Le Manoir de Launay, situé à Villebernier, remonte au XIVe siècle pour ses parties les plus anciennes, et fut remanié au XVe siècle par René d’Anjou qu'il qualifiait de "manoir de bon repos". Initialement conçu comme un Château à vocation défensive, il fut transformé en une résidence de plaisance dotée d’un confort remarquable pour l’époque. Chaque étage était pourvu de latrines, certaines équipées de conduites d’évacuation, à l’instar du donjon de Vincennes, et la plupart des pièces étaient ornées de cheminées.

Le manoir propose une exposition présente une collection remarquable de 1000 outils anciens, tous datant d’avant l’ère industrielle, témoignant d'une qualité rarement égalée en France. Cette collection couvre les outils liés au travail de la pierre, du fer et du bois, et occupe aujourd’hui une grande partie des espaces accessibles au public du Manoir. Elle a été patiemment rassemblée dans l’esprit de Paul Feller, grâce au dévouement de Raymond Huard, fondateur de l’association et disparu en 2017. 

Le manoir appartient aujourd'hui à Bernard di Marzio, ancien pilote de chasse sur la Base aérienne 133 Nancy-Ochey sur Mirage IIIE et pilote d'essai.

 

 Manoir de Launay Villebernier

 

Après avoir séjourné de nombreuses années dans son royaume de Naples (1435-1443), René d’Anjou, communément appelé le « Bon Roi René », duc d’Anjou, acquit le manoir de Launay en 1444. Ce domaine devint alors pour lui et son épouse, Isabelle de Lorraine, une résidence privilégiée. La demeure fut agrandie et embellie à de nombreuses reprises, élevant Launay au rang de résidence prestigieuse. Une transformation à l'intention semblable à celle opérée par Charles V qui, bien qu’ayant fait édifier le Château de Vincennes, préférait résider au château de Beauté (aujourd’hui Nogent-sur-Marne).

L'agrandissement du manoir de Launay intervint en 1452 grâce à l'acquisition de la terre du Palis, achetée à Aimeri de Souvigné, écuyer, pour la somme de huit cents royaux d’or. Par la suite, cette propriété fut cédée à Jeanne de Laval, à qui ce don fut confirmé par testament de René d’Anjou.

Les maisons de Launay et du Palis, tombées en ruine, furent restaurées en 1453 et 1459, bien que les devis des travaux entrepris à cette époque soient désormais perdus. Toutefois, le premier édifice conserve encore quelques vestiges de cette période.

Louis XI reprit la conciergerie et la capitainerie du manoir, qu’il octroya en 1481 à Jean Ousche de Hatine, en reconnaissance de ses loyaux services. On raconte que Louis XIV exempte le manoir du logement des troupes militaires en mémoire du « Bon Roi René ».

Redevenu propriété privée après la mort de Louis XII en 1515, le manoir de Launay fut classé au titre des Monuments Historiques en 1966.

 

 

 

Rene Anjou

Portrait du roi René par Nicolas Froment, détail du Diptyque des Matheron (1474), Paris, musée du Louvre.

 

L'architecture de Launay témoigne de la transition entre le Moyen Âge et la Renaissance. Ses douves et ses tourelles, initialement conçues pour la défense, sont désormais ornementales, reflétant l'évolution des mœurs et de l'art de vivre. René d'Anjou, grand amateur d’art et humaniste, introduit à Launay un véritable esprit de la Renaissance, influencé par son séjour en Italie. La vie au manoir, marquée par le raffinement esthétique et l’amour de la nature, rompt avec la rigueur des cours médiévales.

Les éléments architecturaux du manoir, comme la chapelle, la salle des Seigneurs, la galerie, les chambres de retrait, le colombier, la cuisine, ainsi que la cour d’Honneur et la basse cour à colonnades de style péristyle, ont préservé leur authenticité, offrant un témoignage vivant de l’architecture des XIVe et XVe siècles. La disposition harmonieuse de ces espaces reflète à la fois les influences médiévales et renaissantes, faisant de Launay un exemple exceptionnel du patrimoine architectural de l’époque.

René d'Anjou y poursuivit également son œuvre littéraire et artistique, entouré d’artistes et de penseurs de son temps, consolidant ainsi la réputation du manoir de Launay comme un véritable foyer de la culture renaissante en France.

chapelle castrale de launay

Chapelle castrale du manoir de Launay, elle a très peu évoluée depuis le XVe siècle.

Administration et prospérité locale :
René d’Anjou transforme ses territoires en véritables foyers de prospérité. Après la mort de sa première épouse, Isabelle de Lorraine, en 1453, il doit renoncer au duché de Lorraine. Il se remarie en 1454 avec Jeanne de Laval, et s’établit à Saumur, puis à Aix-en-Provence. Sous sa direction, des villes comme Angers, Saumur, Aix-en-Provence, Avignon et Tarascon connaissent un essor notable. René s'entoure de conseillers compétents, tels que son chambellan Fouquet d’Agoult et son secrétaire Guillaume de Rémerville, qui l’aident dans la gestion de ses affaires.

Passion pour les arts et la nature :
René d'Anjou, grand amateur de nature, multiplie les jardins, ménageries et résidences de plaisance. En Anjou, il transforme les abords de la Loire en véritables paradis botaniques, introduisant des espèces méditerranéennes comme la rose de Provins, l’abricotier, le micocoulier, ou encore le raisin muscat. Il acclimate également l’aubriétia et l’œillet provençal dans ses résidences, notamment au château des Ponts-de-Cé et au pavillon de chasse de Baugé. En 1450, à son château d'Angers, il innove en créant des jardins d'agrément influencés par ceux de Florence, marqués par des essences méditerranéennes et une ménagerie comprenant des animaux exotiques comme des autruches.

Architecture et fêtes somptueuses :
René commande à des architectes italiens le réaménagement du manoir de Launay à Villebernier, où il organise en 1446 le légendaire tournoi de la « Joyeuse Garde », considéré comme l'un des plus grands du siècle. Il embellit ses résidences, notamment les jardins du château de Baugé, agrémentés d'oiseaux exotiques et d’un labyrinthe, ainsi que le château des Ponts-de-Cé, doté de jardins fleuris et d'une petite maison de plaisir.

Œuvres littéraires et artistiques :

René Ier fait partie des princes passionnés par les livres. Lui-même est l'auteur de plusieurs œuvres littéraires, parmi lesquelles on trouve : le Traité des tournois (1445-1450), le Mortifiement de vaine plaisance (1455) et le Livre du Cœur d’amour épris (1457). Les ouvrages de ce prince sont magnifiquement enluminés par Barthélemy d'Eyck (mort vers 1472).

Le Traité des tournois décrit le déroulement d'un tournoi médiéval.

rene anjou tournoi

Tournoi imaginaire entre le duc de Bretagne et le duc de Bourbon. source : gallica.bnf.fr

De nombreuses pages enluminées illustrent chaque étape de cette compétition chevaleresque, où les chevaliers arborent des tenues ornées de blasons. En juin 1449, René Ier organise à Tarascon le Pas d’armes de la bergère, un tournoi rassemblant plusieurs chevaliers, amis du prince. Louis de Beauvau, sénéchal de René Ier, relate cet événement dans un ouvrage également enluminé par Barthélemy d'Eyck.

Pendant longtemps, on a considéré ce manuscrit comme la suite directe des tournois organisés par la cour d'Anjou à Nancy, Saumur, au château de Razilly et à Tarascon entre 1445 et 1450. Toutefois, plusieurs éléments suggèrent de repousser la date de sa rédaction. En effet, le texte fait à plusieurs reprises référence à un autre traité de tournoi, *Le Traité des anciens et nouveaux tournois* d'Antoine de La Sale, rédigé en 1459, et qui fait l'objet de plusieurs critiques dans le manuscrit. De plus, les illustrations comportent des emblèmes de Bourbon, notamment les deux chiens blancs, disparus dans les années 1420 et réintroduits par Jean II de Bourbon en 1457. Enfin, l'analyse du filigrane du papier indique qu'il remonte probablement aux années 1450-1460, période durant laquelle il était utilisé à Angers.

D'après Marc-Édouard Gautier, le manuscrit aurait ainsi été rédigé au début du séjour du roi René en Anjou, entre 1462 et 1469. Un inventaire des biens du château d'Angers, réalisé en 1471-1472, mentionne d'ailleurs un « cahier de papier en grand volume, où se trouve le commencement d’un tournoi », qui pourrait correspondre à ce manuscrit ou à une copie partielle.

Par la suite, le manuscrit appartient à Marie de Luxembourg (1462-1546). Il passe ensuite entre les mains de Louis Nicolas Fouquet, comte de Vaux et fils de Nicolas Fouquet, jusqu’à son décès en 1705, puis à Louis François de Bourbon-Conti, et enfin au bibliophile Louis-César de La Baume Le Blanc de La Vallière. Ce dernier le vend en 1766 à Louis XV, et l'ouvrage intègre ainsi la bibliothèque royale.

 echauguette angle XVe siecle

Echauguette du château

Le Mortifiement de vaine plaisance est un dialogue mystique dans lequel l’âme du roi, orientée vers Dieu, s’oppose à son cœur, attiré par les plaisirs profanes. Ce texte reflète la spiritualité de René Ier, typique de la dévotion moderne du XVe siècle, préfigurant les réformes religieuses du XVIe siècle. Cet ouvrage est actuellement en Russie, à Saint-Pétersbourg, sauvé de la destruction pendant la Révolution Française, par des russes soucieux de conserver ces ouvrages.

Enfin, le Livre du Cœur d’amour épris symbolise les sentiments amoureux du roi : le cœur du souverain, capturé par Désir, se transforme en chevalier et affronte de nombreuses épreuves pour conquérir sa dame. Ce récit s’inspire des grandes épopées chevaleresques, notamment du Roman de la rose. source : BnF - Éditions multimédias

 

 

Tournoi de Chevalerie,  l‘Emprise du château de Joyeuse-Garde, organisé par le Roi René en avril 1446 à Launay à Villebernier

« Peu de temps après, le roi de Sicille entreprit des joustes, lesquelles il tint proche de Saulmur, au devant d'un chasteau de bois qu'il fit construire dans une belle plaine, lequel il fit peindre par dehors et par dedans, et le meubla de très riches tapisseries; et à l'imitation des anciens romans, le nomma le chasteau de la Joyeuse-Garde, où, durant l'espace de quarante jours, luy et la reine Isabelle, et madame Yolande sa fille, et quantité d'autres dames et damoiselles, et notamment la belle et jeune Jeanne de Laval, pour laquelle secrètement il fit et dressa cette emprise, avec un grand nombre de grands seigneurs, et particulièrement ceux qui devoient estre de la troupe des Tenans, demeurèrent en grande joye et magnifique feste, attendant tous ceux qui, pour acquérir de l'honneur, voulurent venir jouster contre le roy, chef de l'emprise, et contre ceux qu'il avoit choisis pour combattre à son costé.

La reine, les dames et les seigneurs, qui estoient venus pour voir ces nobles faits d'armes, furent festinez dans le chasteau, et puis placez dans des eschaffaux, parez très richement, vis-à-vis du lieu où les joustes se faisoient.

La sortie du roy de son chasteau artificiel se fit dans cet ordre :

Deux estafiers turcs, habillez à leur mode, avec de longues vestes et des turbans de damas incarnat et blanc, menoient chacun un véritable lyon , attaché avec une grosse chaîne d'argent..

Après suivoient les tambours et les fifres du roy à cheval, et en suitte les trompettes, tous richement vestus de la livrée et de la devise du roy, de damas incarnat et blanc.

Après marchoient à cheval deux roys d'armes, tenans leurs livres ou cartulaires d'honneur et de noblesse en leurs mains, pour y descrire et exalter les nobles faits d'armes et les valeureux combats, qui se feroient au lieu où les lices estoient dressées.

Puis marchoient sur de très beaux chevaux, les houssures desquels estoient très richement ornées d'armoiries en broderie, les quatre juges du camp : à sçavoir deux anciens et sages chevaliers, et deux escuycrs bien expérimentez en toute sorte de combats.

L'un estoit seigneur de Cussé, L'autre seigneur de Martigné , Antoine de La Salle, aussi Hardouyn Fresneau.

En suitte venoit un nain veslu à la turque, sur un beau cheval richement caparaçonné, portant l'escu de la devise que le roy René avoit choisie en cette occasion.

Il estoit de gueules, semé de pensées au naturel, comme estoient aussi les cottes d'armes , les bannières, les chamfrains et les houssures, et caparaçons des chevaux des chevaliers, et des escuyers du roy etde tous les Tenans.

Après le nain, marchoit une très belle dame superbement vestue, menant et conduisant le cheval du roy René par une escharpe attachée à la bride; ce prince portant sa lance sur la cuisse, et l'escu de la devise au bras senestre, tout le cheval couvert d'un caparaçon de la même devise, traînant à terre.

Cette dame estoit destinée à mener tous les Tenans, chacun à son tour, lorsqu'il seroit nécessaire de jouster contre les Assaillans qui se présenteroient à l'emprise, et qui viendroient toucher l'escu pendant au perron avec le bout de leurs lances.

Le roy estoit suivi de monseigneur Ferry de Lorraine, du sire Louis de Beauvau et de son frère, du comte Guy de Laval, de Geoffroy de Saint-Belin, de Lénoncourt, de Guerry, de Crespin, de Cossé, du Begue, du Plessis et de plusieurs autres gentils et vaillans chevaliers, dont nous dirons les noms selon l'ordre qu'ils joustèrent avec celuy des Assaillans, qui s'esprouvèrent en ce noble exercice.

En cet ordre, ils arrivèrent au lieu où estoient dressées les lices, proche desquelles on avoit fait tendre un très grand et très riche pavillon, à la porte duquel s'assit le nain, vestu à la turque, sur un riche oreiller, ou carreau de velour cramoisi, frangé et houppé d'or, les jambes passées l'une sur l'autre en sautoir, ayant esté mis là pour remarquer tout ce qui se passeroit.

L'eschaffaut des quatre juges et des deux roys, ou héraults d'armes, et ceux des dames y estoient aussi dressez, et ornez de tapisseries, de tapis et d'oreillers, afin que tout le monde fust à son aise.

Et tout proche estoit un perron, fait en forme de colonne cannelée de marbre, à laquelle estoit appendu l'escu de la devise, et auquel ceux d'entre les Assaillans, qui voulaient jouster contre les Tenans, estoient obligez de toucher avec le bout de leurs lances. Au pied de cette colonne estoient attachez les deux lyons avec des chaînes d'argent bien fortes, un de chaque côté.

Auprès avoit de ce perron , De chascun costé un Iyon, Un nain dedans un pavillon, Qui l'escu là pendu gardoit.

Dans le même chauffaut que les juges diseurs se tenoient trois officiers d'armes , Guillaume, Bernard et Sablé, pour écrire tous les faits dignes de mémoire.

Témoignage relatant le tournoi de chevalerie l‘Emprise du château de Joyeuse-Garde, organisé par le Roi René en avril 1446 à Launay près de Villebernier

 

NOMS DES TENANS ( des défenseurs )

Ferry, monsieur de Lorraine, portant le casque couronné, et pour cimier un aigle esployé d'argent, avec le double volet de gueules, et l'escu et la houssure de son cheval, selon la devise du roy, comme eurent de même tous les Tenans.

Le seigneur de Beauvau portoit pour cimier une hure de sanglier, avec le volet à double pointe de gueules, houppé de mesme, avec le bourlet de gueules d'argent et d'azur, le caparaçon du cheval de gueules semé de pensées.

Le seigneur Jean Cossé (Cossa), italien, portoit le bourlet de gueules et d'azur, le volet houppé à dou hie pointe de gueules, et deux grandes cornes, l'une d'or et l'autre d'argent pour son cimier, pannachées de diverses plumes et de deux crampons, ou fers de cheval d'azur, entrelassez l'un dans l'autre, pendant entre les cornes.

Le seigneur du Bec-Crespin, le volet doublé de gueules, le bourlet d'or et de gueules, et pour cimier le col et la teste d'une grue aistée de synople.

Le frère du seigneur de Beauvau armé et tymbré comme son frère.

 

NOMS DES ASSAILLANS.( des attaquants )

Le comte de Tancarville avoit le casque couronné, l'escu , la houssure et le volet eschiquetez d'argent et de sable, et une queue de paon pour cimier, accompagné de quatre escuyers qui luy portoient ses lances.

Le seigneur de Guéressez portoit un volet de gueules, le bourlet d'argent, et pour cimier un double esventail, ou vol d'argent, et un lyon de gueules assis au milieu.

Le seigneur du Bueil, armé et houssé tout de noir, le volet de mesme; pour cimier nn croissant d'or et un double col et teste de cygne d'argent, et deux anges de mesme tenant ledit col, aislez ou enplumez de gueules.

Le seigneur de Mery, armé et caparaçonné en bandes d'argent et de gueules, le bourlet d'or et de synople, le volet de gueules, et pour cimier deux sauvages, tenant au milieu d'eux un Cupidon par les mains.

Le seigneur de Brion, armé et caparaçonné de tané, tymbre ou cimier, une teste d'ours emmuselée, le bourlet d'or et d'azur et le volet de synople.

 

Ceux-ci joustèrent les uns contre les autres le jeudy; mais le vendredy, le roy, par un sentiment de dévotion, fit cesser la jouste

Et pour ce , le roy commanda ,

Pour honneur de la Passion ,

De jouster et fist cession

De débat, et partout le manda.

Le jour d'après voici ceux qui joustèrent :

Ces deux icy finirent les joustes, personne ne s'étant présenté contre les Tenans.

Le gentil comte de Tonnère,

Humblement les dames requerre,

Pour achever l'appointement de la très amoureuse guerre ,

Où l'on ne peut qu'amour acquien

Ny perdre seigneurie ny terre,

Fors un ruby ou diamant.

Ce jour fut l'accomplissement

Du Pas, aussi l'achèvement.

Les vaincus à la jouste, tant du costé des Tenans comme de celuy des Assaillans, estoient obligez de donner un diamant, un ruby ou un cheval, le plus souvent pour estre donné à leurs maistresses.

Le poète anonyme dit qu'il y eut cinquante-quatre diamans et trente-six rubis donnés aux dames par les vaincus.

Car pour les deux principaux prix, ils furent délivrés selon l'ordonnance des juges, le dextrier très exellent à Florigny, et un fermaillet, ou boëte d'or couverte de riches diamans et de très beaux rubis, à Ferry de Lorraine.

Un fermaillet d'or tout marcis (massif),

Semé de diamans et rubis ,

Vallant mille francs de monnoye ;

Et certes si plus je disoye ,

Suis certain que n'en mentiroye.

Je le vis quant par là passoye.

Voicy la manière et la cérémonie, selon lesquelles lesdits prix furent délivrez aux deux vainqueurs par la belle damoiselle très richement parée, qui mena, comme nous avons dit, le roy René par une escharpe attachée à la bride de son cheval, et tous les autres chevaliers tenans.

Les bons juges eurent entente,

Et respondirent de leur tente;

Que avant qu'elle fust absente

Ils donneroient leur jugement.

A part et tout secrètement

Conclurent en leur parlement

Que le roy d'armes publieroit

L'arrest par leur commandement.

Le roy d'armes parle ainsi à la pucelle, après que les juges eurent consulté a qui les prix appartenoient:

Haute et puissante damoiselle,

Digne d'honneur, noble pucelle,

Je scay bien que vous estes celle

Commise pour reguerdonner (récompenser).

De ce que demandes nouvelle ,

Qui le prix doibt avoir de telle

Honorée et riche querelle,

Qu'on doibt de lauriers couronner ,

Messeigneurs, sans droit destourner ,

Ont sur ce voulu ordonner,

Et vraye sentance donner

Selon leur droite opinion,

Sans tomber en division. »

Alors la noble pucelle parla devant Je roy, la reine et tous les princes et princesses, seigneurs, chevaliers, dames et damoiselles, qui estoient assemblez à l'entour, attendant en grand silence ce qu'elle diroit, et à qui elle adjugeroit le prix.

« Pour ce que le roy m'a commis

A cet office, et soubmis

Les juges , lesquels ont promis

Sur ce juger en loyauté ;

De par eux je déclare et dis ,

Selon leur propos et advis

Donner du destrier le prix

A Florigny , qui a esté

Entre les estrangiers doupté (redouté),

Comme les juges ont relaté.

S'il est en ville , ou cité,

Que de par vous on le luy maine.

Du fermaillet en vérité ,

Aussi ont dit d'authorité

Que sus tous en soit hérité

Ferry, monsieur de Lorraine. »

Lors la damoiselle manda

Le nain, et tantost demanda

Aussi ès héraults, commanda

Qu'on fist de trouver diligence,

Florigny. ne retarda,

Car il estoit en la présence.

A la damoiselle s'avance

Le chevalier plein desçavance (savoir vivre),

Humblement lui fait révérence ;

Elle en grant honneur le baisa ;

Puis lui dit d'humble contenance :

Chevalier, par votre vaillance,

Ce prix aurez par redevance.

Très humblement la mercia.

Ferry monsieur fut là présent ;

Et la damoiselle plaisante

Luy dit : « Monsieur, ce présent,

De par les dames vous présente ,

D'un fermaillet d'or reluisant ;

Reconnaissance vous faisant

Isabeau, la reine présente,

Haute princesse excellente,

Madame Yolant non exempte.

Toutes de volonté plaisante

Remercions vostre valeur,

Voyez les là toutes en leur tente,

Qui de vous aymer ont couleur.

Après toutes ces choses ainsi heureusement achevées sans aucune querelle, le roy René, la reine et toute cette belle et noble assemblée s'en retournèrent à Saumur, en très magnifique ordre, sa suitte estant plus grande, que lorsqu'il vint au lieu de la jouste; car tous les Assaillans, meslez joyeusement avec les Tenans , y accompagnèrent le roy, qui les festina et traitta plusieurs jours splendidement ; que si les chevaliers avoient fait paroistrè leur valeur et leur adresse dans ce noble Pardon d'armes, les dames et damoiselles firent aussi esclater leur beauté et leur gentillesse dans le bal que la reine donna fort souvent, où les chevaliers qui n'avaient paru qu'armez durant les joustes, feurent veus habillez le plus richement qu'il leur fut possible , taschant tous à l'envy de paroistre aussi agréables devant leurs muistresses , comme ils avoient fait tout leur pouvoir de leur temoigner leur courage et leur valeur dans le combat.

Nous avons cru devoir reproduire presque on entier la curieuse analyse de Wulson de La Cotombière, extraite du Vray théâtre d'honneur et de chevalerie.

Elle remplace en partie le manuscrit original, et nous a conservé, d'après ses miniatures armoiriées, le nom de tous les chevaliers, tenants ou assaillants.

L'élite de la noblesse de France avait répondu à l'appel de René. Elle aimait à entourer de ses hommages le bon roi de Sicile, et le regardait avec raison comme son guide et son modèle.

Société des lettres sciences et arts du Saumurois

 

 cheminee XIVe siecle chambre

 On peut remarquer la cheminée et le coussiège témoignant d'une volonté  de confort.

 

sources : site officiel, Société des lettres sciences et arts du Saumurois, gallica.bnf.fr

 

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