Prise de la Bastille Saint-Loup

 

Bastille Saint-Loup, actuel Château de Saint-Loup à Saint Jean de Braye

Château de Saint-Loup ( à gauche derrière les arbres...) à Saint-Jean-de-Braye dans la périphérie d'Orléans. Ancien lieu de la Bastille de Saint-Loup, c'est à cet endroit que Jeanne d'Arc, avec le Comte Jean de Dunois - Bâtard d'Orléans, remporte sa première victoire lors du siège d'Orléans.

La bastille Saint-Loup est la plus isolée des bastilles et se situait à l’Est d’Orléans, sur les bords de la Loire, sur l’actuel Château de Saint-Loup. On sait peu de chose sur le nombre des défenseurs, une centaine selon Jean Pasquerel, 154 selon le « journal du siège d’Orléans » ce qui semble réaliste et 300 environ selon Perceval de Cagny. Difficile de savoir comment était la défense de la Bastille, même si des tranchés, des pieux plantés à terre semblent le minimum comme à la La Bataille de Montepilloy. Ce nombre de défenseurs peut ne pas paraître très élevé mais on est dans la norme, la défense d’un château ne demandait pas forcément plusieurs centaines d’hommes, on est peut-être même pour le cas d’une bastille, ouvrage en général de taille réduite, dans un chiffre relativement important. Si on prend le cas du Château de Château-Gaillard la garnison était ‘seulement’ de 300 hommes, plus les habitants du village, face à Philippe-Auguste.

Les  Anglais avaient pris cette position stratégique sur l’ancienne voie romaine allant « d’Autun à Paris », position surplombant la Loire, pouvant donc surveiller les allées venues maritimes et terrestres. La bastille possédait alors une chapelle Notre-Dame, qui existe toujours quoique peut-être fortement modifiée depuis.

Voir aussi : Jeanne d'Arc lors du Siège d'Orléans

 

 
Siège d'Orléans, Mercredi 4 mai 1429


Plan Siège Orléans

Orléans en 1429, en Bleu : Orléans et en Rouge les Bastilles Anglaises. On comprends aisément qu'Orléans est assiégée sur sa partie Ouest, Nord et Sud, mais qu'à l'Est  la Bastille Saint-Loup est particulièrement isolée et ne peut rendre totalement étanche le siège, surtout depuis le départ des Bourguignons.


Alors que Jeanne et Dunois sont entrés, avec quelques hommes en armes et des vivres, par la porte de Bourgogne, cette fois-ci l’armée de secours franchit les lignes ennemies.
Jeanne, avec la Hire, le seigneur de Villars, Florent d’Illiers, le capitaine Alain Giron, Jamet de Tilloy , forment une équipée de 500 hommes en armes environ. Au matin ils rejoignent l’armée de secours dans les champs, Dunois est accompagné de plusieurs milliers d’hommes avec Gilles de Rais, le maréchal de Saint-Sévère, Gaucourt, Poton de Xaintrailles et le baron de Coulonces ( Jean de la Haye ) seigneur Normand et de deux milles hommes environ. Plusieurs gens en armes viennent également des villes suivantes : Bourges, Angers, Tours et bien sûr Blois.

Il n’y a aucune réaction des troupes Anglaises, selon Perceval de Cagny qui écrit dans sa chronique «  ils passèrent près des forteresses des Anglais, près de la ville (probablement entre Bastille de Paris et celle de Rouen), par entre les bastilles, sous leur vue, sans que nul ne bougeât de son logis, comme gens qui n'auraient su ni pu s'aider. »
Pasquerel raconte les mêmes faits « Peu de jours après, à la suite d’une quantité d’hommes d’armes, je vins à Orléans, par la Beauce, avec la bannière et les prêtres, sans aucun empêchement. Jeanne vint à notre rencontre et nous entrâmes tous ensemble dans la ville. Il n’y eut pas de résistance: nous fîmes entrer le convoi sous les yeux mêmes des Anglais. C’était merveilleux. Les Anglais étaient en grande puissance et en grande multitude, excellemment armés et prêts au combat ; ils voyaient bien que ces gens du roi faisaient maigre figure vis-à-vis d’eux. Ils nous voyaient, ils entendaient chanter nos prêtres au milieu desquels je me trouvais portant la bannière. Eh bien! ils demeurèrent tous impassibles et n’attaquèrent ni les clercs ni les hommes d’armes. »
On peut être surpris du mutisme  des Anglais, mais il n’est pas certains que leur nombre  suffise à empêcher une telle armée de passer. Aujourd’hui on ne connait pas vraiment les effectifs dans les Bastilles et on ne connait quasiment rien sur la configuration et l’architecture militaire de celles-ci.

En tout cas les évènements s’accélèrent dans l’après-midi, en effet dans la matinée Dunois informe Jeanne que les Anglais attendent des renforts avec Fastolf, à cela elle répondit « Bâtard ! Bâtard ! Au nom de dieu je te commande que tantôt tu sauras la venue de Fastolf, que tu me le fasses savoir ; car, s’il passe sans que je le sache, je te promets que je te ferais ôter la tête », «  A quoi lui répondit le dit seigneur de Dunois "que de ne pas s’inquiéter, car il le lui ferait bien savoir". »
Réaction extrêmement menaçante pris tel quel, mais Jean d’Aulon l’intendant de Jeanne qui révèle l’entrevue précise bien  qu’en apprenant la nouvelle sur l’arrivée des renforts «  la Pucelle fut toute réjouit », il parait difficilement concevable qu’elle menace directement Jean de Dunois, même si il y a une certaine défiance de la Pucelle.



Début des hostilités, prise de la Bastille de Saint-Loup


Bastille Saint-Loup


Dans l’après-midi, après avoir discuté avec Jean d’Aulon, ce dernier part un peu se reposer sur une couchette, Jeanne fit de même «  sur un autre lit » avec la dite Hôtesse ( la femme de Jacques Boucher ), mais toujours dans la même pièce.
Mais elle se lève brusquement quelques temps après et dit «  en nom de dieu, mon conseil m’a dit que je dois aller contre les Anglais mais je ne sais pas si je dois aller à leurs Bastilles ou contre Fastof qui doit les ravitailler », version un peu différente de Jean Pasquerel puis qu’il dit : À peine étions-nous à Orléans que, pressés par Jeanne, les hommes d’armes sortirent de la ville pour aller attaquer les Anglais et donner l’assaut à la bastille Saint-Loup. Ce jour-là, d’autres prêtres et moi, nous rendîmes après dîner, au logis de Jeanne. Au moment où nous arrivions, nous l’entendîmes qui criait « Ou sont ceux qui me doivent armer? Le sang de nos gens coule à terre » Ayant été armée, elle sortit précipitamment et courut a la bastille Saint-Loup ou avait lieu l’attaque.
Dans le premier témoignage, il semble que Jeanne n’est pas au courant de l’attaque de Saint-Loup. Dans une certaine mesure cela peut paraître étonnant, Orléans est une petite ville, comment n’aurait pas t’elle put être au courant d’une sortie de plusieurs centaines d’hommes en armes ? Il y a un flou certain entre le récit du journal du siège d’Orléans, Perceval de Cagny et les autres récits, même si la finalité est la même.

 Elle fait chercher son cheval par Louis de Coutes, son écuyer, et se fait armer par Jeannette Lhuillier, la femme de Jacques Boucher, ainsi que l’une de ses filles ( Madeleine ou Charlotte, Marion n’ayant qu’un an ou deux  ).
Aignan de Viole raconte la même chose « J’ai bien souvenir qu’un jour, après dîner, — ce fut le jour où la bastille de Saint-Loup fut prise, — Jeanne qui dormait s’éveilla tout à coup et dit: « En nom Dieu, nos gens ont bien à besogner. Apportez mes armes et amenez mon cheval. »

Témoignage de Louis de Coules :  «Je croyais qu’elle allait dormir, lorsque presque aussitôt elle descendit et me dit: « Ha, sanglant garson, vous ce me disiez pas que le sang de France feust répandu ! » En même temps elle m’ordonna d’aller quérir son cheval. Pendant que j’y allai, elle se fit armer par la dame de la maison et sa fille. A mon retour, je la trouvai déjà armée. Elle me commanda d’aller chercher son étendard qui était resté dans sa chambre, et je le lui passai par la fenêtre. L’étendard une fois en sa main, elle partit au galop vers la porte de Bourgogne. « Courez après elle,» me dit l’hôtesse. Ainsi fis-je. Il y avait en ce moment une escarmouche vers la bastille Saint-Loup, et dans cette escarmouche le boulevard fut pris. En route, Jeanne rencontra quelques Français blessés, ce qui la fâcha beaucoup. Pourtant les Anglais s’apprêtaient à faire bonne défense. Jeanne s’avança contre eux en grande hâte. Aussitôt qu’ils l’aperçurent, les Français se mirent à jeter de grands cris, et fut prise la bastille Saint-Loup.»

 

En tout état de cause Dunois était parti à la Bastille Saint-Loup avec environ 1500 combattants environ, cependant le « journal du siège d’Orléans » ne semble pas faire de différence entre le départ de Dunois et la Pucelle qui pour le journal seraient partis en même temps. On peut penser qu’entre les premières actions contre la bastille et l’arrivée de la Pucelle le délai fut relativement court. Mais curieusement aucune action de Jehanne, pour le journal, n’est mise en évidence.


Les Anglais offrent d’abord une forte résistance, malgré un assaut qui dure trois heures environ, les  Anglais s’étaient fortement retranchés dans leur bastille. La Bastille est cependant prise, selon le Journal du siège d’Orléans il y a du côté Anglais 114 tués et 40 prisonniers qui pour ces derniers sont amenés à Orléans, fait d'ailleurs confirmé par la Pucelle puisque dans une sommation du 5 mai 1429 elle dit la chose suivante ( témoignage de Jean Pasquerel, procès de Réhabilitation,  Quicherat tome 3 page 107, la lettre n'a pas été conservée ) :

" Vous hommes d'Angleterre, qui n'avez aucun droit en ce royaume de France, le Roi des Cieux vous avervtit et vous mande par moi, Jeanne la Pucelle, que vous abandonniez vos bastilles et que vous retiriez chez vous, ou bien, je vous ferai un tel "hahu" que vous en aurez mémoire à jamais. C'est pour troisième et la dernière fois que je vous écris, et je vous écrirai plus.

Signé : Jésus Maria Jeanne la Pucelle.

Elle rajouta dans son écrit, une forme de Post Scriptum : j'aurai pu vous envoyez plus honnêtement ma lettre, mais vous détenez captifs mes hérauts; vous en avez en effet gardé mon héraut Guyenne. Veuillez donc me les renvoyer, et je vous rendrai certains de vos gens pris à Saint-Loup, vu qu'ils ne sont pas tous morts"

Dunois, avec les autres capitaines, entreprennent de détruire la bastille Saint-Loup, mais une contre-attaque sévère de la bastille de Paris ( ou nommée aussi Saint-Pouair ) se trame. Orléans voyant les Anglais de la bastille venir à la rencontre des Français, font sonner les cloches du beffroi à deux reprises pour les prévenir et sonner l’alarme. Le maréchal de Sainte-Sévère, le seigneur de Graville, le baron de Coulonces ainsi que 600 hommes sortent d’Orléans et se mettent dans les champs pour les intercepter, ces derniers retournent dans la bastille.

Perceval de Cagny, alors chroniqueur du Duc d’Alençon, relate un fait qui semble relativement occulté aujourd’hui mais dont la véracité est difficile à établir, mais surtout raconte les choses comme si la Pucelle était la maître d’œuvre de l’action :
« La Pucelle appela les capitaines, et leur ordonna que eux et leurs gens fussent armez et prêts à l'heure qu'elle ordonna : à laquelle elle fut prête et à cheval plus tôt que nul des autres capitaines, et fit sonner sa trompette ; son étendard après elle, alla parmi la ville dire que chacun montait, et vint faire ouvrir la porte de Bourgogne et se mit aux champs. Les gens de la ville, qui étaient en bon habillement de guerre, avoient ferme espérance que les Anglais ne leur pourraient rien faire mal en sa compagnie ; sortirent en très grand nombre. Et après se mirent aux champs, les maréchaux de Rais et de Boussac, le bâtard d'Orléans, le sire de Graville ( Jean Malet, le dernier défenseur de la Normandie, d'où Il s'expatria en 1418, après avoir perdu le Pont de l'Arche. Il était grand maître des arbalétriers depuis 1425 ) et les autres capitaines. La Pucelle leur ordonna à garder que les Anglais qui étaient dedans leurs bastilles en bien grand nombre, ne pussent venir après elle et ses gens à pieds de la ville. Elle pris  des gens d'armes avec elle, et s'en alla devant la bastille de l'Abbaye des Dames, nommée Saint Loup, en laquelle étaient environ 300 Anglais. Sitôt comme les gens de la ville d'Orléans y furent arrivé, incontinent ils allèrent à l'assaut. La Pucelle prit son étendard et se vint mettre sur le bord des fossés. Tantôts après ceux de la place se  voulurent rendre à elle. Elle ne les voulut recevoir à rançon et dit qu'elle les prendrait malgré eux, et fit renforcer son assaut. Et alors  la fut place prise et presque tous mis à mort. Ce fait, elle retourna en la ville d'Orléans, et les seigneurs qui l'avaient attendue, qui tous se donnaient merveilles de ses faits et de ses paroles. »
Dans cette action, selon Perceval de Cagny, Jeanne refuse la reddition des Anglais, c’est un fait relativement étonnant car il entre en contradiction avec les faits futurs. De plus c’est totalement éludé, voir caché, par les témoignages au procès de réhabilitation. Pour autant on ne connait pas les conditions de cette reddition, peut-être étaient-elles inacceptables ?  il apparait peu vraisemblable par exemple d'accepter leur reddition pour ensuite rejoindre les autres bastilles ce qui conduirait à les renforcer, difficile d'avoir donc un avis très tranché sur la question.


On a donc trois versions, relativement différentes sur les opérations de la prise de la Bastille Saint-Loup, celle raconté par Perceval semble cependant proche de celle du « journal du siège d’Orléans ». Mais les témoins au procès de réhabilitation racontent presque une histoire différente ,de Perceval et du Journal,  jusqu’à sa sortie d’Orléans. Jeanne lors du procès à Rouen y reviens que de manière très succinte :

«L’interrogateur: Quelle compagnie vous donna votre roi quand il vous mit en oeuvre?

        Jeanne : Il me donna dix ou douze mille hommes.  D’abord j’allai à Orléans, à la bastille de Saint-Loup, et puis à la bastille du Pont.»


Il y a sûrement un mélange des faits surtout des années après. La ville est relativement petite,  Dunois capitaine d’Orléans semble plutôt en mesure d’être conciliant avec Jeanne et au petit soin. Pourquoi aurait-il pris la décision de cacher à Jeanne la tentative de prendre Saint-Loup ? sachant que sa présence serait bénéfique, au moins pour le moral des troupes et des habitants. On peut rajouter que la Pucelle avait demandé à Dunois de la prévenir en cas de présence de Fastof et des renforts britanniques, ce que le Bâtard d’Orléans lui aurait promis, il semble peu logique qu’il aurait par la suite tenté de cacher l’attaque de Saint-Loup.  Pour finir Perceval de Cagny et le « journal du siège d’Orléans » sont souvent proches, plus neutres et leurs récits sont rarement mis en défauts. Cependant le témoignage de Louis de Coules, écuyer, est assez précis. Dans tous les cas, quelque soit le début de la prise de la Bastille Saint-Loup ça ne doit pas occulter le résultat, d'autant que tous les témoignages confirment tous le fait que la Pucelle était bien présente et que ça présence fut décisive  :

C’est la première victoire de la Pucelle

Jeanne d'Arc, le pouvoir de l'innocence

Extrait du film de Pierre Badel, Jeanne est jouée par Cécile Magnet et Dunois par Henri Déus, concernant la prise de Saint-Loup

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Monument relatant la bastille Saint-Loup, actuellement sur l'ancienne route d'Autun à Paris. Aujourd'hui rue du Faubourg de Bourgogne.

Monument relatant la bastille Saint-Loup, aujourd'hui  dans la rue du Faubourg de Bourgogne qui fut l'ancienne route Romaine. C'est sur ce chemin que Jeanne et Dunois attaquèrent la Bastille Saint-Loup.



 

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