Château de Pointfonds à Selommes

 

 chateau de pointfonds

Situé en contrebas du village de Selommes, le Château de Pointfonds, anciennement Puyfonds, doit son nom à son emplacement. En effet il est situé dans un marais, dans un vallon entouré de collines. Il est aujourd'hui assez ruiné et la végétation a recouvert l'ensemble. Il aurait été restauré en 1430, soit  après la libération du siège d'Orléans, et probablement après le ravage par les Anglais dans la région ( voir le château de Fréteval ) avant le siège de la ville. Louis XI y a séjourné à plusieurs reprises, pas moins de 19 fois. L'église du prieuré est située à seulement 250m environ.

 

Historique & Histoire 

 

La seigneurie a appartenu à la famille de Tibivilliers, seigneurs également de Monthault ( ou Montault ) et de Fleury-en-Vexin ( actuellement le village de Fleury dans l'Oise ). Le village de Fleury était historiquement dans le Vexin de Normandie, sur les rives de l'Andille. Il existe un village de Thibiviliers aux origines assez anciennes, puisqu'elle est attestée dès 850, village nommé THETHBIACUM (de Theubdo : nom d’homme germanique et d’un suffixe d’appartenance), puis en 1090 dans un texte c'est écrit Tibivellaré (de Tibi : déformations successives de Thethbi et vellare de villa : la ferme)
 
 Il s'agit d'un composé d'un nom d'homme germanique Theudbo, variante Theudbo, voire Tiepo et du bas latin villare « écart, ferme, hameau », dérivé du latin villa. La racine du nom germanique theud- signifiait « peuple ».(3)
 
Suivant les époques, le nom du village s’écrira successivement : 
                        
                        - Tibiviller
                        - Tibivilliers
                        - Thibouvilliers

La famille de Tibivilliers est probablement originaire de cette contrée. Peut-être que la guerre de Cent Ans, les différents conflits de pouvoir en Normandie ont contraint une partie de la famille à se retrouver dans le Vendômois.

1090,  Robertus de Tibivillari est cité parmi les bienfaiteurs du prieuré de Laillerie près de Chaumont

1256,  Dreux de Thibivillers ratifie un échange de terres avec les religieuses de Gomerfontaine

1266,  Pétronille, femme de Robert Mansion de Thibivillers ratifie l’acquisition d’une terre sise à Jaméricourt par les religieuses de Gomerfontaine.

XVe, Gaultier de Thibivillers détient, en raison de sa femme une petite seigneurie à Fleury : le fief de Montault

Restauration du château

1430, Il semble que le château fut restauré ou reconstruit. Néanmoins au vu de l'aspect général des ruines, il me semble qu'il s'agit plus d'une restauration, notamment au niveau des fortifications, qu'une reconstruction. Effectivement les tours, de 6m de diamètre, sont caractéristiques des constructions du XIIIe. Il parait aussi difficile qu'en pleine guerre de Cent Ans, malgré l'abandon des Anglais des terres de la Beauce et d'Orléans, voir Bataille de Patay, il y ait eu le financement suffisant pour reconstruire un château médiéval. Au vu de ce que j'ai vu, il s'agit d'une construction du XIIIe, voir XIVe, avec des modifications et améliorations ultérieures.

tour angles pointfonds

 

1457, Charles d’Orléans, le poète, est parrain du fils de Denis de Thibivillers, seigneur de Montault, page de Marie de Clères, duchesse d’Orléans.

1504,  Mort de Jean de Thibivillers, seigneur de Noyels de Montault à Fleury, capitaine de Gournay en Bray, gentilhomme du comte de Dunois et des rois Charles VIII et Louis XII, et qui avait guerroyé en Italie Il était marié à Catherine d’Illiers des Adrets, mère d’Antoine de Thibivillers.
Catherine était la sœur de Jeanne d’Illiers des Adrets, laquelle était la femme d’Olivier Ronsard, mère de Louis Ronsard. Les Thibivillers étaient donc cousins germains de la famille du poète Pierre de Ronsard.

Une cheminée, située à Fleury, exécutée par des artistes italiens, portait les monogrammes de ceux qui l’avaient fait construire : Antoine de Th. Et Jeanne Buleux. Une cheminée semblable existait au manoir de la Possonière, en vendômois où Pierre de Ronsard naquit en 1524. (1)

Méry de Tibivilliers succéda à son père comme seigneur de Puyfonds, Montault et Fleury-en-Vexin. Il rendit foy et hommage pour Selommes à Charles 1er de Bourbon, comte de Vendôme, qui n'avait que 16 ans. Un an après son avènement au trône de Selommes, Méry perdit son oncle Bertin (1504) et, deux ans après son oncle, le chanoine de Chartres (1506).

1516, Méry ne reste pas en vie bien longtemps, car c'est Antoine de Tibivilliers qui devient seigneur de Pointfonds. Peut-être est-il le fils de Méry,puis c'est au tour de sa soeur,Ysabeau de Tibivilliers,  qui hérite et par son union avec Adrien de Chantelou, fit de ce nouveau personnage un seigneur de Selommes, comme elle en fit un seigneur de Puyfonds, Monteault et Fleury-en-Vezin. De ce mariage naquit sûrement un fils, qui porta le nom de Guy de Chantelou et fut seigneur des trois fiefs de son père et en plus de celui de la Bosse. Notre Guy de Chantelou, qui était seigneur du duc d'Orléans, épousa Agnès d'Aigueville et mourut en 1540. Il est bien dommage que Messire Berthault Leloyau qui fut votre prédécesseur, en 1520, n'ait pas rédigé des actes de baptême ou de mariage. Sans cela nous ne serions pas dans l'obligation de dire que nous supposons encore, que Louis de Vaudray, qui fut seigneur de Selommes en 1562, le fut d'après son mariage avec une fille de Guy de Chantelou et d'Agnès d'Algueville et que Arthur de Vaudray, notre seigneur en 1584 fut le fils de Louis. Les Chantelou portaient « d'or au loup passant de sable, accompagné de trois tourteaux de gueules ». (4)

Le 2 mai 1527, une Vendômoise Jehanne de Chanteloup, veuve de Jehan de Courtis, très vraisemblablement proche parente de notre vieille connaissance Adrien de Chanteloup, que nous avons vu ceindre son front de la couronne de Selommes, en épousant Ysabeau de Tibivilliers, se remariait, comme c'était son droit. Ce qui me fait vous parler d'elle, c'est que dans un avenir assez rapproché, un de ses enfants héritera de Puyfonds et de Monteault. Elle épouse René de Bucy, gentilhomme normand, très bien en cour.

1554, René de Bucy est aussi seigneur de Gournay en Bray,  gouverneur de Doullens, à 7 lieues environ d'Amiens, sous les ordres du comte de Penthièvre qui n'est autre que notre duc de Vendôme, Antoine de Bourbon, père d'Henri IV. En 1557, il monte en grade, car il est nommé maitre d'hôtel du roy et gouverneur
de Soissons, qui dépendait aussi de notre duc.

1562, son dernier échelon est gravi, quand on le nomme gouverneur de Boulogne.

1566, Le manoir seigneurial de Thibivillers ( dans le Vexin Normand ) est brûlé par des gens de guerre qui ravageaient la région (probablement des guerres de religion qui y firent rage).

 

Abandon du château de Pointfonds

1600, Marc de Bucy, qui portait les titres de seigneur de Boisville, Montault et Selommes,  fait édifier sur le plateau sa demeure seigneuriale de Montault. En 1600, il rend foy et hommage au très jeune duc, qui est César, fils légitimé d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrée et dans son aveu, il parle de son fief de Parfonde (sic) et de Monteaux avec sa haute justice et son péage.

Ceci explique l'aspect médiéval du château et sa ruine, après que Marc de Bucy s’éloigna de Selommes, le château dans les marais n'avait plus d'utilité militaire et en ces périodes la volonté principale était de rendre la vie plus agréable avec des châteaux plus confortables. Il est possible que la situation marécageuse, la relation peut-être difficile avec le prieuré de Selommes entérinât la fin de Pointfonds.

 

chateau selommes pointfonds

 

 

Les séjours de Louis XI à Selommes

 

Louis XI portrait

 Portrait de Louis XI par Jacques de Litemont, vers 1469.
 

Textes de  l'abbé Brisset  publié de 1925 à 1931 dans le Bulletin paroissial, l'Étoile de Selommes et de Villemardy.  Texte légèrement modifié et expurgé des paragraphes qui  ne m'ont pas semblé utiles .

L'abbé Brisset a fait à son époque un remarquable travail de recherche, d'approfondissement de l'histoire de Selommes. 

 

 

A Pierre de Tibivilliers succéda Jean de Tibivilliers qui aime à faire suivre son nom des qualificatifs de seigneur de Selommes, Monthault et Fleury-en-Vexin. 


En mars 1470, on devait être sérieux, car c'était carême et les joyeux eux-mêmes savaient mieux que maintenant respecter la sainte quarantaine. On le fut davantage encore vers le 16, car il survint de Landes à Selommes, pour gîter à Puyfonds chez les Tibivilliers, un singulier personnage. C'est dommage que mes grands-pères ne m'aient pas transmis leurs mémoires (il est vrai qu'ils ne savaient peut-être pas écrire). Ils m'auraient dit qu'il venait de par Villemardy, monté sur une mule ; qu'il était vêtu d'un habit fort étroit que cachait en partie une casaque à larges manches ; que son chef était coiffé d'un capuchon comme les pèlerins qui s'en allaient soit à Rome, soit à Saint-Jacques-de-Compostelle ; qu'il était sans barbe et devait friser la cinquantaine ; que quelques hommes d'armes l'accompagnaient pour le défendre en cas de danger ; qu'à sa vue le seigneur de Selommes fit abaisser le pont-levis et qu'il s'inclina profondément devant lui, etc.., etc...

Ce voyageur, c'était le roi de France, le fils de Charles VII pour qui Dieu, par Jeanne d'Arc, avait fait un miracle, c'était le terrible Louis XI (1423-1483). « Cher et amé compère, dit le monarque à messire Jean, que Dieu vous aict en sa saincte et digne garde », et il lui tendit les bras. Catherine lui est présentée et il l'embrasse, car il est affectueux, comme les chats, quand ça lui rapporte.

Le roi est sombre, plus que de coutume, et il vient ici se reposer. Mais les cris de chasse-marées qui firent trembler ma cousine doivent le faire trembler aussi, car elles sont nombreuses pour lui à cette heure, et il faut plus que la lune pour les mettre en fuite : c'est le cardinal La Balue, que quelques mois passés il a fait enfermer à Onzain dans une cage de fer et qu'il vient peut-être de visiter pour s'assurer qu'il n'a pas rompu ses chaînes et ses barreaux pour le trahir encore; c'est Richard Neuvill, comte de Warwick, surnommé le faiseur de rois, qui lui donne du fil à retordre en cette fin d'hiver ; c'est le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire ; c'est son propre frère Charles, duc de Berry (1446-1472), qui n'a cessé d'intriguer contre lui, et auquel il vient de donner pour l'apaiser le Duché de Guyenne, en attendant qu'il lui cède à sa mort le trône de France, car il n'a que deux filles.

Mais voici qu'au château d'Amboise, son épouse, Marguerite d'Écosse, attend un nouveau rejeton pour la fin de juin. Si c'est un fils quelle joie dans ce ménage royal, vieux déjà de 34 ans ! mais aussi quelle déception pour Charles de Berry qui repartira encore en guerre contre lui.

Louis XI ne dut pas rester longtemps chez nous, et le 19 il était à Amboise.

L'année suivante, 1471, Selommes devait avoir de nouveau la visite royale. Comme il était à Vendôme, le mercredi 16 Octobre, il ne crut mieux faire que de venir coucher à Selommes, et nos châtelains eurent, l'honneur de l'héberger les Jeudi 17 et Vendredi 18. On put féliciter le roi d'avoir un héritier, car le 30 juin de l'année précédente, la reine avait accouché d'un fils qui fut Charles VIII. Mais le roi était toujours soucieux. Son frère avait en vue deux mariages. S'il épousait la fille du Comte de Foix, il était maitre du midi ; s'il épousait la fille du Duc de Bourgogne, il étouffait entre ce duché et celui de Guyenne le pauvre roi de France ; et Charles le Téméraire disait en ces jours : « Nous lui mettrons tant de lévriers à la queue qu'il ne saura où fuir ». S'il pria l'an passé en notre église, car il allait chaque jour à la messe, pour avoir un fils, il dut y prier, l'an présent, pour n'avoir plus de frère. Le roi savait que Charles de Berry avait depuis un mois la fièvre quarte ; je suis certain qu'il ne lui envoya pas de l'eau de StBouchard. S'il en puisa, ce fut pour lui-même. Et Louis XI quitta Selommes pour revenir à Vendôme. 

Aussi pouvons-nous dire qu'il était l'hôte de Puyfonds le mercredi 20 octobre 1473. Que venait-il faire? Nul ne nous l'a jamais dit. Et de chez nous il retourna à Cléry. Ce fut sa cinquième visite et ce ne fut pas la dernière.

Cependant, à moins que nos recherches n'aient pas été fructueuses, nous pouvons dire qu'il retarda beaucoup pour revenir voir messire Jehan, car je ne puis enregistrer sa sixième apparition sur les rives de la Houzée que le 20 mars 1475. Il y vint avec son secrétaire, J. Mesme. II est alors bien préoccupé ; et quand ne l'était-il pas, lui qui préoccupait toujours les autres.

Sur son ordre son scribe écrit aux habitants d'Harfleur (port situé à 10 kilomètres du Havre) pour qu'ils remettent à Jean de Torchefelon deux pièces d'artillerie, car il s'agit d'armer la Topicasse dont il a reçu le commandement. C'est que Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, pour vaincre plus facilement notre roi, a
décidé le roi d'Angleterre Edouard IV à envahir les côtes de France. Oui, Louis Xl, doit faire triste figure au triste château de Selommes. Et il nous quitte pour ne revenir que dix mois plus tard. Mais quelle besogne il a accomplie en ce laps de temps ! Édouard IV a été obligé en juillet 1475 de signer le traitée de Picqulgny et de s'engager à ne plus nous combattre pendant sept ans et de plus à retirer ses armées. Il traite autrement avec les seigneurs français qui ne le secondent pas. Il fait exécuter en place de grève à Paris le fameux Louis de Luxembourg, comte de Saint Pol; il fait enfermer à la Bastille, et dans une cage de fer Jacques d'Armagnac, duc de Nemours. C'est que ce dernier avait pris part à la grande coalition contre Louis XI, qui s'intitula la Ligue du Bien Public, parce que les coalisés prétendaient défendre les intérêts du royaume mal gouverné « pour soulager le pauvre peuple si misérable».

A Vendôme, de bons bourgeois avaient cru devoir se soulever aussi, mais en cette fin d'année 1475, ils avaient payé de leur liberté leur crime de lèse-majesté et ils attendaient la mort, tout comme Jehan d'Armagnac. Louis XI revint à Selommes le 19 janvier 1476 et il y revint en miséricordieux. En notre vieux château, il signa des lettres de rémission et les prisons vendômoises s'ouvrirent. Notre terrible justicier, qui voulait terroriser la grande noblesse, voulait s'attacher la petite bourgeoisie et s'y faire des compères.

La huitième visite royale s’effectue le vendredi 30 août 1476.

Louis nous arrive de Tours et cette fois c'est pour faire chez les Tibiviliers un assez long séjour, car il est fait mention de lui chez nous les mardis 3 septembre, dimanche 15 et lundi 16 sans qu'on parie les autres jours de son passage en quelque lieu que ce soit Il est venu avec deux secrétaires.

Entrons le lundi 16, dans son cabinet de travail et nous l'entendrons dicter plusieurs lettres.

Par le sieur Tilhart il écrit au gouverneur du Roussillon, le vicomte de Bellière, « son ami et féal conseiller et chambellan » dont il vient de recevoir par Portugal (l'un de ses nombreux courriers), une lettre beaucoup trop nuageuse... aussi s'étonne-t-il que le dit gouverneur « I craigne d'écrire et le fasse d'une façon si peu claire qu'on ne peut rien y entendre; il n'a pas plus à craindre que le grand maitre ou l'amiral qui n'ont pas hésité à s'expliquer sur les marchandises menées avec eux ». Mais le roi n'a aucun doute sur « sa fidélité ». Tant mieux pour le brave  Belliére car autrement gare à sa tête ou à la cage de fer. Le roi signe aussi la missive que probablement emporte aussitôt Portugal.

Maintenant c'est à Mesme de prendre la plume d'oie et de tendre l'oreille. Il écrit au grand Maitre de l'Ordre de Saint-Michel, fondé le 1°' Août 1469 au château d'Amboise, à savoir Mgr Antoine de. Chabannes qui se trouve à Dammartin. Louis XI voudrait bien « tenir la feste de l'ordre tant pour y adviser que pour mettre le nombre de chevaliers qui y défaillent, que pour pourvoir à beaucoup de choses qui y sont nécessaires ». La fête avait lieu en effet treize jours plus tard au Mont Saint-Michel et trente-six gentilhommes de la cour devaient y prendre part. Or comme on le voit, il y avait eu des décès. Parmi ceux qu'on va élire, Louis XI voudrait voir figurer Monseigneur de Gyé « qui est de bonne et grand maison et de présent comte de Porcien et de Marles... homme qui vault bien d'y être.». Et le roi fait ajouter «je vous en advertiz afin que en escriviez votre advis sur ce ». Je ne sais s'il fit nommer son hôte de Tibivilliers dont il dégustait les écrevisses de la Houzée ou les perdrix de Monteaux. C'aurait été justice s'il avait eu la reconnaissance du ventre. Sûrement il ne fit point décorer quelqu'un de mes grands-pères quoique cependant je n'en aie aucune preuve. Ils furent tous chevaliers du labour et j'en suis aussi fier. Vive la Terre, la grande amie comme l'appelle Pierre l'Ermite, en la Croix de Paris. Et le roi partit pour Cléry, où il était le dimanche suivant 22 septembre, avec sa suite de cinq ou six personnes.

 

Neuvième séjour de Louis XI

Toujours est-il qu'il nous revient pour la neuvième fois, vingt jours à peine après sa dernière visite. Il arrive tout droit du Plessis-du-Parc, près Tours, pour y retourner presque aussitôt après. Le sire Mesme l'accompagne encore.  C'est qu'il craint des complications du côté de l'Italie. Le duc de Milan vient de mettre le siège devant la ville d'Arigliana, propriété du duc de Savoie: Or ce dernier est son pupille, et il veut arranger l'affaire pour le mieux. Aussi bien, après la Messe, ce  dimanche 6 Octobre, car le roi, en bon chrétien qu'il est, ne manqua pas d'y assister, il fit écrire au duc de Milan pour le prier d'exposer ses griefs, étant heureux « de lui rendre justice ».
Je ne crois pas qu'il y eût quelque chose de changé durant l'office divin. Le monarque dut prendre place dans la chapelle seigneuriale du côté de l'Evangile et donnant dans le sanctuaire, et le prieur-curé lui présenta l'eau bénite à l'aspersion, et fut encensé à l'offertoire, comme on le faisait chaque dimanche pour son hôte de Tibivilliers, seigneur de Selommes. Mais on se borna là. Tous les historiens nous disent qu'il détestait les cérémonies et les harangues, comme les tournois et les banquets. Il ne voulait aucun éclat dans sa cour ; vêtu simplement en bourgeois, il se plaisait à abaisser la puissance elle même. Trois mois et quart après, il était derechef chez les Tibivilliers.

 

Dixième séjour à Puitfonds au 19 janvier 1477

 

Voilà ce qu'il nous est permis d'enregistrer dans les fastes de votre paroisse. Il revient du Plessis-du-Parc. Combien de temps séjourna-t-il chez nous ? Je ne sais. Tout ce que je puis vous dire, c'est que le 23 suivant il était à Rambouillet.

A Jehan Bourré, seigneur du Plessis, son ami et féal conseiller, maistre des comptes et trésorier de France, il fait écrire par Petit qu'il a reçu son cheval et sa haquenée, mais qu'il n'en veut pas pour rien :« Mandez-moi ce qu'ils me cousteront ou autrement je ne les prendrais pas ». Ceci est du 5. Le lendemain Vendredi 6, après avoir  savouré un brochet de la Houzée, le roi dicte à Berziau et fait savoir au même seigneur du Plessis qu'il l'exempte pour la présente année de partir pour la guerre, et il commande à tous les baillys, séneschaux et commissaires «de ne jamais l'inquiéter à ce sujet ». Aussitôt après, c'est au tour de Berziau d'écrire. Il fait savoir « aux amez et féaulx membres du Parlement que le roi est mécontent (gare à eux), qu'on ait fait des difficultés pour mettre comme bailly de Melun « son conseiller et chambellan le chevalier Philippe de Campreny » que toute hésitation cesse « et que nous n'ayons plus à parler. »

Le Samedi 7, Petit reprend la plume et s'adresse aux mêmes. Voulez-vous savoir pourquoi ? Oh oui.
Ecoutez. Il y a grande brouille entre l’évêque de Chartres, Milon (ou Milés) d’Illiers, le parent de Madame de Tibivilliers de Selommes, et Almery de Condun, l'abbé- cardinal de Vendôme. Figurez-vous que voilà quelques mois, contrairement à tous les droits ecclésiastiques, l'évêque a voulu pénétrer en maître, avec crosse et mitre, escorté des chanoines de St Georges, dans l'enceinte de la Trinité qui ne relève que du Pape.

Après un échange de parolesdisgracieuses, comme Milon voulait passer outre et avait même forcé les portes du monastère, le personnel du couvent lui arracha son rochet et son bonnet. On dit même, mais ce n'est pas sûr, que l'abbé le précipita à bas deson cheval et le mit à la porte. Cet événement était regrettable et on devait en parler à Puyfonds ; mais nous devons dire à la décharge d'Aimery de Condun que l'évêque était le plus mauvais coucheur de l'époque, et ses historiens racontent qu'il avait plus de cent procès à la fois. Fort probablement le cardinal est venu trouver Louis XI et lui a narré ses misères. Le Parlement incline en sa faveur.

Sur ce le monarque fait savoir «à ses amez et feaulx gens de sa court que avons esté et sommes contens ». L'évêque va-t-il encore protester ? « Vous mandons, fait-il ajouter, et expressément enjoingnons que la dicte Abbaye vous avez toujours en singulière recommandacions en contraignant le dit évêque à obéyr et obtempérir aux arréts ja donnez ».
Et le roi quitta Selommes, tenant les rènes du cheval qu'il venait de se payer, et serrant plus que jamais celles de l'Etat. « A bientôt » lui crions-nous quand il monte le tertre de Villarceau.

A-t-il entendu? Trois mois après, venant de Bonneval, il descend le même tertre et nous revient la tête pleine de grands projets. Cette fois, il sera longtemps à Puyfonds, et la France entière parlera de Selommes dont elle verra le nom sur de multiples missives. Je ne croyais pas, o cher pays, en commençant ton histoire, te montrer si célèbre. J'en suis agréablement surpris et délicieusement fier.

Onzième fois au vieux Château, le Vendredi 14 Août.

Il me semble le voir le lendemain sur les bords de notre fleuve national, la Houzée, et formant à lui seul tout son conseil. Il a dû rencontrer quelque troupeau qui descend de la Musse et cru entendre la voix du Divin Maître lui dire en ce XVe, comme il le disait au 1er siècle, mais en changeant les noms : « Louis, fils de Charles, pais mes agneaux, pais mes brebis » Son regard alors, pendant que les cloches carillonnent la Grand'Messe de la fête patronale, qui est l'Assomption de la Sainte Vierge, plonge à travers l'espace, des rives de la Houzée sur les rives du Tibre. Il voit là- bas dans la Rome Eternelle Sixte IV qui tend sa houlette vers la France et lui crie : « C'est à moi que Jésus à dit cela». Louis XI se dressera contre le Pape.

Et, dans notre bonne vieille église le roi entend la messe et prie en schismatique. Il y revient le lendemain dimanche et au retour lance une fameuse ordonnance dont je vous entretiendrai le mois prochain. Il eut mieux fait d'aller à l'assemblée qui devait déjà se tenir aux alentours de l'église en ce jour, et voir jouer, pour trois sols, et aux premières encore, comme moi voilà quelque cinquante ans, la douloureuse vie de Geneviève de Brabant.

Quelle belle semaine, du 8 au 11 Décembre j'ai passé chez vous au milieu desvôtres. Je dis que je les aime bien tous ; mais à ceux qui sont venus m'entendre, je dis que je les aime davantage. Enfin, à ceux qui sont venus communier, je crie que je les aime tout pleins.

 la onzième visite du roi chez vous prend fin. Nous savons que le 14 Septembre 1478, Louis XI était au Plessis, près Tours.

Douzième séjour de Louis XI  

Le Samedi 17 Octobre, Louis Xl était redevenu nôtre. Il nous faisait sa douzième visite en allant de Cléry à Tours. Mais ce n'est pas pour longtemps. Pourquoi ce crochet ? On dirait que c'est de Selommes que doivent partir les lettres désobligeantes à l'égard du Pape. Le secrétaire Robineau écrit aux « chers et grans amy les cardinaulx du Saint-Siège Apostolique » pour leur faire savoir qu'il a envoyé au Saint Père une ambassade en réponse aux ambassadeurs que ce dernier lui avait envoyés par Jean-André de Grimaldi, évêque de Fréjus « son crédencier » et qui n'avaient d'autre mission que de « dissimuler et le cuider abuser ». Les roublards ont toujours peur d'être roulés.

Treizième visite,  Dimanche, le 18 Avril (1479). Grand Dieu, qu'est-ce qui peut donc l'attirer ainsi ? Il était à Notre-Dame de Bigny, en Touraine, et il y retourne. Au moins durant ce court séjour il va se reposer ! Non, Louis XI ne connaît pas l'oisiveté. Vite, de Marle, mets-toi à la besogne, on n'est pas pour rien le secrétaire du roi. Et de Marle écrit à la Chambre des Comptes de vérifier et d'expédier des lettres à son valet de chambre Eustache Luillier, au sujet d'un don qu'il avait fait à son père, Regnault Luillier. Et pour la treizième fois le roi s'était fait solommois.

 

Quatorzième séjour

Elle eut lieu six jours après, et les 24, 25, 26 et 27 Avril (1479), il respirait l'air si vivifiant de votre doyenné, avec J. de Doyat et Leboursier, deux de ses secrétaires. Il nous arrive de Pluviers (Pithiviers).

Doyat écrit au nom de son maître, en ce samedi 24 Avril 1479, au sieur de Combronde, pour le remercier d'avoir fait assembler les nobles d'Auvergne, et lui intimer l'ordre de partir le plus tôt possible. La lettre écrite, Louis XI la signe, comme il fait toujours. Ce fut, dit-on, le premier souverain de France qui signa son nom, au bas des lettres de ses secrétaires, et même en écrivit personnellement.

Après une nuit Il alla pieusement entendre la messe, dominicale, puis avec Doyat écrivit à Messire de la Vignolle, son ami et féal conseiller. Sous le souffle du vent de Selommes, il s'occupe encore de l'Eglise. Voici, écoutez : Un courrier vient de lui remettre une lettre de faire-part de la mort de Jean de Beauvais, évêque d'Angers. Régulièrement c'est de la Balue qui devrait être assis sur le siège épiscopal, puisqu'il a été élu évêque d'Angers en 1467 ; mais il est dans une cage de fer depuis dix ans, et Louis ne semble pas disposé à le délivrer. Aussi bien les chanoines vont-ils se réunir pour lui donner un successeur. Le roi ne voit point d'inconvénient à ce qu'ils se réunissent, mais à ce qu'ils choisissent. Celui qui a voulu se faire un plat papal, va se faire un plat épiscopal. C'est Auger de Brie, le premier abbé commanditaire de l'Abbaye de Saint-Evroul de Rouen (1478), qui sera l'élu. " Sic volo sic jute ". Car c'est un habile homme qui par deux fois a  paisé en Angers, une révolte des habitants organisée à l'occasion de l'élection du maire. Louis XI veut être tout à la fois, roi, pape, parlement et chapitre en son royaume. Que de Vignole aille donc incontinent à Angers.

Le 27 Avril, le monarque part pour Orléans, mais seulement après avoir fait écrire par son secrétaire Leboursier aux membres du Parlement de Paris de publier les lettres par lesquelles il octroyait le Comté de Chartres à Louis de Joyeux et à Jeanne de Bourbon, à l'occasion de leur mariage. Cette Jeanne de Bourbon était nôtre, car elle était fille du noble et pieux Comte de Vendôme, Jean VIII, à qui les Thibivilliers rendaient foi et hommage. Mais son père n'était plus : il était mort subitement le jour de l'Epiphanie, deux ans déjà passés, en traversant le bourg des Roches près Montoire, alors qu'il se rendait mandé par le roi à Plessis-les-Tours, Je suis bien sûr que si quelqu'un du Selommois avait écrit des mémoires il aurait dit, comme tant d'autres, que notre cher comte avait été empoisonné par un venin subtil enfermé dans la lettre du roi. Cela, je ne le crois pas. Le proverbe fut toujours vrai « On ne prête qu'aux riches ».

Et pendant que Louis XI arpente la France, la gloire du chapitre d'Angers s'éclipse. Il a résisté déjà à trois injonctions. Une quatrième fois, il reçoit cette phrase : « Incontinent ces lettres veus, élisez Augier de Brie car pour sûr ne souffrirons qu'un autre eult l'évêché; car si je croyais homme qui y voise au contraire, je luy ferai vuider le royaume de France (13 Mai 1479). Et comme les chanoines tenaient à respirer l'air de la douce France, ils élièrent l'élu du roi le 1er Juillet.. Fort heureusement Hélie de Bourdeille, le saint archevêque de Tours, qui n'avait pas oublié, comme tout l'épiscopat français en 1905, qu'il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes, refusa d'approuver cette élection anti canonique, et Augier ne fut reconnu qu'administrateur du diocèse. Tout n'était pas rose pour l'Eglise sous la royauté.

 

Louis XI priant eglise clery saint andre

Cénotaphe de Louis XI dans la Basilique de Cléry-Saint-André, très à son avantage si on le compare à la peinture plus réaliste mais à un âge plus avancé.

 

La quinzième visite

de Louis XI à Selommes eut lieu cette même année 1479, les 27 et 28 Août. Venu de Pithiviers exprès, il y retournait aussitôt, mais pour bien peu de temps. Le 1er Septembre, il était à Cléry, et le 3 il était à Selommes, et restait nôtre jusqu'au 9 suivant. 

Seizième visite (3-9 Septembre 1479)

Notre hôte royal écrivit seulement deux lettres. La première est datée du 5. Il l’adresse au grand sèneschal de Normandie, le sire de Saint-Pierre, car il est furieux contre Monsieur de Saint André, le chef des gens d'armes qui sont dedans Thérouanne. Figurez-vous que ce particulier veut être un profiteur de guerre, non pas en faisant partie des mercantis vulgaires, mais en trafiquant sur les prisonniers. Le roi veut qu'ils fassent partie du butin, qui est le bénéfice des soldats, et que « les capitaines les achètent (aux soldats), surtout les plus gros et qu'ils les envoient en leurs hostelz » car « si les gens d'armes en sont fraudez, et n'en ont rien qui vaille » ils tueront tout. Au fond, dit le roi « c'est ce que je demande », car alors « jamais nous ne perdrions bataille ». Louis n'est pas tendre pour les vaincus ; il ne l’est pas non plus pour de Saint André. « Monsieur le Séneschal, s'il ne le veult faire de beau, faictez luy faire par force..., s'il faict semblant de désobéir, mectez luy vous-même la main sur la teste, et luy ostez par force les prisonniers, je vous assure que je luy osteray bientôt la teste de dessus les épaules..., car je veulx estre servi à mon proffit, et non à l'avarice ».

La seconde est datée du 8. C'est Picot qui l'écrit à Maître François de Genas, conseiller général des finances, afin qu'il prenne sur les fonds du Languedoc 7 livres 10 sols tournois par mois pour « appoinctez le payement de trente archers » qu'il a promis à son cousin le duc de Calabre, « pour la garde et seureté de sa personne». Le roi y tient absolument : «Gardez-vous bien qu'il n'y aist faille, car j'aymerois mieux qu'il demeurast de mes aultres affaires».

Dix-septième visite

Le 17 Janvier 1480, Jean de Tibivilliers reçoit son roi. Mais alors nous ignorons pour combien de temps. En ce jour il écrit encore à François de Génas et au trésorier du Languedoc, par l'intermédiaire de son secrétaire de Marle. Il devait, comme nous l'avons dit lors de la onzième visite, une grosse somme au roi de Sicile, quand il l'avait empêché de donner au duc de Lorraine les duchés de Bar et d'Anjou, et le comté de Provence. Mais il faut payer, et c'est pourquoi nerveusement il donne ordre de se procurer sur quelques fonds que ce puisse être les 10.000 livres formant la première des six annuités  convenues avec le roi René «Je vous prie qu’il n'y ait point de faille en ceste matière. J'en pourrais avoir dommage de plus de cent mille livres». Et dire que c'est à Selommes que se prépare l'unification de notre chère France.

Roi Louis XI au Chateau de Plessis lez Tours

C'est au château de Plessis-lez-Tours que Louis XI meurt.

 

 

Dernier séjour de Louis XI

Le 17 août 1480, le roi passa à Selommes et y séjourne deux ou trois jours. Le 25 suivant, il s'arrête encore chez nous. Est-ce pour qu'on lui souhaite de nouveau sa fête, car il va de Cléry à Vendôme. Il prend le temps de faire écrire aux seigneurs de Bouchage et de Soliers par Maître de Chaumont qui n'est pas un inconnu à Selommes, pour leur accuser réception de leurs lettres, les remercier pour leurs bons sentiments et les prier de les lui continuer. Ce fut sa dix-neuvième et dernière visite.

 

 

 

sources :  (1) http://www.feudesaintpierre.fr/ (3) Albert Dauzat et Marie-Thérèse Morlet, Dictionnaire étymologique des noms de famille et prénoms de France, Paris, Larousse, 1989 (ISBN 2-03-340309-2) - Sources Principales :  Abbé Brisset Histoire de Selommes ( PDF ) (4). - Henri Tricault, Histoire de Selommes

 

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