Donjon, Château de Jouy

 

Donjon de Jouy

 

Le Château de Jouy fut édifié probablement à la fin du XIIe, mais le donjon actuel serait du XIVe selon Jean Mesqui. Il faisait partie du comté de Sagonne et avait des liens étroits avec le château de Grossouvre. Une légende funeste d'un amour interdit, corroboré par la découverte de deux corps dans les murs, entre la fille du seigneur de Grossouvre et le châtelain de Jouy a peut-être déterminé sa destruction, néanmoins on sait que le château fut fortement endommagé pendant la guerre de Cent-Ans,  difficile donc de faire la part entre  la légende et la réalité historique.  C'est aujourd'hui un centre d'art contemporain dans un d'un parc arboré de tilleuls centenaires et de buis historiques.

 

Historique & Histoire 
source : source sur place, documentation diverses,  wikipedia (2)

 

Le château fort de Jouy a clé probablement, dans l'origine, une construction gallo-romaine. Une voie romaine se trouve à proximité.

Après le siège de Bourges, Jules César occupa avec sa douzième légion cette région stratégique qui commandait la voie romaine bifurquant à Tincontium ( désignée comme Sancoins) vers Bourges ( Avaricum ) d’une part et vers l’Auvergne.

Sans doute ce qui reste aujourd'hui de la forteresse ne remonte qu'à la fin du XIIIe siècle ; mais, d'après une inspection attentive, on peut affirmer que le donjon a été reconstruit sur des assises gallo-romaines. Ce qui donne encore plus de force à cette opinion c'est que, parmi d'autres objets, l'on a trouvé dans les décombres une cuiller en bronze pareille à celle qui a été découverte, il y a quelques années, à Neuvy-sur-Barangeon, de semblables objets ont été trouvées dans les ruines de Pompéi. [i]

620, Saint Colomban, moine Irlandais venu en Gaule, fait demander à ses disciples d’édifier un monastère sur les ruines du camp romain. On ne trouve plus de traces, si ce n'est quelques restes de l'église. Ce monastère a peut-être été ruiné dans les luttes du haut Moyen Age ou des invasions hongroises.

1191, un premier fortin, probablement en bois, fut transformé en un donjon par Pierre de Courtenay, petit-fils de Louis VI dit le gros, et empereur latin de Constantinople.

Entre 1356 et 1364, le Berry fait l’objet d’âpres luttes entre les troupes du roi de France et d’Angleterre.

1361, le Prince Noir envahit le berry et une dizaine de forteresses sont prises par ces derniers. Il est fort probable que le donjon fut un temps aux mains des anglais, en effet plusieurs sceaux de bronze comportant le sceau d’Edouard III furent trouvés au donjon.

1373, une expédition menée par les seigneurs de Sagonne, le Seigneur de Grivel (Seigneur du château de Grossouvre) et Du Guesclin vont chasser les anglais hors du berry.

1346, Pierre de Giac, chancelier de France de 1379 à 1388, devint seigneur de Jouy. Selon Jean Mesqui le donjon daterait de 1370 à 1380. En effet il y fit d’importants travaux d’aménagements.

1427, Giac fut arrêté à Issoudun le 8 février 1427. Emmené à Bourges et à Dun-le-Roi ( aujourd’hui Dun-sur-Auron Village Remparts Fortifications ), il est condamné après un jugement sommaire et exécuté par Richemont, noyé en présence de Georges de La Trémoille ">Trémoille , qui épousera sa veuve. Il était accusé d’avoir empoisonné et massacré sa femme Jeanne de Naillac alors peut-être enceinte de Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Ce qui explique qu’il fut noyé comme le veut la coutume, puisque les meurtres et assassinats de droits communs sont en général punis de la noyade au moyen-âge.

1428, les biens de la famille de Giac sont confisqués au profit de Louis de Bourbon. Puis Jouy entre dans la famille d’Amboise par le mariage de Pierre d’Amboise avec Anne, fille du comte de Sancerre, qui se vit conforté dans ses terres de Jouy en 1454 par Louis XI. Cependant un acte de foi et d’hommage daté de 1462 reconnaissant Louis de Giac comme seigneur de Jouy permet de supposer que les biens paternels furent restitués à la famille de Giac où ils restèrent jusqu’à la mort de celui-ci en 1480. Jouy devint alors la propriété de Charles de la Guiche. (2)

Louis Mallet, amiral de France, titre honorifique à l’époque, beau-père de Charles d’Amboise, fit probablement édifier des bâtiments, ou modifier, dans le domaine, puisqu’on retrouva des restes d’un manteau de cheminée orné de l’écu de Louis Mallet.

1542, Antoinette Amboise, ruinée, vend le domaine à Jean II Babou, grand maître de l’artillerie de Charles IX. Il est également seigneur du Château de la Bourdaisière.

Il aura trois filles, dont une est Françoise future mère de Gabrielle d’Estrées et Isabelle qui épousa François d’Escoubleau marquis de Sourdis qui devint seigneur de Jouy.

Elle fut aussi la mère Henry évêque de Bordeaux inhumé dans la crypte de Jouy en 1645.

Les princes de Condé prennent le château et en augmentèrent les fortifications et les moyens de défense.

1591, le donjon de Jouy est pris par les troupes de la Ligne. On pense que le château fut ruiné à cette époque ou sous Richelieu en 1626.

1632, Jean Babou revend son domaine du comté de Sagonne, dont Jouy, au marquis de l’Aubespine.

1700, Jules Hardouin-Mansard se porte acquéreur du domaine.

1708, son fils Jacques Hardouin-Mansard qui a hérité du domaine le revend à la Marquise d’Arpajon, gouvernante de la dauphine Marie-Antoinette, elle fut guillotinée le 27 juin 1794.

Le château vendu comme bien national est dépouillé de ses pierres.

1926, les ruines du donjon sont inscrits à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques le 27 mars.

Dans les années 80-90 il est transformé en hôtel restaurant, puis en Centre d’Art Contemporain. Il appartient depuis quelques années ( encore en 2018 ) à Patricia et Jean-Claude Tafani.

Parc de Jouy, centre d'art contemporain

 

Légende du donjon de Jouy (1)

C'était vers la fin du XVe siècle, dans les premières années du règne de Charles VIII. Le Berry se reposait à peine des intrigues des ducs d'Orléans et de Bourbon, ligués ensemble contre la toute-puissante influence d'Anne de Beaujeu. Le duc d'Orléans, vaincu à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, venait d'être jeté en prison dans la grosse tour de Bourges.

A cette époque, vivait au château de Jouy un jeune seigneur, renommé dans toute la contrée par son bel air et sa vaillance. C'était un fier et noble chevalier. Alors aussi vivait au château de Grossouvre le sire de Grivel, auquel le ciel avait donné une jeune fille, dont les grâces étaient vantées au loin. Il y avait alors entre les deux manoirs échange de bons procédés ; et le baron de Jouy venait de temps en temps au château de Grossouvre.

Bientôt son cœur se sentit vivement épris des charmes de la jeune châtelaine. De son côté, la demoiselle de Grivel n'avait pas été insensible à la présence et aux visites du jeune baron, et si celui-ci l'avait déjà choisie pour la compagne aimée da sa vie, celle-là avait juré de n'avoir jamais d'autre époux que le noble seigneur de Jouy.

Aussi le moment ne semblait pas éloigné, où ces deux jeunes cœurs uniraient ensemble leurs destinées.

Hélas ! ils avaient compté sans les froids calculs de l'égoïsme, sans les emportements de l'orgueil. « Qui terre a guerre a », dit un vieux proverbe. Le sire de Grivel était un homme cupide, tourmenté par le désir d'envahir et d'étendre son domaine. Il manifesta des prétentions sur quelques terres qui dépendaient de la baronnie.

do Jouy, espérant sans doute, à. la faveur de l'amour du jeune baron pour sa fille, pouvoir s'en emparer plus facilement.  Il se trompait : l'injustice révolta le noble caractère du seigneur de Jouy, et au milieu d'explications fort vives, échangées de part et d'autre, la loyauté indignée arracha à ce dernier des paroles qui blessèrent l'orgueilleux seigneur de Grivel. Dans sa colère, celui-ci jura que jamais sa fille ne serait la dame du manoir de Jouy.

Cependant l'anneau des fiançailles brillait depuis quelque temps au doigt de la jeune châtelaine de Grossouvre ; et sur cet anneau avait été gravée, pour devise, la protestation de sa fidélité. Quoi donc ! de si douces espérances seront-elles anéanties ? La demoiselle de Grivel employa longtemps tous les moyens pour calmer et fléchir son père irrité. Larmes, supplications, tout fut inutile ; cet homme resta inflexible, comme son orgueil liait indomptable, comme sa cupidité était insatiable.

Alors la jeune fiancée s'arrêta à un parti extrême. Un soir, un brouillard noir et épais anticipait sur la nuit, et enveloppait d'un sombre manteau le château de Grossouvre et les grands bois environnants ; un ciel bas semblait vouloir écraser la nature. La herse du château n’avait pas encore été abaissée. A la faveur des ténèbres, la jeune fiancée sort furtivement du château de son père et se glisse dans l’ombre. Non loin de là, un serviteur dévoué l'attendait, avec un rapide destrier. La jeune châtelaine de Grivel avait pris une grande résolution : elle allait ensevelir au fond d'un cloître sa douleur et ses souvenirs. Peut-être dirigea-t-elle sa course vers un des nombreux couvents que l’on voyait alors s'élever dans la capitale du Berry.

A peine était-elle enfermée dans l'asile solitaire, où se cachent et se consolent, au sein de la prière et de la résignation, tant de douleurs humaines, courageusement résolue à consommer son sacrifice, que le jeune baron de Jouy avait connu tout à la fois sa résolution, son départ et le lieu de sa retraite ; et déjà il avait frappé à la porte du couvent.

La demoiselle de Grivel n'eut pas la force de refuser une entrevue de quelques instants ; c'était pour un dernier, pour un éternel adieu. Elle résista cependant longtemps aux trop pressantes sollicitations de celui qu'elle n'oubliait pas ; mais enfin, vaincue par ses larmes, elle eut la faiblesse de céder, et trop fidèle, hélas ! à son amour, sans bien réfléchir à la gravité de sa démarche, elle sortit du cloître. Un palefroi était là tout prêt.

Les deux jeunes fiancés eurent bientôt franchi l'intervalle qui les séparait du château de Jouy. Ils se crurent un instant en sûreté derrière les murs et les tours imprenables du manoir féodal. Un vague pressentiment dominait cependant leur âme. Ils n'y restèrent pas longtemps en repos.

A la nouvelle du départ de sa fille, le seigneur de Grossouvre avait tout deviné, tout compris. Il entre dans une fureur difficile à décrire, et jure par ses ancêtres de se venger, mais de se venger d'une manière éclatante, et d'ensevelir son ennemi et sa fille coupable sous les ruines du château qui les a abrités dans ses murs. Aussitôt il appelle aux armes et à la vengeance tous ses vassaux, tous ses gens : et, rassemblant en toute hâte, sous sa bannière, le plus d'hommes armés qu'il peut, il vient faire le siège de la forteresse de Jouy. Mais les murs crénelés, les tours inaccessibles de la forteresse avaient défié des troupes bien autrement redoutables que celles du seigneur de Grivel. Aussi, toutes ses tentatives, tous ses efforts vinrent-ils échouer au pied des remparts de la place. Alors la rage lui inspire un moyen digne de l'enfer. Autour du château s'étendait une forêt d'arbres séculaires. « Vite, tous mes gens à la besogne, » s'écrie avec un accent de fureur le sire de Grossouvre ; et voilà tous ses gens, lui à leur tête, se dispersant dans la forêt, coupant, déracinant à l'envi les grands arbres, et les amoncelant le long des murs de la place, pour un vaste incendie.

Le baron' de Jouy pouvait bien lutter contre les attaques d'un ennemi ; il ne le put contre l'incendie. Bientôt les flammes de l'immense bûcher enveloppèrent de leur affreux réseau toute la forteresse. Elles montèrent, montèrent si haut, "que les toits et les combles, tout devint leur proie. Pour échapper à leur atteinte, les deux fiancés, si dignes de compassion, s'étaient réfugiés dans

la tour la plus élevée du château. Ils ne purent y trouver leur salut. L'incendie les unit dans la mort ; et les flammes du bûcher funèbre devinrent les flambeaux de leur hymen. Depuis ce moment, le château ne fut plus habité ; il devint pendant quelque temps la retraite des routiers qui désolaient la contrée.

Il y a quelques années, l'honorable M. des Noyers, possesseur de la terre de Jouy, en dirigeant quelques travaux dans la partie supérieure du château, trouva au milieu de décombres, noircis et calcinés, les ossements de deux squelettes, étendus non loin l'un de l'autre ; celui d'un homme et celui d'une femme, qui avait encore au doigt un anneau d’or, émaillé de blanc, symbole de virginité. A l'intérieur de cet anneau d'assez petite dimension, et dans un état de parfaite conservation, étaient gravés ces mots, en caractères gothiques :

« Oui je suis tienne »

 La bouche de ces squelettes, qui conservait encore des dents magnifiques, était démesurément ouverte, signe manifeste d'indicibles tortures, et des convulsions d'une agonie violente et prématurée.

Il semble évident que ces deux squelettes se rapportent au récit légendaire que nous avons essayé de raconter.

 

[i] Revue du Centre : littérature, histoire, archéologie, sciences, statistique et beaux-arts Auteur :  Académie du Centre. 1881

 

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