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Château de Montepilloy, on voit au centre le donjon et un peu plus à droite le châtelet d'entrée, vu du champs de bataille près de Fourcheret, on comprends aisément sa situation stratégique...mais on comprends moins son absence relative des chroniques sur la bataille ( voir plus bas quelques explications à ce sujet )
La dite bataille de Montepilloy est l'une des dernières batailles à laquelle la pucelle de Lorraine participe activement.·
Après avoir pris et repris les villes comme Crépy en Valois, la Ferté-Milon, Saintines, Béthizy-Saint-Pierre, Longueuil, La Boissière et d'autres villes et villages, Charles VII ne cherche pas forcément l'affrontement direct avec le Duc de Bedford qui est à quelques Km à Senlis. Mais le Duc de Bedford tente mettre l'armée du roi dans une posture fâcheuse et essaye de reprendre Crépy-en-Valois, ce qu'il ne réussit pas. L'objecti était peut-être de provoquer les armées du Roi de France et de le pousser à la faute fatale..comme à Azincourt ou Crécy.
Le château de Montépilloy est sous possession anglaise depuis 1422, mais on ne sait pas dans quelle condition, ni le capitaine qui occupe peut-être la place.
Les deux camps vont en réalité s'observer et essayent de placer leur armée sans prendre de risque. Ce qui est gênant pour Bedford c'est la situation politique, les négociations ont repris entre le roi de France et le Duc de Bourgogne, dont les éléments de ses derniers sont actifs dans l'armée Anglaise. Cette méfiance est accentuée notamment par la désertion, volontaire et ordonnée, à Orléans des troupes Bourguignonnes pendant le siège de la ville, facilitant alors la prise des « Tourelles » par la pucelle. Les relations entre le Duc de Bourgogne et le Duc de Bedford n'ont jamais vraiment dépassé une entente cordiale dont les intérêts étaient convergents.
De plus Bedford, qui le décrit très bien dans sa lettre envoyée au roi d'Angleterre, se méfie de la présence, même symbolique, de Jeanne dans les rangs du Roi. Tout d'abord parce que les soldats anglais sont effrayés de cette "putain" comme ils aiment l'appeler, mais aussi parce que depuis que la pucelle d'Orléans est présente les anglais vont de déconvenue en déconvenue.
Extrait de la lettre du Duc de Bedford au Roi Henry VI d'Angleterre en Mai 1434 :
« Tout prospérait pour vous jusqu'au siège d'Orléans, installé par un mauvais conseiller ; Dieu sait qui ! Il me semble alors que la main de Dieu envoya un coup terrible à votre peuple, juste après la mauvaise aventure survenue à votre cousin Salisbury* que Dieu l'absolve. ../.. On a eu tort de croire en la Pucelle, ce disciple du démon, ce suppôt de l'Enfer ; on a eu tort d'en avoir peur » [source : Livre 3 ]
* il décède au siège d'Orléans vers le 3 novembre 1428 après avoir reçu un boulet en plein visage.
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Sources principales : chroniques de Jean Chartier, Enguerrand de Monstrelet et Perceval de Cagny
Quelques jours avant la rencontre, Charles VII fait envoyer Ambroise de Loré, chevalier et futur gouverneur de Lagny sur Marne, et Xaintrailles accompagnés de 15 à 20 cavaliers surveiller les troupes du Duc de Bedford.
Ils les aperçoivent au loin sur le « grand chemin de Paris à Senlis », provoquant sur leur passage un nuage de poussière visible à des km. Un messager prévient Charles VII de l'avancée des troupes Anglos-Bourguignonnes. Après un second message permettant d'affiner l'évolution du Duc de Bedford et d'Henri Beaufort, le roi fait mettre en place l'armée. Les troupes passent entre Baron et la Nonette en direction de Senlis et s'arrêtent dans les champs entre Montepilloy et très probablement Borest / Fourcheret.
Une partie des troupes françaises sont probablement passées ici entre Baron et Montepilloy un peu plus loin sur la droite. Il est difficile à dire si ils ont suivis les chemins ou traversés complètement les champs, tout dépends si la moisson était finie ou pas car on était en plein dans cette période.
Je mets ces deux villages dans la bataille car nécessairement ils ont été actifs car totalement en plein lieu de la bataille selon les chroniqueurs.
Fourcheret , est en plein champs à mi-chemin entre Borest et Montepilloy, avait à l'époque une ferme fortifiée, qui a été d'ailleurs quelques siècles plus tard le premier endroit de parachutage d'armes pour la « France Libre », le 12 juin 1943, en Picardie pendant la seconde guerre mondiale. La Ferme existe encore aujourd'hui et la porte donnant sur la route avec assommoirs tranche assez avec la dimîère dans l'enceinte.
Fourcheret, son ancienne entrée avec assommoir, on constate les contreforts typiquement Normands (·« D'ailleurs, contrairement à la méthode bourguignonne et champenoise, ces contreforts normands anciens, dans les constructions monumentales, sont élevés en assises basses, régulières, de même hauteur que celles composant les parements des murs et se reliant parfaitement avec elles » Viollet le Duc ), comme d'ailleurs à la Ferme de Drugy.
Borest sur les bords de la Nonette est également un lieu intéressant avec sa tour, transformée par la suite en pigeonnier, sa chapelle du XIIe aujourd'hui ruinée, son église Saint-Martin du XIIe mais reconstruite dans son ensemble vers le XVe. La situation stratégique de Borest, à la fois sur l'ancienne route de Nanteuil et sur la Nonette, rends difficilement concevable que l'armée du Roi de France ne s'y soit pas installée en partie mais c'est un lieu probablement trop petit pour que ça soit signalé dans les récits des chroniqueurs.
Village de Borest avec les restes de l'église, ainsi qu'un ancien Pigeonnier au vu de l'importance de ce dernier, les propriétaires devaient avoir des terres importantes.
Pendant cette période, selon Jean Chartier, le Roi de France est à Baron.
14 août 1429
Le carré rouge en haut à gauche à côté de Notre Dame de la Victoire, il s'agit du pont de Villémétrie. J'ai repris les écrits des chroniqueurs, mais l'incertitude prévaut au sujet du positionnement des armées dans les "champs " de Montepilloy. Cependant militairement parlant on constate, grâce à une carte de 1711 d'Hallate, qu' il y a plusieurs chemins menant à Senlis partant de Baron : l'un en passant par Fourcheret et l'autre en passance par Borest, on peut donc supposer assez justement, mais sans preuve historique, que les troupes du roi de France ont contrôlée en partie ces deux axes avec à l'avant garde Jeanne d'Arc ainsi que le Duc d'Alençon et probablement d'autres capitaines ( Etienne de Vignole dit La Hire, Gilles de Rais etc ).
C'est la date selon Perceval de Cagny. La date très précise provient du fait qu'étant le chroniqueur du Duc d'Alençon il est particulièrement informé vu que ce dernier était présent au côté de la Pucelle. On peut penser que ce jour-là Charles VII est toujours à Baron et que ces troupes sont plus en avant.
- Les forces en présence·
Selon Monstrelet les français étaient bien plus nombreux mais Perceval de Cagny, en général plus neutre mais du côté français, semble dire le contraire. Il est probable que ces chiffres incertains soient liés au renfort fraîchement débarqué, amené par l'évêque Henri Beaufort appelé « Cardinal d'Angleterre », de 3 à 4 mille hommes.
Les Bourguignons sont présents, avec selon Enguerrand de Monstrelet, entre 600 à 800 hommes dont : Seigneur de l'Isle d'Adam, Jean de Croy, Jean de Créquy, Antoine de Béthune, Jean le Fosseux, le seigneur de Saveuse, Messire Hue de Lannoy, Jean de Brimeu, Jean de Lannoy, Messire Simon de Lalaing, Jean, Bâtard de Saint-Pol, selon le chroniqueur la troupe est renforcé en adoubant des Chevaliers preuve s'il en est que les Bourguignons attachent de l'importance au probable affrontement.
Les Français :La Pucelle, le Duc d'Alençon, le Comte de Vendôme, les maréchaux et autres capitaines sont présent. Le roi de France serait lui à Baron selon le chroniqueur Jean Chartier, quelques jours avant la « Bataille de Montepilloy ». On peut noter la présence également des écossais qui auront fort à faire contre les Picards du côté Anglais.
Perceval de Cagny
"Le dimanche XIIIIe jour du mois d'août ensuivant, la Pucelle, le Duc d'Alençon, le conte de Vendosme, les mareschaulx et autres cappitaines accompaigniez de VI à VII mil combatans, furent à l'heure de vespres logiés à une haye aux champs près Montpillouer"
On peut le traduire ainsi : le dimanche 14 août ( 1429 ), la Pucelle, le Duc d'Alençon et le Comte de Vendôme, les maréchaux ( surement Gilles de Rais et consort ) et autres Capitaines accompagnés de 6000 à 7000 combattants , furent à l'heure de vêpres ( situé en général entre 17h et 19h ) installés en ligne dans les champs près de Montepilloy.
Il est logique que selon la situation géographique du « champ » de bataille, les troupes combattantes utilisaient régulièrement les haies ou tout autre élément naturel, voir artificiel, pour se protéger en plaine. On a le même type de situation à Vaires-sur-Marne, à côté de Lagny-sur-Marne, où les troupes de Franquet d'Arras ont été obligées de se cacher dans les « haies » car la bataille se passait dans la plaine des champs du village, ou peut-être dans la prairie de Vaires-sur-Marne, pour se protéger des assauts de la Pucelle accompagnée de 400 combattants environ.
Il est peu probable qu'une armée se mette en ligne en plein champs sans chercher à s'entourer d'éléments défensifs, même sommaire, surtout en connaissant l'habileté légendaire des archers Anglais à tailler en pièce la chevalerie et l'infanterie
Chronique de la Journée
Le Duc de Bedford contourne Senlis et prends la direction de Notre Dame de la Victoire, pour cela il traverse un petit pont qui permet le passage uniquement de un à deux chevaux selon Jean Chartier.
Ce pont est très probablement, à mon avis et selon mes recherches sur le terrain, celui du petit hameau actuel de Villemétrie, il porte le « doux » nom de Pont du ruisseau Saint-Urbain ou Turbin. On remarque qu'il a été remanié mais que ces fondations ont plusieurs siècles. Il ne permet en effet pas à plus d'un cheval ( ou deux ) de passer et il est probablement le seul passage à l'époque dans les alentours de la Nonette et de Notre Dame de la Victoire à pouvoir faire passer l'armée.
Prévenu, probablement un peu tard, de l'avancée des troupes Anglos-Bourguignonnes, Charles VII tente de les empêcher d'avancer plus et de faire attaquer ceux qui ont déjà franchis le pont. Malheureusement pour les troupes françaises le gros de l'armée est déjà positionnée. Selon Enguerrand de Monstrelet, le « Duc de Bedford prit position en un fort lieu, s'adossant par derrière et sur les côtés à de fortes haies d'épines ». « Au front de l'armée il disposa les archers, en bon ordre, tous à pieds, ayant chacun devant eux leurs pieux aiguisés, fichés en terre ».
Notre Dame de la Victoire aujourd'hui, malheureusement c'est une propriété privée .
En effet si on parcourt Villemétrie et Notre Dame de Victoire, une partie est en une faible hauteur et l'arrière entouré de marécage, de la Nonette, d'un bois celui d'Ermenonville, rendant très difficile tout passage ou attaque par l'arrière. Le seul point permettant un affrontement direct étant les champs de Montepilloy. En cas de visite il faut savoir que derrière Notre-Dame de la Victoire il y a un camp de Tir rendant périlleux certaines parties de la forêt.
Le positionnement du Duc de Bedford est ingénieux, il empêche les français de venir vers Senlis, les obligent en cas d'attaque à se mettre à découvert dans les champs, il coupe la route de Senlis vers Crépy-en-Valois, du moins la portion entre Senlis et Montepilloy, et neutralise toute attaque surprise par l'arrière, pour finir il profite du ravitaillement de la ville de Senlis et d'eau en abondance.
En définitive il y aura avant la tombée de la nuit, nous sommes au mois d'Août donc très lumineux tard le soir, des escarmouches assez violents mais qui ne permet à aucun parti d'en prendre l'avantage. Selon Perceval de Cagny « il fut fait des prisonniers de part et d'autre ; du côté Anglais, le capitaine d'Orbec et 10 à 12 autres y trouvèrent la mort, il y eut des blessés des deux côtés. La nuit vint, et chacun se retira dans son camp » Le capitaine d'Orbec est probablement celui d'Orbec dans le Calvados, ce dernier avait prêté serment au roi d'Angleterre en 1420.
Pendant la nuit les anglais vont renforcer leurs positions avec des « pieux, en creusant des fossés, en mettant leurs charrues devant eux, la rivière protégeaient leurs arrières » selon la description de Perceval de Cagny. Cette technique de mettre leurs charrues devant eux a été judicieusement utilisée à Orléans pendant la bataille des Harengs le 12 février 1429, mettant en déroute les Français et les Ecossais, où le comte de Dunois a failli trépasser.
Par contre la grande question est celle du Château de Montepilloy, aucun élément pour le jour du 14 août ne permet d'affirmer que les Anglais, ou les Français, l'utilisent ce jour-là malgré qu'il soit hautement stratégique puisqu'il permet, en théorie, du haut Donjon de voir l'ensemble du champ de bataille.
15 août 1429
Les forces françaises, selon ·Jean Chartier, sont composées de plusieurs groupes : celui de Jeanne d'Arc, le Batârd d'Orléans ( Comte de Dunois ), La Hire, Albret et autres capitaines, ils sont clairement à l'avant garde des autres formations qui sont les suivantes : Duc d'Alençon et le Duc de Vendôme - Duc de Bar - Gilles de Rais et Jean de Brosse ( Maréchal ) - Grasville et Jean Foucault ( futur capitaine de Lagny sur Marne, que Jeanne reverra notamment à la Bataille de Vaires-sur-Marne )pour les troupes d'Archers ( non visible sur la carte )- Charles VII, La Trémoille ">Trémoille et le Duc de Bourbon qui sont ·à Montepilloy ce jour. Vous remarquerez que le Duc d'Alençon et le Duc de Bar sont signalés sur la carte sur deux endroits différents, il s'agit des descriptions de Perceval de Cagny et de Jean Chartier , les deux chroniqueurs peuvent avoir raison dans le sens que les troupes ont surement bougé pendant cette journée. Noté que les positions ne sont pas forcéments exactes, sauf pour le groupe du Roi et celui de Jeanne d'Arc, les autres n'ayant pas de détails il est difficile d'en savoir plus mais ils étaient nécessairement entre Baron et Montepilloy selon les descriptions des chroniqueurs, les archers étaient probablement vers l'avant en partie. Le petit [ ? ] en bas est une troupe d'arrière garde, sous le village de Baron et du côté de Paris, pour protéger les troupes d'une contre attaque par l'arrière mais on ne sait pas qui était le capitaine.·
Jeanne d'Arc entre en scène, alors que le 14 août rien ne permet de dire qu'elle soit intervenue, Perceval de Cagny ainsi que Enguerrand de Monstrelet raconte la chose suivante.
Dès le matin, le plus tôt possible, Jeanne ainsi que le Duc d'Alençon vont à la messe, d'après le récit de Perceval de Cagny. Si le village de Baron est peut-être le lieu où elle pria, on n'en est pas sûr d'autant que le Roi s'y trouve déjà, les historiens locaux prennent souvent de belles libertés avec l'histoire. Précision importante Enguerrand de Monstrelet dit que les capitaines et les hommes les plus experts sont à l'avant-garde alors que le Roi se trouve plus en arrière à Baron et que l'arrière garde protège les arrières du côté de Paris.
On peut penser, vu son intervention future dans la journée, que Jeanne d'Arc se trouve donc devant, d'autant que le chroniqueur ne parle absolument pas du Roi sur la prière du matin. Il est possible donc qu'elle ait priée à Fourcheret où Borest ,qui ont tous les deux des lieux de cultes, bien plus en avant que Baron, d'autant qu'elle aimait dormir le plus proche possible des endroits où la bataille allait être menée, on a pu le voir dans le passé à Orléans, cependant cela reste une supposition pas une affirmation.
En tout état de cause les choses commencent à devenir sérieuses de part et d'autres. Les Anglais bien campé dans leurs positions et de l'autre les Français vont tenter de les pousser dehors.
Perceval de Cagny raconte qu'il y eut de grandes escarmouches, dont d'ailleurs Enguerrand de Monstrelet fait part également, il raconte à ce sujet un épisode entre les Picards et les Ecossais du côté français. Je suppose que cet affrontement se passe le 15 août mais il pourrait s'agir du 14. En tout cas le Duc de Bedford remercie les Picards de la forte résistance et de la lutte acharné qu'ils vont livrer contre les Ecossais. Il passa plusieurs fois devant leurs rangs et leur dit ceci, d'après Monstrelet : « Mes amis, vous êtes de très bonnes gens, vous avez soutenu grand faix pour nous ; ce dont nous vous remercions très grandement ; et nous vous prions, s'il nous vient quelque affaire, que vous persévériez en votre vaillance et hardiesse. »
Selon Monstrelet, toujours très mesquin envers Jeanne, il relate pour le 15 août « on voyait Jeanne la Pucelle, ayant toujours divers sentiments, tantôt voulant combattre ses ennemis et tantôt non ». Le chroniqueur est assez vicieux dans ses propos, qui sont peut-être véridique, mais la façon dont ils les annoncent est assez pernicieux puisqu'il donne l'impression que Jeanne est dans une situation où elle change d'avis régulièrement et qu'elle est instable émotionnellement en disant qu'elle a « divers sentiments ».
Perceval de Cagny, certes du côté français, explique lui par contre que Jeanne a un rôle particulièrement important, voilà ce qu'il écrit : « quand la Pucelle vit qu'ils ne sortaient pas, elle vint avec son étendard en main se mettre à l'avant-garde et s'avança assez pour venir frapper aux fortifications des Anglais. En cette attaque il eut plusieurs morts de part et d'autres », très clairement elle cherche à les provoquer sachant la haîne des Anglais envers la Pucelle.
Les deux chroniqueurs, Cagny et Monstrelet, semblent donc attester que Jehanne est particulièrement active même si leur vision de la situation et de son action est assez différente. Si Jean Chartier ne parle pas du rôle direct de Jeanne il explique en des termes assez clairs que la bataille fut rude « ·Tout ce jour il eut de grandes escarmouches, tellement que les Français venaient main à main, combattre à pied et à cheval sur les fortifications des Anglais. Tous les Anglais attaquaient à pieds et à cheval aux champs, en déboutant les Français, il y avait souvent des morts et des prisonniers de parts et d'autres».
On comprend assez bien le dilemme de Jeanne d'Arc, qui tente par tous les moyens de faire sortir les Anglais de leur barricade ; Ce qu'Enguerrand de Monstrelet veut faire passer pour de la lâcheté ou d'émotions incontrôlées, Perceval est plus neutre en expliquant qu'elle approche d'assez près des lignes ennemis, ce qui est une preuve de courage manifeste, mais n'arrivant pas à les sortir de leurs positions, on comprends aisément qu'elle ne pouvait rester longtemps dans une situation largement périlleuse.
La Pucelle semble en tout cas avoir conscience que sa présence soit pour les Anglais un outrage, cette volonté de provoquer en passant avec son étendard et les conspuant de sortir est une forme d'humiliation assez finement joué mais que les Anglais auront déjoué tout aussi finement.
Le Roi ce jour du 15 août va à Montepilloy, donc on peut penser qu'il fut au Château pour observer l'ennemi. Si le château n'est pas souligné par le chroniqueur De Cagny, il précise bien cette fois-ci « le Roi fut tout ce jour à Montepilloy », alors que précédemment il précise, comme Jean Chartier, qu'il est à Baron et que l'armée est à côté de Montepilloy. Il est en compagnie du Duc de Bar, le comte de Clermont et d'autres capitaines. Le donjon de Montepilloy est parfait pour observer les évolutions des armées si il existait encore dans son intégralité, mais rien ne permet de dire qu'il fut actif et que le donjon était présent.
Charles VII voyant qu'il n'y avait pas de possibilité de faire sortir les Anglais de leur tanière, il décide de rentrer le jour même sur Crépy-en-Valois. Charles VII a surement en tête les défaites de Crécy ou d'Azincourt, il est d'une nature assez prudente et préfère, comme le Duc de Bedford, ne pas prendre le risque d'une lourde défaite.
La Pucelle, ainsi que le Duc d'Alençon, décide de revenir et dormir sur leur lieu de campement initial. Jeanne n'a donc pas dormi à Montepilloy comme le veut la tradition locale, on le sait d'ailleurs avec certitude avec la phrase suivante de Cagny :
16 août 1429
« Le Mardi, bien matin, ils se reculèrent sur Montepilloy et ils y restèrent jusqu'à Midi environ, jusqu'à que des nouvelles leurs apprirent que les Anglais retournaient à Senlis et droit à Paris », elle part alors pour Crépy-en-Valois. De Cagny indirectement indique la position de Jeanne d'Arc qui ne pouvait être à Baron en effet le terme de reculer, on peut penser par rapport au champ de Bataille, signifie qu'elle était positionnée bien devant donc probablement à Fourcheret ou Borest voir dans les alentours entre Barbery et Mont-l'Evêque qui pour ce dernier village me semble cependant trop proche de Notre Dame de la Victoire.
Conclusion
Lac Notre Dame de la Victoire
Jeanne d'Arc a eu un rôle majeur dans cet affrontement, mais pas décisif, il est évident qu'au vu des positions des uns et des autres, l'issue était incertaine pour les deux parties et sa présence semblait ne pas pouvoir changer grand-chose. J'ai mis cette bataille dans les "victoires" car le terme de défaite me semblait pas juste, on devrait parler plutôt de statu quo, cependant on notera que Charles VII récupère Senlis quelques jours après. Le mot "bataille" souvent utilisé dans le cadre d'affrontement massif n'est pas cependant impropre à la description de l'évènement.
D'autant qu'en deux jours les pertes sont assez importantes pour des escarmouches, sans préciser le nombre de morts de part et d'autres, Enguerrand estime à 300 morts le bilan des hostilités, sans compter les blessés qui ne devaient cependant pas être forcément nombreux puisqu'on parle d'exécutions sur place.
Certains récits actuels d'historiens disent qu'elle eut un rôle mineur ou qu'elle fut désavouée par le Roi, rien aujourd'hui dans les écrits ne permet de le dire ; ça serait même plutôt l'inverse.... Mais pour comprendre la bataille il faut s'y rendre.
On note cependant qu'elle est toujours présente à l'avant-garde avec le Duc d'Alençon et la Hire ( ?) et que son rôle n'a pas encore été modifié, le refus de Charles VII d'aller plus en avant dans la lutte est surement plus une raison logique de la situation qu'une volonté de désavouer Jeanne ou de ne pas vouloir se battre pour des raisons politiques. Il est sur le terrain , mais se rends à l'évidence, de plus il sait qu'il ne peut rester longtemps, n'ayant pas de grandes villes près de Montepilloy pour permettre le ravitaillement aisément alors que le Duc de Bedford est dans une situation bien plus enviable et a judicieusement choisi son emplacement, il est clairement avantagé géographiquement et bénéficie d'un terrain favorable pour ses archers.
Quand on observe l'environnement géographique sur place on comprend assez vite le choix de Charles VII de repartir sur Crépy-en-Valois, c'était la solution la plus sûre et la moins coûteuse en homme, Jeanne s'y résigna probablement avec sagesse sans qu'on sache réellement ses intentions. On peut penser aussi que le roi, assez prudent de nature, commence à infléchir sa volonté d'en découdre avec les Anglos-Bourguignons dans cette période.
La question du château de Montepilloy et de son absence, qui semble invisible aux yeux des chroniqueurs, est assez étrange et mérite quelques éclaircissements. J'avais du mal à comprendre le fait qu'il soit totalement absent dans les écrits, alors qu'au vu de l'importance tactique c'était un château indiscutablement nécessaire pour défendre Senlis et lors de la dite « bataille de Montepilloy ». Cet oubli des trois chroniqueurs principaux pouvait s'expliquer soit par la destruction, soit par l'inutilité du château militairement parlant, voir un oubli qui parait cependant peu probable d'autant que l'un des chroniqueurs parle de la présence de Charles VII et de Jeanne d'Arc à Montepilloy sans préciser à aucun moment le « castel » .
Mais l'explication se trouve peut-être dans le condensé et instructif monographie de Jacques Harmand de 1979. En effet selon lui, le château a été détruit vers 1430 :
« Vers 1430, les Anglais qui avaient occupé la place ( depuis 1422 environ ), grevèrent lourdement Senlis et sa région ; ils pendirent les députés qui leur avaient été envoyés pour traiter de la capitulation ; aussi lorsqu'ils se furent retirés les Senlisiens et les gens du roi démolirent le château » Il reste très prudent sur cette histoire, en parlant d'un légende locale qui peut avoir un fondement réel mais sans preuve tangible.
L'autre explication, plus plausible à mon avis, selon Jacques Harmand pourrait avoir été la destruction volontaire de Montepilloy, alors appelé pendant une période « Mont aux Pillards », car trop faible pour offrir une belle résistance aux Anglais mais suffisamment intéressant comme base de replis et de logistique pour les voleurs et autres brigands de grand chemin très fréquents en période de guerre.
C'est d'autant plus vrai que sur la carte de la capitainerie d'Hallane de 1711 on remarque que le village de Montepilloy se trouve à la croisée des chemins de Borest, Fourcheret, Crepy-en-Valois, Baron, Senlis, Bargery etc un axe donc central intéressant pour qui veux contrôler les alentours.
Le problème de Montepilloy était probablement le fait qu'il avait une grande tour défensive, haute et stratégique, mais affublée de faibles défenses relativement anciennes ( châtelet ) et insuffisantes contre une armée.
La dernière explication serait la destruction par Henri IV, mais noté nulle part comme il était souvent coutume de le faire pendant les guerres de religion, réfuté logiquement par Jacques Harmand.
Cette pancarte sur l'église de Montepilloy, en face du château, est malheureusement erronnée. Aucun élément ne permet de dire qu'elle y a dormi, on sait juste qu'elle est venue à Montepilloy très tôt le matin du 16 août pour repartir vers midi, supposer que son campement serait dans la cité semble être une extrapolation peu sérieuse et infondée. Par ailleurs on ne peut pas parler de succès, mais plutôt d'un statu quo, aucun partie n'ayant pris vraiment le dessus...Ces pancartes célébrant le 500ième anniversaire , comportant régulièrement des erreurs ou imprécisions, participent·fâcheusement à accentuer le flou sur la vie et le trajet de la Pucelle.
Pour ma part l'absence totale du château de Montepilloy dans la bataille, en dehors de la présence courte à Montepilloy sans autre précision de Charles VII, accompagné de quelques capitaines, le 15 août et de Jeanne d'Arc, en compagnie du Duc d'Alençon, dans la matinée du 16 août peut s'expliquer par le fait que le château était inutilisable, voir inhabitable, mais peut-être possédait-il un point de vue suffisant ( Donjon encore présent ? ) pour observer le champ de bataille surtout si l'ensemble de la colline était déboisée ce qui est très fort probable. D'autant que les Anglais ne semblent pas avoir cherché à ( re ? )prendre le château et l'ont même carrément ignoré en s'arrêtant net à Notre Dame de la Victoire en contrôlant peut-être uniquement la route entre Montepilloy et Senlis, ce qui prouve que pour eux il était hors d'état usage et n'était plus une menace pour Senlis.... Bien sûr on peut penser que les français y étaient déjà le 14 août, voir avant puisque que le roi est déjà à Baron avant ce jour, mais ce n'est pas relaté par les chroniqueurs. Une autre indication peut suggérer que le donjon n'était plus présent dans toute sa hauteur, c'est l'envoi par Charles VII d'éclaireurs pour suivre la route du Duc de Bedford y compris aux abords de Senlis, aurait-il été nécessaire de le faire si la tour existait encore ? Difficile à dire.
Cependant une chronique écrite vers 1460 par Lefèvre de Saint-Rémi, conseiller du Duc de Bourgogne, fait référence à la tour sans pour autant parler d'un usage quelconque. Mais le fait que le chroniqueur en fasse référence laisse supposer qu'elle existait encore à ce moment là :
"à deux lieues près de Crespy-en-Valois, et là étaient le duc d'Alenchon, la dite Pucelle et pluiseurs aultres capitaines. Le régent ( Duc de Bedford ) qui désirait la bataille contre les Français, approcha d'eux jusques à une Abbaye quy s'appelle La Victoire, laquelle n'est point loing d'une tour qui s'appelle Mont-Espilloy, et là arriva environ my aoust l'an mil 1429". C'est à ma connaissance le seul texte parlant de la tour sur la bataille de Montepilloy.
Il est probable, donc pas certain, que le château fut fortement endommagé avant 1429, même si il existe un certain flou à ce sujet, d'où son absence lors de la « bataille de Montepilloy ».
[1] Jean Mesqui, La fortification dans le Valois du XIe au XVe. Bulletin Monumental 135 , 1977 et Notes sur le Château de Montepilloy, Bulletin Monumental 137-IV, 1979
[2] Jacques Harmand, Le château de Montepilloy, Bulletin Monumental 137-II, 1979
[3] Livre·
[4] Perceval de Cagny, Tome IV, Jules Quicherat, page 21