Jeanne d'Arc en Prison à Beaurevoir

 
Si on connait la fin funeste de Jeanne d'Arc à Rouen sur la place actuelle du Vieux-Marché , on connait moins qu'elle tenta, au moins à deux reprises, de s'évader de ses prisons. La première fois au château de Beaulieu-les-Fontaines, avec ruse, elle réussie presque à déjouer la surveillance dont elle fit l'objet. Dans le cas de la tour de Beaurevoir, sa tentative d'évasion aurait pu lui être fatale au vu de la chute, néanmoins là aussi elle était proche de l'exploit. Cette dernière tentative, insensée et très risquée, avait conduit les juges à se poser la question lors de son procès si elle n'avait pas tentée de se suicider, c'est très peu probable bien évidemment mais elle permettait éventuellement aux juges de Rouen de trouver une nouvelle condamnation possible.
 
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Dessin d'Albert Robida, début XIXe
 
Il ne reste presque rien du Château, néanmoins en hauteur il reste la tour de guet de Beaurevoir. C'est  une petite tour avec mâchicoulis à console, qui avait pour objectif d'être une tourelle de guet avancée permettant de voir à des km à la ronde.

 

 

 

 
Jeanne d’Arc, le transfert, les trois Jeanne, le chevalier Aymont de Macy et sa tentative d’évasion

Le transfert :

Après un séjour de deux mois environ au château de Beaulieu-les-Fontaines, où elle tenta de s’évader, elle fut transférer au Château de Beaurevoir . Ce château est situé à environ 60 Km de route de Beaulieu, soit environ à 14 lieues ( 7 septs lieues représentant en réalité environ 30km soit une marche d’une journée ).

Le parcours utilisé par Jean de Luxembourg pour amener Jehanne à Beaurevoir n’est pas très clair. C’est donc début aout 1430 avec peut être un cours passage à la prison de Noyon ( légende populaire cependant, non étayé par des preuves) qui n’est qu’a 12km de route environ de Beaulieu les Fontaines. Cependant il est bon de rappeler que l’évêque de Noyon participera également au procès de Jeanne rendant possible ce cours passage, cependant il ne fait pas mention d'une quelconque visite.
On suppose également un arrêt au château d’Ham, équidistant de Noyon ou Beaulieu les fontaines de 20 km environ de route.

Elle est emprisonnée au donjon de Beaurevoir, sous une surveillance vraisemblablement plus importante qu’à Beaulieu. Le donjon devait faire une trentaine de mètres de hauteur et la pièce où elle fut emprisonnée située à  environ 24 mètres de hauteur, même si il n’existe aucune certitude à ce sujet. Une fenêtre, probablement avec coussiège, était dans sa pièce où elle fut enfermée, quelque chose qui était probable dans les étages supérieurs.

On peut noter que Jean de Luxembourg traite relativement correctement Jeanne en la mettant dans une des pièces d’habitations du Donjon et non pas dans un cachot qui devait surement exister au château de Beaurevoir. Cela peut s’expliquer sur le fait que Jean de Luxembourg tenait à la garder vivante et en bonne santé pour monnayer plus facilement sa vente au plus offrant, mais aussi qu'il agit avec une grande prudence. L'époque est très incertaine, les relations entre le Duc de Bourgogne et Charles VII peuvent se détendre à tout moment, les Anglais attendent beaucoup d'un éventuel procès; Puis dans une période très religieuse qu'adviendrait il si Jeanne mourrait dans les mains de Jean de Luxembourg ? dieu lui pardonnerait il ? car ne l'oublions pas Dieu est omniprésent et savoir s'il existe ou pas ne leur traversait pas l'esprit pour la plupart. Ce qui est sûr , et quelques soit les raisons, il ne veut pas prendre le risque d'être accusé de l'avoir laissé mourrir, ce n'est ni bon pour son prestige , ni pour ses finances et encore moins ses relations diplomatiques.

 

Les Trois Jeanne

 tour de guet medievale beaurevoir ville


Ce transfert, très probablement précipité par sa tentative d’évasion presque réussie à Beaulieu, va cependant permettre à Jeanne de rencontrer les trois Jeanne : Jeanne de Béthune, Jeanne de Luxembourg ( tante de Jean de Luxembourg ) et Jeanne de Bar la fille de Jeanne de Béthune.

 A partir de ce moment-là les conditions d’incarcération de Jeanne d’Arc vont probablement s’adoucir un peu avec la présence des trois femmes, dont une à  presque son âge ( Jeanne de Bar ) née en 1215.
Jeanne de Luxembourg va particulièrement s’attachée à elle avec une relation qui pourrait s’approcher d’une relation mère-fille. Au point que Jeanne de Luxembourg, dite la demoiselle de Luxembourg, va tenter de convaincre Jean de Luxembourg de ne pas la vendre aux anglais.

Elle y arrivera de son vivant, mais elle décède le 21 novembre 1430, laissant tout le loisir à Jean de Luxembourg ( comte de Luxembourg et de Ligny ) de livrer Jeanne d’Arc à Pierre Cauchon. C’est en effet curieusement juste après ou pendant sa mort à quelques jours près qu’elle est livrée aux anglais.

L’évêque de Beauvais Pierre Cauchon recevra le 31 janvier 1431 un paiement de 765 tournois en paiement de plusieurs voyages effectués à Beaurevoir, Compiègne  ( 1 ). Très probablement dans le cadre des paiements de la somme de 10 000 livres qui a semble t’il été assez difficile à obtenir, les anglais levant même un impôt en Normandie au début du mois de septembre 1430, ce qui traduit également la volonté des anglais de ne pas la laisser partir . Autant de volonté, financière, d'intérêts rendent peu crédible la théorie selon les complotistes que Jeanne d'Arc n'a pas été brûlée au bucher mais aurait réussie à s'enfuir ,avec l'accord de on ne sait qui pour on ne sait où , via le souterrain de la tour du château de Rouen...une telle ferveur de Pierre Cauchon et des Anglais ,qui ont une haine farouche de Jeanne d'Arc, ainsi que du roi d'Angleterre qui en fait une affaire personnelle, mettent à mal ses théories sulfureuses d'histoires à dormir debout.


Pierre Cauchon était très motivé pour le procès de Jeanne d’Arc, ses déplacements au château de Beaurevoir qui est tout de même à 200 km de route, soit environ une semaine de distance à cheval ( avec une moyenne par jour de 30 km environ ), laisse entrevoir de sa personnalité une forte motivation qui n’est pas dénué d’intérêt financier puisqu’il  se faisait grassement rembourser ses frais de déplacement, il est assez curieux par ailleurs que ça soit Jean de Luxembourg qui ait payé la somme et non les anglais, très probablement une rétro commission prévue d’avance.

Entre temps Piéronne la Bretonne, que Jeanne d’Arc rencontra début 1430 et dont la première mention est à Jargeau,  est brûlée vive à Paris devant Notre-Dame en place de grève le 3 septembre 1430 notamment pour avoir soutenue Jeanne d’Arc et fait référence également à des voix qu’elle aurait entendue.( 2 ).  Cela laisse présager le pire pour Jeanne d’Arc, d’autant que c’est également l’université de Paris particulièrement impliquée dans le procès de Jeanne d’Arc qui va instruire le procès de Piéronne la Bretonne au profit des bourguignons.

Le procès de Jeanne d’Arc en fait référence notamment sur les habits d’hommes qu’elle porte :
 Texte que j’ai légèrement traduit en français plus courant :


L’interrogateur : Votre roi, votre reine et d’autres de votre parti vous ont-ils quelquefois demandé  d’enlever l’habit d’homme?
Jeanne             : Cela n’est pas de votre procès.
L’interrogateur : Au château de Beaurevoir, n’en fûtes-vous pas requise?
Jeanne : Oui vraiment, et je répondis que je ne déposerai cet habit sans l’autorisation de Dieu. Je vous dirai aussi que la demoiselle de Luxembourg requit au seigneur de Luxembourg que je ne fusse pas livrée aux Anglais .

Item dit que la demoiselle de Luxembourg ( Jeanne de Luxembourg ) et la dame de Beaurevoir ( Jeanne de Béthune ) lui offrirent un habit de femme ou tissus pour le faire, et lui demandèrent de le porter, elle répondit qu’elle en avait pas l’autorisation de notre seigneur et qu’il n’était pas encore temps. »

 

 

Aymond de Macy

On peut comprendre le comportement de Jeanne quand on voit le témoignage par lui-même du chevalier Aymont de Macy au procès de révision :


« J’ai vu Jeanne emprisonnée au château de Beaurevoir, je l’ai vue souvent dans la prison et lui ait souvent parlé. Il m’arriva même, jouant avec elle, de chercher à toucher ses tétons en tâchant de lui glisser ma main dans le sein. Mais elle ne le supportait pas et me rudoyait si fort qu’elle pouvait. C’était une fille qui se comportait honnêtement tant en paroles qu’en actes. »

Ce témoignage démontre aisément que Jeanne est livrée à elle-même malgré les attentions des trois Jeannes, mais qu’elle force le respect de sa résistance. Aujourd’hui ce genre de témoignage aussi direct serait plutôt rare sans aveux forcés dans un procès, sachant qu’une agression sexuelle est en théorie lourdement condamnée de nos jours alors qu’à l’époque cela semble presque naturel. Cependant on est loin des tentatives et agressions et de viols au château de Bouvreuil à Rouen par les Anglais, il semble là qu’il s’agit plus d’un "jeu" sexuel qu’elle n’appréciait pas du tout mais qui semble ne pas aller trop loin.

La phrase du chevalier en dit long sur Jehanne :  « C’était une fille qui se comportait honnêtement tant en paroles qu’en actes. » elle démontre encore une fois son honnêteté mais surement aussi sa candeur lié à son jeune âge.

Mais la réaction du chevalier, qui tente clairement de la séduire, corrobore assez bien cependant le fait que Jeanne ne devait pas être repoussante physiquement, notamment sur ces seins ( confirmé au procès de condamnation par le comte de Dunois qui les trouvait très beau ). L’habit d’homme devait la protéger des regards et des tentations depuis son départ de Vaucouleurs.

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Jeanne d'Arc tente de s'évader de la prison de Beaurevoir

 

Sa tentative d’évasion à Beaurevoir va marquer les esprits car il évoque notamment une situation dramatique pour Jeannette mais aussi un trait fort de son caractère.

Le texte sur sa tentative d’évasion au procès ( que j’ai traduit en français plus courant ) en date du 14 mars 1431:

# Interrogée sur qu’elle fut la raison pour laquelle elle tenta de s’évader de la tour de Beaurevoir² : « elle répondit qu’elle avait entendu que les habitants de Compiègne, tous jusqu’aux enfants de 7 ans, devaient être mis à feu et à sang, et qu’elle aimait mieux mourir que vivre après une telle destruction de bonnes personnes. L’autre raison de son saut est qu’elle était vendue aux Anglais, et préférait mourir que d’être aux mains des anglais, ses ennemis. »

Cette phrase, sur le fait qu’elle préfère mourir que d’être livré aux anglais va surement apporter un soupçon sur le fait qu’elle est tentée de se suicider, auquel cas il s’agit aux yeux de l’église d’un acte très grave.

² cette question est clairement un piège, pourquoi demander à un prisonnier la raison pour laquelle il tente de s'évader si ce n'est que pour être libre... La dernière question réponds à la question , ils cherchent à prouver que Jeanne a tenté de se suicider.

# « Interrogé sur ce saut, ce fut du conseil de ses voix, Sainte Catherine lui disait presque tous les jours qu’elle ne sauta point et que dieu l’aiderait et mêmes ceux de Compiègne et la dite Jehanne dit à Sainte-Catherine, puisque Dieu aiderait les habitants de Compiègne , elle voulait y être également. »
Sainte-Catherine lui répondit «  sans faute, il faut que prenez en gré et ne serez point délivrée tant que aiés veut le roy des anglais ( pas bien compris cette phrase je la laisse telle quelle). Et la dite Jehanne répondit : «  vraiment ! je ne vous laisserai point faire : j’aimerais mieux mourir que d’être mise aux mains des anglais ».

Pour s’évader elle n’a pas sauté directement de la tour, mais a tenter de s’échapper en utilisant des draps qu’elle aura nouée pour descendre de la tour ( ça reste cependant à éclaircir ). Cette notion à son importance, car les prélats du procès cherche vainement à démontrer qu’elle a fait une tentative de suicide, ce qui dans l’esprit de Jehanne est impossible même si très clairement elle préfère mourir que d’être livrée aux anglais.

Une légende du village , peu crédible, dit que Jeanne aurait en réalité réussie à s'échapper du donjon et parcourue 2km jusqu'à atteindre une ferme dit de "folle emprise". Là les soldats de Jean de Luxembourg l'aurait retrouvée. Cette histoire est peu réaliste à moins que tous les témoins se soit donné la consigne de mentir pour éviter d'être ridiculisé, cependant pour quelle raison Jeanne aurait mentie ? aucune probablement vu qu'elle n'a rien à y gagner.

 

La dernière question permets d'en savoir plus sur les intentions des juges  :

# 14 mars 1431 : interrogée, quand elle sauta, si elle tenta de se suicider : Jéhanne : «  non, mais en sautant elle se recommanda à dieu, et tentait par ce moyen de ce saut, de s’échapper et évader pour qu’elle ne fusse livrée aux anglais »
 Elle va cependant chuter, très probablement lorsque les draps se détachent par un nœud mal fait ou qui se déchirent, d’une certaine hauteur. Elle sera retrouvée évanouie quelques heures après, au bas de la tour dans les fossés extérieurs au château de Beaurevoir.
Sa tentative d’évasion avortée va lui empêcher de parler, boire et manger pendant deux ou trois jours. C’est après avoir entendu ses voix par Sainte-Catherine, dit-elle, qu’elle va recommencer à manger rassurée par l’espoir que les gens de Compiègne soit sauvées. 

 


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