Les prises de la forteresse, ses prisonniers, ses légendes et le 14 juillet 1789
La Bastille en 3d © Dassault Systems
- - La création de la Bastille
- - D'une forteresse à une prison d'Etat
- - Les prisonniers
- - LES prises de la Bastille
- - Le 14 Juillet 1789
a - Le contexte révolutionnaire
b- les légendes urbaines
c - la dernière prise de la bastille
d - la destruction
Introduction - La Forteresse de la Bastille
La bastille est à la fois le symbole de la révolution française mais aussi sujet à toutes les rumeurs et légendes, symbole de l'injustice et de l'absolutisme royal. Mais si elle est très connue pour avoir une des pires prisons de France, une des rares à avoir de vraies oubliettes, beaucoup de gens oublient sa fonction première qui fut une forteresse pour défendre l'Est de Paris, un rôle par ailleurs que la Bastille ne défendra pas vraiment avec efficacité.
I - La création de la Bastille
A l'origine une bastille est une fortification temporaire. Utilisée dès l'époque romaine, ces "bastides" ou "bastilles" d'une hauteur de 3 étages environ et en bois, étaient souvent construites lors des sièges des villes. Elles permettaient alors d'interdire les ravitaillements, de contrôler les éventuelles entrées et sorties mais surtout d'avoir un appui nécessaire en cas de contre-attaque des assiégés. Leur hauteur était parfois suffisante pour voir au dessus de l'enceinte de la ville, permettant donc de surveiller les assiégés.
Les bastilles ont été très utilisées par les anglais lors de la guerre de Cent-Ans, notamment au siège d'Orléans délivrée par Jeanne d'Arc.
L'évolution des " Bastides " de leur usage, qui seront construites au début du moyen âge en pierre, va évoluer pour être utiliser par la suite comme construction attenant aux portes d'entrées des fortifications et des villes. A la différence d'une eschiffes, guérites ou barbacanes qui à l'origine sont des renforcements entre deux fortifications ( à l'intérieur d'une ville par exemple en face de l'entrée du dernier rempart principal contenant le donjon ), qui sont souvent plus sommaires, moins solides et faisant parti d'un ensemble de fortification plus intense.
Située sur la porte Saint-Antoine, il y avait avant la Bastille une porte avec deux tours ( qui prendront le nom de tour de la Chapelle et tour du Trésor ), dit bastion de la Porte Saint-Antoine. A cette époque, lors de la création de la Bastille, c'est les Bourguignons qui détiennent Paris, ils y feront d'ailleurs d'importante modifications dont la Tour Jean Sans Peur. Une série de "bastides" autour de Paris seront créées dès 1356 dont celle de la Porte de Saint-Antoine.
C'est Hugues Aubriot, Dijonnais et prévôt de Paris sous Charles V, qui va consolider les défenses de Paris en faisant notamment creuser des fossés et édifier des murailles. Dans un souci d'économie et de rapidité, entre 1369 et1371, Hugues Aubriot va rajouter deux tours à celles existantes de la Porte Saint-Antoine en y ajoutant des courtines épaisses. La première pierre pourrait avoir été posée le 22 avril 1370 par Hugues Aubriot lui-même [a]. C'est une construction relativement courante à l'époque. Cette première tentative de renforcement de la porte va durer une dizaine d'année et finir en 1381, donc assez long pour l'époque, les travaux étant interrompus par les guerres. Dans un premier temps elle prendra le nom de "bastides des fossés".
Deux ans plus tard Charles VI va faire rajouter les quatre autres tours. La Bastille s'appellera dès lors 'Château royale de la Bastille', le premier gouverneur est alors Jehan de la Personne, vicomte d'Acy, ancien compagnon de Duguesclin et seigneur du château de Nesles en Tardenois.
Ironie du sort, son créateur Hugues Aubriot, en sera son probable premier illustre prisonnier. Accusé au tribunal de l'Evêque de Paris comme « impie, hérétique » voir de « sodomie » et de « débauché » il avait été condamné à mort mais Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, va réussir à transformer sa peine en prison à vie. Il sera condamné à la « fosse au pain et à l'eau ». En réalité ces accusations cachent une volonté religieuse et politique de le discréditer pour avoir été clément sur les juifs de Paris et de ne pas aimer les gens d'églises voire les écoliers des universités. En effet après la mort de Charles V, plusieurs troubles importants dans la ville vont naître. Les juifs, très peu nombreux en réalité, vont subir des harcèlements permanents et violents. Il était aussi très souvent accusé d'être très sévère contre les écoliers d'universités qui usaient et abusaient alors de leurs privilèges pour créer d'importants troubles à l'ordre public.
Pour autant il était dans son rôle de protéger la population et de faire régner l'ordre, ce qu'il fera avec un excès de zèle passionné notamment contre les "écoliers". La construction du Châtelet et de la Bastille est en partie également pour protéger le centre de Paris de l'époque des agressions répétés des écoliers universitaires. Il construira même deux cachots le « clos bruneau » et la « rue de Fouarre » à leur encontre.
C'est pour ces raisons qu'Hugues Aubriot va être condamné. En réalité il s'agissait probablement en fait pour l'église d'éliminer politiquement un personnage gênant.
Il sera d'abord enfermé au fort de l'évêque puis au Château royal de la Bastille....
C'est Henri II qui après la défaite de Saint-Quentin , conseillé par Coligny, qui va fait construire le bastion en face de la Bastille par crainte de l'invasion par Philippe II roi d'Espagne.
I - les tours de la Bastille
Dans un premier temps il y avait donc deux tours, puis quatre tours, puis huit tours qui formeront la Bastille.
Leurs noms correspondent en partie soit à leur emplacement ou usage.
Tour du Coin
Tour du Puits
Tour de la Bertaudière et de la Bazinière : noms de deux anciens prisonniers
La Tour du Trésor : elle sera utilisée régulièrement comme « coffre fort » des fonds et deniers publics. La Tour du Trésor et la Tour de la Chapelle étaient les plus anciennes et faisaient partie de la porte d'origine de Saint-Antoine. Cette porte fut murée tout en gardant par contre son arc ainsi que les statues des saints et princes couronnés.
La tour de la Comté : Selon Fernand Bournon, repris par Frantz Funck-Brentano, son nom fait référence probablement au « comté de Paris »
La tour de la liberté : un nom étonnant pour une prison mais qui semble logique cependant dans le contexte. En effet elle était utilisée par les prisonniers ayant des privilèges : possibilité de sortir dans l'enceinte et donc selon l'administration de la Bastille « dans la liberté de la cour ». Selon les officiers de la Bastille, ils prendront le nom " des prisionniers de de la liberté ".Par comparaison aux autres prisonniers qui eux ne sortaient jamais dit « renfermés ». [a] C'est les restes des fondations de cette tour qui reposent dans le square Galli sur le boulevard Henri IV.
II - D'un château royal à une prison d'état
Les prisonniers mourant à la bastille sont enterrés sous un faux nom. ( source : Jean Christophe Petitfils - vidéo 4 dans l'émission de Stephane Bern )
Article connexe : liste des prisonniers de la Bastille.
IV - LES différentes prises de la Bastille
La légende populaire et l'histoire républicaine apprise à l'école donne souvent l'impression d'avoir une Bastille imprenable et sanguinaire. En réalité la Bastille a été prises plusieurs fois par le peuple, avant la date fatidique du 14 juillet 1789.
En 1382 l'augmentation de l'impôt, qui devrait être supprimé (oui l'impôt est une longue maladie chronique française), va soulever le peuple de Paris. Ils envahissent la Bastille et délivre Hugues Aubriot, en lui proposant même de commander le soulèvement. Ce qu'il déclina et parti dès le lendemain à Dijon. Il décèdera très peu de temps après.
1413, début de l'année, les Cabochiens, partisans du duc de Bourgogne, attaquent la Bastille où s'est retranché le prévôt de Paris Pierre des Essarts.
1417, sujet aux émeutes et guerres civiles, la Bastille fut à nouveau prise en 1417 par la population parisienne sous les ordres de Hector de Saveuse , Jean de Luxembourg et d'autres capitaines à la solde des Bourguignons.
1418, le duc de Bourgogne entre dans Paris le 29 mai par la porte Saint-Jacques. Charles VII, alors que dauphin, manque de peu de se faire prendre par Jean sans Peur et se réfugie grâce à l'aide de Tanguy du Castel dans la Bastille. Ils tentent vainement de reprendre Paris, le dauphin est contraint cependant de rejoindre Melun, néanmoins la Bastille reste aux mains des Armagnacs. Du 31 mai au 1er juin, le Maréchal de Rieux revint avec 300 hommes et tentent depuis la Bastille, alors que le dauphin est au pont de Charenton, de reprendre une nouvelle fois la ville. Le duc de Bourgogne réussi néanmoins à convaincre les Parisiens et une partie de la population s'en prend aux troupes des Armagnacs, ces derniers quittent Paris et rejoignent le futur Charles VII à la porte de Charenton. La Bastille est prise par les parisiens en faveur des Bourguignons. Le 14 juillet, le duc de Bourgogne et la reine Isabeau de Bavières entrent dans Paris par la porte Saint-Antoine au pied de la Bastille. (1)
En 1436, le 13 avril, le compte de Richemont sous les ordres de Charles VII, s'attaque à la porte Saint-Jacques. Ils y pénètrent et avec une partie de la population parisienne marche contre les anglais commandés par l'évêque de Théroane et le prévôt de Paris, Larcher. La Bastille, tenue par les anglais est assiégé et rapidement ils capitulent en payant une forte rançon pour leur survie.
Plan de Paris de 1552, au centre la Bastille.
Le 27 Mars 1594 qu'Henri IV siège Paris et avec peu de résistance le Comte de Brissac , gouverneur de Paris pour la Ligue, va ouvrir les portes de Paris. Dubourg-Lespinasse, alors commandant de la Bastille, va tenter de résister, se sentant trahis par le Comte de Brissac dont il jura de se venger. Mais en apprenant qu'il ne pouvait obtenir aucun secours du Duc de Mayenne il va laisser la Bastille en refusant l'argent d'Henri IV.
Le 16 janvier 1649. La Bastille est prise après seulement quelques coups de canon, le Cardinal de Retz s'exprima sur le sujet : "Ce fut un assez plaisant spectacle de voir les femmes à ce fameux siège porter leurs sièges dans le jardin de l'arsenal, où étaient les batteries, comme elles le font au sermon."
Mai 1775, la Bastille est déjà menacée par une émeute après une période de disette.
V - Le 14 juillet 1789, la dernière prise de la Bastille
Une date clef pour l'histoire de France mais aussi pour la Bastille, puisque dès le 15 juillet elle commencera à être démantelée, ce qui peut paraître étonnant. En réalité Louis XVI avait déjà hésité à la faire détruire et la remplacer, pour diverses raisons mais dont la principale était l'aversion totale de cette Bastille par les parisiens et les rumeurs incroyables à son sujet. En tout cas l'évolution rapide de la révolution va vite régler le sort de la Bastille....entre légendes, rumeurs, fausses nouvelles et mensonges.
a - Le Contexte Révolutionnaire
La chute de la Bastille et les événements qui vont suivre dans les années suivantes, seront aussi terrible que les années de souffrances dans les 10 dernières années du peuple.
Le contexte global ne pouvait être que propice à diverses émeutes, déjà fréquentes, mais aussi à une révolution. Voici à mon sens les raisons de ce déclenchement de violence sans précédent à cette échelle dans le monde ( liste loin d'être exhaustive ) :
- La faim, justifie les moyens : depuis plusieurs années le peuple meurt de faim, entre disette, mauvaise récolte et maladie. 10 ans cela commence à faire long et l'année 1789 sera dans la continuité des précédentes. Le peuple qui est affamé depuis des années a eu sûrement un effet dévastateur à la fois psychologique et physique.
Louis XVI a cherché à solutionner le problème, tout comme Colbert à son époque avec Louis XIV, mais il le fera avec les moyens disponibles et sans envergures avec un résultat sur le terrain quasi nul. Ce n'est pas tant que Louis XVI ne s'occupait pas de son peuple, mais plutôt un décrochage probable des réalités et un manque , à mon avis, d'autorité et de contrôle de l'état suffisamment fort lié à la structure même de la royauté et des institutions. La façon dont Louis XVI sera informé de la chute de la Bastille et les ordres qui vont suivre montrent à quel point Louis XVI n'avait pas saisi la situation à laquelle il était confronté, il faut dire que la confusion était totale.
- L'inflation dévastatrice : l'inflation a parfois économiquement des vertus, mais quant elle dure et s'attaque aux besoins primaires d'une population elle peut devenir dévastatrice. L'inflation mal maîtrisée est en général source d'émeutes et d'instabilités surtout quand l'augmentation est brutale et disproportionnée. En effet entre janvier 1787 et juillet 1789, le prix du pain a augmenté de 75%, au delà du prix c'est également sa rareté et la difficulté d'en obtenir qui radicalise logiquement les opinions. Mais globalement c'est l'ensemble des biens de consommation qui vont augmenter de manière brutale entraînant une flambée de violence.
- Les réformes, fiscales et institutionnelles : elles sont au point mort, si Louis XVI et une partie de la classe politique dirigeante de l'époque veulent réformer, la situation évolue peu en définitive. C'est probablement l'une des faiblesses de Louis XVI, une faiblesse dont il n'en a pas eu le monopole, même Louis XIV et surtout Colbert ont eu des difficultés parfois importantes à réformer l'état. Colbert voulait notamment s'attaquer aux droits de passages qui minait le commerce, voir voulait s'attaquer aux impôts du clergés. Mais Louis XVI n'avait ni la puissance, ni l'aura de Louis XIV.
- Déni de justice, injustice partout : La Royauté et la justice de l'époque manquait cruellement de transparence et si elle n'était pas toujours injuste, il lui arrivait de prendre des mesures qui étaient aux yeux du peuple à la fois injuste et totalement arbitraire. Ces affaires quoique relativement rares, souvent monté en épingle par divers courants "politiques" et Gazettes, intervenaient dans un contexte assez difficile. Les lettres de Cachet qui permettait au roi de faire emprisonner qui bon lui semble étaient de plus en plus contestées, même si elles étaient rarement utilisées.
- L'endettement pharaonique : la France est un pays terriblement endetté, devant emprunter et dans une situation précaire financièrement.
- Marie-Antoinette, la "Bling-Bling" autrichienne : L'affaire du collier de la reine, quoique que totalement infondé, a sûrement contribué à rendre le peuple encore plus en colère qu'il ne l'était. Car si Marie-Antoinette était innocente dans cette affaire, elle n'avait pas la réputation, relativement justifiée, d'être proche d'un peuple qu'elle ne connaissait pas et encore moins d'être économe dans ses frasques et dépenses. Dans une époque de disette permanente, il est évident que cela ne passait pas. L'affaire du Collier n'aurait jamais eu l'impact qu'elle a eue, si Marie-Antoinette n'était au deçà de ce qu'on aurait pu espérer d'elle. Les Gazettes et autres journaux plus populistes que populaire s'en sont donnés à cœur joie. Il ne faut pas oublier que pour le peuple à l'époque, le couple royal était un peu leurs parents et une mère doit souvent avoir le rôle de celle qui protège ses enfants. Marie-Antoinette n'a pas su ou pas voulue être la mère de ses enfants : le peuple. A titre personnel je suis assez surpris de ce regain d'intérêt sur Marie-Antoinette ces dernières années, notamment avec le film assez déluré mais intéressant de la fille de Coppola. Vous l'aurez compris je ne tiens pas Marie-Antoinette dans mon "cœur" mais plus des raisons assez objectives qu'idéologiques, je n'ai pas ce même ressentiment cependant pour Louis XVI qui a mon sens était là au mauvais moment et n'a pas réagi probablement comme il aurait fallu.
- Louis XVI, Marie-Antoinette, l'Autriche et la Prusse : le mariage entre Louis et Marie-Antoinette annonçait une paix constructive entre la France et la l'Autriche. Alors que la France avait gagné la guerre contre l'Autriche et les coalisés à la bataille de Fontenoy ( sous Louis XV ), le traité d'Aix la Chapelle va étrangement être en faveur des vaincus. Ce mariage entre Louis XVI et Marie-Antoinette en sera d'autant plus incompris par le peuple.
Note : En réalité cette alliance va les conduire indirectement à la guillotine pour parjure. Louis XVI et Marie-Antoinette n'ont pas été guillotinés parce qu'ils étaient roi, mais pour avoir trahi le peuple. Cette trahison, quoique très exagéré vu le contexte, n'en demeure pas moins assez réelle pour Marie-Antoinette. Marie-Antoinette va jouer un rôle capital , notamment à cause des rumeurs sur sa liaison avec le Comte de Fersen , mais aussi le rôle de ce dernier dans le "manifeste de Brunswick" qui menaçait les révolutionnaires de Paris d'un massacre, si il était fait du mal au Roi et à la Reine. Ce manifeste terriblement maladroit de la part d'un étranger qui était aussi proche de la royauté, on peut même penser qu'il a conduit indirectement Louis XVI et Marie-Antoinette à leur arrestation. Les correspondances entre Marie-Antoinette et le Comte de Fersen sont par ailleurs encore assez fréquentes.
Louis XVI à des réponses évasives à son procès montreront un homme humble mais clairement hors sujet sur les tenants et aboutissant de la révolution française. Si il n'est pas totalement établi que le roi a voulu trahir le peuple, par sa non réaction, par la position de la reine et son affaiblissement général, voir la trahison de ses proches il finira à la guillotine pour parjure. Marie-Antoinette ,quoique condamnée sur le moment sans preuve irréfutable, a bien donné à l'Autriche divers documents militaires, elle a bien trahi son rôle de "mère du peuple".
- L'église : en prélevant la dîme ( le dixième des récoltes, voir plus ... ), en s'étant éloigné des problèmes du peuple, en s'enrichissant parfois outrageusement sur le dos du peuple, n'aura fait qu'aggraver la situation. Alors que Jésus invoquait la pitié, la piété et le don de soi, l'église dans son ensemble n'avait fi de ces problèmes. Au nom de la religion, en oubliant elle-même ses prérogatives au nom d'un religieux parfois ostentatoire et violent, alors que Jésus prône l'amour, la non-violence et le pardon , va obtenir l'inverse de ce qu'initialement la religion chrétienne prônait. Il faut cependant bien dire que ce n'était pas forcément l'église dans son intégralité, mais principalement et surtout l'élite ecclésiastique ( évêque, Papes etc ) . 200 ans plus tard , alors que la France fut déclarée " fille aînées de l'église" sous Louis XIII, la répercussion de la révolution française et du comportement ecclésiastique impose au pays un changement radical en séparant le pouvoir de la religion.
- Insécurité en forte augmentation : les derniers jours et les dernières années, avec la disette, la violence va s'accentuer. Les agressions sont nombreuses et il y a beaucoup de zones de non droit, comme la forêt de Bondy, vous remarquerez que si la forêt à disparue, la violence est restée. Cette insécurité est très mauvaise pour le commerce, ce qui aboutira pour beaucoup de commerçants, et la population, d'être dans une situation à la fois difficile, explosive et propice à une participation aux émeutes.
b - Les légendes urbaines
Quelques mois avant la prise de la Bastille, les rumeurs les plus folles circulent. Aujourd'hui on en rirait presque tellement c'est absurde, cela d'autant que la république n'est pas avare encore aujourd'hui de glorification passée dans un arrangement politique avec l'histoire. Au niveau des prisonniers les gazettes de l'époque évoquent de 500 à 600 prisonniers par an, enfermés et retenus dans la plus profonde injustice, sans procès ni foi, ni loi !
Ces rumeurs colportées sont amplifiées également par le devoir de réserve des prisonniers libérés, en effet certains vont signer un contrat qui stipule qu'ils ne doivent en aucun faire mention, parler ou informer, de ce qu'ils ont vu, entendu dans la prison. Cette situation va clairement aggraver la situation,
Tous les prisonniers ont été jugés pour la plupart, y compris sous Louis XIV, et lors de non-lieu ou de libération les prisonniers condamnés par erreur ou sans preuve (environ 15% ce qui peut certes paraître beaucoup aujourd'hui) ont été bien indemnisés, tel Voltaire.
La détention arbitraire en définitive assez rare à la Bastille
En réalité la Bastille ne pouvait contenir pas plus d'une cinquantaine de prisonniers et les registres de l'époque sur les dernières années sont largement en dessous des légendes :
Sous louis XIV : 40 détenus par an en moyenne de 1660 à 1715 environ
Sous Louis XV : 43 détenus par an en moyenne
Et Louis XVI : environ 19.
Par ailleurs cette évolution carcérale évoluait également dans le temps puisqu'au XVIIe la moyenne de détention était de 3 ans et de un à deux mois sous Louis XVI [VIII]
Mais il fort probable que la majeure partie des rumeurs étaient liées non seulement à des légendes et des « on dit que » mais aussi probablement par le manque de transparence de l'époque. Une Bastille plus ouverte et moins enfermée sur elle-même avec des visiteurs réguliers indépendants comme aujourd'hui, aurait pu largement casser cette légende populaire. Louis XVI avait en tout cas conscience de la situation et semblait en tout cas motivé pour la détruire... si on se réfère aux plans pour la remplacer par une place qui ressemble d'ailleurs beaucoup à celle d'aujourd'hui.
De plus les prisonniers étaient souvent politiques et parfois relativement connus et populaire...ce qui n'était pas vraiment le cas de la prison du Châtelet qui enfermait les prisonniers les plus dangereux qui se feront massacrer lors de la révolution...
Combien de prisonnier libéré à la Bastille ?
Lors de la prise de la bastille, seul 7 prisonniers furent libérés, le 8ième fut totalement inventé. On est donc loin des centaines de prisonniers évoqués par les rumeurs.
La chute brutale de la Bastille au cri de "Vive le Roi"
Il suffira en tout cas de quelques heures pour prendre la Bastille, dont le principal objectif était de prendre 250 tonnes de poudre.
Les révolutionnaires iront même jusqu'à crier « Vive le Roi » ... cette prise de la Bastille avait pour but d'armer les parisiens contre une, encore une rumeur, d'une hypothétique invasion étrangère mais aussi de se protéger des brigands. En réalité le roi sentant probablement le vent tourner a fait venir de l'étranger, surtout de Suisse, plusieurs bataillons, mais il s'agissait plus de lutter contre la briganderie que contre le peuple malgré les rumeurs incessantes.
1 Les derniers jours avant le 14 juillet 1789
Mais le plus important c'est que depuis quelques jours, Paris est à feu et à sang, l'armée royale ne peut pénétrer dans Paris et les parisiens font souvent l'objet d'attaques et de violences, principalement pour des raisons crapuleuses. Il ne s'agit en rien d'émeutes révolutionnaires pour la liberté contre la tyrannie.
2 Nous sommes le 14 juillet 1789, il fait beau...
Dès le matin , une minorité d'habitants partent aux Invalides pour chercher des armes pour se protéger. Cependant ils seront accompagnés par les autres brigands ....on a d'un côté les brigands de grand chemins mélangés à la population qui veut se défendre. On a donc un cocktail surprenant et explosif, chacun revendiquant son bon droit. IIs prendront plusieurs milliers de fusil et 24 canons, mais sans poudre pour armer l'ensemble.
Notons que pour obtenir gain de cause ils prendront en otage la jeune fille, en menaçant de la brûler vive, du Capitaine de la compagnie d'invalides de la Bastille en la confondant avec la fille du Gouverneur de la Bastille. Le malheureux Monsigny, son père, sera abattu alors qu'il tentera de la sauver. Elle doit sa vie cependant à Aubin Bonnemère.[i] Un épisode malheureux qui semble avoir été totalement oublié des livres d'histoires de la république française.
Ils se dirigent vers la Bastille pour y prendre la poudre. À aucun moment il ne s'agit de libérer les prisonniers ou de s'attaquer à la Bastille comme emblème d'une tyrannie . C'est dans une confusion assez étrange qu'un évènement va précipiter la population sur place à des actes d'une violence inouïe.
On peut être surpris, aujourd'hui, de ces cris de "Vive le Roi". Les débuts de la révolutions étaient surtout pour lutter contre les privilèges, l'église ponctionnant atrocement le peuple qui crevait de faim et l'injustice judiciaire. Le Roi gardait au sein du peuple tout de même un certain aura malgré les frasques et errements de Marie-Antoinette et d'une partie de la cour Royale. De plus la volonté de créer des milices populaires d'auto protection n'indiquait en rien au départ d'une volonté de faire la révolution.
La prise de la Bastille en images
Récit en dessin , heure par heure, un excellent et beau travail d'Anthony Pierre Lucien
On a souvent en tête l'idée que les révolutionnaires étaient des milliers, voir plus, à prendre la Bastille. En réalité il s'agit d'une imagerie populaire lié probablement aux "images" diffusées depuis quelques siècles. Cependant la gravure de Cholat Claude faite en 1789 est assez édifiante et probablement plus réaliste que les suivantes. La chute de la Bastille est due à moins d'un millier de personnes avec une liste « officielle » de 863 personnes via un brevet dit « les vainqueurs de la Bastille » et pour beaucoup, semble-t-il, n'étaient même pas Parisien. Il y avait dans cette folle équipée des unités militaires d'Allemands ( selon Marat ) et des provinciaux [ii]:
" La Bastille, mal défendue, fut prise par quelques soldats et une foule d'infortunés, la plupart Allemands et provinciaux. Les Parisiens, ces éternels badauds, venaient là par curiosité ".
Pour autant cette déclaration est à prendre avec précaution sachant que sur la liste des 863 , la plupart vivaient à Paris. Si je me réfère à celle-ci, beaucoup étaient nés dans l'est de l'actuelle France : Moselle, Vosges, Bas-Rhin et Haut-Rhin actuel. [iii] Marat en parlant « d'Allemands » devait confondre, volontairement (?) peut-être dans le but de désacraliser l'évènement ( ?), avec les Alsaciens ou les régions de l'Est dont la majorité étaient dans la « Garde Française » ou assimilé. Les propos de Marat sont dans un sens véridique mais quelques peu galvaudé, mais en effet les « vrais » parisiens ( né et vivant à Paris ) étaient très rares dans les premières heures de l'émeute qui deviendra une révolution.
d - la destruction de la Bastille
Sources :
[a] Frantz Funck-Brentano : « Les secrets de la Bastille tirés de ses archives ». 1930
[i] http://www.lepost.fr/article/2009/07/12/1617047_14-juillet-fete-nationale-et-verite-historique.html
[ii] http://contreculture.org/AT_Bastille.html
[iii] Liste des vainqueurs de la Bastille
[iv] Tout ou une grande partie de ce texte est tiré de l'exposition à la bibliothèque de l'arsenal en 2011.
[v] Source du Texte
[vi] Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules , Jean-Joseph Expilly
[VII] " les lettres de cachet, une légende noire" Claude Quétel , édition Perrin
[VIII] une partie de cette information est tiré du Canard Enchainé n° 4718 du 30 mars 2011, page 6
[IX] source principale : Lisa Jane Graham - La police et leurs archives : l'invention de la normalité au XVIIIe siècle