La prise de Saint-Pierre le Moutier


 

Tour Aligros

 
 
La tour Aligros, tour de l'enceinte médiévale de Saint-Pierre-le-Moutier, il y en avait six et la ville comptait trois portes d'entrée.
 
La ville de Saint-Pierre le Moutier fut libérée d'un routier poitevin dénommé Perrinet Gressard, au service du duc de Bourgogne et plus tard du duc de Bedford, par Jeanne d'Arc et Charles II d'Albret probablement le 4 novembre 1429 après un siège d'une huitaine de jours.

C'est l'une des dernières victoires de Jeanne d'Arc, et non la dernière comme il est écrit un peu partout, c'est Vaires sur Marne, qui est la dernière victoire de Jeanne d'Arc, la capture de Franquet d'Arras. D'autant que selon Perceval de Cagny, trois ou quatre places furent prises juste avant le siège des Remparts de la Charité sur Loire en comptant probablement Saint-Pierre le Moutier.

Le curé du village de Saint-Pierre-le-Moutier au XXe siècle appela cette victoire comme la « Victoire Angélique », car elle aurait été aidée par des anges, néanmoins je n'ai trouvé à l'heure actuelle aucun texte d'époque, procès de condamnation ou de réhabilitation et chroniqueurs, disant que Jeanne avait parlé aux anges lors de la prise de la ville. 

 

Historique
source : source sur place, documentation diverses, Jeanne d'Arc Histoire et Dictionnaire, procès de Réhabilitation, Notes archéologique sur le Bas-Berry, Chronique Perceval de Cagny

 

Après le sacre de Charles VII dans la cathédrale de Reims et le retour de Paris, après l'échec de la prise de la ville devant la porte Saint-Honoré, l'armée du roi est dissoute au Château de Gien  le 21 septembre 1429.

Cette dissolution, temporaire mais nécessaire pour les finances du roi, ne veut pas dire l'arrêt des hostilités malgré la relative trêve avec le duc de Bourgogne.

En décembre 1423, un certain Perrinet Gressard, alors à l'époque au service du duc de Bourgogne, prend par surprise la forteresse de la Charité sur Loire, qui nous le verront va donner du fil à retorde à Charles VII.

1425, Georges de la Trémoille qui se rend à Dijon, avec sauf-conduit du duc de Bourgogne, est capturé le 30 décembre par Perrinet Gressard, il n'est libéré qu'après une forte rançon.  On comprend aisément qu'il prend des libertés face au duc de Bourgogne.

1428, Saint-Pierre le Moutier  est pris et c'est l'un des compagnons d'armes de Perrinet Gressard, François de Surienne, qui en devient le bailli au service d'Henry VI. Alors que Perrinet Gressard était au service du duc de Bourgogne, sans que ce dernier ne soit totalement acquis à ce « routier », les deux compagnons Perrinet et Surienne viennent à se mettre au service du duc de Bedford alors régent du royaume de France occupée. Il s'agit ni plus ni moins d'opportunité politique habile  choisie par Perrinet Gressard.

La Charité sur Loire devient donc le centre névralgique de Perrinet Gressard, étendant alors son emprise sur d'autres cités comme Dompierre-sur-Nièvre, Varzy, Rosemont ( 1429 ) et notamment la seigneurie de La Motte-Josserand dont il prend le titre.

Après la libération d'Orléans, il faut desserrer  l'étau autour du territoire de Bourges. Bonny-sur-Loire est pris d'assaut par l’amiral Louis de Culant, et libéré au cours de la campagne de la Loire à la fin juin 1429.

Charles VII confie ,après le retour de Reims, le soin à Charles II d'Albret, qui participa notamment à la Prise de Jargeau par Jeanne d'Arc,  à la Bataille de Patay le 18 juin 1429 et à la La Bataille de Montepilloy, , et à Jeanne d'Arc de prendre Saint-Pierre le Moutier et la Charité sur Loire.

 

 



Charles II d'Albret est un proche de Charles VII  d'autant qu'il est , tout comme Dunois, son cousin et que son père Charles Ier d'Albret est mort à Azincourt ce qui fait de lui un personnage particulièrement fidèle. On peut penser que sa présence auprès de Jeanne d'Arc a pour but de maximiser les chances de réussites, même si très clairement les moyens mis en œuvre furent probablement relativement assez faible fasse à un Perrinet Gressard particulièrement audacieux. Il faut noter que le rôle officiel de « la Pucelle » ne fut jamais réellement clairement établi et qu'en général c'est les capitaines désignés par Charles VII qui officiellement s'occupent des activités militaires.

Après avoir réuni et organiser les troupes à Bourges, dont on connaît ni le nombre réellement et les capacités militaires mis à dispositions, la troupe prend la direction de Saint-Pierre le Moutier. Il est à peu près certain que l'armée  fut assez modeste, car les chroniques ne font pas état d'une armée très puissante, de plus un excès de confiance a peut-être amené Charles VII à dépenser le moins possible d'autant que si les villes comme le Charité-sur-Loire et Saint-Pierre le Moutier sont un problème pour le roi, elles ne sont pas non plus d'une importance capitale dans la région et ne menace pas directement son autorité à court terme même si si effectivement elles posent problème par son instabilité et par les pillages aux cités des alentours.

La ville de Saint-Pierre le Moutier était entourée de douves, avec un étang qui permettait de les alimenter. L'enceinte médiévale était assez modeste avec six tours et trois portes d'entrée avec Pont-Levis, dont celle qui donnait vers Moulins qui devait être la mieux protégée probablement par sa position en contrebas.

En effet Saint-Pierre le Moutier est situé un peu  dans une cuvette, entourée de petites collines rendant sa défense relativement difficile notamment dans l'actuelle place Jeanne d'Arc. Seule la partie EST avec son étang rendait compliquée une invasion par ce côté.

L'intérieur de la cité ne semblait pas posséder de donjon ou de fortifications de premier ordre, en cas de prise d'assaut réussie de l'enceinte, la ville pouvait être facilement mise à sac.

Malgré cela Perrinet Gressard oppose à Charles II d'Albret et Jeanne d'Arc une défense efficace et très agressive,  qui met en déroute, semble-t-il, au début les armées de Charles VII. Il faut dire qu'une place bien défendue mettait à rude épreuve les forces attaquantes avec souvent des pertes bien supérieures que celles isolées dans leur forteresse.

Au point que même Jean d'Aulon, page de Jeanne d'Arc, est blessé par une flèche au talon et ne peut se mouvoir comme il le voudrait. On a deux témoins visuels sur le terrain, dont Jean d'Aulon et Régilnard Thierry qui est le chirurgien du roi, preuve que Charles VII conserve pour Jeanne une certaine proximité. Il faut noter qu'on sait que Jeanne fut soigner à Mehun-sur-Yèvre, après sa blessure à Paris, par le chirurgien du roi Régilnad Thierry, on peut donc penser que sa présence encore à Saint-Pierre le Moutier est probablement lié à la nécessité de suivre des soins.

 

Déroulement de la prise de Saint-Pierre-le-Moutier

Jeanne d'Arc à Saint Pierre le Moutier

Jean d'Aulon fait un témoignage de cette prise de la ville ( texte remis dans un français plus contemporain ):


«  certain temps après le retour du sacre du roy, fut avisé par son conseil étant lors à  Mehun-sur-Yevre, qu’il était très nécessaire de reprendre  la ville de la Chérité (la Charité-sur-Loire) que tenaient les dits ennemis  ( Perrinet Gressard ) ; mais qu’il fallait avant prendre la ville de Saint-Pierre-le-Moustier, qu'ils tenaient également. »

«  Dit que, pour ce faire, et assembler les gens, la dite Pucelle en la ville de Bourges  en laquelle elle fit son assemblée, et de là avec une certaine quantité de gens d’armes, desquels monseigneur d’Elbret (d’Albret) était le chef, allèrent assiéger  ladite ville de Saint-Pierre-le-Moustier. »

Jean d'Aulon précise  bien que Charles II d'Albret est bien officiellement le chef de l'expédition.

« Et dit que, après ce que la dite Pucelle et ses  gens eurent tenu le siège devant Saint-Pierre-le-Moutier pendant un temps,  qu’il fut ordonné donner l’assaut à cette ville ; et ainsi fut fait, et de la prendre firent leur devoir ceux qui  là » Le temps du siège fut relativement court, une semaine environ, et qu'il avait pour but d'établir une stratégie pour prendre la ville.

«   mais le grand nombre de gens d’armes étant dans ladite ville, la grande force de celle-ci et aussi la grande résistance de ceux qui étaient à l'intérieur, contraignes et force les dits François de se retirer » Perrinet Gressard avait sûrement depuis le temps renforcer la place, ses capacités militaires mis en avant lors de la prise de la Charité-sur-Loire et son agressivité ont du mettre à mal les troupes royales qui furent mise en échec dans un premier temps.

«  J'étais blessé d’un trait ( flèche probablement ) parmi le tallon ( pied ), tellement que sans potances (béquilles) que je pouvais à peine bouger, je vis que ladite Pucelle était  demeurée très petitement  accompagnée de ses gens et d’autres; »  On reconnaît là le côte téméraire de Jeanne, que l'on a pu voir à la bataille de Montépilloy notamment, mais aussi à la prise des Tourelles ou Paris.

«  et redoutant qu'un inconvénient ne s’ensuivît » probablement pense-t-il à une capture ou à une nouvelle blessure.

«  je montais sur un cheval et directement j'allais  vers elle, lui demanda ce qu’elle faisait là ainsi seule, et pourquoi elle ne se retirait pas comme les autres. Laquelle, après ce qu’elle ôté sa salade (casque) de dessus sa tête »

Elle me répondit «  qu'elle n'était pas seule et qu'elle avait encore avec elle en sa compagnie cinquante mille de ses gens et qu'ils ne partiront pas jusqu'à que la ville fut prise ». Cette réponse faut l'admettre est assez étrange dans ce contexte, difficile à dire ce qu'elle voulait dire par là.

Jean d'Aulon lui répond qu'elle « n'avait qu'avec elle pas plus de quatre à cinq hommes et que les ennemis le voyait aussi, et qu'il fallait donc partir rapidement et se retirer comme les autres »

Jeanne d'Arc répond, un peu comme à Paris par ailleurs , «  qu'il fallait apport des fagots et des claies pour faire un pont sur les fossés de ladite ville , en lui disant ses paroles elle s’écria à haute voix et dit «  aux fagots et au claie tout le monde, afin de faire le pont ! » ce qui fut fait.

Jean d'Aulon fut tout émerveillé, car «  ladite ville fut prise d'assaut sans y trouver pour lors trop grande résistance ». La hauteur de l'enceinte assez faible rendait possible cette action. Vu la ville,  la muraille prise elle n'offrait plus aucune possibilité de résistance, Perrinet Gressart et sûrement une partie de sa troupe se réfugient donc probablement à la Charité-sur-Loire.

Pendant la prise de la ville, dont le chirurgien du roi est témoin il dit ceci : «  Voici une chose dont j’ai été témoin. Jeanne était au siège de Saint-Pierre-le-Moustier. Quand la ville fut prise d’assaut, les hommes d’armes s’apprêtèrent à piller l’église et à enlever les vases et autres objets précieux ; mais Jeanne s’y opposa avec une virile énergie, et par ses défenses elle réussit à empêcher qu’on ne touchât à rien. » On peut penser qu'il s'agit de l'église Saint-Pierre même si il existait peut-être une autre chapelle. Néanmoins on peut considérer qu'elle conserve auprès des troupes un certain aura et une autorité qui permet d'éviter le pillage d'une église ce qui n'est pas forcément évident sachant que les soldats se payaient souvent sur les pillages des villes prises, c'est donc un manque à gagner.

Cette histoire ressemble aussi un peu à la prise de la Bastille Saint-Loup , Château de Saint-LoupDunois est contraint de battre en retraite jusqu'à que Jeanne arrive et que sous son action l'armée royale reprend le dessus et prend la bastille Saint-Loup, qui sera sa première victoire militaire.

Après la prise de Saint-Pierre le Moutier, Charles II d'Albret et Jeanne d'Arc partent dans la ville de Moulins afin de reconstituer des finances suffisantes pour prendre la Charité-sur-Loire. Il faut préciser que le duc de Bourgogne n'interviendra aucunement malgré la proximité avec le duché de Bourgogne, estimant peut-être que les villes étaient sous juridictions anglaise puisque Perrinet Gressart s'était rapproché du duc de Bedford, ces actions n'ont donc pas rompus la trêve entre Charles VII et Philippe le Bon duc de Bourgogne.

Antoine de Chabannes en devient le capitaine après le départ des troupes.

Perrinet Gressard, encore lui, reprit la ville le 14 mai 1431 , et en reste maître jusqu'à l'année de 1432 ou 1433,  puis elle est reprise par Charles VII. Jacques de Montmorin, conseiller et chambellan du roi, est nommé  Bailli de Saint-Pierre le Moutier.








 

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