Jeanne d'Arc est venue à plusieurs reprises à Lagny-sur-Marne dans l'Abbatiale. Un des évènements est le "Miracle" de Lagny, lors de son deuxième passage dans la ville. Elle laissera aussi probablement son épée de Sainte-Catherine de Fierbois sans qu'on sache réellement ce qu'elle est devenue. La légende voudrait qu'elle est laissée l'épée dans l'Abbatiale mais ça ne repose sur rien de bien concret, malgré toutes les fouilles réalisées rien n'a été trouvé jusqu'à aujourd'hui.
Premier passage
La première fois, après sa blessure par un vireton d'arbalète devant la porte Saint-Honoré lors de l'assaut de Paris, Jeanne y est soignée lors de son retour vers la Loire le 12 ou 13 septembre 1429. Elle repart le lendemain pour la Loire.
La seconde fois, le "miracle" de Lagny
Entre le 5 et 7 avril 1430, sa présence à Lagny-sur-Marne a probablement pour but de prendre contact avec les « résistants » parisiens, partisans de Charles VII, pour prendre Paris. Elle se rapproche donc de la ville avec son armée de plusieurs centaines d'hommes « pour que ceux de la place fesoient bonne guerre aux Anglois de Paris et Ailleurs ».
C'est peut-être pendant ce séjour, sans certitude, qu'arriva le « miracle », reconnu à l'époque en tant que tel pour sa béatification. Un enfant mort depuis 3 jours n'avait pas été baptisé ce qui ne lui aurait pas permis ,selon la croyance chrétienne, d' être enterré en « terre sainte » ( terre bénie ). Des jeunes filles de Lagny demandèrent à Jeanne de prier avec elles dans la chapelle de la Sainte-Vierge qui existe encore aujourd'hui. L'enfant "revint à la vie" en baillant trois fois le temps d'être baptisé, il mourut à nouveau et fut enterré.
Voilà ce qu'elle dit lors du procès, le 3 mars 1431 :
Interrogée sur l'âge qu'avait l'enfant à Lagny, elle répond : l'enfant avait trois jours et il fut apporté à Lagny à Notre-Dame. Il fut dit à Jeanne que les pucelles de la ville priaient devant Notre-Dame, qu'elle voulut allez prier Dieu et Notre-Dame pour lui redonner vie, elle y alla et pria avec les autres. Finalement il revint à la vie, respira trois fois, puis fut baptisé et il mourut à nouveau, il fut enterré en terre sainte ( terre bénie ). Il y avait trois jours, comme l'on disait, que l'enfant n'était plus vivant, il était noir comme cotte ( jupon noir ou tunique ) de Jeanne d'Arc, mais quand il bailla ( respira ), la couleur lui revins. Elle était avec les pucelles à genoux devant Notre-Dame.
Interrogée sur le fait que la ville ( de Lagny ) avait dit ce qu'elle avait fait et quelle était sa prière , elle réponds : « je n'ai pas chercher à savoir »
« Interrogée s'il fut point dit par la ville que ce avoit elle fait faire et que ce estoit à sa prière, Réponse de Jeanne « Je ne m'en enqueroye point ».
Même si cela n'est pas indiqué dans sa déclaration au procès, on peut supposer que la prière fut faite devant la chapelle de la Sainte-Vierge, car il s'agit probablement d'une tradition dite du « sanctuaire à répit » qui permet à un enfant mort-né d'avoir la sainte onction.
Remarques sur sa déposition au procès de Rouen et le dit "miracle"
Vous pouvez remarquer qu'elle reste très neutre dans sa déposition, à aucun moment elle ne cherche à faire passer ce fait comme un "miracle".
- A cela plusieurs raisons, la première c'est que très probablement, elle évite de tomber dans le piège des jurés : en effet en posant ce type de question, les jurés espèrent pouvoir prouver que Jeanne utilise des sortilèges et artifices, auquel cas ça peut être considéré comme de la sorcellerie.
- La seconde raison est qu'elle n'a jamais cherché à tirer vraiment profit de ces situations, elle reste donc à l'écart de toute interprétation. Peut-être elle-même a des doutes sur ce "miracle" ou elle estime qu'il n'y a pas lieu d'en faire état. Cependant cela reste une supposition tout à fait personnelle qui ne reflète peut-être rien de réel.
- La troisième raison, c'est que ces faits sont très débattus au sein même de l'Eglise pendant des siècles, souvent controversés les « sanctuaires à répit » furent abandonnés après la première Guerre Mondiale. Aujourd'hui le Vatican, par une commission théologique internationale de l'Eglise catholique romaine, a clos le débat et estime en date du 20 avril 2007 que les limbes reflètent une vue indûment restrictive du Salut, ils ne peuvent donc être considérés comme une « vérité de foi » ( Reuters –Wikipédia ).
Ces faits d'une nature étrange à l'époque ont été étudiés depuis le XIXe siècle par les scientifiques . L'explication rationnelle , scientifiquement irréfutable, est que la réaction physique d'un corps quelques jours après le décès peut avoir de brefs symptômes laissant à penser une "renaissance" du corps.
Aujourd'hui il est probable que ce « miracle » n'aurait pas été mis dans le dossier pour la béatification de Jeanne d'Arc. Il ne faut cependant pas faire d'anachronisme, la croyance populaire adhérait fortement à celle-ci même si le clergé semblait déjà très sceptique.
Son action envers le peuple fait de son geste un symbole de compassion envers la population locale souvent pauvre et durement touchée par les guerres. C'est à mon avis plus important que le résultat qui en découle , même si aujourd'hui il serait contesté, vu qu'elle n'a jamais semble-t-il cherché à profiter ou extropoler ce "miracle". Elle l'a donc fait dans sa forme la plus généreuse et dans un sens la plus chrétienne qui soit.
Elle revient sur Lagny vers le 23-24 avril 1430. Là elle bataille sur les prairies de Vaires-sur-Marne, dans la "banlieue" de Lagny-sur-Marne, contre Franquet d'Arras. Il pillait et guerroyait dans les alentours au profit des Anglo-Bourguignons.
Après avoir tenté vainement de prendre la position de Franquet d'Arras, elle va demander l'aide des troupes de Lagny-sur-Marne gouvernées par Foucault qui vient alors avec « moult couleuvrines, abalestres et autres habillements de guerre ». L'armée anglo-bourguignonne est alors terrassée par les Français et Franquet d'Arras est capturé : « furent tous vaincus et déconfits et la plus grande partie mise à l'épée » ( tués au combat ).
Franquet d'Arras remet à Jeanne d'Arc son épée, qu'elle va garder jusqu'à Compiègne, elle dira de cette épée : « bien bonne à donner des bonnes bouffes et de bons torchons » en clair pour donner des bons coups.
Dans le procès à Rouen, Jeanne est interrogée sur l'affaire Franquet d'Arras le 14 mars 1431 dans l'après-midi :
"Et pour ce que on lui parlait d'un nommé Franquet d'Arras, qu'on fit mourir à Lagny-sur-Marne
Elle répond : Qu'elle fut consentante de luy de le faire mourir, se il l'avait deservi (mérité), pour ce qu'il confessa être meurtrier, larron et traître. Elle dit que son procès dura quinze jours, et en fut juge le baillit de Senlis et ceux de la justice de Lagny-sur-marne. Et dit qu'elle requérait avoir Franquet pour un homme de Paris, seigneur de l'Ours ;"
Elle avait demandé d'échanger Franquet d'Arras contre le seigneur de l'hôtel particulier de l'Ours dans la rue Saint-Antoine à Paris. Au Moyen-Âge, un hôtel n'est pas considéré comme aujourd'hui comme un lieu où on vient louer des "chambres", mais comme une habitation particulière souvent imposante appartenant à une haute personnalité. On disait "hostellerie", quand il s'agissait de louer une "chambre". On peut penser que cette personne devait être importante aux yeux de Jeanne, au point de vouloir l'échanger contre une belle prise de guerre. Il s'agit peut-être d'un "résistant" parisien et partisan de Charles VII. On peut remarquer qu'elle n'a pas tenté d'échanger Franquet d'Arras contre une rançon, ce qui à l'époque était courant et d'usage.
et quant elle sut que le seigneur fut mort, et que le baillit lui dit qu'elle voulait faire grant tort à la justice, de délivrer celui Franquet, elle dit au baillit : « Puisque mon homme est mort, que je voulais avoir, faites de lui ( Franquet d'Arras ) ce que devriez faire par justice. »
Interrogée s'elle bailla l'argent ou fit bailler pour celuy qui avait prins ledit Franquet, Elle réponds : Qu'elle n'est pas monnayer ou trésorier de France, pour bailler argent.
On lui pose la question si elle a donné une prime à celui qui avait capturé Franquet d'Arras, elle répond qu'elle n'a pas donné d'argent ou fait donner de l'argent par la trésorerie de France. C'était cependant quelque chose à l'époque de normal de donner une "prime" à ceux qui capturait des "élites". Celui qui avait capturé Jeanne a bien reçu une prime.... L'interrogateur de Rouen est donc bien mal avisé de lui poser la question, sûrement sur un ton de reproche, sur une éventuelle prime à la capture.
"Et quant on lui a ramentue (rappellé) qu'elle avait assailli Paris ajour de fête ( un dimanche ); qu'elle avait eu le cheval de monseigneur ( l'évêque ) de Senlis, qu'elle s'estoit laissée tombée de la tour de Beaurevoir; qu'elle porte l'habit d'homme; qu'elle était consentante de la mort de Franquet d'Arras"
Elle retourne à Lagny pour la dernière fois le 5 mai 1430, c'est son dernier passage avant sa capture à Compiègne le 23 mai 1430.
Sources :
• Sources : documentations dans l'église qui prend ses sources dans divers ouvrages :
• L'église de Notre-Dame des Ardents et Saint Pierre de Lagny, de Marcel Pouzol
• Lagny, trois sépultures notables des X, XI et XIIe, de Jean Pierre Laporte
• Etude sur la nef de l'église Saint-Pierre de Lagny d'après trois rapports d'experts du XVIIIe, Max Polonovski
• Annales du pays de Lagny de J.Amédée le Paire – 1880
• Histoire du diocèse de Paris, Tome XV, abbé Lebeuf
• Plusieurs écrits de Pierre Eberhart, historien et ancien conservateur de Lagny
• Histoire générale illustrée des départements de M. Pignart-Péguet
• Etude de Roselyne Bussière sur le chœur gothique de Lagny
• Le portail disparu de l'église Abbatiale de Saint-Pierre de Lagny par Max Polonovski
• Bulletin Monumental, 1948
• Bulletin de la société littéraire et historique de la Brie
• Lagny, Thorigny et Pomponne de G Darney
• Ancienne Abbatiale de Saint-Pierre.