Vaires sur Marne, la dernière victoire de Jeanne d'Arc, la capture de Franquet d'Arras, l'église.

 

Eglise Sainte Jeanne d'Arc - Vaires sur Marne

Vaires sur Marne est une ville de l’épopée Johannique un peu méconnue aujourd’hui, voir complétement passée à la trappe de l’histoire, mais qui a été témoin de l’ultime victoire de Jeanne d’Arc et de la capture du Bourguignon Franquet d’Arras en 1430.

L'église du XXe siècle est peut-être situé sur l'emplacement de la dernière bataille victorieuse de Jeanne d'Arc, elle est aussi un témoin récent de la béatification de Jeanne puisqu'elle fut construite en 1922-1924 et dédiée à la Pucelle.

Aujourd'hui il semble que les différentes mairies de Vaires ne s'intéressent guère à cet évènement et encore moins à l'histoire de la ville, une des raisons invoquées lors de ma visite à la mairie était la laicité ( en 2012 ), réponse totalement irréelle.

 

Voir aussi : Église de Lagny sur Marne - Jeanne d'Arc à Lagny sur Marne

 

 

Historique
sources : documentations diverses, Géoportail, chroniques de Jean Chartier, Perceval de Cagny,Georges Chastellain et Monstrelet, les dragons de Vaires,

 

 

 

La Bataille à Vaires sur Marne

 


Nous avons plusieurs chroniqueurs de l'époque qui relatent cette bataille à Vaires-sur-Marne, dont Monstrelet et  Chastellain, deux bourguignons assez acerbes sur la Pucelle notamment Monstrelet qui l’accuse d’avoir « fait trancher la tête à celui de Franquet » et Chastellain termine son chapitre par une phrase assez tendancieuse «  conduit prisonnier, il fut décapité par la cruauté de cette femme qui désirait sa mort » alors que clairement dans le procès elle estime ne pas responsable de son exécution même si  elle ne s’y est pas opposée.

La datation de la bataille est relativement incertaine mais se situe logiquement entre le 1er et 5 mai 1430. En effet on pense qu’elle quitte Lagny le 5 mai 1430, même si là aussi on est dans le flou.

Les deux chroniqueurs  estiment que la bataille était « à l’entrée du mois de mai » selon Monstrelet et Chastellain «   un peu avant que la pucelle fut de retour à Compiègne », soit de toute façon avant le 13 mai 1430, sachant qu’il faut tout de même quelques jours pour y arriver l’estimation du 1er au 5 mai est la plus probable.

Jean Chartier, du camp français, dans sa chronique écrit la chose suivante :

«  Après son arrivée ( à Lagny sur Marne ) des nouvelles l’informent que 300 à 400 anglais traversent l’île de France. Alors la Pucelle se met aux champs avec messire Jean Foucault, Guiffray de Saint-Aubin, un capitaine nommé Barie, Quennède, des Ecossais et d’autres de la garnison de Lagny . Ils rejoignirent les Anglais qui se mirent à pied et rangèrent le long d’une haie »

Dans son texte on peut constater que Jean Chartier parle des « champs », c’est-à-dire à l’extérieur nord de la ville à priori. Le terme de se ranger le « long d’une haie » n’est pas forcément à prendre tel tel mais peut-être comme une forme de tactique militaire de combat en ligne, on parle de « haie » également à la bataille de Montepilloy. Il peut s’agir cependant des « haies » des champs, couramment utilisé au moyen-âge pour délimiter des parcelles de terrains dans les champs. Les haies au moyen-âge, quasi disparue aujourd’hui, avaient un rôle de protection assez important, contre le vent et les animaux venant d’autres exploitations.

Pour les écossais ils sont environ 400 combattants  de la Auld Alliance écossaise, avec à leur tête Hugh Kennedy de Ardstinchar qui fut présent lors du conseil de guerre à Orléans pour prendre les Bastilles, ainsi qu'à la bataille de Patay.  source 



Perceval de Cagny, du camp français, relate les faits de cette façon :

«  Le jour de Mars, le roi étant en la ville de Sully sur Loire, la Pucelle qui , pour l’avoir vu et entendu, savait tout le fait, et la manière que le roi et son conseil tenaient pour le recouvrement du royaume, en était très mal contente, trouva moyen de se retirer d’auprès d’eux. Sans que le roi le sût et sans prendre congé de lui, elle fit s’emblant d’aller quelque part, et au lieu de revenir elle partit à Lagny sur Marne, parce que ceux de la place faisaient bonne guerre aux Anglais de Paris et d’ailleurs.
../.. «  Elle sut leur venue, fit monter  ses gens à cheval, et alla à leur rencontre malgré le nombre supérieur, entre la dite place, et elle ordonna à ses gens de se jeter sur leurs rangs. Il trouvèrent peu de résistance »

Ce texte est capital sur la suite des évènements, mais j’en parlerai une prochaine fois. Dans le cas présent on note le dernier paragraphe, Il reste cependant très imprécis sur le lieu de la bataille, très probablement parce que Vaires sur Marne est une petite bourgade en comparaison à l’époque de Lagny. On note cette phrase «  elle ordonna à ses gens de se jeter sur leurs rangs », on peut penser qu’ils étaient donc en rang ou en ligne comme une « haie », cependant c’est difficilement prouvable.
Etonnamment il dit qu’ils trouvèrent peu de résistance  alors que les autres chroniques, du côté Bourguignon, donnent un rôle à Franquet d’Arras bien plus courageux et semble offrir une belle résistance mais de la part de ces derniers chroniqueurs l’objectivité n’étaient pas leur point fort.



Chronique d'Enguerrand de Monstrelet, du camp Bourguignon :

"A l'entrée du mois de mai, fut défait et pris un vaillant homme d'armes nommé Franquet d'Arras, du parti du duc de Bourgogne, qui avec environ trois cents hommes d'armes avait été courir sur les marches de ses ennemis, vers Lagny-sur-Marne. A son retour il fut rencontré par Jeanne la Pucelle qui avait avec elle quatre cents Français. Elle assaillit très courageusement et très vigoureusement Franquet et ses gens à plusieurs reprises ; car les archers de Franquet s'étant mis à pied en très bonne ordonnance se défendirent si vaillamment dans une première et dans une seconde attaque que la Pucelle et ses gens n'eurent aucun avantage sur eux ; mais elle finit par mander toutes les garnisons de Lagny et des autres forteresses de l'obéissance du roi Charles. Les combattants accoururent en grand nombre avec couleuvrines, arbalètes, et autres pièces de guerre. Les tenants du duc de Bourgogne, après avoir fait éprouver à leurs ennemis de grandes pertes en hommes et en chevaux, finirent par être entièrement vaincus et déconfits; la plus grande partie fut passée au fil de l'épée. La Pucelle fit même trancher la tête à Franquet, qui fut grandement plaint de son parti, parce que en armes il était homme de vaillante conduite.." ( source )



Georges Chastellain, camp Bourguignon :

"Or estoit ce Franquet courageux homme et de riens  esbahy que vist, pour tant que remède s'y povoit mettre  par combattre; et la Pucelle, à l'autre lez, mallement  enflambée sur les Bourguignons, et ne quéroit tousjours  que à inciter Françoys à bataille encontre eux. Sy s'entre férirent et combattirent ensemble longuement les deux  parties, sans que Françoys emportassent riens des Bourguignons, qui n'estoient point si fors toutesvoyes comme  les autres, mais de grant valeur et de bonne deffense, pour cause des archers que avoient avecques eux , qui  avoient mis piet à terre; laquelle chose, quant la Pucelle  vit que riens ne feroient si encore n'avoient plus grant  puissance avecq eux, manda hastivement à Laigny toute  la garnison. Sy fit-elle de toutes les places de là entour  pour venir aidier à ruer jus ceste petite poignée de gens  dont ne pouvoit estre maistre. Lesquels, venus à haste,
reprirent la tierce bataille encontre Franquet, et là, non  soy quérant sauver par fuite, mais espérant tousjours  eschapper et sauver ses gens par vaillance , finablement  fut pris et toutes ses gens morts la pluspart et desconfîts, et  luy, mené prisonnier, fut décapité après par la crudélité de ceste femme qui désiroit sa mort ', dont plainte assez fut  faite en son party, car vaillant homme estoit et bon guerroyeur.
" ( source )

On remarquera la proche similitude des textes de Chastellain et Monstrelet.


Un bénédictin Dom Jean Charles de Chaugy de l’Abbaye de Lagny écrit dans son historique «  le manuscrit de Lagny », en 1750 mais peut-être sur les bases des anciens registres de l’abbaye ( ? ), la chose suivante , Jeanne « livra bataille aux Anglais dans la prairie de Vair, et après une action assez vive, elle les obligea de s’éloigner. Ce fut le dernier des heureux exploits militaires de cette héroïne chrétienne ». Le bénédictin connait bien probablement les environs de Lagny, mais le doute subsiste sur les origines de son récit surtout 3 siècles après les faits ( j’y reviendrais si je trouve l’information ).

D’autant qu’il fait une erreur, Franquet d’Arras est Bourguignon au service du Duc de Bourgogne,  il ne s’agit donc pas de troupe anglaise à proprement dit, cependant le Duc de Bedford aurait été à  Gournay sur Marne pendant cette période avant de repartir à une date incertaine, son éventuelle présence rends peu crédible la traversée du pont de Gournay sur Marne pour prendre à revers les troupes bourguignonnes  comme le suggère certains historiens locaux.

 

 

Bataille de Vaires sur Marne

Bataille de Vaires sur Marne, les deux possibilités avec à gauche Gournay sur Marne et en haut à droite Lagny sur Marne. Source de la carte d'état-major Geoportail.

 

La prairie de Vaires est signalée sur les cartes anciennes à la pointe sud-ouest du terroir de la commune, entre le canal de « belle-île » et l’actuelle zone industrielle de Vaires. Les champs à l’époque sont plus au nord-est, vers la gare et l’église actuelle de Vaires-sur-Marne.

S'il existe une incertitude sur le lieu exact de la bataille, elle ne dépasse pas en réalité une circonférence de 1km, ce qui au fond n’est pas une importance capitale. Par contre, à ma connaissance, il n’y a pas de trace de combats retrouvés dans les alentours, même si des épées d’une époque plus tardives ont été retrouvées du côté de Lagny dans la marne. C’est le cas par exemple à la bataille de Patay, puisque d’importants vestiges ont été retrouvés le long de la route perpendiculaire au moulin de Patay, ce qui est très probablement un signe que le combat fut meurtrier et terriblement violent.

Etang proche des prairies de Vaires

Etang proche des prairies de Vaires-sur-Marne

 

Conclusion

Je n’ai pas donc pas d’avis définitif sur le fait que ça soit passé sur les « champs » ou la « prairie » de Vaires, les deux sont tout à fait plausible même si le texte de Jean Chartier parle bien de « champs » et que si on parle des « haies », en terme de délimitation d’un territoire, c’est plutôt dans les champs qu’on les trouve, ce qui permet quand même de penser que la probabilité est plus forte en ce lieu sans forcément d’ailleurs que ça soit exclusif, la bataille avec plusieurs centaines d’hommes de part et d’autres à surement dû s’étaler sur plusieurs centaines de mètres.

Je suis par contre plus dubitatif sur le parcours de Jeanne pour lutter contre Franquet d’Arras, le parcours allant de Lagny via Gournay sur Marne me parait incertain, car il lui aurait fallu presque une demi-journée ( 4 lieues environ ) pour y arriver, de plus la possible présence d’Anglais à Gournay sur Marne rends le passage périlleux, le chemin le plus court et le moins risqué pour éviter d’être pris dans une embuscade étant de passer par Pomponne.

 

L’Affaire Franquet d’Arras au procès de Rouen

 Qui est Franquet d'Arras ?Statues du XXe de Jeanne d'Arc

On sait très peu de chose sur lui, on sait que c'est un capitaine au service du duc de Bourgogne, dont la réputation n'avait rien à envier aux routiers et aux écorcheurs. Il est d'un niveau probablement moins évolué et puissant qu'un autre capitaine au service du Duc de Bourgogne : Perrinet Gressart, personnage combatif et intrépide devant laquelle Jeanne d'Arc sera tenue en échec devant les murs de la Charité-sur-Loire.

Franquet d'Arras, probablement né à Arras, est très probablement un de ces capitaines, parfois auto proclamé au service d'un puissant, afin d'obtenir des avantages.

Lors de sa capture, il fut mentionné de l'échanger contre un personnage à Paris, Jacquet Guillaume, hôte de l'Hôtel de l'Ours, mais ce dernier était semble-t-il déjà mort. Il faisait partie probablement des partisans de Charles VII conspirant dans la ville afin de livrer la ville au roi de France, alors qu'elle est détenue par les Anglo Bourguignons. Ils seront découverts et probablement tous exécutés.

Il n'est pas mentionné de tentative de payer une rançon, comme il était coutume de faire à cette époque, même si Franquet d'Arras se serait livré comme prisonnier afin d'être libéré contre rançon.

Jeanne d'Arc à ce moment-là ne cherche ni à le faire condamner et encore moins à le faire libérer, elle laisse le soin au bailli de Senlis, Louis de Marcognet, de le faire juger. Selon Philippe de Contamine, il est possible que le jugement fût fait par le bailliage de Meaux, car Lagny en dépendait, et donc le bailli aurait été Denis de Chailly.

Il fut exécuté après deux semaines de jugement à Lagny sur Marne, il est condamné comme meurtrier, larron et traître.

Elle récupère semble-t-il sont épée :

27 février 1431, au sujet de l'épée de Sainte Catherine de Fierbois qui semble intéresser Pierre Cauchon :

L’interrogateur : "Aviez-vous cette épée à Lagny?"

Jeanne : "Je l’avais à Lagny. De Lagny à Compiègne je portai l’épée du Bourguignon que j’ai dit. C’était une bonne épée de guerre, bonne à donner de bonnes buffes et de bons torchons."

 

Jeanne est interrogée sur l'affaire Franquet d'Arras le 14 mars 1431 dans l'après-midi

"Et pour ce que on lui parlait d'un nommé Franquet d'Arras, qu'on fit mourir à Lagny-sur-Marne
Elle répond :  Qu'elle fut consentante de luy de le faire mourir, se il l'avait desservi (mérité), pour ce qu'il confessa être meurtrier, larron et traître. Elle dit que son procès dura quinze jours, et en fut juge le baillit de Senlis et ceux de la justice de Lagny-sur-Marne. Et dit qu'elle requérait avoir Franquet pour un homme de Paris, seigneur de l'Ours ;"

Elle avait demandé d'échanger Franquet d'Arras contre le seigneur de l'hôtel particulier de l'Ours dans la rue Saint-Antoine à Paris. Au Moyen-Âge, un hôtel n'est pas considéré comme aujourd'hui comme un lieu où on vient louer des "chambres", mais comme une habitation particulière souvent imposante appartenant à une haute personnalité. On disait "hostellerie", quand il s'agissait de louer une "chambre". On peut penser que cette personne devait être importante aux yeux de Jeanne, au point de vouloir l'échanger contre une belle prise de guerre. Il s'agit peut-être d'un "résistant" parisien et partisan de Charles VII. On peut remarquer qu'elle n'a pas tenté d'échanger Franquet d'Arras contre une rançon, ce qui  à l'époque était courant et d'usage.

« et quant elle sut que le seigneur fut mort, et que le baillit lui dit qu'elle voulait faire grant tort à la justice, de délivrer celui Franquet, elle dit au baillit : « Puisque mon homme est mort, que je voulais avoir, faites de lui ( Franquet d'Arras )  ce que devriez faire par justice. »
« Interrogée s'elle bailla l'argent ou fit bailler pour celuy qui avait prins ledit Franquet, Elle réponds : Qu'elle n'est pas monnayer ou trésorier de France, pour bailler argent
. »

On lui pose la question si elle a donné une prime à celui qui avait capturé Franquet d'Arras, elle répond qu'elle n'a pas donné d'argent ou fait donner de l'argent par  la trésorerie de France. C'était cependant quelque chose à l'époque de normal de donner une "prime" à ceux qui capturait des "élites". Celui qui avait capturé Jeanne a bien reçu une prime.... L'interrogateur de Rouen est donc bien mal avisé  de lui poser la question, sûrement sur un ton de reproche, sur une éventuelle prime à la capture.

"Et quand on lui a ramentue (rappelé) qu'elle avait assailli Paris ajour de fête ( un dimanche ); qu'elle avait eu le cheval de monseigneur ( l'évêque ) de Senlis, qu'elle s'estoit laissée tombée de la tour de Beaurevoir; qu'elle porte l'habit d'homme; qu'elle était consentante de la mort de Franquet d'Arras"

 

 

 

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