Histoire du Château et de la ville de Falaise en 1000 ans d'histoire

 

Ville de Falaise, Enceinte, revière Ante

 
Informations
  • Adresse : Château Guillaume-le-Conquérant - Place Guillaume le Conquérant - 14700 Falaise
  • Google Maps : Carte
  • Téléphone Ecole :  02 31 41 61 44

 

 

 
 
 

Le château dans la ville : 1000 ans d'histoire


Les Origines du site



Le site de Falaise, qui s’appuie sur un massif schisteux, est occupé par l’homme depuis au moins le Mésolithique (vers 7 000 av. J.-C.), mais c’est à partir du Néolithique (vers 5000 av. J.-C.) que l’occupation humaine se densifie. L’homme commence à défricher et cultiver les terres, à partir de groupements villageois. Durant l’Age du Fer (vers 600-50 av. J.-C.), il crée des exploitations agricoles et développe des sites fortifiés en hauteur.


Autour de la ville, il existe de nombreuses traces d’occupation de la période gallo-romaine (de – 30 avant JC à 400 après JC) ; plus particulièrement, les vestiges de la Villa Vaston, au nord-est de la ville et ceux d’un sanctuaire gallo-romain sous l’église de Guibray (qui est aujourd’hui un quartier de Falaise, mais qui fut longtemps un village autonome).
Dans l’enceinte du château, on a récemment découvert des céramiques gallo-romaines des 1er et 2e siècles après JC qui attestent que le rocher fut occupé, mais sous une forme qui demeure encore inconnue. A partir du 5e siècle, comme dans tout l’Ouest de l’Europe, la fin de l’Empire Romain inaugure de nouvelles formes d’habitat, plus diffuses, dont les témoins principaux sont des exploitations agricoles, de petits groupements humains et surtout des nécropoles dites mérovingiennes.


Il y a peu de traces archéologiques mérovingiennes à Falaise, à part les vestiges d’une sépulture qui remplace le sanctuaire gallo-romain de Guibray.


En 751, les Carolingiens succèdent aux Mérovingiens : les nouveaux maîtres de la Neustrie s’appuient sur la hiérarchie cléricale et l’autorité comtale en place. Les comtes gèrent de vastes territoires calqués sur les « pagi » romains.


Suit une longue période de paix, qui favorise le commerce à travers l’Europe, la construction de nombreuses abbayes et celle de châteaux urbains.
Les premiers raids vikings ont lieu à la fin du 8e siècle ; ils se multiplient et provoquent la construction de places fortifiées, le long des rivières, à la croisée des routes, et souvent sur des sites naturellement bien défendus. L’éperon rocheux sur lequel s’appuie le château réunit de bonnes conditions de défense : il surplombe les vallées de deux rivières - l’Ante et le Marescot- qui forment une sorte de douve naturelle. Il ne subsiste pas de traces tangibles d’une fortification carolingienne à l’emplacement actuel du château. Mais d’illustres historiens, notamment Michel de Bouärd, pensent qu’elle a existé.

Ce qui est sûr, c’est que la paroisse Sainte-Trinité est créée vers 840 et que ce fait atteste qu’il existe déjà à l’époque une population assez importante, installée à proximité de l’éperon rocheux, sans doute implantée là pour bénéficier de la protection d’un lieu défensif, fortifié.
La nouvelle paroisse est également protégée par une enceinte urbaine, sans doute une simple palissade de bois.
 



10e et 11e siècles :  Le château sous les premiers Ducs de Normandie

William the Conquéror

  Guillaume le Conquérant selon une vue du XIXe siècle



Au début du dixième siècle, Rollon, chef de bande viking, devient chrétien et obtient du roi de France Charles le Simple un large territoire au nord de la Seine. Très rapidement, le domaine viking s’agrandit jusqu’aux confins du Cotentin et de l’Avranchin. Falaise, au cœur de ce territoire, devient l’une des premières cités de Normandie. 911 marque la naissance de la Normandie : de Rollon à Jean sans Terre (duc jusqu’en 1204), les ducs vont régner dans notre région, puis en Angleterre ; par le jeu des mariages et des alliances, ils finirent par posséder un territoire immense.


Dans ce nouveau paysage politique, la ville et le château de Falaise vont sensiblement se développer et se transformer. Robert de Torigny, chroniqueur du 12e siècle, s’appuie sur d’anciens écrits pour évoquer les tours et les murs construits à Falaise par le troisième duc, Richard Ier, en 960. Les fouilles conduites ces cinquante dernières années confirment que le site du château est occupé de manière permanente au moins depuis le 10e siècle.


Vers l’an mil, la forteresse ducale est devenue particulièrement efficace et possède des défenses maçonnées : Guillaume de Jumièges, biographe de Guillaume Le Conquérant et son contemporain, en témoigne. Il nous apprend que Robert le Magnifique, père de Guillaume, se réfugie dans son château de Falaise lors d’un conflit avec son frère, le duc Richard III.


Celui-ci doit utiliser “ la mine et le bélier ” pour déloger Robert et ses troupes. Preuve de la résistance des matériaux !
Dans la Normandie du 11e siècle, les constructions en pierre restent l’exception : elles témoignent de l’opulence des occupants et de l’importance militaire et stratégique accordée au site.


À cette époque, la ville compte sans doute 3 ou 4000 habitants. Elle est prospère.
Aux constructions en pierre, s’ajoutent d’autres bâtiments, plus précaires, de bois et de terre. Le château est protégé par une solide enceinte. Il dispose des structures nécessaires à la vie quotidienne : écuries, logements, boulangerie, puits et forge. À la pointe se trouvait un bâtiment (peut-être une tour-maîtresse) dont la base au moins était maçonnée. Cette fortification déjà majestueuse protège un vaste territoire. Elle est la propriété des nouveaux maîtres du pays et le lieu de naissance du plus célèbre d’entre eux, Guillaume le Conquérant, en 1027.

 

 

Fontaine Arlette

Selon la légende, Robert le Magnifique aurait rencontré Arlette, habitante de Falaise à cette fontaine ( en bas avec les deux tourelles )


La naissance de Guillaume a donné lieu à nombre de belles histoires et à une célèbre légende. Mais les faits attestés tiennent en peu de mots : Robert le Magnifique, sixième duc de Normandie, séduit une jeune habitante de Falaise, Arlette.
De leur union naîtront deux enfants, Adélaïde, et un garçon, Guillaume.

En 1035, Robert meurt sur le chemin du retour d’un pèlerinage à Jérusalem ; avant son départ, il a pris soin de réunir ses barons à Fécamp pour faire reconnaître son héritier : la chose est compliquée car il n’a pas épousé Arlette et celle-ci n’est pas noble.

Guillaume n’a que sept ans. Les barons oublient leur serment et contestent la légitimité du jeune duc. Le tuteur que lui a choisi son père est assassiné, la lutte pour la succession de Robert est acharnée et plonge le duché dans le chaos.

Lors de son premier combat, en 1043, le jeune duc (il a alors quinze ans) reprend le château à un vassal félon et est armé chevalier.

On ignore où il passe les quinze premières années de son existence : à Falaise ou ses environs probablement, et peut-être dans le nouveau foyer de sa mère qui a épousé le comte de Comteville. Pendant longtemps, Guillaume dut combattre les prétendants au duché, les «Richardides» (ce terme désigne les descendants issus des concubinages des ducs Richard Ier et Richard II). Il se rend régulièrement en son château de Falaise qu’il entretient.




12e siècle : Les successeurs de Guillaume le Conquérant


Après la Conquête de l’Angleterre en 1066, Guillaume attribue à ses principaux barons de vastes territoires, défendus par des forteresses : du sud au nord de l’Angleterre, des dizaines de châteaux sont consolidés ou sortent de terre ; le plus célèbre d’entre eux est la “ White tower ” à Londres. Comme Rochester, Norwich, Colchester, ou Castle Rising, bâti plus tard, ces places fortes anglaises sont dotées de grands donjons carrés dont l’originalité est d’offrir des espaces résidentiels.
Le dernier fils de Guillaume, Henri Ier “Beauclerc”, naît en Angleterre en 1068. Il succède assez tardivement à ses deux frères : Guillaume Le Roux pour la couronne d’Angleterre en 1100 et l’aîné, Robert dit Courteheuse, pour le duché normand en 1106 ; à cette date, il a 38 ans ; il est riche et puissant.
Naturellement, Henri Beauclerc songe à rénover le vieux château familial.
Pour ce faire, il s’inspire très directement des forteresses anglaises construites sous le règne de son père : il en reproduit le plan carré, avec les quatre tours d’angle, la partition par étage, l’aménagement d’espaces intérieurs voués à la résidence du seigneur et l’accès bien défendu par un escalier menant à l’étage et protégé par un avant-corps.


Le grand donjon de Falaise est une forteresse typiquement anglo-normande. Henri Ier œuvre beaucoup pour la ville, et fait construire de nombreux bâtiments, notamment un hôpital, et la nouvelle église Saint-Gervais. Il fonde l’Abbaye Saint-Jean et confie aux moines la charge d’officier dans la nouvelle chapelle castrale.
Dans la basse-cour du château, l’existence de la chapelle Saint-Nicolas est attestée dès le 12e siècle.

A la mort d’Henri Ier, en 1135, de nouveaux conflits secouent le royaume anglo-normand pendant vingt ans : la fille d’Henri, Mathilde dite “L’Emperesse” est l’héritière du duché de Normandie, mais c’est son second époux, Geoffroy Plantagenêt, qui est duc en titre. Etienne de Blois, neveu d’Henri Beauclerc, est l’héritier mâle le plus proche : il devient donc roi d’Angleterre.

Après plusieurs années de guerre, c’est Henri II Plantagenêt, le fils de Mathilde, qui hérite du titre de duc en 1150 à la mort de son père, Geoffroy, et de celui de roi d’Angleterre à la suite d’Étienne en 1154. Il a épousé Aliénor d’Aquitaine, héritière d’un vaste domaine, en 1152. À partir de 1154, les deux époux possèdent ensemble : en France, la Normandie, l’Anjou, l’Aquitaine, le Limousin et la Bretagne (par le biais du mariage de son fils mineur, Geoffroy) à partir de 1167 ; en Grande Bretagne, l’Angleterre. Henri exerce aussi un étroit contrôle sur le Pays de Galles et l’Écosse.
Jamais le royaume anglo-normand, qu’on appelle aussi l’empire Plantagenêt, n’a été aussi fort. Il va nécessairement susciter la convoitise du roi de France, dont le propre domaine est bien moindre…

A la fin du 12e siècle, le château de Falaise s’agrandit du “Petit Donjon”. Il protège le front ouest de la forteresse et il est aménagé en résidence. C’est une construction élégante et confortable, nantie d’une cheminée et de belles ouvertures.

Henri II, comme tous les grands seigneurs de l’époque, est un roi itinérant qui se déplace très souvent d’un domaine à l’autre. Nous savons qu’Henri, Aliénor et leur cour passent le Noël de l’année 1159 à Falaise. Ces séjours sont bien sûr l’occasion de grandes fêtes et permettent aux souverains de régler les affaires ou les litiges les plus importants.

A la fin du 12e siècle, le roi de France Philippe-Auguste et les ducs-rois anglo-normands s’opposent en de nombreux conflits et à la mort d’Henri II (1189), une guerre éclate entre Richard Cœur de Lion - fils de Henri II - et Philippe-Auguste.
Richard est lui aussi roi et duc, riche et pugnace. Il fait consolider les châteaux construits par Henri Ier, et notamment celui de Falaise. Il est tué en 1199. Son frère Jean sans Terre lui succède.
Jean œuvre beaucoup pour la ville de Falaise, dont il fait notamment consolider les murs d’enceinte. Il améliore aussi les défenses du château. De plus, il accorde aux habitants de larges possibilités commerciales et leur donne le “droit de commune”, qui leur permet d’élire – sous conditions – leur maire.
A cette époque, Falaise compte trois églises – Saint-Gervais, la Sainte-Trinité, et Notre-Dame de Guibray, 200 maisons en bois et 15 en pierre, plusieurs couvents, un hospice et un hôtel-Dieu (qui remplace l’ancien hôpital). La ville est ceinte de solides remparts.
En 1204, Jean Sans Terre est vaincu par Philippe-Auguste et perd son titre de duc de Normandie. La province est rattachée au domaine royal.



XIIIe siècle : La Normandie devient Française



Le troisième des donjons de Falaise (dit « Tour Talbot »), érigé en 1207, est dû au nouveau maître de Normandie, le roi de France Philippe-Auguste. Il consolide de nombreuses forteresses normandes et fait construire des tours de défense cylindriques, plus adaptées aux sièges et qui symbolisent son pouvoir. Construites très rapidement sur un modèle reproductible, elles possèdent plusieurs niveaux, d’étroites ouvertures et dominent le paysage :


Le donjon de Falaise mesure trente-cinq mètres de haut et son diamètre est de quatorze mètres à la base. Il présente les principales caractéristiques des autres tours-maîtresses conçues par les ingénieurs de Philippe-Auguste :


- Plan circulaire supprimant les angles morts.
- Base talutée renforçant l’assise de la tour et rendant la sape très longue et difficile, voire impossible.
- L’épaisseur des murs et le soin apporté à leur appareil lui permettent de mieux résister aux projectiles d’armes de siège.


Ses voûtes de pierre renforcée d’ogives rectangulaires doublent des planchers de bois et donnent ainsi une plus grande rigidité à la tour tout en offrant une meilleure résistance aux incendies.
Dans l’enceinte, Philippe-Auguste aménage un châtelet qui remplace peut-être une ancienne tour-porte à l’entrée de la haute cour ; il flanque les remparts de tours nouvelles, ou transforme celles qui existent. Il est possible que certains de ces aménagements aient été décidés – mais pas achevés – par ses prédécesseurs, Richard Cœur de Lion et Jean Sans Terre, qui ont dépensé beaucoup d’argent pour le château.
Un logis vicomtal est aménagé le long du rempart nord. C’est une demeure noble, en pierre, percée sur le rempart de trois fenêtres à coussièges. Il est composé de deux pièces attenantes.

Philippe-Auguste a besoin d’appuis locaux : il se montre très conciliant avec les Falaisiens, à qui il confirme les avantages acquis précédemment ; il les autorise aussi à pratiquer des prêts à taux d’intérêt exorbitants (jusqu’à 99 pour cent !) sans être poursuivis pour usure. Il reconstruit aussi nombre de bâtiments détruits pendant le siège.

Aux guerres du 12e siècle, succèdent de longues années de paix en France. Le roi d’Angleterre Henry III, fils de Jean Sans Terre, signe le “traité de Paris” en 1259 avec Louis IX (Saint Louis) et renonce ainsi définitivement, comme ses vassaux, aux territoires normands. C’est une époque fertile pour le commerce, les arts et l’architecture.



Fin du Moyen-âge, guerre de Cent-Ans :

 

Le 14e siècle est quant à lui catastrophique : les rois capétiens grèvent lourdement le peuple français ; des famines puis la peste s’abattent sur le royaume. La guerre de Cent Ans débute en 1337.

Avant l’occupation anglaise (1417), il n’est pas sûr que Falaise ait été sévèrement touché par la guerre : les témoignages qui subsistent donnent l’idée d’une réelle prospérité.

Au 14e siècle, les étangs qui bordent les remparts du château au sud sont aménagés en viviers ; on crée des abreuvoirs pour le bétail et les chevaux, ainsi que des moulins à draps et à blé.


Au cœur de l’enceinte, un puits profond alimente la communauté en eau potable. C’est un ouvrage d’importance, abrité par un édifice à pans de bois. Il est au centre d’un complexe résidentiel important, implanté sur le front sud de l’enceinte : des greniers, des appentis, des ateliers de forge, et plusieurs logis.
Ainsi, on cite régulièrement le "logis du capitaine”, nanti d’écuries et d’un fenil. Le bâtiment est en pierre et chauffé ; le sol est dallé, la chambre dotée de deux verrières, qui attestent du rang élevé de son occupant.

Le “logis de Barou” et celui du bailli sont élevés dans la même zone de l’enceinte.

Ces bâtiments ont aujourd’hui disparu : l’étude des documents d’archives permet de les imaginer ; mais leur situation précise ne pourra être donnée qu’après une vaste campagne de fouilles. De plus, les comptes de travaux de l’époque mentionnent quelque fois un même bâtiment sous plusieurs appellations : il est donc très difficile actuellement d’en donner une description et une localisation précise et sûre.


Le logis vicomtal s’agrandit : il abrite le logement privé du vicomte, une salle, une cuisine, un garde-manger, et des espaces réservés à ses fonctions administratives : salle de tenue des plaids, écritoire, comptoir.
Certaines fenêtres sont munies de vitres ; pour les autres, on utilise encore les vantaux de bois et les toiles cirées.
Les communs, bâtis vers l’Est, sont clairement décrits : des étables (écuries ?), un fenil, et au sous-sol, de solides caves voûtées. Le logis est agrémenté d’un jardin et il est relié par un chemin pavé à la chapelle Saint-Nicolas.
Il communique directement avec la Tour de l’Échiquier, pôle de surveillance et de défense du châtelet d’entrée.
L’occupation anglaise en Normandie, qui débute en 1417, relance un lourd programme de restaurations et d’aménagements militaires dans l’enceinte, ainsi que la construction de salles attribuées aux nouveaux administrateurs de la ville et de la vicomté.


Quinze tours de flanquement protègent les remparts du château, et certaines ont une vocation bien particulière. On aménage des ouvertures adaptées à l’emploi des armes à feu, des canonnières.


En même temps, on assiste à un glissement progressif des pôles d’occupation dans l’enceinte : tandis que l’habitat se développe dans la basse-cour, les donjons anglo-normands sont progressivement abandonnés et oubliés.


Au 15e siècle, ils ont une vocation strictement militaire : ils sont occupés par l’armée anglaise, qui les réaménage : percement de canonnières dans le petit donjon, percement de larges baies et transformations des parties hautes de la tour Philippe-Auguste…
Globalement, on peut dire que l’occupation anglaise est perçue comme assez juste ; après le siège de 1417, Henry V, roi d’Angleterre, restaure le château avec les biens confisqués du gouverneur français banni, Olivier de Mauny ; des impôts sont levés chez les bourgeois, ainsi qu’à Bayeux et Evreux, pour relever la ville. Il redonne aussi aux Falaisiens le fameux « droit de Commune » concédé par Jean Sans Terre et que Charles VI leur avait enlevé.


En 1500, le revenu de Falaise est estimé à la moitié de celui de Caen. Le 16e siècle est durement marqué par les guerres de religion et le déclin des établissements religieux. Entre 1562 et 1589, la ville est successivement aux mains des armées royales – catholiques – et des protestants, conduits par Gabriel de Montgomery. Le couronnement d’Henri IV, roi de France et protestant, va provoquer de sérieux conflits en Normandie, où l’influence des « ligueurs » - catholiques et conservateurs – est importante. La ville de Falaise, particulièrement hostile au nouveau roi, subit donc un siège sévère conduit par le monarque lui-même.


En janvier 1590, les armées royales détruisent le rempart Ouest de l’enceinte castrale « par 400 coups de canon » et pénètrent dans le château : les défenses - vieux murs et marécages – n’ont aucune efficacité devant les tirs d’une artillerie moderne.
Quelques jours après, le gouverneur de Falaise se rend ; en même temps que le rôle militaire du château disparaît, la fonction de gouverneur devient honorifique. Le titre même est supprimé en 1777.


En 1593, il ne reste plus que 60 militaires au château. Le déclin amorcé se confirme, les bâtiments se dégradent : en 1613, le lieutenant du gouverneur se plaint du mauvais état des « maisons » du château, les casernes. Des travaux d’urgence sont programmés.
17e, 18e, et 19e siècles :


Ce sont ceux de la prospérité retrouvée des institutions religieuses, et d’un développement général de l’économie de la ville, qui vit des industries textiles. D’autres activités sont également lucratives : les foires, particulièrement celle de Guibray ; le cheval ; le commerce, alimenté notamment par la présence, au 18e siècle, des troupes royales qui font étape.


De beaux hôtels particuliers sont construits, ainsi que l’actuel hôtel de ville en 1777...
Les portes de l’enceinte urbaine, symboles des défenses médiévales, sont rasées pour la plupart afin de faciliter le trafic. On perce de nouvelles routes ; on aménage de nouveaux espaces urbains.

Révolution Française


Avant la Révolution Française, Falaise compte 15000 habitants. Le château est occupé par des militaires ; jusqu’en 1777, le « logis vicomtal », devenu « logis du Gouverneur » pendant la Guerre de Cent Ans, est habité de manière quasi-continue par la dynastie d’Aubigny, les Morell, qui assurent successivement ou en même temps les fonctions de gouverneur et de vicomte (fonctions essentiellement honorifiques qui disparaissent à la fin du 18e siècle).
Au 18e siècle, on procède à d’importants travaux : si les deux tours du châtelet et les courtines de la haute cour qui longent le fossé apparaissent encore en 1749, ils ont complètement disparus en 1788. Les fossés séparant la basse et la haute cour sont progressivement comblés et on construit un bâtiment sur l’emplacement de l’ancien pont de franchissement, en avant du châtelet. Puis l’ensemble des fossés est aménagé en vergers ; délabrée, la nef de la chapelle castrale est rasée en 1772. Les toitures des donjons, sans doute encore en place au début du siècle, s’effondrent et disparaissent, mettant en péril les planchers intérieurs et le haut des murs. Les donjons sont d’ailleurs dans un tel état de délabrement qu’il est décidé de les faire raser : mais le coût des travaux est si élevé qu’on y renonce.


En 1790, on destine le château à des fonctions administratives – notamment une gendarmerie - et on élève des arcades néo-classiques dans le vestibule du logis (entrée actuelle du bâtiment d’accueil).
On prévoit de réutiliser les donjons ruinés pour en faire une maison d’arrêt : le plan général de 1792, dessiné par un ingénieur des Ponts-et-Chaussées, détaille le projet :
« Tour Talbot destinée à former de nouvelles prisons ; cours en avant de ladite tour destinées à faire prendre l’air aux prisonniers ; emplacement où l’on propose de construire un emplacement pour le geôlier, avec une salle pour le jury et quelques pièces pour les malades. Dessus d’une tour dans laquelle on pourra placer un corps de garde ».


Le logis vicomtal serait destiné aux bureaux, la chapelle aux assemblées, les communs et les écuries à la gendarmerie.
Ce projet ne convient pas aux élus falaisiens, qui souhaitent utiliser le site pour créer un collège. Ils obtiennent satisfaction, et les travaux commencent en 1803. Les classes et l’internat sont élevés sur les fondations du logis vicomtal, qui est presque entièrement détruit pour l’occasion : de l’espace résidentiel, on ne conservera que les fenêtres à coussièges du 13e siècle, encore visibles aujourd’hui dans le bâtiment d’accueil. La Tour de l’Echiquier est préservée mais séparée du bâtiment et largement percée à l’ouest. Les arcades et le vestibule sont conservés. Mais les bâtiments à leur droite, écuries et communs, sont totalement rasés. De nouveaux percements rectangulaires sont percés dans le rempart, quatrième mur du bâtiment. Des pièces anciennes, il ne subsiste qu’une petite cave voûtée.


L’aménagement du collège – et les agrandissements réalisés pendant tout le 19e siècle – sonnent le glas définitif pour les donjons. Après l’abandon du projet d’aménagement d’une prison, à quoi peuvent servir ces vieilles pierres ?
Ce ne sera qu’en 1840, dans l’esprit d’une reconnaissance générale des monuments anciens – et par la volonté du premier ministre « des Beaux Arts », Prosper Mérimée, que l’on classe le château.
Suivent alors plusieurs décennies de travaux, chaotiques, difficiles, mais qui sauveront au moins les murs porteurs des donjons anglo-normands. C’est Ruprich-Robert, architecte nommé par Viollet-le-Duc, qui sera en charge des travaux, de 1860 à … 1912 !


Pendant cette période politiquement troublée, où les décideurs se succèdent rapidement, il devra déployer une extraordinaire énergie pour réaliser une petite partie seulement de son projet.



Le château aujourd'hui

 

Donjon de Falaise, entrée en Béton


Jusqu’à la fin de la dernière guerre, les bâtiments – collège et donjons – ne subissent pas de transformations remarquables. Lors des bombardements alliés de 1944, le collège est largement détruit, ainsi que le chœur de la chapelle castrale.

 


En 1950, l’architecte chargé de la reconstruction sollicite un archéologue amateur mais éclairé, le docteur Doranlo. Celui-ci met à jour les traces de l’avant-corps du 12e siècle qui protège l’accès au grand donjon. Mais il faudra attendre 1985 pour qu’émerge un vaste projet de restauration générale des donjons et des remparts. Largement entamée à ce jour, avec la restauration des donjons et celle de la haute cour, cette campagne s’achèvera dans quelques années par la restauration des remparts de l’enceinte.


Résidence ducale, résidence royale, symbole du pouvoir politique central pendant de longs siècles, le château a subi ensuite une longue descente vers l’oubli. Aujourd’hui, il renaît pour le plaisir et la mémoire des visiteurs.

 

 

 


Historique : du Néolithique au 21e siècle, les étapes importantes de la vie du château.
Auteurs : Service Château.
Sources : Isabelle Chave, archiviste-paléographe : rapports documentaires
Paul German « Histoire de Falaise » éd. Charles Corlet
Rapports de fouilles : François Fichet de Clairefontaine, François Delahaye,
Pascal Couanon, Anne-Marie Flambart-Hericher
Service Inventaire de la D.R.A.C Basse-Normandie : « Images du Patrimoine. Falaise »
Service pédagogique - janvier 2007 -


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