Arthur Ier de Bretagne
Contexte politique
Arthur Ier de Bretagne (né en 1187, disparu en 1203) était le fils de Geoffroy II Plantagenêt, duc de Bretagne, et de Constance, duchesse héritière de Bretagne. Il était donc le neveu de Richard Cœur de Lion et de Jean sans Terre. À la mort de Richard en 1199, une querelle successorale éclata entre Jean, frère cadet du roi défunt, et Arthur, représentant de la génération suivante.
Arthur fut proclamé duc de Bretagne en 1196 et soutenu par une partie des barons angevins et bretons, ainsi que par le roi de France Philippe II Auguste, dans le cadre de sa politique visant à affaiblir les Plantagenêt sur le continent. Philippe Auguste, suzerain de la Normandie et des fiefs d’Aquitaine, reconnut Arthur comme vassal légitime pour l’Anjou, le Maine, la Touraine et la Bretagne.
Ce soutien français à Arthur allait conduire à une confrontation directe avec Jean sans Terre, désormais couronné roi d’Angleterre, mais contesté sur ses possessions continentales.
Campagne de 1202
En 1202, Arthur engagea une campagne militaire contre son oncle Jean. Il réunit une coalition de barons poitevins, angevins et bretons, mécontents de l'autorité de Jean, et mit le siège devant la ville fortifiée de Mirebeau (Poitou), où s’était réfugiée Aliénor d’Aquitaine, mère de Jean et grand-mère d’Arthur.
Cette tentative d’enlèvement de la vieille reine, âgée d’environ 80 ans, précipita la réaction de Jean sans Terre. Ce dernier, en possession de renseignements précis, marcha rapidement vers Mirebeau à la tête d’une armée, dans une manœuvre audacieuse et inattendue.
La prise de Mirebeau et la capture d’Arthur
Le 31 juillet 1202, Jean sans Terre lança une attaque-surprise contre le camp ennemi à Mirebeau. L’effet de surprise fut total : les troupes d’Arthur, mal préparées, furent aisément dispersées ou capturées.
Arthur fut fait prisonnier, ainsi que plusieurs de ses principaux partisans, dont Hugues de Lusignan et Geoffroy de Mauleon. La capture fut un coup d’éclat militaire pour Jean, qui recouvrait une partie de son autorité sur l’Anjou et le Poitou.
Les prisonniers furent envoyés dans différentes forteresses normandes. Arthur fut conduit dans la forteresse de Falaise, avant d’être transféré à Rouen. Il est alors âgé de seulement 15 ans.
Captivité et disparition
Le sort d’Arthur après sa capture reste un point d’ombre dans l’histoire. Plusieurs chroniques contemporaines rapportent des versions divergentes :
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Selon Ralph de Coggeshall, chroniqueur anglais, Jean aurait tenté de corrompre les geôliers d’Arthur afin qu’ils l’assassinent ; ces derniers auraient refusé, et Jean l’aurait alors tué lui-même dans un accès de rage.
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Guillaume le Breton, dans sa Philippide, rapporte que le corps d’Arthur aurait été jeté dans la Seine, après sa mise à mort dans le château de Rouen.
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Une tradition bretonne évoque un meurtre dans la nuit du 3 avril 1203, mais la date exacte reste incertaine.
Aucune trace du corps ne fut retrouvée, ce qui alimente jusqu’à aujourd’hui les spéculations autour de son sort. Le silence officiel sur sa mort jeta un discrédit durable sur Jean sans Terre.
Conséquences politiques
La disparition d’Arthur provoqua une onde de choc dans les fiefs continentaux des Plantagenêt :
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Les barons bretons et angevins, indignés, se révoltèrent contre Jean.
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De nombreux anciens partisans d’Arthur rejoignirent Philippe Auguste, qui lança une offensive contre la Normandie dès 1203.
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En 1204, Philippe Auguste s’empara de Château-Gaillard, de Rouen, puis de l’ensemble de la Normandie, qui fut définitivement annexée au domaine royal capétien.
La perte de la Normandie marqua un tournant stratégique majeur dans l’effondrement de l’empire Plantagenêt en France.
Postérité
Arthur Ier de Bretagne est souvent considéré comme une victime tragique des rivalités dynastiques des Plantagenêt. Son destin inspira plusieurs œuvres littéraires et historiques, notamment dans les Chroniques de Jean de Joinville et dans la tradition romantique bretonne.
La mémoire d’Arthur fut longtemps honorée en Bretagne comme celle d’un duc légitime et martyr, tandis que Jean sans Terre fut durablement entaché par cette affaire, ce qui contribua à son impopularité et à la révolte des barons anglais quelques années plus tard (la crise de la Magna Carta en 1215).
Sources historiques et bibliographie
📚 Sources primaires médiévales
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Ralph de Coggeshall, Chronicon Anglicanum (v. 1200-1224)
➤ Moine cistercien anglais, chroniqueur contemporain. Il fournit l’un des récits les plus détaillés sur la capture et la disparition d’Arthur, bien qu’empreint de parti pris. -
Guillaume le Breton, Philippide
➤ Poète et chroniqueur à la cour de Philippe Auguste. Il décrit la politique française de conquête des fiefs Plantagenêt et mentionne la mort d’Arthur de façon allégorique et politique. -
Roger de Wendover, Flores Historiarum
➤ Moine bénédictin anglais. Bien qu’écrivant après les faits, il relaie des traditions sur l’emprisonnement et la mort d’Arthur. -
Giraud de Barri (Giraldus Cambrensis), De Instructione Principis
➤ Bien qu’il n’évoque pas directement Arthur, son œuvre permet de comprendre la perception politique des Plantagenêt dans leur temps.
📘 Ouvrages modernes de référence
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Jean Flori, Richard Cœur de Lion (Perrin, 1999)
➤ Biographie complète de Richard Ier. L'ouvrage permet de replacer Arthur dans le contexte de la succession Plantagenêt. -
John Gillingham, The Angevin Empire (Edward Arnold, 1984)
➤ Une référence anglo-saxonne majeure sur l’empire Plantagenêt, très utile pour comprendre la rivalité Jean/Arthur et l’enjeu politique de la Normandie. -
Georges Minois, La Bretagne et ses ducs (Perrin, 2001)
➤ L’un des meilleurs ouvrages francophones sur les ducs de Bretagne. Arthur y est abordé comme symbole de la résistance bretonne face à l’autorité anglaise. -
Jim Bradbury, Philip Augustus: King of France 1180–1223 (Longman, 1998)
➤ Biographie rigoureuse de Philippe Auguste, essentielle pour comprendre les choix diplomatiques et militaires du roi face à la crise angevine. -
Jean-François Lemarignier, Le gouvernement royal au début du XIIIe siècle (PUF, 1961)
➤ Étude sur l'affirmation du pouvoir capétien, avec des éléments sur la politique d’annexion de Philippe Auguste.
🏰 Articles et contributions scientifiques
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Daniel Power, The Death of Arthur of Brittany (Historical Research, 2001)
➤ Article universitaire analysant les différentes hypothèses sur la mort d’Arthur, avec un regard critique sur les sources contemporaines. -
Martin Aurell, « Le meurtre d'Arthur de Bretagne : crime ou stratégie politique ? », in Revue historique, n° 660, 2011.
➤ Analyse contextualisée du meurtre d’Arthur, confrontant les versions des chroniqueurs et les enjeux diplomatiques.
📎 Sources complémentaires en ligne
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The Foundation for Medieval Genealogy – Arthur I of Brittany
➤ Base généalogique sérieuse avec repères sur la maison Plantagenêt. -
Gallica – Bibliothèque nationale de France
➤ Manuscrits numérisés, notamment de Guillaume le Breton ou de Roger de Wendover.