Sir John Fastolf, né le 6 novembre 1380 et décédé le 5 novembre 1459, était un soldat, propriétaire terrien et chevalier anglais qui a combattu lors de la guerre de Cent Ans. Bien qu'il soit surtout connu pour avoir inspiré le personnage de Sir John Falstaff dans les œuvres de Shakespeare, de nombreux historiens estiment qu'il mérite d'être reconnu à sa juste valeur pour ses accomplissements en tant que soldat, mécène de la littérature et peut-être même en tant qu'industriel précoce. Néanmoins sa réputation fut largement entachée à la bataille de Patay où il avait filé à l'anglaise.

John Fastolf

Portrait initialement imaginaire d'une gravure du XXe siècle ou XIXe siècle que j'ai retravaillé avec l'aide de IA pour le visage.

La réputation de Fastolf en tant que soldat réputé du XVe siècle a été ternie par cette représentation de Shakespeare, comme en témoigne une lettre écrite près de 60 ans après la mort de Shakespeare. Les archives des Archives nationales anglaises montrent que Fastolf a eu une carrière militaire impressionnante en Irlande et en France, remettant en question l'image du bouffon de Shakespeare. Fastolf a été fait chevalier pour ses services remarquables sur le champ de bataille et a acquis des terres dans les territoires nouvellement conquis en France. Il a également commandé la garnison de la Bastille Saint-Antoine à Paris et s'est distingué lors de la bataille de Verneuil. Cependant, il a été accusé de lâcheté lors de la bataille de Patay et a été déchu de sa position de chevalier de l'ordre de la Jarretière. Il a fallu 13 ans à Fastolf pour laver son nom. Bien qu'il ait continué à servir loyalement la couronne anglaise, sa réputation a été entachée et il a même été blâmé pour les revers militaires anglais en France. Après sa retraite de la marine en France, Fastolf est retourné en Angleterre et a été impliqué dans de nombreux procès pour protéger sa propriété en Est-Anglie. La célèbre phrase de Falstaff dans Henri IV partie 1 - « La meilleure partie de la vaillance est la discrétion » - est aujourd'hui célébrée comme un idiome de la sagesse conventionnelle plutôt que comme une expression de lâcheté, rendant ainsi hommage à la prudence militaire de Fastolf.

 

**Chapitre 2 : Lignée et famille**

 

Issu d'une famille de la petite noblesse du Norfolk, John Fastolf est né au manoir de Caister Hall, une propriété familiale qu'il a par la suite transformée en Château de Caister, dont il ne reste aujourd'hui que peu de vestiges, hormis les douves entourées d'eau. Fils de Sir John Fastolf (décédé en 1383) et de Mary Park (décédée le 2 mai 1406), il appartenait à une ancienne famille du Norfolk établie à Great Yarmouth depuis le XIIIe siècle. Parmi les membres notables de la famille dans les générations précédentes, on peut citer Thomas Fastolf, évêque de St David's, et son frère, Nicholas Fastolf, Lord Chief Justice d'Irlande. De nombreux membres de la famille avaient été baillis de Great Yarmouth depuis l'époque d'Édouard Ier, et un certain Hugh Fastolf avait été shérif du Norfolk en 1390.

Le 13 janvier 1409, en Irlande, Fastolf épousa Millicent Tibetot ou Tiptoft (1368-1446), fille et cohéritière de Robert, Lord Tiptoft, et veuve de Sir Stephen Scrope (fils de Richard, Lord Scrope). Ce mariage lui apporta de nombreuses terres, dont les manoirs de Castle Combe et Bathampton dans le Wiltshire, Oxenton dans le Gloucestershire, et plusieurs propriétés dans le Somerset et le Yorkshire. Ces terres lui procuraient un revenu annuel de 240 £, soit cinq fois plus que ce qu'il tirait de ses propres domaines. Il accorda à sa femme une rente annuelle de 100 £ pour son usage personnel, mais conserva le contrôle de ses biens jusqu'à sa mort, au détriment de son beau-fils, Stephen Scrope. Le couple n'eut pas d'enfants.

 

**Chapitre 3 : Jeunesse et éducation**

Selon le biographe de Fastolf, Stephen Cooper, il est probable que ce dernier ait reçu une éducation adaptée à son rang et à l'époque. Dans un témoignage rendu en France en 1435, il affirma avoir visité Jérusalem en tant qu'enfant, entre 1392 et 1393, probablement en compagnie d'Henry Bolingbroke, qui deviendra plus tard le roi Henri IV. Fastolf aurait également été écuyer de Thomas Mowbray, duc de Norfolk, avant que ce dernier ne soit banni en 1398.

Les agissements de Fastolf lors du coup d'État lancastrien de 1399, au cours duquel Henri IV s'empara de la couronne au détriment de Richard II, sont inconnus. Toutefois, en 1401, il intégra la suite de Thomas de Lancastre (futur duc de Clarence), fils cadet d'Henri IV, et demeura à son service jusqu'en 1415. Thomas fut envoyé par son père en Irlande afin d'y maintenir l'ordre, et c'est là-bas que Fastolf connut ses premières expériences militaires. Son commandant était alors Sir Stephen Scrope, dont il épousera la veuve en 1408.

 

**Chapitre 4 : Guerre de Cent Ans**

De 1415 à 1439, Fastolf se trouva en France du Nord, où il servit sous les ordres d'Henri V et de son frère, le duc de Bedford. Il participa au siège de Harfleur en 1415, mais fut rapatrié en raison de problèmes de santé et manqua ainsi la bataille d'Azincourt. Il revint néanmoins défendre Harfleur contre la tentative française de le reconquérir durant l'hiver 1415-1416.

Il fut nommé Maître d'hôtel de Bedford et gouverneur des provinces du Maine et d'Anjou. Le 25 février 1426, il fut élevé au rang de Chevalier Compagnon de l'Ordre de la Jarretière. Plus tard dans l'année, il fut remplacé dans son commandement par John Talbot et devint une figure quelque peu controversée après le siège d'Orléans.

 

En 1421, lors de l'occupation anglaise de Paris, il devint "gouverneur" (ou plutôt, le gardien) de la Bastille, probablement pour une durée d'un an.

Après un voyage en Angleterre en 1428, il reprit part à la guerre et le 12 février 1429, alors qu'il était en charge du convoi de l'armée anglaise devant Orléans, il défait les Français et les Écossais lors de la bataille des Harengs. Dans sa biographie de Fastolf intitulée "The Real Falstaff" (2010), Stephen Cooper situe cette bataille à Rouvray-Sainte-Croix plutôt qu'à Rouvray-Saint-Denis.

**Chapitre 5 : La lutte contre Jeanne d'Arc**

Lors du siège d'Orléans en 1429, les Français avaient prévu d'abandonner la ville après avoir appris que John Fastolf arrivait avec des renforts pour les assiégeants anglais. Jean de Dunois, surnommé "le Bâtard d'Orléans", décida de ne pas en informer Jeanne d'Arc et de la laisser à l'écart des décisions. Celle-ci répondit alors :

"Bâtard, Bâtard, au nom de Dieu, je te commande de me prévenir dès que tu apprendras la venue de Fastolf. Car si jamais il parvient à nous échapper sans que je le sache, je te jure que je te ferai couper la tête."

Le chef français céda à sa demande et elle réussit à lever le siège.

Jeanne d'Arc poursuivit sa campagne en prenant des villes dans la vallée de la Loire, notamment Jargeau le 12 juin 1429, malgré les tentatives de Fastolf de renforcer les troupes avec des armes à poudre. À la suite de ces défaites inattendues et soudaines, Talbot et Fastolf décidèrent d'affronter les Français lors de la bataille de Patay le 18 juin 1429. Jeanne d'Arc menait cette armée et était présente lors de la bataille, bien que son rôle exact soit sujet à débat.

 

**Chapitre 6 : La bataille de Patay et la réputation de Fastolf**

 

bataille de patay 18 juin 1429

Le Moulin de Lignerolles, la bataille de Patay a eu lieu à quelques centaines de mètres, le convoi de ravitaillement Anglais se situait à cet endroit environ.

Patay fut une cuisante défaite pour les Anglais, avec 200 à 500 hommes capturés et plus de 2000 tués, dont Talbot ( certains chiffres évoquent jusqu'à 4000 tués et capturés anglais ). Fastolf parvint toutefois à s'échapper en filant à l'anglaise.

Selon le chroniqueur français Jehan de Waurin, qui était présent sur place, cette débâcle était due à la témérité de Talbot et Fastolf ne prit la fuite que lorsque toute résistance était vaine. D'autres récits l'accusent toutefois de lâcheté et il fut même suspendu de l'Ordre de la Jarretière par le duc de Bedford, en plus d'être la cible d'accusations de la part de Talbot.

En 1442, une enquête fut ouverte par l'Ordre de la Jarretière, probablement à l'initiative de Fastolf, et il fut finalement réhabilité et réintégré dans l'ordre. Cet épisode fut dépeint de manière défavorable par Shakespeare dans "Henry VI, Part 1" (acte IV, scène I). Malgré cela, il fallut treize ans à Fastolf pour laver son nom et sa réputation resta entachée.

 

**Chapitre 7 : Carrière ultérieure**

Fastolf continua à servir avec honneur en France et bénéficia de la confiance de Bedford et de Richard d'York. Malgré le scandale lié à l'incident de Patay, il occupa plusieurs fonctions militaires, dont les capitaineries d'Honfleur (1424-1434), de Verneuil (1429) et de Caen (1430-1437).

En 1435, il rédigea un document proposant une nouvelle approche stratégique pour la guerre en France, dans lequel il critique la politique actuelle basée sur les sièges et propose à la place une stratégie offensive fondée sur de grandes chevauchées. Ce document constitue un rare exemple de réflexion stratégique militaire par un soldat professionnel du Moyen Âge.

Il ne rentra définitivement en Angleterre qu'en 1440, alors qu'il avait dépassé la soixantaine. Toutefois, les accusations à son encontre persistèrent et lors de la rébellion de Cade en 1450, il fut mis en cause pour avoir été responsable des désastres anglais en "réduisant les garnisons de Normandie".

 

**Chapitre 8 : Propriétés, investissements et inventaire**

À l'instar d'autres soldats anglais, Fastolf profita des guerres en France en acquérant des terres dans les territoires conquis. Il reçut ainsi Frileuse près d'Harfleur de la part d'Henri V et constitua un important portefeuille immobilier en Normandie, comprenant quatre manoirs dans le Pays de Caux d'une valeur de 200 £ par an. Plus tard, il devint le baron de Sillé-le-Guillaume et donc membre de la noblesse locale, un rang qu'il n'atteignit jamais en Angleterre. Cependant, l'instabilité de la domination anglaise lui coûta cher en termes de revenus perdus. Ses manoirs du Pays de Caux ne rapportaient plus que 8 £ après la révolte normande de 1435. Il commença à vendre ses propriétés dans les années 1430, mais en 1445, il possédait encore des biens en France d'une valeur de 401 £, incluant 10 châteaux, 15 manoirs et une auberge. Tout cela fut perdu lors de la reconquête française.

Un inventaire détaillé de ses biens personnels fut réalisé après sa mort. Il comprenait de l'argenterie, des équipements pour sa chapelle, des vêtements et des tapisseries dans sa garde-robe à Caister, son armure et le mobilier de plusieurs pièces de Caister.

 

**Chapitre 9 : Réputation mitigée**

Dans les années 1950, l'universitaire K. B. McFarlane démontra que Fastolf avait amassé d'importantes sommes d'argent en France, qu'il avait réussi à transférer en Angleterre et à investir dans des terres et des propriétés. À l'époque, sa réputation était partagée. Un de ses serviteurs écrivit à son sujet : "il a toujours été cruel et vindicatif, et la plupart du temps sans pitié ni miséricorde" (Lettres de Paston, i. 389) ; et cette remarque est restée célèbre car elle a été consignée dans une lettre. En plus de sa part dans les biens de sa femme, il possédait de vastes domaines dans le Norfolk et le Suffolk, une maison à Southwark à Londres, où il possédait également la taverne de la Tête de Sanglier. Le site de sa maison à Southwark, connu sous le nom de Fastolf Place ou Palace, a été fouillé dans les années 1990, mais seuls quelques fragments de revêtement ont été découverts.

À partir de 1435, et surtout pendant sa retraite, il rédigea de nombreux mémorandums sur la stratégie et la politique à adopter concernant la guerre en France, qu'il adressa au gouvernement en place. Ces documents ont été conservés par son secrétaire, William Worcester, et publiés par le révérend Joseph Stevenson au XIXe siècle. Il se trouvait également au centre d'un cercle littéraire important, qui produisit des manuscrits en français et en anglais pour lui.

Ses dernières années furent assombries par des litiges et des conflits concernant ses domaines dans l'Est de l'Angleterre, dans lesquels il fut aidé par John Paston, dont il était parent par l'intermédiaire de sa femme, Margaret, et Sir William Yelverton. Il fut également impliqué dans les luttes de factions à la cour, qui aboutirent finalement aux guerres des Deux-Roses. Bien qu'il ait été porté à sympathiser avec Richard, duc d'York, qu'il avait connu et servi en France, il serait exagéré de dire qu'il devint un partisan "yorkiste".

Il était veuf depuis une décennie et vivait à Southwark et à Caister. Il n'avait pas d'héritier et semblait être une figure quelque peu solitaire. Il fit plusieurs tentatives pour rédiger un testament, dans lesquelles il prévoyait de fonder un collège à Caister Castle, mais il ne formalisa jamais ses intentions et mourut donc intestat.

 

**Chapitre 10 : Décès et inhumation**

Il décéda à Caister le 5 novembre 1459. Il fut inhumé aux côtés de sa femme Millicent dans l'Abbaye de St Benet, dans une chapelle spécialement construite à ses frais sur le côté sud de l'église abbatiale, dont il avait été un généreux bienfaiteur. Durant la dernière décennie de sa vie, il fut un proche allié et ami de John Paston, qui devint célèbre grâce aux lettres de Paston, une collection de plus de 1000 correspondances entre les membres de la famille Paston. Le testament de lit de mort de Fastolf, dans lequel il nommait John Paston comme son exécuteur testamentaire et héritier, entraîna de nombreuses années de litiges. Les ruines de l'Abbaye de St Benet peuvent encore être visitées, ainsi que celles du Château de Caister. Le château ne devint jamais un collège, comme Fastolf l'avait souhaité, mais il passa aux mains de la famille Paston. La majeure partie de la fortune de Sir John fut léguée au Magdalen College d'Oxford, où il est commémoré en tant que bienfaiteur, et où existe une société Fastolf.

 

**Chapitre 11 : Représentations culturelles**

Fastolf apparaît dans la pièce de Shakespeare "Henry VI, Part 1" en tant que chevalier lâche qui abandonne le héïque Lord Talbot. Dans les deux premiers folios, le nom du personnage est orthographié "Falstaffe" et non "Fastolf". Lorsque Shakespeare écrivit "Henry IV, Part 1", qui se déroule au début de la carrière de Fastolf, il créa un compagnon de débauche pour le jeune prince Hal, nommé Sir John Oldcastle. Les descendants du véritable Oldcastle se plaignirent et le nom fut donc changé en Sir John Falstaff, sous lequel il est identifié dans trois pièces ultérieures.

La tradition de la lâcheté de Fastolf a peut-être suggéré l'utilisation de son nom pour le personnage de Falstaff. Certains auteurs ont également avancé que Fastolf aurait favorisé le lollardisme, qui était également associé à Oldcastle, ce qui aurait facilité l'adoption du nom. Cependant, Stephen Cooper estime qu'il n'existe aucune preuve que Fastolf ait été lollard et des indications suggèrent qu'il était en fait catholique, comme son ancien maître, Henri V.

D'autres points de ressemblance entre le Fastolf historique et le Falstaff de Shakespeare se trouvent dans leur service sous Thomas Mowbray et leur association avec une taverne de la Tête de Sanglier. Cependant, Falstaff n'est pas une véritable représentation du soldat réel et est plutôt un mélange de quelques personnages réels avec une dose de créativité. En effet, le Falstaff âgé meurt au début du règne d'Henri V, alors que Fastolf était à mi-parcours de sa carrière.

 

**Chapitre 12 : Autres représentations**

Fastolf apparaît en tant que personnage dans le jeu vidéo de Koei intitulé "Bladestorm: The Hundred Years' War", où il est dépeint comme un contributeur à la cause de l'Angleterre, maniant une épée longue comme arme principale.

Il est également le sujet d'un roman de Robert Nye, intitulé "Falstaff" (éditeur : Allison & Busby ; nouvelle édition du 1er octobre 2001).

Fastolf est aussi un adversaire dans le jeu vidéo "Age of Empires II: The Age of Kings" d'Ensemble Studios, dans la campagne de Jeanne d'Arc. Il combat du côté de l'Angleterre et son unité est un chevalier portant une lance.

 

Quelques sources et liens :

http://www.normanconnections.com/fr/characters/famous-characters/john-fastolf-falstaff/

https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Fastolf

https://blog.nationalarchives.gov.uk/sir-john-fastolf-falstaff-soldier-behind-shakespeares-myth/