Le Coudray-Montpensier est une ancienne châtellenie relevant de la seigneurie de Montsoreau qui dépendait elle-même de celle de Saumur. Le Château du XVe principalement est situé à Seuilly, commune limitrophe de Chinon, en Indre-et-Loire.
Le château a été inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1926. Ce fut un vaste territoire, principalement foncier, entre le XIIIe et le XVIIIe siècles : Il s'étendait avant la Révolution sur les paroisses de Cinais, Couziers, Lerné, Seuilly et Thizay (Indre-et-Loire), ainsi que Beuxe, Roiffé, Saint-Citroine et Vézières (Vienne), et d’autre part la présence de plusieurs seigneurs issus de la grande noblesse ou alliés à la famille royale, telles les familles d’Artois, de Bourbon, de Montsoreau, d’Escoubleau, ou Louis de France.
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Informations
- Adresse : 29 Rue Pierre et Marie Curie, 37500 Seuilly
- Google Maps : Carte
- Téléphone : 02 47 98 00 86
- Email :
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Historique & Histoire
Malgré le chartier de Coudray-Montpensier, on a peu d'élément sur origines de Seuilly et du château du Coudray avant le XIVe siècle, en effet le chartier ne possède plus qu'une petite partie de ce qu'il avait à l'époque et il manque au moins le XIIIe siècle qui était initialement intégré.
En 999, Corbon fit don à l'Abbaye de Bourgueil dé prés et terres « in curte Suliacensi », c'est à priori la première mention connue de Seuilly.
XIVe, c'est une "forteresse belle et bonne et notable à pont leveys, doves, barbequannes et que pour la déffence et garde dicelle il y avait capitaine et plusieurs gens du pays de environ qui se retiroient en icelle pour la fortune de la guerre..."
1401, Pierre de Bournan édifie une partie du château actuel
1489, agrandissement par Jeanne de France pour donner l'aspect d'aujourd'hui.
1736, l'architecte Aujubault a aménagé, au nord du château, un jardin régulier à compartiments (jardins en terrasses avec un verger et des charmilles).
1916, le château a été racheté par l'écrivain belge Maurice Maeterlinck
1926, 9 juillet, le château est classé à l'inventaire supplémentaires des Monuments Historiques:
1930, l'avionneur Pierre-Georges Latécoère rachète le château et y entreprend sa restauration avec l'architecte blésois Henri Lafargue et l'architecte-paysagiste Albert Laprade. Si Laprade conserve les divisions générales de l'espace des jardins, les compartiments sont résolument Art Déco. C'est en grande partie grâce à son action de restauration que le château est encore en bon état aujourd'hui.
1993, septembre, création de l’association des amis du Coudray-Montpensier et des jardins Latécoère, (A.C.M.J. Latécoère - JO du 20 octobre 1993).
1997, les jardins sont abandonnés.
2005, le château est racheté à la ville de Paris ( Département de Paris - Direction de la Construction et du logement ) par Christian Féray.
2013, les jardins sont réaménagés.
2014, un restaurant gastronomique est ouvert : " le Plaisir Gourmand"
Texte de l'abbé Bosseboeuf
XIe siècle, la famille de Montsoreau
Au XIe siècle, ce domaine était la propriété de la puissante famille de Montsoreau, dont la forteresse se dresse imposante sur la rive gauche de la Loire. Foulques de Montsoreau, — quelques auteurs ont dit Isambert, avait pour femme Mabille, dont il eut trois enfants, deux du nom de Guillaume et le dernier appelé Hugues. Guillaume Ier épousa Hersende, fille d'Hubert de Champagne, qui lui donna un fils, Gautier. Après la mort de son mari, Hersende se plaça sous la pieuse direction de Robert d'Arbrissel; fondateur du couvent de Fontevrault, dont elle devintdignitaire. Gautier Ier de Montsoreau s'unit à Grécie ou Griscie, soeur de Berlay de Montreuil et veuve de Gilduin de Doué, et fut père de Guillaume II, dit le Jeune. S'il faut en croire un auteur fort érudit, la terre de Montsoreau fut possédée successivement par deux seigneurs du nom de Guillaume, le premier, marié à Matlnide, et le second, à Hersende, dont serait descendu Gautier. Cette interprétation ne nous paraît pas s'accorder avec une pièce relative à Seuilly que nous citerons plus loin. Vers l'an 1080, Guillaume Ier, par-devant Foulques IV Réchin, comte d'Anjou, fit un concordat avec l'Abbaye de Saint-Florent,au sujet de la viguerie d'Alomte. Pour assurer l'exercice du culte à Seuilly, le seigneur octroya l'église SaintPierre aux moines de l'abbaye de Saint-Etienne de Vaux, en Saintonge; on place ce don en l'année 1092. Un peu plus tard, d'accord avec Geoffroy IV Martel, comte d'Anjou, après avoir élevé des prétentioats sur des bois situés entre la Loire et l'abbaye de Bourgueil, il y renonça en faveur des religieux.
Les circonstances de la fondation du prieuré de Seuilly par le seigneur de Coudray nous ont été conservées par le cartulaire de l'abbaye de Saint-Estienne de Vaux. « Dans la vue d'acquérir les biens célestes par le moyen des bonnes oeuvres, y lisons-nous, un gentilhomme nommé Guillaume de Montsoreau, Gautier son fils, Guillaume son frère, Gervais, Arsenis sa femme, ont donné l'église de Saint-Pierre de Suilly, qu'ils possédoient selon la coutume du siècle, à l'église de Saint-Estienne premier martir, size dans le lieu nommé Vaux. Ils ont aussi donné une métairie et une. pièce de terre autour de l'église, avec ce droit que ceux qui s'y établir oient ne seroient tenus de rendre aucun devoir ou service à d'autres qu'à la dite église. Ils ont aussi donné tous les pains qu'ils recevoient trois fois l'année des parroiciens, et toutes les sépultures, et toutes les oblations, et tout le foumage, et un moulin et tout le bois de la forest pour toute sorte d'usage. Et la mère du dit Guillaume nommée Mabile a donné à cette mesnie église la moitié du moulin de Vrilly, pour estre possédé après sa mort par la dite église de Saint-Etienne à perpétuité avec le dit lieu de SaintPierre de Suilly. Depuis, le dit Guillaume a consenti que chasquun de ses tenanciers puissent donner à la dite église ce qu'il voudra de son domaine ou fief relevant de luy, et que la dite église le puisse posséder librement et à franche aumosne.- à perpétuité. Ils ont aussi donné des terres, des champs, des prés et des vignes. Le seigneur Radûlphe, archevesque de Tours (1085-1118), ne voulait pas consentir au don de cette église, jusqu'à ce que Amé, légat de la Sainte Eglise romaine, le veint trouver et l'eust prié d'y consentir, et enfin il acquiesça à sa prière et a confirmé le don en présence de son clergé ; et mesme le noble comte d'Anjou Foulques àcorda la donation, ainsy il n'est pas leur fondateur comme ils .dise. Dom Nono, abbé du susdit monastère de Saint-Esienne de Vaux a accepté cette donation. Les témoins sont Guillaume de Viger, archiprestre de Saintes, Guillaume Richard, Guillaume Sevoret, Burcard, archidiacre de Tours, et Ranulfe, chanoine de Saint-Maurice. »
A la mort de Guillaume, arrivée vers 1101, ses restes furent, croit-on, inhumés à Fontevrault, où sa veuve se retira sous la conduite de Robert d'Arbiissel et mourut en 1114. Un lettré, Baudri, abbé de Bourgueil, plus tard évêque de Dol, composa Super Guilherum Montesorelli une épitaphe en cinq disti. ques, qui ont été publiés par Duchesne.
La seigneurie du Coudray, ainsi que la châtellenie de Montsoreau dont elle relevait, passa aux mains de Gautier Ier. Le châtelain partit pour la croisade, non sans avoir obtenu l'érection de Seuilly en abbaye et sans réaliser des donations à divers couvents. Au moment de s'embarquer à Mespha, dans la Pouille, en 1096, il accorda aux religieux de Noyers l'exemption de péage dans son fief de Montsoreau. Parmi ses compagnons de voyage témoins de la donation, nous remarquons Gatineau de Bourgueil, Simon de Nouatre et Raoul Rabaste. A sa demande, Grécie, demeurée au castel de Montsoreau, ratifia le don avec son fils Guillaume et sa fille, surnommée Rompt-bandelettes (de chaussures) ; parmi les témoins figurent Yvon de Cessigny et son frère. Dans la suite, nous retrouverons les seigneurs de Cessigny, paroisse de Lerné, dont Raoul Rabaste devint la souche.
Gautier fut du nombre des croisés qui, fatigués du voyage, retournèrent en Europe avant le succès de l'expédition. A son retour, il répondit à l'appel de Foulques Réchin; avec un grand nombre de gentilshommes, il fut pris au siège de Ballon et n'obtint la liberté qu'à l'aide d'une forte rançon. Cependant une nouvelle levée de boucliers se formait pour la délivrance de la Terre-Sainte. Le seigneur de Coudray partit pour l'Orient après avoir accordé des libéralités aux couvents de Fontevrault, de Marmoutier et de Saint-Julien de Tours. Pour ce qui est de la chronologie des différents actes, il convient de procéder avec la plus grande circonspection, sous peine de tomber en de regrettables inexactitudes. Cependant quelques points de repère peuvent servir à nous diriger dans le labyrinthe des dates.
Le dix des calendes de février 1094, Gautier fit un don à Saint-Florent de Saumur « par la tradition d'un couteau à manche noir ». En 1104, le 13 des calendes, il restitua aux chanoines de Saint-Maurice d'Angers ce qu'il leur avait enlevé en leur maison de « Daulcis ». En qualité de gentilhomme delà cour du comte d'Anjou il prit part, l'année suivante, à un jugement rendu entre Maurice, sire deCraon, et l'abbaye de Vendôme au sujet de Saint-Clément près de Craon. Aux religieuses de Fontevrault, par l'organe de Robert d'Aiitiissel, il octroya le droit de chasse dans la forêt de Bort, dite depuis de Fontevrault, ainsi que le droit de pêcher dans la Vienne et la Loire, et aussi la pêche du Merderone. En même temps, il accordait à sa fille la faculté de prendre le voile au monastère ; parmi les témoins de l'acte, on remarque Ives de Cessigny, son frère Normand et surtout l'abbé de Seuilly (de Sulliaco). La charte est datée du règne du roi Philippe, du comte Foulques et de l'archevêque Raoul (II) : ee qui la place au plus tard en 1118.
Les comtes d'Anjou tenaient Gautier en haute estime. Plus d'une fois le noble seigneur les assista comme témoin à l'occasion de fondations pieuses, par exemple celle de l'abbaye d'Epeigné par Foulques IV, autour duquel on voit également Geoffroi de Mayenne, Hugues de Sainte-Maure, Foulques d'Amboise et Barthélenti de lile-Bouchard ; on le rencontre aussi comme témoin à la charte par laquelle Foulques V ratifia, à Baugé, une donation faite par la dame de Roehefort.
C'est à la demande du seigneur du Coudray que le prieuré de Seuilly fut érigé en abbaye par Renaud, abbé de Saint-Etienne de Vaux. On a prétendu que l'érection eut lieu atant le départ de Gautier pour la Croisade en 1096, mais il nous paraît plus juste de reporter cet acte vers l'an 1100. A cet égard, nous lisons dans le cartulaire de Saint-Etienne de Vaux : « Quelque temps après (le don de l'église par Guillaume en 1092), Gautier de Monsoreau, fils du d. Guillaume, traittant avec Reginald, abbé de Vaux, demanda le pouvoir d'ériger en abbaye le prieuré de Seuilly à la charge que la d. abbaye de Seuilly payerait par chascun an à l'église de Saint-Estienne de Vaux, au jour et feste de la Circoncision de Nostre-Seigneur, vingt sols de rente de ntonoye courante, portez par les religieux de l'abbaye de Seuilly ; que si, ce que Dieu ne veuille, ils négligeraient de payer la d. rente et qu'on en appellast à l'évesque, ils seraient contraints par sentence de l'évesque de payer trente sols, et seraient corrigez canoniquement, de peur qu'ils n'y fissent faute à l'avenir. Le premier abbé a donc esté estably dans ce lieu par dom Reginald, abbé de SaintEstienne de Vaux. »
XIIe siècle
Ce premier abbé porta le nom de Pieire et souscrivit une transaction digne d'être relatée. Gautier, « prince très chrétien et fondateur de l'église du SaintSépulcre de Seuilly », entre autres libéralités, avait accordé au couvent une portion du bois de Bort destiné à être arraché. De leur côté, les religieuses de Fontevrault possédant des droits sur cette forêt, ce fut l'occasion d'un différend. Un accord à l'amiable termina la contestation. Les délégués des deux maisons se réunirent à Seuilly et exposèrent leurs raisons devant le seigneur du Coudray, Girard, évêque d'Angoulême et légat du pape, Raoul, archevêque de Tours, et Pierre, évoque de Poitiers. Par ce concordat, les religieux de Seuilly, par respect pour « le très illustre et très aimé de Dieu Robert », abandonnèrent à Fontevrault ce qu'ils avaient dans la forêt de Bort jusqu'à la route de Candes. L'acte, passé entre l'abbé Pierre et Robert d'Arbrissel, est daté du 22 septembre 1114.
Gautier, dit-on, prit l'habit à Fontevrault et y mourut. On n'est pas fixé sur l'époque de son décès. Le P. Lardier, dans son Histoire de Fontevrault, a écrit : " En 1122, Gautier fit le voyage de la Terre-Sainte. On tient par tradition que son corps a été inhumé à Fontevrault, on ne sait en quelle année, le 13 de juin ; Gautier, ou son petit-fils, embrassa la vie monastique à Fontevrault. » En 1122, d'après une note de D. Housseau (XIV, 2e cahier), Raoul, abbé de Seuilly, se disposait à partir pour la Croisade avec Gautier de Montsoreau. Il nous paraît difficile d'accepter l'opinion de l'auteur et de reculer après l'an 1122 la date de la mort du seigneur du Coudray. Quoi qu'il en soit, sa mémoire fut conservée par des fondations funéraires, et l'une d'elles était remplie jusqu'au xve siècle par le curé de Retz sur le tombeau du défunt. Un aveu de Jean de Chambes, seigneur de Montsoreau, au duc d'Anjou (1466) porte : « Est tenu le d. curé de Rest soy transporter au lieu ou est enterré et ensépulturé et illecques dire ung subvenite avec l'oraison des trespassez, et pour ce faire je luy doy chascun an dix solz ".
Le châtelain du Coudray laissa, entre autres enfants, une fille, mariée au seigneur de Trêves, et Guillaume, qui lui succéda. Dans une transaction, passée vers 1119 entre Pétronille, prieure de Fontevrault, et Pierre de Nezerey, on voit comme témoins Aimeri et Godefroy de Trêves ; la qualité de « petits-fils de Gautier » qu'on leur donne, accuse bien la considération qui entourait la mémoire du noble seigneur.
Guillaume II de Montsoreau, dit Juvenis, s'unit à Mathilde dont il eut un fils, Gervais. Vers l'année 1119, il concéda à l'abbaye de Fontevrault tout ce qui avait été accordé par son père Gautier et par sa mère Grécie. La donation, datée des règnes du roi Louis, du comte Foulques et de Renaud, évêque de Poitiers, fut faite entre les mains de Robert d'Arbrissel, en présence de la piieure Pétronille et de la comtesse Agnès ; peutêtre cette dernière est-elle Agnès, fille de Guy Geoffroi, comte de Poitiers, répudiée par Alphonse, roi de Castille et de Léon, et remariée à Helie Ier, dit de la Flèche, comte du Maine.
Le seigneur de Montsoreau et du Coudray se plut à manifester sa libéralité à l'égard du couvent Fontevriste. Le 2 des calendes de juillet 1132, du consentement de sa femme et de son fils, Guillaume II donna à l'abbaye la moitié d'un canal, ou doué (doitum), entre l'île Champion et l'île de Saint-Pierre. D'après les conditions, si le canal était garni d'une chaussée, les seigneurs devaient transférer au couvent tous les droits de navigation qui leur reviennent à Montsoreau, jusqu'au reinboursentents des 44 1. 5 s. prêtés à Guillaume par Pétronille. Le monastère y fera construire des moulins dont les meules seront placées par le seigneur, et les meuniers dépendront de l'abbaye. A chacun des coffres il y aura deux serrures, dont les clefs seront gardées séparément par les meuniers de l'abbaye et par les serviteurs du châtelain. On partagera la mouture par portions égales, sauf que l'abbesse prendra le tout jusqu'au remboursement intégral des avances faites pour l'établissement des moulins. Comme caution, Guillaume donna quatre de ses vassaux. Parmi les témoins de l'acte, on voit Mathieu de Ramefort, «on frère Guiscard, et Guillaume, ecclésiastique de Tours.
L'année 1150 marque dans les annales du couvent de Seuilly une époque mémorable. Les religieux eurent la pensée de se soustraire à la dépendance de l'abbaye de Saint-Etienne de Vaux. A ce sujet, nous lisons dans le cartulaire du couvent saintongeois : « Le sieur abbé Séguin ne voulant pas souffrir une si grande injure alla trouver le sieur abbé de Maillesay, le suppliant de l'aider à réprimer ces rebelles. L'abbé deMaillesay,après avoir pris l'avis de son conseil, dit que si il lui cédait le dontene qu'il avoit sur l'abbaye de Seuilly, à la charge de payer par luy et par ses successeurs la rente due par les religieux de Seuilly au dit abbé Séguin et à ses successeurs pour la cession du dit dontene, il l'assisteroit et l'indemniseroit des frais qui se feroient pour ce recouvrement. Ensuite le sieur abbé Gaudin avec des gens du monastère de Maillesay à sçavoir Girard Baudoin, Ami Darday, Pierre Clairvil, Pierre Guillaume, Pierre Vaiscot, Pierre Prêt, Guillaume Besana, Guillaume Maigno, veinrent avec le sieur Séguin abbé de Vaux à l'abbaye de Saint-Estienne de Vaux; et, en chapitre, le sieur abbé Séguin, de l'avis de ses religieux, en rettenant la rente susdite qu'ils devaient recevoir de l'abbé de Maillesay, a donné au sieur abbé de Maillesay le dontene de l'abbaye de Seuilly ; et le sieur abbé de Maillesay a arresté que l'abbé et le couvent de Maillesay envoyeroient chasque année vingt sols de rente à l'abbé de Vaux au jour et feste de la Circoncision de Nostre-Seigneur ; que si la rente ne se payeoit pas ce jour là et que l'abbé fût obligé d'envoyer un serviteur il luy seroit payé vingt ceinq sols, si il envoyoit un religieux il lui ser-ait payé trente sols. a L'acte autentique en ayant esté passé, le susdit abbé Gaudin et ses gens susdits et Séguin abbé de Vaux, aussi avec sa compagnie, à scavoir Pierre d'Agonie, Nordi et maistre Austrant clerc, Pierre d'Helie et Amelin serviteurs allèrent à Tours. Ayant recouvert le domene de l'abbaye de Seuilly de par sentence du seigneur Angibaud archevêque de Tours, ils vinrent à l'abbaye et les religieux de Seuilly reçurent le sieur Séguin, abbé de Vaux, en procession solennelle et ils le reconnurent pour seigneur et père, et ils luy présentèrent toutes les clefs, et ensuiste, selon la constitution faite, le sieur Séguin abbé de Vaux donna les clefs et le domene au sieur Gaudin, abbé de SaintPierre de Maillesay. Cette constitution a été faite au temps auquel le roi Louis régnait en France, le seigneur Bernard évesque gouvernant l'église de Saintes. »
Gervais, fils aîné du seigneur du Coudray, était mort en 1152, époque à laquelle celui-ci fonda un anniversaire à Fontevrault, d'accord avec ses autres fils Guillaume et Etienne, archidiacre d'Angers ; quant à sa veuve, Andeburge, elle prit le voile dans l'abbaye, ainsi d'ailleurs que sa belle-soeur Mathilde. Guillaume II vécut encore longtemps. Lorsqu'Henri II, roi d'Angleterre et ducd'Anjou, rendit une ordonnance en faveur de rétablissement des levées et accorda des privilèges et exemptions à ceux qui habiteraient les turcies ou levées et travailleraient à leur entretien (1161), le seigneur du Coudray parut comme témoin en compagnie de son fils Guillaume, d'Ulger de l'Lsle, d'Aimeri Savari et de Guillaume, cte d'Arondel.
Guillaume II était retenu au lit par la maladie lorsque, en 1176, il donna à l'abbaye de Turpenay une petite île près Montsoreau, entre les îles du Duel et SaintMartin, appelée Pium et vulgairement Sardaz. Son fils Guillaume et son petit-fils Gautier ratifièrent la donation. Parmi les témoins on remarque André, abbé de Seuilly,, Guillaume de Dampierre, Payen de Saint-Martin et Oger son frère 1. Un acte, passé cinq ans auparavant en faveur de la même abbaye, nous apprend que la femme de Guillaume le fils, se nommait Fénion ou Pheniums, et qu'ils avaient pour enfants Gautier, Etienne et Philippe. Guillaume III de Montsoreau jouissait d'une grande autorité dans les affaires. Ainsi comme Barthélemi, seigneur de Saint-Médard (CinqMars) , plaidait devant le sénéchal du roi d'Angleterre et le prévôt de Tours contre le chapitre de Saint-Martin, en prétendant avoir nombre de droits sur les habitants, sur la déclaration de Guillaume, on réduisit les prétentions à un jour pour couper le bois, un jour pour vendanger, un jour- pour faner et deux deniers pour le fumage. Le seigneur du Coudray mourut, pense-t-on, au cours de l'année 1220.
XIIIe siècle
Il laissait pour enfants Gautier, Philippe, Joscelin et une fille. Philippe fut, en 1231, exécuteur testamentaire d'Aimeri Savari, seigneur de Montbazon, en même temps que Bouchard de l'Isle et l'abbé de Turpenay. Joscelin, chevalier en 1222, donna à l'abbaye du Eouroux pour son anniversaire dix sols à prendre sur le péage de Montsoreau. Gautier II, en qualité d'aîné, hérita du domaine patrimonial. Il se montra généreux envers les moines de la Merci-Dieu, de Turpenay et les maisons de bienfaisance. Son itère avaitfondé dans l'abbatiale de Turpenay une chapellenie avec rente annuelle de 27 setiers de froment, à prendre à Seuilly ; il confirma ce don et l'augmenta en vue de sort propre anniversaire ; en 1220, il ajouta six setiers de froment et autant de seigle, à prendre sur le moulin de l'Escluse, dans la même paroisse. Un autre jour, il bailla sept arpents de vigne à l'Hô tel-Dieu d'Angers;
1 Cartulaire de Turpenay, f. 32. — D. Housseau, V. 1922. — Cette charte porte la date de 1171 dans Gaignières, vol. 640, f. 272. l
'acte non daté garde son sceau « à une croix ancrée ». Gautier II est compté dans la liste des chevaliers bannerets sous Philippe-Auguste. Gautier avait une soeur qui porta la seigneurie du Coudray dans la famille de Marmande, dont l'un des membres, Guillaume, figurait en 1198, aux côtés de Guillaume III de Montsoreau, dans une donation en faveur de Fontevrault, où paraissaient la prieure Adèle, Marie, autrefois duchesse de Bourgogne, et Adèle sa fille, duchesse de Bourbon.
En Anjou, à la lisière de la Touraine, les seigneurs de Montsoreau avaient étendu leur influence avec leurs domaines sur les deux provinces. Il en était de même pour les seigneurs de Marmande qui, des hauteurs de leur forteresse, située paroisse de Vellèches, sur- les marches du Poitou, voyaient leur bannière. marcher de pair avec celles des plus nobles gentilshommes. ^Actuellement le voyageur attardé rêve mélancoliquement sur une grande ruine aux tours effondrées et aux murailles pantelantes, desquelles émerge un donjon rectangulaire bien conservé ; tout auprès le regard se fixe sur un puits monumental avec sa grande roue antique.
Au milieu du xie siècle, Acharie de Mermande ou Marmande — Mirmanda ou Mermanda — avait la réputation d'un hardi batailleur ; il n'oublia pas de donner quelque bien aux moines de Noyers, et il en fut de même de ses descendants. A la fin du xne siècle, Guillaume de Marmande était uni à Agathe, ou Agarce, fille de Gautier de Montsoreau. En 1192, ils apparaissent, avec Guillaume de Montsoreau, comme « fidéjusseurs » pour la donation à l'abbaye de Fontevrault du bois de Tranchecot, qui déitendait de leurfief. Les deux Guillaume figurent sur la liste des chevaliers bannerets de Touraine. Agathe mourut le 10 des calendes de janvier 1210. A la suite de la mort de sa femme et pour le repos de l'âme de la défunte, Guillaume de Marmande, avec l'agrément de ses trois fils Geoffroi, Guillaume et Aimeri, fit don aux religieux de Grandmont du Pommier-Aigre de deux sols de rente à prendre sur la terre d'un de ses hommes à Gravant. Au milieu d'une solitude profonde, on visite les restes du prieuré de Pommier-Aigre, situé sur la paroisse de Saint-Benoît et appartenant à M. Herpain, de Chinon. Le sceau de Guillaume porte une fasce au lambel de 8 pièces et le contre-scel burelé de 6 pièces. Dans la première moitié du xme siècle paraît Jean de Marmande, qui épousa la fille du-seigneur du Coudray. Par elle, la seigneurie qui nous occupe allait passer, pour peu de temps d'ailleurs, dans la maison de Marmande. Leurs enfants, Bouchard et Guillaume, étaient en possession de beaux domaines. Bour chard portait le titre de chevalier et de seigneur de Trêves, terre sur la rive gauche de la Loire au-dessous de Saumur, en 1255, époque à laquelle il ratifia te donation que Geoffroy de Loudun fit à l'abbaye de' Louroux de toutes ses dîmes de blé et vin, en la paroisse de Verneuil. Le chevalier Guillaume avait pour femme Aléaydis ou Aeleysia. On admet généralement que la terre du Coudray vint en la famille de Marmande, par le mariage d'une fille de Gautier II avec un seigneur de Marmande *. D'après Villevieille et D. Housseau, ce ne serait pas une fille de Gautier, mais bien une fille de Guillaume de Montsoreau (t. VII, 5408). Ce qu'il y a de certain, c'est qu'après la mort de leurpère et mère, les deux frères Guillaume et Bouchard de Marmande firent leur partage. Le Coudray échut
1 Marchegay, Archioes d'Anjou, t. II, p. 219. 0. DE CHAYIGNY, Bul. de la Soc. arch. de Touraine, t. VII, p. 428.
TOMBEAU DE GUILLAUME DE MARMANDE dans l'abbatiale de Seuilly, d'après un dessin de la collection Gaignières (Bibliothèque Nationale)
TOMBEAU DE JEAN DE BOORT DE RABASTE
dans l'abbatiale de Seuilly, d'après un dessin de la collection Gaignières {Bibliothèque Nationale). à Guillaume.
Par un acte du mois d'avril 1256, Bouchard céda à son frère les droits qu'il pouvait avoirsur ce domaine; « Boichart, seigneur de Mermande, chevalier », bailla « par partie de léritaige nostre père et nostre mère à Guilleaume de Mermande sire do Codroi chevalier- mon frère... le Codroi et totes les apartenances et le mariage notre mère si comme il fut assis et doriez... et le péage de Bizay où tous les droits que je puis avoir- ». Guillaume lui remit VII livres de rente qu'il avait au péage de Loudun, et de son côté Bouchard retint sur- le péage de Bizay cent sols de rente qui lui seront payés annuellement à « la feste de la Seint Florens de janvier ». Le sire de Marmande s'engagea « par la foi de son cort » à observer ce contrat et à ne « venir encontre por nule raison ni por nule cause d ».
Le chevalier Guillaume, seigneur du Coudray, promit de donner des lettres scellées du cachet de l'archevêque de Tours, dans la forme que le prévôt de Vallée jugera convenable, avant la Toussaint, si sa femme y consent. A la demande de Guillaume, sort frère Bouchard fit dans ce sens une déclaration, munie de son sceau « à deux fasces », le dimanche après la Saint-Mathieu 1257. Au mois de septembre de la même année, du consentement de sa femme, Guillaume, dont le sceau est « à deux fasces avec une bande brochante », abandonna à l'abbaye de Fontevrault les droits qu'il prétendait sur les bois de Tranchecot ; la donation fut confirmée par son frère.
1 La collection D. Housseau (t. XII, pièce 5436) renferme une lettre en parchemin non signée, par laquelle on voit que Bouchard a octroyé par héritage à Guillaume la seigneurie du Coudray et le péage de Bizay ; la pièce est datée de 1200, le 6e du mois apostolie (?). — Outre que le nom du mois est incorrect, l'erreur de l'année est manifeste et la pièce se rapporte au partage fait en l'an 1256.
Le seigneur du Coudray vivait en parfaite harmonie -avec les religieux bénédictins. Le 22 décembre 1259, il lit un échange avec Hugues, abbé de Seuilly. Le couvent possédait un demi-arpent de terre, « propè turrim rétro », une oeuvre près le demi-arpent, plus deux arpents ailleurs, et une oeuvre près la garenne de la Bambaudière à Seuilly. Les religieux cédèrent ces terrains à « Guillaume de Meremande seigneur de Codroi ». En retour, celui-ci leur fit don de sept sols huit deniers de rente annuelle qu'ils devaient au Coudray, notamment 5 sols pour le fief jadis à Etienne de Chaillo, 12 deniers pour le fief de Denys de Noeriis, l'hommage qui lui était dû par Garnier, ainsi que 3 mines de froment avec 2 sols et une géline, et enfin 6 journées de vignes au Vigneau à Seuilly. L'acte fut passé au chapitre de l'abbaye. Eii'1260, l'abbé se nommait Hugues.
Guillaume s'attachait à arrondir son domaine. En ,avril 1270, « Hemeri Odart, chevalier seignor de Bernezay et Julianne sa famé » firent « un échange avec GuillaumedeMeremande,chevalier seignor de Codroy». Julienne était soeur de Bouchard et de Guillaume de Marmande. Hemeri céda à ce dernier et « a ses ers à toz jors tout le fey » que, sous la foi et hommage « do seignor de Monserel », il possédait dans cette châtellenie « en la pafxoesse de Sulle ». De son côté, le seigneur du Coudray octroya à Hemeri « sexante soz de rente toz les ans assis sus le péage de Bisay » et payables dans l'octave de la Pentecôte, que le dit seigneur de Bernezay tiendra à foi du seigneur de Marmande. En même temps, par l'accord de Bouchard et de Guillaume, le seigneur de Bernezay est déclaré quitte à toujours « d'un mengier costuman que le dit Hemeri et ses ers devoent chacun an a quatre de nos sergens, dit le seigneur de Marmande, sur ce que le d. Hemeri tient de nos en la deme de Vernoil », à la condition de payer 6 deniers de rente annuelle « de servige, en la teste de Saint-Michel » ; concession faite par Bouchard « por lamor du d. Guillaume nostre frère. » Collation de cet acte fut faite à Angers « par manière de vidimus soubz le greigneur scel establi auxcontractz » de cette cour, le 12 février 1455. En la même année 1270, un échange eut lieu entre Guillaume et Bouchard, qualifié « seigneur de Montpensier ».
De leur côté, les châtelaines ratifièrent l'échange dont il vient d'être question par acte passé au mois de février 1272 devant le chevalier Bouchard, « seigneur de Meremande et de Trêves ». Philippe, dame du Coudray, et Julienne, dame de Bernezay, consentirent les conditions suivantes. Julienne, avec le consentement d'Aimeri Odart, son fils aîné, concéda à Philippe tout le fief et les droits qu'elle possédait dans la châtellenie de Montsoreau, paroisse de Seuilly. A soir tour, Philippe donnait à Julienne la'rente annuelle de 60 sols, qui lui sont dus sur son péage de Bizay. Cette rente, payable à l'octave de la Pentecôte, sera tenue à foi du seigneur de Marmande, ainsi qu'un autre fief sis dans la châtellenie de Loudun. Julienne, également du consentement d'Aimeri, fit don de cette rente de 60 sols à son fils Pierre et à ses héritiers à venir, en plus de la part qu'il doit avoir par héritage, en sorte que si Pierre meurt sans héritier, la rente fera retour à Julienne et à ses successeurs. Pour sa part, à la prière de Philippe, dame du Coudray, Bouchard fit remise à Julienne d'un « repas » à lui dû annuellement à cause du fief qu'elle tient dans la paroisse de Verneuil, et qui sera remplacé par six deniers de service annuel. Cet acte fut muni du sceau de BOUT ehard et de ceux des dites dame Julienne et Philippe.
Le seigneur du Coudray avait cessé de vivre en 1272. A cette époque, le domaine passa à sa fille Philippe, qui avait donné sa main au chevalier Hue ou Huet de Brisay. La terre de Brisay, située au sud de la Touraine, non loin de la Vienne, relevait de l'Ile-Bouchard. La famille de ce nom posséda également, durant le moyen âge, les domaines de la Roche-Brisay dans le Mirebalais et du Petit-Brisay près de Châtellerault. Au commencement du xie siècle, le fief de Brisay était aux mains de Ernould, qui vivait encore en 1045. Entre autres enfants on lui voit Burchard, lequel assiste comme témoin, avec Geoffroy Martel, Gui de Preuilly et d'autres, à une donation faite au prieuré de Tavant par Foucaud, seigneur de l'Ile-Bouchard. Des enfants de Burchard l'un, Patri, fut le chef de la maison de Chourses-Malicorne au Maine, et l'autre, Aimeri, assista, en 1094, à une donation que fit à l'abbaye Saint-Florent de.Saumur Gautier de Montsoreau, seigneur du Coudraj'. La suite des seigneurs de Brisay nous montre le chevalier Pierre, bienfaiteur de l'abbaj'e de Fontevrault (1115) ; Alan et son frère Affrède de Brisay (1140) ; Pierre II, qui figure sur la liste des chevaliers bannerets sous Philippe-Auguste, et Alan II, qui fut seigneur de la prévôté de Restigné.
La propriété, fondement de l'état social, garantie de l'indépendance et source de précieuses initiatives, a pour cortège ordinaire les litiges et les procès. A l'ombre du château du Coudray et du cloître de Seuilly, les différends se terminaient presque toujours par une transaction à l'amiable. Un débat s'éleva sur les droits des religieux, qui prétendirent pouvoir acquérir, en la seigneurie du Coudray, jusqu'à la somme de 20 livres de rente et 20 sols •« franchement et sans aucun debvoir-». Un accord intervint entre eux et Hue de Brisay avec sa femme, ainsi qu'il paraît par lettre du samedi après la Toussaint 1277. Outre cette transaction (t. XII, p. 5438), D. Housseau en cite une autre intervenue entre les mêmes personnes et qui se termine par la formule : « Donné à Saumur, le samedy après la fête de la Toussaint, l'an de grâce 1279 » (t. XII, p. 5402) ; il semble bien que cette seconde pièce ne soit qu'une reproduction de la première, avec une variante de date. A son tour, la chasse était de la part des propriétaires l'objet de convoitises fécondes en rivalités ; mais à Seuilly on finissait par céder et s'entendre. Les moines avaient reçu de Gautier de Montsoreau la garenne de Bort et y exerçaient librement le droit de chasse. Les nouveaux seigneurs du Coudray voulurent contester ce droit. Finalement, au mois de décembre 1279, il survint un accord par lequel les châtelains cédaient quatre setiers de froment sur les terres auprès de l'endroit « dit Laleu », et, en retour, les moines renonçaient à une partie de leurs droits de chasse dans la garenne de Bort.
En toutes circonstances les seigneurs du Coudray faisaient preuve d'esprit conciliant et de désir d'entente avec leurs voisins. En 1282, ils firent un arrangement avec Raimond Sanglier au sujet d'un poteau que ce dernier avait construit devant l'hébergement de Lerné, sur un chemin tenant au bois de l'abbaye de Seuilly, lequel leur appartenait. De son côté, le mercredi avant Pâques fleuri 1295, avec le consentement de son mari, Philippe céda à Renaud Sanglier, chevalier, la garenne et son droit seigneurial au bois de Bort, ainsi que la garenne des landes du chevalier Boson Rabaste. Le sceau de la dame du Coudray, apposé sur cette charte, a deuxfasces surmontées d'une merleite, un cotice en bande et un cygne pour cimier. Le seigneur du Coudray avait un frère, le chevalier Gui, seigneur de Brisay, qui fit, en 1297,"la campagne des Flandres, prit part à la bataille de Fumes et, en 1300, reçut 127 livres pour les arrérages de son service. Cependant, « le vendredi après la Trinité » de l'an 1303, en la cour de Chinon, « noble dame madame Philippe de Meremande,' dame don Codroy », fit « pour Dieu et en aumosne » un don à « Jehanne sa mère, fille (de monsieur Guichart d'Angle. » Elle lui concéda à elle et à ses héritiers, « nez de sa char », dix livres de rente assise sur le péage de Bizay et la châtellenie de Trêves, payables en deux portions à Noël et à la Saint-Jean. Il était stipulé que si Jeanne « morait sans hers nez de sa char », la rente reviendrait à la dite dame du Coudray, « sans nul contredit ».
La vie féodale au XIVe siècle
Hue de Brisay mourut dans les premières années du xive siècle. A partir de cette époque, Philippe de Marmande traite, en son nom, les divers actes de propriété. En 1304 notamment, « le jeudi après la Chandeleur, Philippe dame du Coudray acquit de Guillaume de la Theurène, paroesse deSullé », une mine de froment, mesure de Loudun, et deux deniers de rente, payables « à SainctMichau ». Plus tard, elle fonda la chapelle du château du Coudray ; l'acte est signé de Gefïroy Isoré, archidiacre d'Outre-Vienne en l'église de Tours, le mercredi veille de la Saint-Martin d'hiver, en 1311. Par son testament, en la chapelle fondée « au manoir » du Coudray en l'honneur de la sainte Vierge, il devait être célébré trois messes par semaine. A cet effet, elle assura une dotation annuelle de 12 livres à l'abbaye de Seuilly 1.
1 Ce document a été publié, non sans quelques inexactitudes dedétail, par le DICTIONNAIRE D'INDRE-ET-LOIRE à l'article Seuilly,
Après la mort de Philippe, par l'organe de Mahaut de Marmande, sa parente, peut-être sa soeur, la terre du Coudray échut à la puissante famille de SainteMaure, qui avait son siège au coeur même de la Touraine. L'antiquaire en quête des vestiges du passé ne découvre plus, dans la ville de Sainte-Maure, que des restes peu considérables de l'importante forteresse du moyen âge, qui commandait à toute la contrée, tandis que l'église continue d'intéresser le visiteur par ses portions remontant par delà le xie siècle. A l'époque qui nous occupe, la seigneurie de Sainte-Maure était possédée, en même temps que la belle terre de Montgauger, paroisse de Saint-Epain, par Guillaume II, qui, en mourant, laissa plusieurs enfants, parmi lesquels Pierre, héritier de Montgauger. Pierre épousa Mahaut de Marmande, dont il eut entre autres un fils nommé Pierre et un autre, Guillaume, qui fut doyen de SaintMartin, chancelier de France et, à sa mort en 1334, reçut la sépulture dans la cathédrale de Tours.
Pierre de Sainte-Maure était en possession du domaine de Coudray en 1316. Cette année, le, jeudi après la Pentecôte, « Pierre de Sainte-More », chevalier et seigneur Montgauger, Audemer et du Coudray, acquit de Clémence Guitonne, ve,uve de Pierre Guiton, trois provendiers de froment, mesure deLoudun, rente assise sur des terres près le castel. Le jeudi après la SaintNicolas de l'année 1316, Pierre Lorenz, du consentement de sa mère, Clémence, et de sa femme, Marguerite, vendit à Pierre de Sainte-Maure « trois euvres de terre, » sises proche le chemin qui va du Coudray à Chinon. La même année, a avant la sainte Racheline », Pierre de Sainte-Maure et sa femme achetèrent une rente de 3 setiers de seigle assise sur 7 arpents de terre près Vaumenaize, joignant aux terres de« defïoys Monsour Jehan Rabate » : les vendeurs étaient Amaulin Favreau, vallet, et Philippe, sa femme, Jehan du Chillou et Jehanne, sa femme.
Ces documents, puisés dans les titres originaux conservés aux archives du château, nous permettent de rectifier certains renseignements inexacts,contenus dans la collection d. Housseau. A la suite de la transaction de 1279, dont il a été question plus haut, on parle d'un comte d'Artois qui aurait vendu le Coudray à Marie de Chatillon, reine de Jérusalem, de Naples et Sicile, et duchesse d'Anjou (t. XII, 5403). Cette indication, dont la preuve fait défaut, est en opposition avec les pièces authentiques. Il en est de même de la mention d'après laquelle Marie, reine de Jérusalem, auroit été dame du Coudray en 1315 (t. XII, 5432) ; à cette époque, en effet, les documents ne nous montrent aucune « dame Marie », tant reine de Jérusalem que dame du Coudray. La chapelle fondée au Coudray fut l'objet d'un accord passé entre Aimeri II, abbé de Seuilly, et ses religieux, a le dimanche après la SaintNicolas d'été 1322 ». En vue d'augmenter les avantages des moines, il remet au couvent tout le revenu provenant du service de la chapelle ; le prieur claustral ou le procureur distribuera les fruits à chaque frère, selon qu'il sera raisonnable. L'abbé soumit cet arrangement à l'approbation de l'archevêque de Tours.
Pierre de Sainte-Maure mourut, croit-on, en 1324, et fut enterré dans l'église de Saint-Epain, où il avait fondé une chapelle. Ce qui est certain c'est que la dame du Coudray, « veuve et exécutrice testamentaire du dit seigneur », vivait encore en 1331. Cette année, « le lundi enscuivantla feste Dieu », en la cour de Saumur, « noble dame madame Mahoust de Mermande dame don Codroy » acheta de Guillaume Le Moyne et de Olive, femme de celui-ci, à Seuilly, unprovendier de froment de rente, assise « sus demie met de terre ou environ séant sur le riau don Buignon. »
En l'an, 1338, une contestation s'éleva au sujet de l'étendue du droit de juridiction du seigneur du Coudray. L'occasion du débat naquit d'un meurtre commis à Lerné, « au chemin jouste l'églize ». Une enquête fut ouverte pour savoir si ce chemin relevait du fief de Coudray et, à cet effet, l'on entendit une douzaine de témoins, de 50 à 60 ans, dont la déposition renferme des détails que nous devons relever. Ils s'accordent à dire que le chemin dépend de la châtellenie du Coudray et apportent comme preuve l'exercice répété d'actes de propriété et même de justice.
Le sergent de la dame du Coudray, lisons-nous dans la pièce, prit jadis un malfaiteur qui « avoit féru un homme d'un couteau en chemin et en fut mené au Coudray en prison » ; le témoin ajoute qu'il « y fust luy mesme à le mener et le vit mettre en cage » et depuis le vit délivrer. A la demande s'il est sûr que le chemin relève du d. seigneur, « il dit que oill ». Les uns et les autres ont vu couper les « boissons du chemin » et les emporter au chasteau, abattre « deux estapes » qu'un boucher avait installées sur le chemin et qui gênaient la circulation, ce qui fut fait « par Madame Philippe du Coudroy avec Monsieur du Coudroy ».
En outre, l'on a vu « tenir les assises soubz l'ormeau du Perron à Lerné, soubz l'ormeau Chaboz, soubs ' l'ormeau Royllon,au moulin du Pont,soubs l'ébaupin ». Un individu ayant coupé l'ormeau Royllon, fut condamné à 60 sols d'amende. On a mis à l'amende des gens « qui prenoient terre au chemin entre la maladrerie de Suilly et le mur à l'abbé de Suillé ». Un nommé Philippon Jehan « fut tué tout mort en chemin, lequel fut enterré en chemin mis par les gens du Coudroy ». Un autre déclare avoir trouvé « un serinette en chemin et le porta au Coudray ». On amena prisonnier un « laron pour une prinse faicte en chemin », et il fut rendu à l'abbé de Seuilly « en payant 2 sols 6 deniers, parce que le méfait fut fait en sa terre ». Un enfant ayant été « tué tout mort en une fousse, le firent enterrer les gens don Coudroy dedans le chemin ».
A sa mort, arrivée avant 1334, dame Mahaut fut inhumée solennellement dans l'abbaye de Seuilly. Le droit transporta la seigneurie du Coudray à Pierre II de Sainte-Maure, qui avait épousé, en premières noces, Isabeau de Pressigny et, en secondes noces, Marguerite d'Amboise ; son nom paraît dans un aveu daté du mercredi après la Toussaint 1342, et le château est dit le « Coudray sur Suilly l'abbaye ». En l'année 1360, les comptes, d'après- un précieux registre conservé au Coudray, étaient tenus au nom de l'archevêque de Reims comme ayant « la provision » de son neveu ; il s'agit de Jean de Craon (1355-72), dont le père avait épousé, en premières noces, Isabelle, fille de Guillaume III de Sainte-Maure, frère de Pierre Ier.
La peinture, prise sur le vif, d'un castel féodal au moyen âge présente de l'intérêt, et nous tenons à l'offrir au lecteur. Ce faisant, nous ne négligerons pas d'ajouter que le tableau est dû non pas à l'imagination d'un romancier ou d'un historien quelconque du vieux temps, mais à un document authentique emprunté au chartrier du Coudray. C'est un bel et véritable parchemin, parfaitement conservé, qui mesure cinq mètres de longueur, — formé qu'il est de fragments cousus de flanc de veau, — en un mot leYraivolumeri ou rotulus, réglé à la pointe sèche et que l'on déroule au lieu d'en tourner les feuillets. Le registre, qui est un journal et des mieux tenus, a pour titre : « Compte des recepte et des misses par luy faictes de latre don Coudroy et revenues près Suille l'abbeye qui sunt révérend père en dieu monseignor de Rains corne ayant la provission Pierres de Sainte-Maure son neveu, dès le jour de la saint J.-Bapt. lan mil troys cens LX celuy jour compté jusques à la saint J.-Bapt. lan LXI celuy jouinon compté ».
Qui dit seigneurie, dit cens et redevances seigneuriales de la part des vassaux. La recette débute par la série des cens et tailles.
Parfois les affaires de la châtellenie exigeaient le déplacement des officiers du castel, d'après les ordres du seigneur ou d'un de ses parents, a Joh. Malmoaine, cappitaine don Coudroy », et le receveur se rendirent à Saumûr, « àla Madeleine », et y demeurèrent5 jours d'après le « comandement de Mons. le vicontede Châteaudun », mandé par « son messagier » ; il s'agissait de « plusieurs négoces touchans le Coudroy » et « l'abbasse et couvent de Frontevaut », dont les frais de justice et autres montèrent à 4 livres 129 sols 6 deniers. Il y avait en outre « la finance faicte on Mos. Aimery d'Argenton, lieutenant de Mons. le conte d'Anjou et on Thibaut Corbin, baillif de Chinon, pour lamende laquelle avoient tauxée sur Mos. Durmas de Sainte-Maure », dans l'aflaireavec l'abbaye, savoir 15 1. ; et une dépense de 105 sols « pour Tassise de Saumur », au sujet d'une affaire contre la Rabatée, Drouet de Lésigné, le couvent de Fontevrault, Challet de Sazilly, l'abbesse de Poitiers et « la Poulesse de Couziez », et pour la dépense du receveur et de « Hemeri Nau, senechau don Coudroy » ; il y avait .30 sols a aux II Sauvayges Perot Pouain avocaz pour leur saleres ». Les vendanges, faites le « vendredy devant la Saint-Euber » et le jour suivant, ne coûtent pas plus de 31 sols.
Sur l'ordre du vicomte de Châteaudun, Marignié se rend deux fois à Angers pour « négoces touchans le Coudray, » le « lundy avant la S.-Croez » et à « l'octave de la S.-Michau »; les frais des deux voyages, qui durent chacun 3 jours, coûtent 67 sols. Entre temps « l'eschauguiet » a besoin d'habits, et l'on achète « une coste hardie de Ganbier et une père de solier à Chinon », pour 16 sols. Les « façons de vignes » delà Chabocière, du « grant clou et murgiers et environ le persouer contenant VIII arpens », obligent les ouvriers à « deschausier, à tailler, tant en tasche » qu'à la journée, et s'élèvent à 229 sols 10 deniers.
La recette des cens à l'occasion « don jour de lam neuxf » est de 41 sols 6 deniers. Ici l'intendant ouvre une parenthèse à sa comptabilité pour écrire : « se plaint le recepveur que rabatu li soit XIII sols des cens don dit jour pour ce que il ne trouve pas la recepte si grant corne elle li a este touz jours comptée en charge ». La série des recettes comprend ensuite divers cens pour 101 sols 4 deniers; lepéagedeMontsoreau, 6 mois à 4 1. 10 s. par mois ; le péage de Bizay, pour 6 mois, 4 1. ; le péage de Sozé, 9 sols 3 d., et pour les « messuraiges de la Roncheroye » il y a « nichil ». Les « segreages de menus bestes levez la segonde semaine de may » valent 73 s. 5 d. La vente du blé « vuyl, » qui se fait « mesure de Loudun » au prix de 32 à 40 sols le setier, s'élève à 117 livres 151 sols 15 deniers. Celle du froment « novel, » dont le setier va de 72 à 80 sols, monte à 220 livres 293 sols'.
Le compte mentionne les gages de serviteurs, comme « Perot Gordon pour partie de son salère de estre pourtier et garder la pourte et la barière des la s. Michau jusques àla s. Joh. »pour une mine; et « Marrignié en deducion de ses gaiges, la semaine devant la Touz sains » reçoit 3 setiers de froment « novel » porté 4 livres 15 sols; et aussi une fourniture dé 8 setiers aux *« religious de Suillé, » et une autre aux ouvriers des vignes, suivant le marché fait avec eux. La vente du seigle est de 11 setiers, pour 4 1., faite « aux ouvriers en vignes».
La recette a pour pendant la « misse », dont nous avons aussi le détail. Les religieux de Seuilly touchent 10 1. pour « servige faict en la chappelledon Coudroy », terme de la Saint-Jean à la Chandeleur. On verse à « Monseigneur Pierre de Sainte-Maure » 100 1. 10 s. en une fois et 128 1. en une autre fois; à « Mon. Joh. Flori chapellain Monseig. Pierre de Sainte-Maure » 15 1. ; à Perot de Marrignié garenier don Coudroy », pour l'office de sergent et de garenier, 15 sols par trimestre et de plus 30 sols « pour une coste hardie ».
Les façons des vignes, « deschausier, béchier, tailler, pleier, faire pesseau » et autres travaux, en moyenne à 20 deniers par jour, s'élèvent à 613 sols 38 deniers. Comme « les boux de loustel ne poeaient acomplir tout le labour », au mois de février, on recourut à d'autres cultivateurs pour a arer » et faire les semailles, ce qui coûta 83 sols. A propos de l'un d'eux, on remarque cette mention: « Au bovier Mos. Guart Rabate qui fut on ses boux "VII journées à arer la semaine devant Pasques flories et la semaine enseq. qui se estoit retint au Coudroy pour les Gascoains qui estoient logier à Cande et à Monsoreau, XIIII sols ». Il y a aussi 9 sols pour « combler une brèche et derompre buissons derres celle messon, qui estoit perillousse pour enbusches ». L'eau est de première nécessité et l'on ne néglige pas ce qui s'y rapjjorte. La dépense porte 12 sols pour « curer le puiz devant la barie » ; .2 sols 6 deniers pour la corde achetée à Loudun, et 18 sols pour 3 journées à 2 hommes « la semaine de la Chelle St Pierre pour faire la quarrée et letrueyl de neuxf au puiz ». ' A propos du labour, on voit acheter un nouveau boeuf 8 livres 3 sols pour remplacer un « boux vuyl mis engresser », et payer a au maréchau de Suille pour une livre d'acier misse on soc et pour sa paine » 3 sols.
« A Joh. Setereau et à Gillet Destropz qui furent XII journées comansant le mercredy emprès Misericordia Domini pour faire une planche on pont et un vuysset et un vuys neuf x et un guichet mis à la bariere devant le pont et II estepes à futer la cheminée de la salle, lin s. pour journée et despens à chacun varient XLVIII sols. — Pour ferreure pour la planche et poulies vuyssez don pont et de la barière au marechau de Lerné pour II corez et VI ardinelles et I loquet et IIII paumelles et IIII gonz et certenelles, et pour une claveure misse en luysset don pont achatée à Chinon IIII s. vaut le tout XXVI s. — A Estienne le charpentier de Sesigne pour une journée pour faire luys de une vouste IIII s. et au mintier de Chinon pour une claveure garnie de corez et certenelles misse en celuy vuys le juedy devant la S.-George VI s. vaut le tout X s.
« Au mintier de Frontevaut ( Fontevraud ) pour II claveures et II coroez garniz de certenelles mis une en la prison et l'autre en la pourte et apareiller une claveure et mis une clef en la fuye, et adouber la claveure et une clef en la chapelle et une autre en la despensse et adouber la claveure de la huge ou len met les vestemenz de la chapelle et fut la semaine de paques flories, vaut le tout XXI s.
A Guillaume Thomin maçon pour faire le tuau d'une cheminée en une des chambres de loustel et fut la semaine après Quasimodo. — A Guillaume Gautier son vallet qui fut IIII journées la semaine de la St.-Vincent pour faire cercle et env. XL ruelles misses en ganisson, III s. VI d. pour journée et despens vallent XIIII s. »
Le vendredi « devant la Saint-Euber », nous voyons un ouvrier occupé à « lier deux pipes et une cuve », cependant que les femmes « la Rochiere, la Savetiere, la Monniere, la fille Ganbier, la Beniere, la Meniere, la Barande sont employées à « vendengier », au prix de 12 deniers par jour, et que d'autres travaillent à «fouler et vuyder les peniers », à 2 sols par jour; un autre employé avec « sa beste onze journées pour aider à mener la STendange ». Lorsque le vignoble est éloigné, le raisin est parfois vendu sur place; ainsi le régisseur vend « au boûchier de Frontevaut III pourtonerées de vendenge creu en la diesme de Monsoreau, et les cuillit à ses despens », pour 100 sols. Nous remarquons qu'une pipe de vin était évaluée 5 setiers de froment. Notons que cette année-là la récolte de noix fut nulle, parce que « cuessit tout par la fortune don temps ».
Tel est le tableau que les documents nous retracent de la terre du Coudray au milieu du xive siècle, à l'heure où la guerre de Cent ans déchaînait sur une partie de la France ses désastres de toutes sortes. A cette époque, nous l'avons vu, le château du Coudray appartenait à la famille de Sainte-Maure. Un des héritiers de Pierre II de Sainte-Maure est Charles d'Artois, comte de Pezenas et de Longueville, qui fut pris à la bataille de Poitiers en 1356.
Le Coudray lui échut, en même temps que sa femme, Jeanne de Beauçay, lui apportait le beau domaine de Champigny-sur-Veude et celui de la Rajace. Un acte de 1375 nous le fait voir en possession du Coudray. Victime d'une disgrâce, le seigneur fut contraint de vendre ses ' terres ; la mort l'emporta en 1385, et sa veuve inconsolable se retira à la Rajace, où elle décéda, en 1402, dans la retraite qui convenait à sa douleur.
De la reine Marie à l'amiral de Bourbon ( XIVe et XVe )
Dans le dernier quart du xive siècle, le Coudray devint la propriété d'une famille royale. Il fut acheté, v,ers 1380, par Louis Ier, fils du roi Jean et de Bonne de Luxembourg. Ce prince, honoré d'une foule de titres, parmi lesquels ceux de roi de Jérusalem et de Sicile, et de duc d'Anjou et de Touraine, épousa, en 1360, Marie de Châtillon, dite de Blois, fille de Charles de Blois et de Jeanne de Penthièvre. En vain prétenditil à la possession du royaume de Naples, comme fils adoptif de la célèbre Jeanne ; il mourut en Italie, en 1384, laissant deux enfants : Louis II, né en 1377, et Charles, duc de Calabre et comte du Maine.
La princesse Marie eut la tutelle de ses deux enfants et à ce titre posséda effectivement notre seigneurie. Un aveu du 7 février 1381 était rendu à « la royne de Jérusalem et de Sicile, duchesse d'Anjou et du Maine et dame du Couldroy, comme ayant le bail, garde noble et administration de Messieurs Lois roy des royaumes, et de Charles, ses enfants ». Une autre déclaration du mercredi avant la Saint-Simon, 1391, est également adressée à « madame la royne de Jérusalem et de Sicile ».
La princesse, attirée par la solitude du Coudray aussi bien que par l'atmosphère religieuse du couvent de Seuilly, visita, croyons-nous, son domaine, si elle n'y fit pas sa résidence au moins pour quelque temps. C'est vraisemblablement par son ordre que fut construite la curieuse aile, du côté gauche de la cour, dont les lucarnes élancées sont décorées d'un semis de fleurs de lis et de lettres M>, initiales de son nom ; les fleurs de lis ont été martelées à la Révolution. En outre, Marie de Bretagne, grand'mère du roi René d'Anjou, possédait en Poitou la seigneurie de Mirabeau, acquise d'Isabelle, comtesse de Roucy, en 1379, pour 18,000 livres d'or, et la seigneurie de Loudun, que Charles V avait donnée à Louis Ier d'Anjou, en 1367.
Si par la pensée nous visitons le Coudray au printemps de l'année 1400, nous demandons vainement a présenter nos hommages à la princesse,, et nous sommes reçus par le seigneur Pierre de Bournan. Que s'est-il passé dans l'intervalle?
A la cour des princes d'Anjou nous distinguons de bonne heure les membres d'une famille appelée à un brillant avenir, celle des Bournan, qui doit son nom à un fief de Touraine dépendant de Cormery. A la suite d'une alliance avec la famille Pantin au xine siècle, au lieu d'un lion, cette maison porta la brisure « d'or à la croix pâtée et alésée de gueules cantonnée de 4 coquilles d'azur ». A partir du xie siècle nous voyons Geoffroy de Bournan, puis Pierre et sa femme Boschière ; vers 1140, Pétronille, fille de ces derniers, entra au couvent de Fontevrault, et la donation, faite en cette circonstance, fut ratifiée par ses frères et soeurs, FrÔmond, Pierre, Milcende et Hersende. Au siècle suivant, nous rencontrons Emery et Guillaume de Bournan ou « Bornant ». Un Aimeri ou Aimard fait son testament vers 1270 ; il avait pour femme Agnès et pour enfants Philippe etlsabelle. Vers la fin duxur 3 siècle, les Bournan prirent pied dans le Chinonais et leur fortune grandit assez rapidement.
En 1292, Jean de Bournan acheta des terres de Guillot Pouzin et de Vincent, qualifié seigneur de Montpensier, fief dont nous aurons à_parler dans la suite.
Guerre de Cent-Ans
A son tour, Emery de Bournan, dont l'épouse se nomme Agnès, le même dont il a été question plus haut, acquiert des domaines de Macé de Montpensier (1301), de Massé Baffelort et de Philippe Mounet en 1317 ; à cette époque Emery est dit « valet sieur de Montpensier ». Agnès, femme d'Emery, fit également des acquisitions, notamment en 1330. « Le samedi veille de touz sainz l'an mil troys cens trente et oyct »; Jean de Bournan vallet « parroesse de Suyllé et Agnès sa suer, parroesse de sainct Berthelêmer » font le partage des biens qui leur viennent de leurs parents. Ils décident que ce qu'ils ont dans le ressort de la châtellenie de Loudun et de Montsoreau appartiendra à Jean, et que ce qui se trouve dans la châtellenie de Saumur sera à Agnès, sauf la moitié de cinq quartiers de vigne « sis enlagravelle de Beigneux en Jusienne », qui demeurera au frère. Dans la suite, Jean, seigneur de Montpensier, vendit à son neveu Emery, écuyer (1350-1354). Enfin, Jean fit une rente à Pierre Bessonneau son parent (1364), et Pierre de Bournan acheta la seigneurie de Montpensier de son. oncle André Bessonneau, chanoine d'Angers (1384-1394) Pierre préludait ainsi à la possession du Coudray.
Les circonstances étaient on ne peut plus favorables. Le trésor de Louis II d'Anjou était grevé de lourdes charges. Son fidèle écuyer Pierre de Bournan avait réalisé de précieuses économies qu'il était tout disposé à échanger contre de beaux domaines. Le prince et sa mère firent appel aux aspirations de leur « très chier et bien amé » serviteur et lui donnèrent à rente pour sa vie la seigneurie du Coudray moyennant 120 livres par an. Peu de temps après, pour reconnaître ses « agréables services » et aussi pour « nécessitez et besoins », Marie et Louis d'Anjou vendirent définitivement le Coudray à Pierre de Bournan. L'acte de cession fut donné à Chinon le 15 janvier 1400.
« Et il soit ainsi que a présent pour aucuns grans nécessitez et besoings que aucun en est mesmement pour vraies et justes causes a ce nous mouvans, considerans aussi les très grans bons et agréables services que nous a faiz on temps passé nostre dit escuier fait chacun jour en persévérant de bien en mieux et espérant que fera on temps aucun, Nous conjointement et divisement avons baille et transporte et par ces pré-
Le nouveau seigneur du Coudray apporta ses soins à donner une plus grande valeur à son domaine. Il entretenait les meilleures relations avec l'écuyer Macé d'Andigné, « seigneur deGislemond, paroisse de SaintMars la Pille ». Il céda à celui-ci « l'hostel et appartenances » de la Bourdillière, paroisse de Seuilly, « en échange d'une foy et hommage lige et de 10 sols de service vis à vis le Coudroy », avec 25 livres de rente à Noël; en 1405, Macé d'Andigné vendit cette terre à Macâde Beauveau ; on le voit également en rapport avec l'écuyer Beaudouin de Péquigné, seigneur de la Roche du Maine (1403). A cette époque, le chevalier Fouquet de la Rochefoucault fait l'aveu de son « hostel de la Touche du Coudroy ».
Ce n'est pas à dire que la bonne harmonie ne fut parfois troublée joar quelque différend.' Au mois d'avril 1421, il s'éleva un « plait et procez » entre les seigneurs de la Roche-Clermault et du Coudray, au sujet de certains droits seigneuriaux, par devant la cour de Chinon, agissant « pour très excellent et très puissant prince monseigneur le Régent le royaume daulphin de Remoys, duc de Berry, de Touraine et conte de Poictou ». La demanderesse était « noble dame Marguerite Dauphine, veufve de feu messire Jehan de Bueil, jadis chevalier, dame de Marmande et de la Roche-Clermau », contre « en cas de saisine » « noble homme Pierre de Bournan escuier siegneur du Couldray ».
Après une période de difficultés, un accord ramena le calme. D'après cet acte, « haute et puissante dame Marguerite confesse de Sanserre dame en son vivant de Meremande et de la Roche-Cleremeau et feu Pierre Doyré corne consors obtindrent et firent exécuter une lectres royaux à rencontre de Pierre de Bournan, sire du Coudray, par suite de ce qu'il « avait fait exploiz de justice es lieux du Rondoy et de la Bévronnière » et levé les cens a prouffit, rentes et revenus ».
Les seigneurs de la Roche-Clermault lui contestèrent ce droit et intentèrent une action. Ces derniers refusèrent au seigneur du Coudray les hommages qu'ils lui devaient à cause du Ronday. Quand « noble homme messire Jehan sire de Bueil, chevalier, fut venu à nopces avecques la fille de lad. madame la côntesse o et eut ainsi le droit de la Roche-Clermault, Pierre Doyré s'en était allé de vie à trépas, laissant son fils François. On se désista de toute poursuite en faveur de Pierre de Bournan. Ce premier acte, du 18 juillet 1415, était le fait de Marguerite dame de Marmande Dauphine la fille, « à présent veuve de Jean de Bueil » et dame de Marmande et de la RocheClermault '. D'après l'accord intervenu le 7 mai 1421, la demanderesse renonce à toute action et « se délaisse delà d. complainte » : elle et ses successeurs tiendront les d. terres « au regard du seigneur du Oouldroy à une seule foy et homaige lige ». L'acte fut donné à Chinon « par manière de Vidimus », à la date susdite.
Cependant, le seigneur du Coudray sentait ses forces menacées par les atteintes de la maladie. Il avait toujours trouvé en sa femme Marie de la Motte Porcher le dévouement le plus parfait : aussi voulût-il reconnaître cet attachement qui ne s'était jamais démenti. Le 5 avril 1426, avant Pâques, en la cour de Chinon, Pierre de Bournan, écuyer « niaistre d'hostel du roy nostre sire », et son épouse pour « les causes à ce les
1 Dans l'acte invoqué, on lit : « De très noble homme vous Mons. de Montgauguier et du Couldray, Mons. Pierre de Sainte-Maure, tiens je Raoul de l'Isle du Bois lébergement de la Brivonnière avec les plesses et les clouaisons » et dépendances ; suit l'indication de diverses autres terres, dont « la garenne du conil et du lièvre » avec les cens et rentes, où l'on voit que Guillaume le Garennier lient du d. 9 arpents et demi de terre.
« Item je liens de vous mons. du Couldroy la sale du Rondoy qui joingl à la grange et à une meson neufve que je fais faire en celuy lieu » et au chemin « par ou l'on vail de la tour à Suillé, au vigne et doux du Coudroy, au derrière de la d. sale, tout corne la d. sale est longue » ; la terre aboutit « du coing à une boune qui depert si corne len dillefllz Pierre de Bournan de lad. liganee » et ailleurs « devers la maison à Guillaume le Garennier » ; ce qu'il tient à foi et hommage simple ; de plus une terre joignant le chemin par « ou l'on vail de Suillé à la tour devantla d. sale » : il tient celle-ci à foi et hommage simple et un « roucin de servige ». Cet aveu est du mercredi « après les octaves de la Chandleur mil 111° vingt et ung ». m'ouvans » se firent donation « l'un à l'autre du premier deceddant au dernier. »
Pierre de Bournan ne survécut pas longtemps ; dans un aveu du 13 juin 1429 il n'est plus question que de la dame de Coudray. Il laissait deux fils Charles et Louis. Le premier, dit seigneur de la Bourdillière, par acte de 1432 vendit à Guillaume Ballan, bourgeois à Chinon .douze livres sur la dite terre. De son côté, Marie de la Motte apparaît en maintes occasions. Tantôt « Messieurs de l'église d'Angers » lui baillent la ferme de « certaines choses heritanses » qu'elle avait vendues (1430) ; tantôt elle achète de Jean Foucault six sols de rente sur le pré Bazillard, acte dans lequel elle est qualifiée « clame du Couldray et de Montpensier » (1432) ; tantôt elle fait avec Guillaume Ballan une transaction par laquelle elle transporte à celui-ci la Bourdillière pour demeurer quitte des 12 livres de rente dont il fera foi et hommage au Coudray et « à grâce de réméré de neuf ans » (1437) ; sur une pièce, relative au retrait lignager de ce domaine (1438), on lit : « la recousse faite des dites choses vendues par messire Loys de Bournan chevalier, seigneur du Couldray ».
Marie de la Motte Porcher ou Porchier vivait encore au printenrps de l'an 1440. Le dernier jour de mars après Pâques, elle bailla à Macé Bouguereau, à rente perpétuelle moyennant 5 sols par an, « une cave séant es douves du Couldray joignant d'un cousté à la cave Jehan Barreau, et d'austre cousté à la cave Jehan Leclerc qui fut a Jehan Goullart ».
La châtelaine avait cessé de vivre en 1445, époque à laquelle la succession est échue à « Louis de Bournan, chevalier, seigneur du Couldray, conseiller maistre d'hostel du roy ». Le 24 septembre de cette année, il fit une requête contre le procureur royal et M. de Montsoreau au sujet des droits de sa châtellenie. Il ne se refusait pas d'ailleurs à remplir ses devoirs de vassal : le 18 octobre 1448, il faisait aveu de son « chastel et appartenances » à Louis Chabot, chevalier, seigneur de la Grève et de Montsoreau. En retour, Louis de Bournan recevait volontiers les hommages dus à sa châtellenie.
Le 17 février 1446, André Hamart faisait au Coudray son aveu de diverses biens joignant aux terres du château. On y remarque entre autres choses, aux Rambaudières, 6 oeuvres de terre chargées vis-à-vis de l'aumônerie de Seuilly d'une rente de 1 setier de froment mesure de Seuilly et d'une poule, « rendables au jour SaintMichel » ; et, près la Boutinière, une oeuvre qui paie 2 boisseaux de froment de rente mesure de Loudun au curé de Seuilly, et enfin « une place à faire maison séant en la première basse court du Couldray joignant au logeys Jehan Boutart » ; il s'agit sans 'doute du « fons », occupé par « les murailles », que nous avons vu vendre en 1439. A cette occasion nous rappellerons que les sceaux à contrats de la châtellenie portaient « une croix pattée, cantonnée de 4 coquilles », que D. Housseau a pris à tort pour des alérions.
Le châtelain du Coudray s'en remettait parfois à son parent le châtelain de Montpensier du soin de traiter ses affaires. Le 10 janvier 1447, a n. h. Jacques de Bournan escuier seigneur de Montpensier » au nom de « n. h. Loys cle Bournan, chevalier seigneur du Couldray » fit un échange « avec Martine vefve de Jacob le Levandier, Blanc et Jehan les Lavandiers enffens du d. feu », de Seuilly. Ces derniers cèdent 5 oeuvres et un demi arpent, terre « signée par deux bounes » et située près la Herberdière ; le seigneur du Coudray donna, en retour, 4 oeuvres de terre à la Lardière et une oeuvre de vigne « dedans le grant clouz du Couldray ». Les témoins en la cour du Coudray sont « Athenaz Carado, Jehan Rochier Guiton, Jehan Damon, Estienne Dubin, Estienne Herbert, Jehan Frebour, Perin le Gallez et autres ». "
Louis de Bournan, à l'époque où nous sommes arrivés, jouissait d'une brillante situation et était tenu en haute estime à la cour du roi René d'Anjou dans les actes duquel son nom apparaît souvent. Celui-ci avait hérité de la confiance que son père Louis II d'Anjou témoignait à son conseiller. On sait que René n'était pas en Touraine au moment de l'entrevue de Charles VII et de Jeanne d'Arc à Chinon, et qu'il rejoignit l'armée française à Reims, le 16 juillet 1429, après avoir quitté le siège de Metz, auquel il prenait part avec son oncle Charles de Lorraine. Nous ne saurions dire si Louis de Bournan se trouvait, à cette heure, à la cour de Charles VII, sur les bords de la Vienne, ou bien aux côtés de René d'Anjou, à Metz.
Quoi qu'il en soit, le seigneur du Coudray, déjà conseiller et maître d'hôtel du prince, fut un des premiers gentilshommes honorés de l'ordre du Croissant que le roi d'Anjou fonda en 1448 et dont les chevaliers ont leurs armoiries et leurs noms conservés à la Bibliothèque nationale (Ms. fr. 5225). René le nomma capitaine des Ponts de Ce et lui fit don d'une maison à Saumur, rue d'Enfer. Ce n'est pas tout ; lé duc d'Anjou donna à son conseiller la plus haute marque d'estime en le nommant gouverneur de son petit-fils Nicolas d'Anjou. Ce dernier, fils de Jean, duc de Lorraine, devait mourir sans postérité en 1473. En qualité de gouverneur du prince, le seigneur du Coudray signait, le 7 février 1457, avec Jehan de Champgirault, une quittance de 800 livres délivrées sur l'ordre du roi René pour la dépense de « Mgr Nicolas d'Anjou et de mes seigneur et dame René et Jeanne de Lorraine ». Un chambellan du roi, Jean de Jambes ou Chambes, était alors seigneur de Montsoreau, châtellenie dont 'relevait la terre du Coudray et qui elle-même dépendait du château de Saumur, au duc d'Anjou. Dans un aveu fait par Chambes au roi René en 1466, on voit, entre autres vassaux : « Mre Loys de Bournan, chevalier, mon homme de foy lige avecques les loyaux aides, à cause de son chastel, terre et seigneurie du Couldray ».
Nous venons de lire le terme officiel de chastel. On se demande tout naturellement à quelle époque il convient de rattacher les origines du château. S'il faut en croire la plupart des auteurs, le monument est l'oeuvre des Bournan. En 1400, écrit un historien, « on ne trouve pas trace de l'existence d'une forteresse ou demeure féodale ; il est donc probable que le domaine ne consistait à cette époque qu'en terres et bénéfices. Pierre de Bournan se met à l'oeuvre et c'est de lui que datent les premiers travaux commencés en 1401 ; ils se poursuivent durant 40 années consécutives » i. C'est là une assertion sans fondement qui ne tient pas devant les documents authentiques, grâce auxquels nous savons quelque chose de l'existence et du caractère du château à la fin du xive et au commencement du xve siècle. Un procès va nous renseigner tout à la fois sur le « chastel » et sur les droits et coutumes en usage.
Vers le milieu du XVe siècle, le seigneur de Montsoreau entreprit de contester au seigneur du Coudray le titre et la jouissance des droits de châtellenie. On rédigea un mémoire de part et d'autre et une enquête fut ouverte au printemps de 1458. Elle fut conduite par
1 Vial-Noe, La Vie au château, p. 29.
« Jehan Lemaczon greffier et enquesteur des assises de Montsoreau » assisté de Philibert Auger, « conseiller en court laye ». Elle eut lieu le 6 mars et les jours suivants durant lesquels on entendit plusieurs témoins dont les dépositions s'accordent à constater pour le Coudray la possession et l'exercice du droit de châtellenie. L'enquête sur papier fort in-folio ne comprend pas moins de 20 pages et de 31 articles.
Jean le Maçon est propablement le seigneur du château de Trèves. C'est son épouse qui inspectera notamment la virginité de Jeanne d'Arc à Chinon.
Jean de Grainville écuier demeurant paroisse de St-Jehan de Thizay, âgé de 60 ans environ, déclara « qu'il est natif du pays de Normandie, que environ XL ans il s'en partit du cl. pays pour la fortune de la guerre qui lors avoit tout au d. pays et sen vint demeurer es parties de Touraine et d'Anjou; et que XXXV ans ou environ il eut bien cognoissance de feu noble Pierre de Bournan escuier seigneur de la terre seigneurie et châtellenie du Couldray, que luy qui despouse vit et congneut et fut son serviteur en office de recepveur et chastellain en lad. seigneurie du Couldray par le temps de quatre ans, lequel il dit avoir esté notable homme menoit bien grant estât estoit maistre dostel du feu roy de Secille vivant grandement, et a cause de la sucession du d. feu Pierre de Bournan est escheue et advenue au d. chevalier la d. terre et seigneurie du Couldray et en est de présent seigneur et detempteur, dit que la d. terre et seigneurie du Couldray de tout temps et d'ancienneté est censée et repputee estre chastellenie et pour telle la tient luy qui despose parce quil dit que au d. temps de XXXV ans il y avoit lors forteresse belle et bonne et notable a pont leveys, doves, barbequannes et que pour la deffence et garde dicelle il y avoit cappitaine et plusieurs gens du pays de environ qui se retiroient en icelle pour la fortune de la guerre, aussi y avoit pour la garde du d. chastel guet par nuyt que les subgiez et estaysdu d. lieu de Couldray y faisoient, et luy qui despouse y aveu plusieurs desd. subgietz y venir faire le d. guet chascun en son ranc et iceulx qui desfaîlloient devenir aud. guet il les a veu mètre es deffaut et pour le deffault les faire poier lamende».
Il ajouta que Pierre de Bournan avait acquis cette terre de la dame de Beauçay, qu'il a vue pendant son office tenir les « petits plez » les uns de 15 jours en 15 jours et les autres de mois en mois où l'on « congnoissoit de toutes actions personnelles au desoubz de LX soulz » ; il a vu les marchands forains y comparaître et lui-même, depuis lors, y « a fait ajourner plusieurs personne ». Et « au lieu du Couldray y avoit de ancienneté grant et notable chastel ouquel les subgiez faisoient guet et garde, corne dessus a despose, et en partie duquel chastel le d. feu Pierre de Bournan et le d. chevalier son fils ont depuys fait faire bastir et construire portai fermant a planche et pont leveys, grosses tours environ dicelui, grans salles et maisons qui sont garnies de doves et marchecolleys ».
Interrogé s'il y a « au d. lieu de Couldray chemins peageaux dont la congnaissance appartient au d. seigneur des delitz faiz en iceulx », il répondit que pendant sa fonction de châtelain « en ung chemin qui vient du d. lieu du Couldray a Loudun ung appelé Perin Tiephaine destroussa ung meignen et luy housta une bourse qu'il portoit en laquelle il avoit des coutences pour lequel cas il fut mys es prison du d. lieu du Couldray confessa le cas et depuys en fut envoyé par paye damende. Aussi dit que pour pugnir les delinquans du dit lieu du Couldray y a veu des le -d. temps de XXXV ans et encores a de présent justice patibulaire qui est faite et encores est de présent a troys pilliers en signe et demonstrance de justice a seigneur chastellain. »
Jean déposa que, au Coudray, « oultre loffice de chastellain y a juge ou seneschal qui tient ordinairement les assises du d. Couldray par troys ou quatre foiz en lan ou par aultre temps que bon luy semble, qui a cognaissance de toutes actions qui escheent devant luy tant criminelles que civilles ».
Il certifia que le seigneur du Coudray à cause de sa châtellenie a droit de prendre et toucher par an « pour ehacune brebiz qui pest et prent sa pasture et grans chemins tant peageaux beageaux que voisineaux c'est assavoir pour chascun mouton ung denier, et pour la brebiz maille et d'iceluy droit a veu user le d. seigneur. Et iceluy devoir le d. desposant bailloit a prix à certaine somme de deniers a certaines personnes. Et depuis par plusieurs et diverses années, il a veu les sergens du d. Couldroy les aller demander par les maisons ou estoient les d. brebiz et moutons : le dit droit est appelle segreage et se levé es paroisses de Saint-Germain, Cousiers, Cynais, Lerné, Suyllé et Thizay. »
Il poursuit qu'il a connaissance de répression pour delits commis sur ces chemins, notamment « en ung grant chemin estant près le lieu de la Bourdillière par lequel Ion vait de nostre dame de Rivière a Candes », et avant d'être châtelain, il eut connaissance qu'il fut « tué et occis ung petit enflent en ung chemin par lequel Ion va de Cande a Loudun près le lieu de la Gousonnière, et pour ce le d. seigneur de Couldroy y envoia feu Naudin Guernier sergent qui depuys luy rapporta qu'il lavoit levé ledit petit enflent' et baillé a ses parens pour le faire enterrer ». Enfin il dit que « pou de temps après qu'il fut institué chastelain du Couldroy feu Jeh. Paumartlesné pour lors sénéchal du d. lieu linstitua tabellion du d. lieu et de luy prinst le serment loyallement sy porter au d. office » ; il a fait contrats quel a scellé des « sceaux du Couldroy » et quant au « prouffit et esmolument » il en baillait partie à « feue noble damoiselle Marie de Porchère en son vivant femme du d. feu Pierre de Bournan qui avoit le garde des d. seaulx; et depuys en a veu passer a feu Jehan Berart Jehan Lemoyne notaires soubz les d. contraz par plusieurs et diverses fôiz ».
« Jehan Rochier laboreur demeurant a Suillé eage de LXXIII ans ou environ, dit qu'il est natif de Suillé où de tout son temps a demore et que des le temps de son jeune eage il se recorde bien que au d. lieu du Couldroy y avait place forte pont leveys, avecques une tour carrée qui portoit le d. pont leveys, et en iceluy temps ou environ il vit ung appelle Fretart qui se disoit et se portoit estre cappitaine et avoit la garde de la d. place de par la feue dame de Baucay qui tenoit lors la cl. place, au lieu de laquelle tour carrée a este depuys fait et construit de neuf un portai avecques tours et grans maisons et ediffices partie desquelles sont marchicollees, lesquels ediffices il dit que feu noble homme Pierre de Bournan et messire Louys de Bournan a présent seigneur du d. lieu ont fait faire chascun en son temps. » « Et dit que depuys XL1III ans enca quoy que ce soit depuys le siège de Chinon il a veu les subgiez du d. lieu du Couldroy faire guet et garde au chaslel du d. lieu et lui qui despouse durant les guerres se retraioit avecques ses biens au d. lieu, il y faisoit souventes foiz le guet, et aussi il dit que depuys XXX ans il a fait paraillement le d. guet au d. chastel pour ung nomme Tesvet de Morant a Cousiers corne subgiet du d. lieu du Coudroy, et plusieurs des autres subgiez il a veu contraindre a aller faire le d. guet au d. chastel par Jehan Goullart et par feu Huet Dorgepau chascun en leurs temps cappitaines et gardes du d. lieu, et iceulx qui y deffail-- lerent les mètre en deffault et pour le d. diffault leur faisoient rjoier pour chascun des d. deffault XX d. ou II s. VI d. »
Rochier, du vivant de la dame de Beauçay, a vu un châtelain nommé Martin Laurens tenir les « plez de la seigneurie » de 15 jours en 15 jours et aussi sous Pierre et Louis de Bournan ; il y a 40 ans environ il connut Jehan Paumart l'aîné comme sénéchal et juge du Coudray. Pour le droit de potence il dit que « longtemps et duquel il ne se recolle il ouyt dire aud. lieu .de Suillé et Couldroy que au Couldroj? y avoit justice patibulaire et que XV ans, corne luy semble, il vit lever une justice à troys pilliers de boays au lieu appelle Bour en la paroisse de Cynays de par le d. seigneur du Couldroy, et en icelle vit pendre et estrangler une truye qui a ce avoit este condempnée par la justice du Couldroy qui avoit tué et occis ung enflant, et depuys a veu icelle justice'cheoiste et tumbee et icelle refîaire a troys pilliers de pierre aud. lieu de Bour ou lieu propre ou se vit la justice levée a troys pilliers de boys ».
Il attesta depuis plus de 40 ans l'exercice du droit de segreage a Seuilly, le Coudray et ailleurs aux environs, dû « a cause des brebiz et moutons pessans es grans chemins estans au dedans des fins et mectes de la seigneurie du Couldroy », droit qu'il a vu affermer à plusieurs ; en outre le seigneur est « en possession et saisine de prandre et lever les espaves qui sont trouvées tant es grands chemins que ailleurs en sa seigneurie » ; il a vu, y a 30 ans, le sergent Naudin Guérinet couper des bois au grand chemin qui « tand de Chinon à Bournan » ; à la même époque, il a ouï dire que le Coudray avait « droit de coustume de péage et acquit de toutes denrées et marchandises passans et trespassans par les fins et mectes des chemins en lad. seigneurie », droit qui fut affermé par Pierre de Bournan à Sarrazin, demeurant à Thizay ; et à cet effet il a remarqué en un grand chemin, à environ un quart de lieue du Coudray, « une billecte qui estoit signe et démonstration dud. péage », endroit où il a vu payer par les « subgiez qui passoient et menoient leurs vins hors la seigneurie ». « Et est ce quil despouse des faiz contenus esd. articles sur iceulx dilligemment enquis et interroge ».
Estienne Rehier « laboureur de beufs », âgé de 63 ans, né à Seuilly où il demeure, a « pleinement » connu « feu noble homme Pierre de Bournan escuier », le receveur ou châtelain Micheau Guillon et ensuite Jehan Lefebvre, dit Leclerc, Jehan de Granville, Jehan Berart, Jehan Lemoyne, Geoffroy Gervàise, « qui encores de présent est au Coudroy », et Athelin Denex « chascun en son temps ». Il a vu tenir les « petiz plez » de quinzaine, et il y a environ 40 ans, le sénéchal Jehan Paumart l'aîné tenir les assises. Il y a une vingtaine d'années, il « vit les charpentiers qui faisoient la chapuse de une justice levée sur un bout a troys pilliers de boays », au lieu de Bour, à Cinais; il y a vu pendre une truie et « crier la justice » et « ung hault justicier que len disoit estre venu de Saumur ». Le seigneur a droit a de seaux a conctratz et notaires jurés », et jadis, à ce titre, feu Jehan Berart notaire « luy passa les accords dentre luy et Hamlet Micheau et Guillaume Micheau ses nepveux, de certaines chouses heritaux dont ils estoient en débat ».
André Hamart, laboureur, âgé de 53 ans, né à Turcan et venu au Coudray à 15 ans « en qualité de varlet et garder les bestes ». Alors il accompagna par plusieurs fois le feu sergent Guerrier qui l'emmenait pour être « son reccord a veoir faire ses ajournemens ».
Au surplus, il confirme les différentes dépositions précédentes sur les divers droits du Coudray.
L'enquête se poursuivit le 7 mars. Jehan Lefevre dit Leclerc, âgé de 62 ans, né à Saint-Jean des Courtilliers et demeurant à Seuilly, comparut. Il y a 46 ans, « il s'en vint demorer au Couldroy avecques feu noble homme Pierre de Bournan escuier lequel estoit noble escuier né et extrait de grant et notable lignée, estoit seigneur du chastel et terre du Couldroy ». Alors le seigneur « bailla le desposant 4a demorer avecques feu Huguet Dorgepau escuier qui avoit la garde du chastel et des prouffiz et revenus lesquels il recepvoit et partie diceulx il empleoit es réparations dud. chastel et ailleurs ». Quand, il y a 17 ou 18 ans, Pierre de Bournan mourut, il laissa le domaine à son fils Louis. Lefevre affirma les droits susdits, en particulier celui des plaids qu'il a vu tenir plusieurs fois, notamment par Micheau Guillon. Comme « chastellains » au temps de Pierre de Bournan, il mentionna Jehan de Granville, et, du vivant de Louis de Bournan, Fromaget, Jehan Berart, Jehan Talreau, Jehan Lemoyne et Geoffroy Gervaise.
Du temps de Dorgepau, « cappitaine et garde du chastel », il a vu au Coudray « faire guet par nuyt par plusieurs des subgietz » ; maintes fois le déposant a été à Souzé,Pernay, Cousiers, Montsoreau, Cumelles, Lerné, la Rancheraye et autres lieux de la seigneurie pour ordonner aud. sujets « qu'ils venoissent faire le guet aud. Coudroy et leur bailloit et assignoit les jours pour y venir faire le d. guet ». Depuis, lui, comme « chastelain » a exercé ces divers droits, en particulier les droits judiciaires et péageaux et il vit « plusieurs marchans qui passoient et trespassoient par le chemin qui va de Chinon a Lodun et venoient poier lacquict de leurs marchandises ». Pour ce qui est du droit de segreage « en raison du pâturage que les brebiz font es grans chemins », il se lève dans les paroisses de Lerné, Cousiers, Cinais, Thizay et les villages de Cumelle, de la Rancheraye et de la Garde, et lui-même l'a donné à ferme comme receveur du Coudray. En outre, du vivant de Pierre de Bournan, il vit « copper certains gros chesnes en ung grant viel chemin séant près Frontevault par lequel len vait de Lerne aud. lieu », ainsi qu'en d'autres grands chemins de la châtellenie, et les emmener au Coudray ; il confirma aussi les droits de contrats, d'épaves, « de lever les corps morts es grants chemins, » le droit de péage et autres sus mentionnés, a Et est ce quil despose du contenu es d. articles et des autres precedans sur ceulx par nous interroge et deuement enquis. » Signé : LE MAÇON — AUGIER.
Il ressort de ce document que dès la fin du XIVe siècle et le commencement du XVe, le Coudray était une maison fortifiée avec tours, douves et pont-levis et qu'il jouissait des droits seigneuriaux qui convenaient à une terre de cette importance.
De bonne heure, à l'ombre du castel du Coudray, à l'instar des autres forteresses du moyen âge, on vit se grouper des habitations, dont le lien de dépendance vis-à-vis du seigneur se fortifiait encore par la protection que les gens trouvaient, durant ces époques troublées, derrière les murs du donjon. Dans la suite ce groupement va diminuant jusqu'au jour où les châtelains nous apparaissent comme possesseurs de tout le domaine environnant leur 'château.
Au XVe siècle, il y avait encore quelques-unes de ces maisons, notamment « dans la basse-cour de Couldroy ». L'une appartenait à Pasquier Judeaux, une autre à Pierre Boutart ou Boucart, et une troisième était à Guillaume Pigeault, prêtre ; cette dernière, séparée de la précédente par « une petite ruete », payait au Coudray une redevance de 7 sols 6 deniers, à Noël. Pigeault vendit la maison à Michel Suart, lequel, en la cour de Montsoreau-, le 25 mai 1439, revendit à Guillaume Berart, fils de Jean Berart, « le batissement des murailles et charpenterie avecques le fous » ; le prix était de 15 livres tournois et la vente se fit en présence de Jacques de Luigné, curé de Seuilly,. de Jean Berart et de Jean Rossigneul.
Le 3 décembre 1448, Jean Chastaing et Guillaume Odin de Seuilly vendirent à Jean Lemoine, « clerc » de la paroisse, « une maison couverte de chaume en la basse court du Couldroy, joignant d'une part à la maison Guillamme Berart, ung mur entre deulx et d'autre part à la maison de la Forge ou demeure à présent Pasquier'Judeaulx»et chargée de 5 s. de rente à Noël envers le Coudray ; la vente est faite pour 10 1. en présence de Jean Nourrisson et de Jean Tiron. Le 10 février 1458, Lemoine céda la maison réparée au seigneur du Coudray pour la somme de 23 livres qu'il reçut de la main de Girardin le Maire. Jean Lemoyne, « clerc » de Seuilly, acheta des domaines pour le compte de Louis de Bournan, en particulier, de Jean Regnault, un demi arpent de terre à la Boutinière, pour 4 1. 10 s. Le 23 février 1453, Julienne, veuve de Denis Hubert, et Janine, veuve de Perrot Hubert, font l'aveu à Louis de Bournan pour un arpent de terre avec « mezerils caves jardin et.vigne », à Bois-Neuf, joignant « au jardin de mon d. seigneur, appelé le jardin de la Fuye », pour lesquelles choses ils donnent 211. de froment, à la saint Michel, au seigneur de la RocheClermault. Dans un acte du 2 janvier 1453, où il est 'question d'une difficulté relative à une rente de 17 s. sur la terre de Cumelle, on observe associés dans l'affaire les noms de « Loys de Bournan, chevalier, seigneur de Couldroy, de Jacques de Bournan, de Robert de Bournan escuiers, de André de Bournan, de Jehan Le Maczon, messire Jehan Coullon prebtre, Pierre Foucher, Thomas Helloys, Jehan Michelef, Jehan Fournier, Jehan Cordier, Estienne Mabilly, Pierre Normant, Pierre Pichoys, Philippon Bazin et Jacquet Brenault. Dans un arrangement du 11 juillet 1462, les Guérinet, une des familles de roturiers les plus à l'aise du pays, cèdent à Etienne Garnier divers biens dont « une cave en la douve du Couldroy, qui est chargée de 5 s. de rente envers le seigneur ».
Au cours de l'année 1459, il s'éleva une difficulté entre Louis de Bournan, seigneur du Coudray, et les religieuses de Fontevrault, dont l'abbesse était alors Marie de Bretagne. Le premier prétendait sauvegarder son droit de « péage sur les denrées et marchandises passans par les chemins péagaux de la chastellenie », ainsi que « la garde, tuition, deffense et congnoissance des grands chemins », notamment sur le « grant chemin près le boysd'Aril et la montaigne de Monpensier », droit qu'il exerce depuis « 60 ans continuels ». Les religieuses, de leur côté, « avoient fait construire et édiffier deux estangs turcies et chaussées » près le bois d'Aril, en retenant les « eaues qui illec avoient acoustumé de descendre et affluer de plusieurs parties », en sorte que « le chemin a l'endroit des estangs est submergé deaux » et impraticable. Le seigneur du Coudray attaqua le couvent en vue de couper court à cet état, funeste à sa propriété.
Une transaction à l'amiable intervint le dernier jour d'octobre, par l'organe de Etienne Mabille procureur de Louis de Bournan, et de Jean Barré procureur du couvent, l'un et l'autre demeurant à Saumur. La transaction portait que « lesd. estangs, turcies et chaussées en la forme qu'ilz sont encomancez soient parachevez et demourront pour lavenir au prouffit des religieuses de Fontevrault qui pourront, si bon leur semble, faire ung moulin ou plusieurs a meuldre blez ou autres choses au bout et à la destente desd. estangs et chaussées » ; mais elles seront obligées de tenir « la chaussée et voyes en sorte que l'on puisse y aller a pie a cheval a charrestes et chevaulx chargez et autrement deuement comme par voye et grant chemin délivre et publique » ; et sur ce chemin « tant en long que en large lesd. seigneurs du Couldroy joiront de leurs droiz de péage et acquit de denrées, des droiz de haulte moienne et basse justice des deliz faiz, des espaves, forfaictures, aventures » et de « tous les autres droiz que ung seigneur chastellain puet user es grans chemins assis en sa chastellenie ».
On n'est pas fixé sur l'époque précise de la mort du seigneur du Coudray, mais on peut la conjecturer assez exactement. On le rencontre dans une pièce du 7 novembre 1470 avec le titre de « conseiller et maistre d'hostel du roy et seigneur du Couldroy » ; et, dans un acte du 18 mars 1473 il est dit décédé.
Louis de Bournan laissait sa femme Jeanne Sarrazin, qui passa un acte le 22 décembre 1474, et son fils Charles, écuyer, qui, le 15 juillet 1476, fit l'hommage à Jeanne Chabot, dame de Montsoreau, comme héritier du défunt. Nous ne saurions omettre de mentionner J eanne de Bournan, dont la beauté fixa les regards et dont la faiblesse fit la maîtresse de Charles Ier, duc de Bourbon et d'Auvergne. De leurs relations naquit le bâtard de Bourbon, qui devint comte de Rousillon et amiral de France, et épousa une fille naturelle de Louis XI, Jeanne de France, laquelle fut légitimée l'année même de son mariage.
IV. — L'amiral de Bourbon et la princesse Jeanne
Le Coudray était destiné à passer entre des mains princières et quasi-royales en la personne de Louis de Bourbon, sans d'ailleurs sortir de la maison de Bournan. Charles Ier, duc de Bourbon, arrière-petit fils de S 4. Louis, outre ses enfants légitimes le duc Jean, le cardinal Charles et Pierre de Beaujeu, eut un fils bâtard de Jeanne de Bournan. Louis — c'est son nom — était doué de qualités brillantes qu'il mit d'abord au service de la Ligue du Bien public. Légitimé en 1463 et réconcilié avec Louis XI, au rapport de Commines, il devint l'un des familiers du souverain, qui le combla de faveurs. Grâce à ses services diplomatiques et à sa valeur militaire, Louis de Bourbon fut crée amiral de France et gouverneur de plusieurs places. Son frère Pierre de Beaujeu avait reçu la main d'Anne, fille de Louis XI; à son tour Louis s'unit à Jeanne, enfant naturelle que le roi avait eue de ses relations avec Marguerite de Sassenage. Le mariage fut célébré au mois de février 1466.
A la tête d'une fortune considérable, Louis de Bourbon fut un protecteur éclairé des arts et le Coudray n'eut qu'à se féliciter des embellissements dont il fut l'objet de la part du prince et de sa femme, douée elle aussi d'un goût prononcé pour les oeuvres d'un beau caractère. Louis, tenté par l'étendue du domaine du Coudray, en fit en quelque sorte le siège par l'acquisition de propriétés dans le voisinage. Il commença par acheter de J. de Bournan la terre de Montpensier et, moyennant 3,000 livres, obtint les deux tiers des maisons et dépendances (1464), qu'il augmenta bientôt par une série d'acquisitions faites sur J. Boireau, Jeanne Sarrazin et autres (1464-1482).
« L'hostel » des Bournan ne tarda pas à se tranformer. Louis fit bâtir un grand corps de logis allant de l'est à l'ouest avec une superbe façade au midi. Malheureusement ce château est en partie ruiné; mais la portion considérable du centre de l'édifice attire l'attention de l'antiquaire et de l'artiste, qui consentent à affronter les chemins difficiles à travers champs. Le bâtiment principal se composait d'une vaste salle de plus de dix mètres de longueur et, à cette heure, l'effondrement des planchers fait que l'on voit suspendues dans le vide les cheminées des trois étages surplombant celle du rez-de-chaussée ; cette dernière en particulier était fort élégante. Aux deux extrémités des restes de cheminées ont également survécu à la mutilation. Du côté du midi un escalier évolue, selon la coutume d'alors, dans une tourelle à pans coupés et, du côté du nord, une robuste tour à deux étages accuse le caractère primitif de la construction. La couronne de mâchicoulis est ornée de gracieuses arcatures de style flamboyant que nous retrouverons au Coudray et qui sentent bien le deuxième tiers du xve siècle. D'ailleurs le blason de Louis de Bourbon (de France avec la barre de bâtardise), entouré du collier de l'ordre de Saint-Michel fondé par Louis XI en 1469, se montre en plusieurs endroits de manière à ne laisser aucun doute sur le nom de l'auteur de cette imposante -construction, ignorée des touristes et des archéologues.
Louis de Bourbon acheta du même cent sols de rente roturière à prendre à Chinon, à savoir 50 sols dus par les « hoirs feu Pierre Samxon à cause d'une maison neufve séant en la ville en laquelle demeure à présent un nommé Castillon Cousturier » ; 30 sols dus par Jacob de Lucquemont « à cause de certains jardrins caves pressoirs et maison estant au vieil marchies près Chinon » ; 20 sols à cause de « certaines caves et vignes près le chemin comme Ion va de Chinon à Sainte-Radegonde ». Le vendeur cède tous ses droits quelconques pour le prix de 250 écus d'or a du coing du roy ayant à présent cours pour trente deux sols au denier tournois la pièce », que l'acquéreur lui paye comptant. L'acte fait observer que le fief du Luac était chargé de six deniers payables, à la Saint-Michel, au suzerain le seigneur de la Roche-Clermault. Les témoins sont « honorables hommes maîstre Jehan de Balan et Jehan Lopin licenciés es lois, noble homme Jehan Fumée, seigneur du Claveau, et maistre Jehan Barbier ». Enfin le seigneur de Montpensier acquit de Hardouin de Maillé, sr de Bessay, « un fief appelé la petite Recepte de Baucay, mouvant de la seigneurerie de Baucay » (1479) ; et le prêtre Pierre de la Genevraie lui vendit la dime d'Agourue.
L'amiral, par ses acquêts, avait pour ainsi dire préparé le cadre dans lequel il devait placer le château même du Coudray. De fait, ce domaine allait bientôt devenir la propriété de Louis de Bourbon. Dans un acte de 1474, il est question d'un échange que celui-ci aurait fait de la terre de Merville, en Anjou, contre le Coudray ; mais, en réalité, Charles de Bournan demeura seigneur de ce dernier et le contrat d'échange eut lieu en 1481. Le 21 octobre de la dite année, par devant notaires comparurent Charles de Bournan « écuyer seigneur du Couldray et des soubs le Puy de Gennes, et he. he. Michel Corrin argentier et procureur général » de Louis de Bourbon et de « Madame sa femme ». Corrin dit à Bournan « qu'il avait promis à la dite dame l'admiralle lui bailler la propriété de la chastellenie du Coudray ».
A partir de 1482, Louis de Bourbon est qualifié seigneur du Coudray.
Le 2 mai, on dressa un inventaire des «lettres, titres et enseignements » de la châtellenie dont l'amiral est « de présent gouverneur ». Le 13 novembre 1482, Louis de Bourbon, « conte de Roussillon et de Ligny en Barrois, seigneur d'Usson, de Valognes, de Montpensier et du Coudray », représenté par Simon du Solier, acheta à Guillaume Orgery, fils de feu Guillaume Orgery, bourgeois marchand à Angers, les terres et seigneurie de la Chauvinière avec diverses rentes en nature pour la somme de « dix vingts escus dor du coing du roy ». Le 5 avril 1483, il acquit de Jehan Demais, dit Guillon, demeurant à Montpensier, d'accord avec Pierre, Jeanne et Guillemet te, ses frère et soeurs, des terres et bois au lieu des Courtillaux, savoir un arpent' de tere, trois oeuvres de bois, un autre arpent de terre et une demi-oeuvre de bois, au fief de la Roche du Maine, moyennant 8 livres.
En 1485, Marguerite de la Rochefoucault, dame de Vezins fit la foi et hommage simple à Louis de Bourbon. Nous allions oublier une acquisition d'un genre tout particulier. Le 26 mai 1484, par devant maîtres Richard de Lespine et Guillaume Levesque, l'un et l'autre notaires jurés « en la viconté d'Angers, Guillemete Léser, veuve de. Guillaume de Casenoue escuier, vis-admiral soubz hault et puissant seigneur monseigneur Loys de Bourbon conte de Roussillon, seigneur du Couldroy et de Valongnes et d'Usson, admirai de France », pour elle et ses enfants, vendit au seigneur du Coudray « la moitié d'un grand nef nommé La Louyse avecques la moictié de tous les agréez appareulx et artillerie dicelle » qui « appartenoient a mond. seigneur le comte et aud. deffunct par moictié », pour le prix de 1,000 livres soldé par Robert de Bautot et Jean Pestel écuiers et receveurs" de Louis de Bourbon. L'acte fut dressé à Honfleur.
Le Coudray avec son allure martiale plaisait au prince, qui cueillit maints lauriers sur les champs de bataille. La solitude du château au milieu d'un vaste domaine, à l'ombre de belles futaies, captiva la princesse Jeanne, à laquelle Louis XI avait transmis son inclination pour la vie de retraite. Ce n'est pas à dire que l'un et l'autre ne tinssent à embellir leur résidence des charmes que les cours de la fin du xve siècle demandaient aux arts. Grâce aux goûts élevés et à l'opulente fortune de ses nouveaux seigneurs, le Coudray devint comme le séjour des Muses.
L'argenterie finement ciselée amortissait ses ors sur les tons pâles des riches tentures, le long desquelles se profilaient les bahuts aux délicates arcatures. Si le prince aimait les habits richement brodés, il se complaisait surtout à voir les joyaux de grand prix rehausser la parure de sa femme. Que ne possédonsnous les comptes de la garde-robe pour nous renseigner à cet égard! Nous devons nous contenter de quelques bribes échappées aux ravages du temps.
A la date du 22 juillet 1482, nous voyons une « obligation d'un marchant orfèvre de Tours faicte à Mons. l'Amiral de troys tasses d'or plaines pesantes trante marcz, et plusieurs autres perles et pierreries ». D'autre part le chartrier de Coudray renferme un fragment de compte de fourrures de cette époque, formé d'un double feuillet et d'un morceau long qui sert de couverture à un registre du siècle dernier. Comme tout nous incline à penser qu'il s'agit de fournitures faites à l'amiral, nous le transcrivons ici.
Les vastes salles du château offraient une physionomie sémillante lorsque les membres de la famille des princes y faisaient quelque séjour. On sait que le duc Louis eut de Jeanne trois enfants tenus en haute considération : Charles de Bourbon, qui porta les armes avec honneur et mourut sans postérité, Suzanne et Anne de Bourbon. Cette dernière mariée à Jean d'Arpajon, fut dame de Mirebeau et de la RocheClermault. Suzanne épousa, en premières noces, Jean de Chabannes, comte de Dammartin, et, en secondes noces, après 1503, Charles de Boulainvillier. Nous ne parlerions pas d'un fils bâtard, Jean, s'il n'était devenu protonotaire apostolique et abbé commandataire de Seuilly, dignité qu'on lui voit en 1486.
Louis de Bourbon avait une prédilection trop marquée en faveur des arts pour ne pas apporter des embellissements au Coudray. Il s'était d'ailleurs comme fait la main dans la construction du château de Montpensier, et il n'avait qu'à utiliser les mêmes matériaux, la blanche pierre de tufleau, si abondante dans la région. Je sais bien que nos historiens ne disent mot des travaux exécutés par ce seigneur et se bornent à attribuer l'oeuvre aux de Bournan; mais à priori nous inclinons à croire que le constructeur de Montpensier a fait travailler au Coudray. L'examen du monument confirme cette première impression et montre la plus grande analogie dans les détails aussi bien que dans l'ensemble du grand corps de logis des deux manoirs. Le bâtiment du fond de la cour avec ses deux grosses tours et son escalier carré garde l'empreinte du travail de cette époque. Ici encore, le blason du prince, malgré la mutilation qu'il a subie, est comme un trait de lumière au front de l'édifice, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur.
Il est vrai que le seigneur du Coudray allait avoir la douleur de voir son oeuvre interrompue; la mort l'enleva au cours de l'année 1486. Le duc reçut la sépulture en l'église Saint-François de Valognes.
Le domaine demeura à Jeanne, qui chercha une consolation à sa douleur dans la continuation de l'oeuvre entreprise par son mari. Ainsi devaient faire quelques années plus tard les pieuses veuves de la maison de la Trémoille ">Trémoille , de Gouffier et de Montpensier, à Thouars, à Oiron et à Champigny. Les documents nous font défaut pour les premières années, durant lesquelles d'ailleurs les travaux chômèrent peut-être ; mais nous avons la bonne fortune de posséder le compte détaillé pour la période de 1489 à 1492.
sources : Latécoère.com, Coudray Montpensier par l'abbé Bosseboeuf