Henri II Plantagenêt : Le fondateur de l’Empire Plantagenêt

Henri II Plantagenêt, né le 5 mars 1133 au Mans et mort le 6 juillet 1189 à Chinon, est l’un des souverains les plus influents de l’histoire médiévale européenne. Premier roi de la dynastie Plantagenêt, il règne sur l’Angleterre de 1154 à sa mort, mais son autorité s’étend bien au-delà : à travers héritages, mariages et conquêtes, il devient maître d’un vaste ensemble de territoires allant de l’Écosse aux Pyrénées, connu sous le nom d’Empire Plantagenêt.

Fils de Geoffroy V d’Anjou, dit le Bel, et de l’impétueuse Mathilde l’Emperesse (fille du roi d’Angleterre Henri Ier), Henri II hérite d’une lignée complexe où les revendications sur la couronne anglaise se mêlent aux ambitions continentales. Marié à Aliénor d’Aquitaine, ancienne reine de France, il ajoute à ses possessions l’immense duché d’Aquitaine. Son règne est marqué par de vastes réformes administratives et judiciaires, mais aussi par des conflits sanglants, notamment avec Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry, et ses propres fils, dont le célèbre Richard Cœur de Lion.

 

alienor aquitaine henri II

Aliénor d'Aquitaine à gauche et Henri II d'Angleterre sur la droite à Fontevraud.

1133 – Naissance et origines

  • 5 mars 1133 : Naissance d’Henri au Mans (Maine), fils de Geoffroy d’Anjou et de Mathilde l’Emperesse.

  • Henri grandit dans un contexte de guerre civile en Angleterre entre sa mère et Étienne de Blois, prétendant au trône.

1147 – Première tentative de conquête de l’Angleterre

  • À 14 ans, Henri traverse la Manche avec une petite armée pour revendiquer le trône anglais, sans succès.

  • Retour en Normandie pour parfaire son éducation politique et militaire.

1150 – Héritier de l’Anjou et du Maine

  • À la mort de son père, Henri hérite des comtés d’Anjou, du Maine et de Touraine.

  • Il devient également duc de Normandie par transmission de sa mère.

1152 – Mariage avec Aliénor d’Aquitaine

  • 18 mai 1152 : Henri épouse Aliénor, récemment répudiée par Louis VII de France.

  • Il devient duc d’Aquitaine, contrôlant désormais un territoire immense couvrant près de la moitié de la France actuelle.

1153 – Traité de Wallingford

  • Après des années de conflit, Henri et Étienne concluent un accord : Henri deviendra roi à la mort d’Étienne.

1154 – Henri II, roi d’Angleterre

  • 25 octobre 1154 : Mort d’Étienne.

  • 19 décembre 1154 : Henri est couronné roi d’Angleterre à Westminster.

  • Début d’un règne qui vise à restaurer l’ordre royal après l’anarchie.

1155–1162 – Consolidation du pouvoir

  • Réformes judiciaires : début de la centralisation du pouvoir judiciaire royal.

  • Réduction des baronnies rebelles, renforcement de l’administration royale.

  • Extension de l’influence en Irlande, Écosse et Pays de Galles.

1164 – Le conflit avec Thomas Becket

  • Henri tente d’imposer les Constitutions de Clarendon pour limiter le pouvoir de l’Église.

  • Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry et ancien chancelier du roi, s’y oppose.

1170 – L’assassinat de Thomas Becket

  • 29 décembre 1170 : Becket est assassiné dans la cathédrale de Cantorbéry par des chevaliers croyant agir au nom du roi.

  • Henri est tenu pour responsable moral et doit faire pénitence.

1173–1174 – Révolte des fils

  • Henri le Jeune, Richard, Geoffroy et Jean se soulèvent contre leur père, soutenus par Aliénor et Louis VII.

  • Henri parvient à écraser la révolte et emprisonne Aliénor.

1183 – Mort d’Henri le Jeune

  • Henri II perd son héritier favori dans des circonstances troubles, ce qui relance les tensions entre ses fils.

1186 – Mort de Geoffroy, duc de Bretagne

  • Nouveau coup dur pour Henri, dont les relations avec Richard empirent.

1189 – Trahison et mort

  • Richard s’allie à Philippe Auguste de France contre son père.

  • 4 juillet 1189 : Henri est contraint de reconnaître Richard comme héritier.

  • 6 juillet 1189 : Henri meurt à Chinon, trahi et brisé par ses fils.

  • Il est inhumé à l’abbaye de Fontevraud aux côtés d’Aliénor et de Richard.

 

Les réformes judiciaires d’Henri II : fondations d’un État de droit

Henri II n’a pas seulement été un conquérant et un administrateur énergique : il a profondément transformé la justice anglaise, posant les bases de ce qui deviendra le Common Law. Son objectif était double : affirmer l’autorité royale sur les seigneurs féodaux et imposer un système de justice centralisée, accessible à tous les sujets du royaume.

Centralisation du pouvoir judiciaire

Avant Henri II, la justice était largement déléguée aux barons, chacun jugeant selon ses propres coutumes. Dès le début de son règne, Henri entreprend de soumettre ces juridictions locales à un contrôle royal. Il envoie régulièrement des justiciers itinérants (justices in eyre) à travers le royaume, chargés d’appliquer la loi royale et de collecter les amendes, assurant ainsi une forme d’uniformisation judiciaire.

Les Assises : Clarendon et Northampton

Les Assises de Clarendon (1166) sont le cœur de la réforme judiciaire. Elles introduisent notamment :

  • La procédure de l’enquête par jury : un groupe d’hommes jurés doit déclarer sous serment les criminels de leur région.

  • Le retour du writ royal : un ordre écrit émanant du roi permet d’engager une procédure judiciaire royale.

  • Le contrôle des prisons seigneuriales : Henri impose que les criminels soient livrés à la justice royale.

Les Assises de Northampton (1176) renforcent encore ces mesures, étendent les délits relevant du roi et organisent le royaume en six circonscriptions judiciaires.

Vers le Common Law

Les décisions prises par les cours royales sous Henri II deviennent peu à peu la base d’un droit commun, applicable sur l’ensemble du royaume : c’est la naissance de la Common Law. Ce système évolutif repose sur les précédents jurisprudentiels plutôt que sur une codification rigide. En cela, l’œuvre d’Henri influence profondément le droit anglo-saxon jusqu’à nos jours.

 

Henri II et Aliénor d’Aquitaine : grandeur et fractures d’un couple royal

L’union d’Henri II et d’Aliénor d’Aquitaine en 1152 est l’un des mariages les plus puissants — et explosifs — du Moyen Âge. Alliant la force militaire d’Henri à la richesse culturelle et territoriale d’Aliénor, leur couple domine l’Europe, tout en étant miné par des tensions personnelles et politiques.

Une alliance stratégique

Le mariage d’Aliénor avec Henri, deux mois après son divorce avec Louis VII, change radicalement l’équilibre des forces en Europe. En tant que duchesse d’Aquitaine, elle apporte à Henri le plus vaste domaine féodal de France, doublant presque son pouvoir. Le couple représente alors une fusion entre le Nord féodal et le Sud occitan, entre rigueur politique et raffinement courtois.

Une reine influente et indépendante

Aliénor ne se contente pas d’être reine : elle gouverne activement ses terres, reçoit les troubadours, entretient une cour brillante et joue un rôle diplomatique important. Mère de huit enfants, dont Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre, elle est également une femme de caractère, qui ne supporte ni l’autoritarisme de son mari ni ses infidélités notoires (notamment avec Rosamund Clifford).

Rupture et révolte

En 1173, elle soutient la révolte de ses fils contre Henri, exaspérée par son refus de leur accorder plus de pouvoir. Capturée, elle passe près de quinze années en détention, essentiellement au Château de Winchester, et ne retrouve sa liberté qu’à la mort d’Henri en 1189.

Héritage

Aliénor, libérée par Richard, poursuit une carrière politique remarquable : elle devient régente pendant la croisade de son fils, puis négocie la libération de celui-ci après sa capture. Sa longévité politique et culturelle (elle meurt à près de 82 ans) contraste avec la fin tragique d’Henri II, accablé par les trahisons familiales. Leur relation illustre autant l’union d’ambitions colossales que les périls du pouvoir partagé au sein d’un couple royal.


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