Côté anglais : Knolles et le Prince Noir à l'offensive

L’Angleterre déploie deux armées majeures :

  • Au sud-ouest, le Prince Noir tente de contenir les avancées françaises depuis l'Aquitaine. Malade, il délègue le commandement à ses généraux.

  • Au nord, Robert Knolles, vétéran redouté, mène une "chevauchée" destructrice depuis Calais. Il connaît la recette : pillages, incendies, terre brûlée. Lors de ses campagnes précédentes, il avait amassé une fortune colossale.

Malgré son talent militaire, Knolles est affaibli par les tensions internes. La haute noblesse anglaise, méfiante de son origine modeste, lui impose de partager le commandement. Un choix désastreux qui précipitera la désunion de l’armée.

En août 1370, Knolles débarque à Calais avec 4 000 à 6 000 cavaliers. Sans instructions du roi, il lance seul une chevauchée audacieuse à travers la France, visant à provoquer une bataille décisive.


Côté français : Du Guesclin, maître de la guerre d’usure

La riposte française s’organise autour d’un homme : Bertrand du Guesclin, nommé connétable de France en octobre 1370. Stratège hors pair, il privilégie embuscades et frappes éclairs.
À ses côtés, Olivier de Clisson, redoutable seigneur breton, scelle avec lui un pacte de fraternité d’armes.

Du Guesclin lève une armée à Caen, bientôt renforcée par les maréchaux Mouton de Blainville et Arnoul d’Audrehem. En parallèle, Louis de Sancerre commande une seconde force de 1 200 hommes qui avance à marche forcée vers l’est, encerclant lentement l'armée anglaise.


La chevauchée de Knolles : un succès en apparence, un désastre en réalité

Knolles avance rapidement, incendiant tout sur son passage. Mais, sans soutien, il s'enlise. Les querelles internes gangrènent ses troupes.
En novembre, l’unité anglaise éclate : Knolles se replie vers la Bretagne, abandonnant ses subordonnés à leur sort.

Les armées anglaises se fragmentent en petits groupes, vulnérables. L'heure de la contre-offensive française a sonné.


La réponse éclair de Du Guesclin

Le 1er décembre 1370, Du Guesclin quitte Caen pour une marche légendaire. En seulement deux jours, son armée parcourt 160 kilomètres, soit plus de 80 km par jour ! Un exploit.

Les Anglais, informés de sa nomination, envoient un défi en bonne et due forme. Du Guesclin, avec malice, fait festoyer le héraut jusqu’à l’ivresse... avant de partir en pleine nuit sous une pluie battante, prenant de vitesse ses ennemis.


La bataille de Pontvallain : la déroute anglaise

À l’aube du 4 décembre, Du Guesclin et ses 200 chevaliers surprennent les Anglais, à peine éveillés, désorganisés. Les Français attaquent avec férocité, soutenus bientôt par les renforts de d'Audrehem, de Clisson et de Jean de Vienne.
Le choc est brutal. La bataille tourne rapidement à la débâcle pour les Anglais. Le capitaine Thomas de Grandson est capturé en tentant de poignarder Du Guesclin. Olivier de Clisson s’apprête à l’achever, mais Du Guesclin, magnanime, s'y oppose.

La victoire est totale.


La bataille de Vaas : l'armée anglaise est anéantie

Les restes des troupes anglaises fuient vers l’abbaye fortifiée de Vaas. Mais les Français, menés par Louis de Sancerre et bientôt rejoints par Du Guesclin, attaquent sans relâche.
Les défenses anglaises s'effondrent. Fitzwalter, leur commandant, est capturé. La victoire française est écrasante.


La chute de Bressuire : l’épilogue sanglant

Les fuyards anglais se réfugient à Bressuire. Mais les habitants, redoutant un siège, ferment leurs portes aux Anglais. Pris au piège, ceux-ci sont massacrés lors de l’assaut mené par Du Guesclin, Clisson et leurs chevaliers.

Face aux disputes pour le partage des prisonniers, Du Guesclin ordonne l’exécution de cinq cents captifs anglais. Cruel, mais efficace : l’armée anglaise est brisée.


Conséquences : la reconquête française est en marche

Avec ces victoires décisives, la France reprend l’avantage dans la guerre de Cent Ans.
Knolles, quant à lui, fuit en Bretagne et rentre en Angleterre, laissant derrière lui un désastre militaire.
Du Guesclin et Clisson poursuivront la reconquête jusqu’à Bressuire, faisant trembler les possessions anglaises du Poitou à la Guyenne.

Ces campagnes éclair inspireront plus tard Jeanne d'Arc lors de la campagne de la Loire et les chefs français lors de la reconquête de Normandie.

La leçon est claire : dans cette guerre d’usure, la rapidité, l’audace et la cohésion des commandements priment sur la force brute.

 

Sources :  en.wikipedia, Jean Froissart volume 8, Chronique Normande, Chronique de Du Guesclin par Cuvelier


Recherche sur le site