Château d'Arques la Bataille

 

 Le Château à Aques-la-bataille, en référence comme à Ivry-la-Bataille, à une victoire d'Henri IV,  est  un bel exemple d'évolution des châteaux Normands. Fortement ruiné aujourd'hui, il  possède encore de beaux restes. Il n'est pas aussi impressionnant que l'imposant châteaux de Coucy, mais ses profonds et larges fossés offrent à la forteresse une vue imprenable et impressionnante. Son architecture militaire, encore mal connue, son histoire et sa disposition géographique  permettent aujourd'hui une superbe visite. Lors de ma visite le coucher de soleil ,qui darde ses rayons sur les pierres, plusieurs fois centenaires, d'un beau rayon lumineux rougeâtre digne des grandes colères du dieu de la guerre Mars.

 

chateau arques la bataille


 

Historique
source : source Affiche à l'entrée du château  de l'association sauvegardons le chateau d'arques, sources diverses, Jean Mesqui

 
Situé sur un imposant éperon rocheux, le château d’Arques la Bataille domine le confluent de la Béthune et de la Varenne. Son nom d’Arques proviendrait des arches d’un pont construit au VIIe siècle, disparu aujourd’hui, qui enjambait la Varenne.  La suite du nom «  la bataille » fut rajoutée après la victoire d’Henri IV en 1589.

bastion artillerie chateau arques la bataille


Fossés creusés à même la roche dans l'éperon rocheux. Sur la gauche l'ancien ouvrage avancé devenu bastion d'artillerie ( XVe et XVIe ) et sa porte d'entrée.




Sa particularité, assez rare, est le creusement à même la roche qui crée non seulement un fossé sec, mais également une ceinture rocheuse autour de la forteresse. Cette ceinture rocheuse faisait office de défense contre une attaque à l’arme de guerre, telle que les mangonneaux et plus tard contre les canons. Les dimensions du fossé sont imposantes avec 20 mètres de large, en moyenne, et une profondeur de 15 mètres. Les versants du fossé sur les parties latérales ont une hauteur largement supérieure et son angle très abrupt rend difficile son accès.  D’autant que lorsque l’assaillant arrivait en haut, il se retrouvait à la hauteur des meurtrières et autres éléments de défenses du château. On retrouve cette tactique plusieurs siècles plus tard notamment à la citadelle de Bréhat. La datation de ce fossé gigantesque est incertaine.

En effet Jean Mesqui estime qu’il aurait été fait au XVe, voir XVIe, car l’un des bastions construit au XVe est également entouré du dit fossé. Viollet le Duc pense par contre que le fossé est d'origine, contemporain de la première construction du château. Il est vrai que la construction de ce type de fossé n’a pu se faire sans utilité réelle dont le canon est le principal facteur. Pour autant si on prend exemple sur le château de Vincennes qui est du XIVe, le fossé construit dès le départ est déjà très imposant,  mais la  construction du talus contre les armes à feu fut réalisée plus tard. Il n’est pas  impossible qu’il y eût un fossé initial, renforcé par la suite pour faire un fossé plus imposant. Cependant un élément important pourrait résoudre l’équation. En effet le château est composé en partie d’une gaine de défense, notamment sur l’entrée magistrale du château. Elle semble en tout cas avoir été construite dans l’optique de défendre la partie supérieure du talus, il n’est pas impossible que cela a été fait conjointement à la réalisation du fossé sec.

Un premier mur d’enceinte avait été édifié, bel ou bail, pour défendre l’ensemble, puis cette enceinte a servi pour protéger la basse-cour.  L’avant-corps, ou boulevard,  a été bâti au XVe mais il n’en reste quasiment rien. Le châtelet d’entrée,  direction Nord, donc vers le village, dont les tours forment chacune un  U, est aujourd’hui très amoindri malgré de beaux restes.
 

arques la bataille paul huet 1840 


Château d'Arques la Bataille en 1840, par Paul Huet, Musée des Beaux Arts à Orléans ( détail )

 

 

L’autre entrée, construite plus tard sous Charles V, se trouve au Sud-Est , elle était jointe par un pont-levis, avec  deux piliers, un très massif où retombait le pont-levis et l’autre plus fin qui tenait la passerelle en bois ou le pont de pierre. Cette partie était la plus sensible militairement parlant puisqu’elle donnait sur l’autre partie de l’éperon rocheux. C’est sûrement pour cette raison que le Donjon et les meilleures protections du château furent installés  sur cette position, dont la gaine de défense en est un bon exemple. En face de l’entrée une palissade de bois en  demi-lune protégeait l’ensemble, on peut appeler cela un ravelin ou une barbacane.

 

tour en amande defense  

Sur la gauche, la tour en Amande qu'on peut trouver également au Château de la Ferté Milon, Duc d'Orléans mais sans les briques, la photo du milieu montre assez bien qu'une fortification avec certaines parties en brique permet aussi une bonne protection en réduisant l'onde de choc et l'impact, mais ça ne fonctionne globalement que sur des boulets et pas des obus. Sur la droite une vue sur les fossés , même si sur la photo ça ne rend pas très bien la grandeur, sur place c'est très impressionnant.


Le donjon de type Normand, de forme rectangulaire, à contreforts, est probablement daté de la première moitié du XIIe [2]. Il avait une fonction résidentielle et défensive, son entrée était située au premier étage avec un avant-corps permettant d’y accéder. La circulation intérieure se faisait par des escaliers et des couloirs intégrés dans le mur.

castle normandy arques la bataille 

Donjon Normands d'Arques la Bataille



 
La première construction du château pourrait avoir eu lieu, selon le chroniqueur Guillaume de Poitiers, entre 1040 et 1045 par Guillaume d’Arques qui n’est autre que l’oncle de Guillaume le Conquérant.  Profitant de la minorité de Guillaume le Conquérant, appelé alors le « bâtard », Guillaume d’Arques se rend maitre de la place en n’hésitant pas à s’appeler «  comte par la grâce de Dieu », ce qui n’est pas si surprenant en soit, puisque les diverses royautés européennes estimaient que leur statut était une volonté de Dieu.

Vers 1052 Guillaume le futur  « Conquérant » envoie une escouade dans la forteresse, que son oncle va vite mettre hors d’état de nuire. Guillaume le bâtard est obligé de faire un long siège d’un an pour reprendre la fortification après que les assiégés sont anéantis par la famine en 1054. Gauthier Ier Giffard va d'ailleurs s'illustré dans le siège du château, il deviendra en 1055 seigneur du Château de Longueville sur Scie et participera à la bataille d'Hastings.

En 1123, Henri Ier fils de Guillaume le Conquérant et roi d’Angleterre fait édifier des améliorations au château par la construction d’un donjon Normand et d’une enceinte. Il en fait construire également au château de Falaise et de Domfront d’où leurs ressemblances.

En 1145 Etienne de Boulogne et Geoffroy Plantagenêt sont en conflit pour le partage du Duché de Normandie mais Geoffroy Plantagenêt prend le château après un siège en 1145.

Philippe Auguste, roi de France, annexe la Normandie en 1204 et prends le château à Richard Cœur de Lion, comme il l’a fait notamment au château de Château-Gaillard.

En 1355, le donjon est restauré, le puits alimentant le château est approfondi jusqu’à 106 mètres.

Charles V, en 1367, fait édifier «  des ponts neufs et une neuve porte au Chastel d’Arques » qui correspond à l’entrée Sud-Est actuelle avec ses piliers.

La guerre de Cent-Ans va faire du château d’Arques la Bataille une place forte, témoin des nombreux affrontements pour tenir la place. Le 27 janvier 1420, les Anglais, le célèbre Talbot et le moins connu comte de Warvick défait plus tard par le Comte Jean de Dunois - Bâtard d'Orléans à Montargis, prennent le château.

Dans la nuit probablement du 22 ou 23 décembre 1430 , Jeanne d'Arc - Histoire & Parcours est peut-être enfermée une nuit  avant de prendre probablement  la route de Bosc le Hard pour finir le parcours de captivité le 24 ou 25 décembre de la même année  dans le château de Rouen. Je ne crois pas qu'on ait  des élements sur sa captivité et son lieu exact de détention. Le donjon serait, en théorie, l'endroit le plus probable, mais il est, à  mon avis, dans ce cas-ci, le plus impropre à un emprisonnement vu qu'il était résidentiel et défensif. Il est fort probable qu'elle fut enfermée dans une des tours, peut-être dans le chatelet d'entrée Nord.

En 1431 Guy II le  Bouteiller (*) devient capitaine du château.

Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, fait incendier le village en 1472, mais le château n’est pas pris.

charles le temeraire duc de bourgognePortrait de Charles le Téméraire en armure.


En 1544 et 1545, François Ier vient lui-même suivre les travaux du bastion d’Artillerie de l’entrée du Château. Ce n’est pas une exception, François Ier aimait régulièrement suivre ses différents travaux.

Mai 1562, le Duc de Bouillon est obligé de s’y réfugier après avoir été chassé de Dieppe par les protestants.

Le 21 septembre 1589, Henri IV qui se retranche au château  bat le Duc de Mayenne, c’est de cet évènement que le château prend le nom d’Arques la Bataille.

1668 : le château est abandonné par l’armée.

1708 :  Louis XIV estime que le château est « impropre au service ».

1735 à 1771, alors qu’il n’y a aucune autorisation, la forteresse est transformée en carrière de pierre accélérant son démantèlement.

Louis XVI fait désaffecter la citadelle et autorise les habitants à l’utiliser comme carrière de pierre.

En 1792, le monument, bien national, est vendu à Louis Jean Félix reine d’Arques.

En 1814, le propriétaire laisse visiter le château contre un droit d’entrée.

1836, après une tentative de le démolir complètement, Achille Déville réussit à organiser un mouvement populaire pour le faire racheter par Jules Reiset et sa femme.

1860, il est transformé en musée.

1868, l’Etat le rachète pour 60 000 francs.

1875 Classé Monument Historique.

1939,  le musée est fermé ; les Allemands expulsent le gardien et transforment le château en dépôt de munition. En 1944 il fut fortement endommagé lors de leur départ, comme le château de Vincennes.

Dans les années 70 un gardien permettait de visiter le château.

Depuis plusieurs décennies le château n’est plus visitable à cause des chutes de pierre.

En 2010 un programme  de restauration a été prévu avec un financement de 220 981,45 TTC suite à un traitement d’éco-pastoralisme et de lierres menés pendant 2 ans. Ce petit programme avait pour but  de reprendre en partie les massifs extérieurs du château, les courtines du Bayle et la pile N°1 du pont de secours.

Aujourd’hui  ( début 2012 ) je ne sais pas où en sont les travaux, mais le travail pour la suppression des lierres et arbustes du château semble avoir été efficace, si j’en juge par les anciennes photos glanés sur net.


(*) Je ne suis pas certain que ça soit le même Guy II le Bouteiller qui était seigneur du Château de la Roche Guyon, mais ça me parait le plus probable.
 


 

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