La Queue en Brie est situé dans l’est parisien, sur l'ancienne route royale menant vers l’Alsace , à environ 18 km de l’actuelle porte de Bercy.
Son nom, la « queue » peut provenir de diverse origine, rien est définie encore aujourd’hui. Son ancien nom était la Queue en Brie ou la Queue sous Colombeau ( en rapport avec Pontault Combault ). Son nom en latin était Caudra Brioeri, Cauda in Bria, Briegii ou Brigencis. En Celte , Bray ou Bry signifient terrire ou fougère ( voir aussi Bry sur Marne à quelques Km ).
Sur l’origine de son nom on peut se référé à l’Abbé Leboeuf qui va déjà en 1738 faire une recherche historique d’importance sur la Queue en Brie.
« M. l'abbé Leboeuf, dans son Histoire du diocèse de Paris, t. XIV, édition in-12 de 1738 que nous aurons lieu de citer, a donné un fort bon article sur la Queue ; il y a consigné les diverses conjectures avancées sur l'étymologie du nom singulier de ce bourg. Il pense que cette dénomination a pu lui venir de la forme de son Château fort, ou que ces noms de (Queux, Queudes, Codes ), donnés á d'autres vil¬lages ont une origine celtique inconnue. Ad. de Valois avait dit que la disposition de ce village élail longue cl avait de l'analogie avec la forme d'une queue de chien. Les plus anciens plans el celui donné par l'abbé de La Grive dans son recueil des cartes des environs de Paris, démentent celle assertion, car partout ce village est disposé en carré et en éventail dont le plus grand côté est au nord. Enfin la tradi¬tion veut que ce nom soit venu de ta queue d'un étang qui était situé à l'est du village. Nous avons vérifié sur les lieux qu'objectivement il pouvait avoir existé un étang dans cet endroit où il aurait été alimenté par l'eau du Morbras et par celle d'une fontaine. Mais est-il bien certain que la queue d'un étang s'appelât ainsi avant 1100. M. Dulaure, dans son Histoire des environs de Paris, à l'article de la Queue qui est peu étendu, a adopté l'étymologie de la queue d'un étang. Pour nous, nous hasarderons une autre opinion qui nous semble plus simple el tout aussi bien fondée. Elle repose sur la situation primitive des lieux en rappelant que le nom latin Cauda ne signifie pas toujours Queue mais aussi fin el confín.
Le nom de Brie, comté qui fut réuni à celui de Troyes vers 988 par Herbert de Vermandois alors comte de Meaux, était appelé longtemps avant à la contrée qui devint ensuite une province du gouvernement de France, cl même sous Joies César (si l'on admet divers commentaires), ce pays, occupé par les Meldi, s'appelait Brigensis Saltus. La Brie s'avançait de temps immémorial en pointe, en forme de queue de poisson, sur le territoire de l'Ile de France. La Queue en Brie était placée vers l'extrémité du côté du nord de cet avancement, sur la fin ou les con¬fins de la Brie avec le territoire des Parisiens, et dès lors la dénomination originaire nous parait être née de celle position particulière. »
Je ne vais pas m’étendre sur ce texte et sur l’étymologie écrit dans une revue archéologique en 1848 à partir de la base d’un travail de l’Abbé Leboeuf. Pour autant on peut voir qu’on parle déjà de château fort dès 1738 et repris en 1848 et non pas d’une place forte ou forteresse comme aujourd’hui. Mais le mot château-fort est à prendre avec des pincettes historiques en terme de définition qui selon les époques changent.
Pour autant s’il n’existe plus de trace des enceintes primitives de l’enceinte du village, il y a bien eu apparemment une fortification. Si on se réfère à l’Abbé Leboeuf il décrit bien la trace de ses portes : porte de Lagny, de Paris et de Brie ( surement Brie-Comte-Robert ), même en 1848 il en existerait encore des traces « on reconnait encore des restes de cette enceinte vers l’ouest du village, près de la tour et non loin du pont » .
Lors de notre visite, avec l’association Forteresse, on a pu tout de même trouver que l’agencement des maisons, de la tour pouvaient donner à une interprétation d’une ancienne fortification. Il parait peu probable qu’il n’y ai eu qu’une seule tour entourée d’une simple fortification, surtout au vu de la taille de ce donjon, qui était globalement très haut et très large pour l’époque. L’investissement fait, l’importance des lieux reliés avec Gournay sur Marne notamment et le Diocèse de Paris, parait peu probable un tel financement sans protection particulière surtout vu la disposition naturelle et stratégique qui s’y prête fortement.
Cependant à l’heure actuelle aucune trace d’une éventuelle enceinte ou fortification villageoise n’a été retrouvée, ce qui ne signifie pas qu’elle n’a pas existé. Il faut dire qu’à ce que j’ai compris peu de recherche archéologique ont été faite depuis, y compris au donjon actuel qui est vierge semble-t-il de fouilles sérieuses.
D’autant qu’on parle aussi d’une bataille en 1600 après la destruction opérée en 1430 par les anglais pendant la guerre de Cent-Ans . On parle bien d’enceinte FERMEE par les trois portes citées précédemment.
Au XIIIe, un miracle sur la tombe de Saint-Louis a fait venir à la Queue des pèlerins, la sécurité y était bonne.
Par ailleurs le Chapitre de Notre-Dame de Paris avait des revenues assez importants, ce qui laisse supposer aussi qu’un endroit aussi juteux économiquement ne soit pas défendu uniquement par une simple tour ou place forte. Cependant la place forte, le château n’était pas seul dans les alentours, on peut noter aussi le château d’Ormesson ( aujourd’hui remplacé par un château bien plus récent ) à seulement quelques km.
De plus sur l’une de tombes dans l’église on y trouvera l’inscription, toujours par l’Abbé Leboeuf :
« Ci-git, Richard de Tosqui, écuyer, qui trépassa en l’an de grâce 1300 » et plus loin l’Abbé y verra une mention capitale en parlant d’une fondation par Louis Blanchet : escuyer seigneur en partie de la Queue, dont les armoiries étaient un chevron brisé à trois oiseaux et celle de sa femme un chevron à trois trèfles. On parle bien de seigneurie et si on parle logiquement de Seigneur on parle souvent de château, surtout si l’endroit est très rentable.
Informations
- Adresse : Place de la Tour 94510 La Queue en Brie
- Google Maps : Carte
- Téléphone : 01 49 62 30 00
- Email : Gaston Mézière : gaston.meziere[ arobase ] wanadoo.fr
- Site : http://www.laqueueenbrie.fr/
- Heures d'ouvertures & Visites :
Pour Visite libre à toute heure de l'extérieur, pas de visite intérieur.
Remerciement à Mr Gaston Mézières de nous avoir ouvert les portes et de sa documentation.
Le Château
Les parties en gras et italique sont mes annotations . Le texte , quasiment dans son intégralité, proviens de la Revue Archéologique éditée en 1847, il subsiste parfois des erreurs de frappes ou de 'traduction', mais globalement l'ensemble est correct. Une revue d'une importance capitale car à la fois sérieuse et détaillée. D'autant plus que les gravures qui nous sont parvenues sont rarement fiables et précises, seule deux cartes postales existent encore aujourd'hui avant sa destruction.
Au XIIe siècle, Harcherus ou Hascherus (1) était déjà possesseur du territoire de la Queue, et portait le surnom de Cauda il céda cette seigneurie à Constance, fille de Louis VI dit le Gros, peu de temps après le sacre de son père. Bientôt elle y fit construire un château-fort pour protéger ses vassaux et contenir les châtelains voisins, notamment le comte de Meaux ; ce serait en 1109 qu'eurent lieu les premiers travaux de cette forteresse, qui se serait trouvée en état de défense en 1200.
On trouve ensuite Reynaldus de Cauda, en 1168; vers 1200, Savericus de Cauda ; puis Ilenricus Magnus, miles de Cauda; Johannes; son fils, et enfin Odinus de Cauda, dénommés en différents actes; mais ces chevaliers pouvaient être seulement nés à la Queue, sans en être pour cela seigneurs.
En 1231, Amauri de Meulan était assurément seigneur de cette terre, quoiqu'on trouve dans d'autres actes le nom de Odo de Cauda; mais ensuite on voit figurer de nouveau Amauri de Meulan dans un partage de bois de la forêt de Boissy, où il est dit que les hôtes de Torcy avaient une certaine quantité de bois mesurée à la perche de la Queue et non à celle de leurs usages. Son fils, dans un acte subsé¬quent, est appelé Âmalricus de Cauda, et plus tard; en 1269, Amauri de Meulan, seigneur de la Queue. '
La même année, Alix de Bretagne, mariée à Jean de Châtillon, comte de Blois, devint propriétaire de la seigneurie de la Queue , et son mari fit hommage pour le château et la châtellenie (de easiro et caslelliana de Cauda) à l'évêque de Paris. Ce fut vers cette époque qu'elle fit entourer le bourg de murailles. Pierre, comte d'Alençon, devint seigneur de la Queue par sa femme, fille de Jean de Chatillon , et en 1277 il en fit hommage à Étienne Tempier, évêque de Paris. •
Il paraît que les descendants de la famille de Meulent ou Meulan conservèrent toujours des droits sur la Queue, et en portèrent le nom, car parmi eux se trouvent Raymond de Meulent de Cauda, officier du roi en 1285, et Thomassin de Meulent de Cauda ».qualifié sous Philippe le Bel du titre de contabularius.
(!) L'abbé Lebœuf l'appelle Harcherus et M. Dulaure Hascherus.
En 1300 on voit pour la troisième fois un membre de cette famille, Amauri de Meulent, seigneur de la Queue, soit qu'il eût racheté cette terre, soit qu'elle lui fût revenue faute de descendants directs de Pierre de France et de Jeanne de Chatillon. En 1306, un Simon de la Queue obtint de Philippe le Bel cent livres de rente annuelle sur le trésor du Temple, ce qui ne prouve point qu'il fût possesseur de la Queue en Brie, mais peut-être un descendant de ses anciens seigneurs.
En 1330, Guillaume de Sainte-Mesme ou de Saint-Maur jouissait de la moitié de la seigneurie de la Queue, l'autre moitié restait à la famille de Meulent dont les membres, Valeran et Amauri, sont qua¬lifiés seigneurs de la Queue sous Philippe de Valois et sous le roi Jean.
En 1352, Simon de la Queue plaidait au parlement pour cette seigneurie, et en 1362 Pierre Blanchet, secrétaire du roi, avait un procès pour cette terre avec le seigneur de Charenton et avec Olivier Poinel, chevalier. Cette altercation fut terminée par une transaction relative à la Queue et à Ponteau (1).
Vers la fin du règne de .Charles VI, et au commencement de celui de Charles VII, Guillaume des Essarts, chevalier, possédait à la Queue le péage et vingt- deux arpents de bois, chargés envers le curé de quinze septiers de blé et trois septiers d'orge. En 1423 et 1427, le roi d'Angleterre, se disant roi de France, s'en empara pour le punir d'être resté fidèle au roi Charles VII. Ce fait ne peut guère donner lieu de présumer que ce chevalier fût seigneur de la Queue comme on l'a écrit, et au contraire il paraît que le village et le château, appartenant toujours à la famille Blanchet, comme on le verra plus loin, tenait pour le parti du roi Charles VII .
(I) Ponteau (Ponlaui, Pontolium ) Pontelx et Ponteaux, village à an kilomètre & l'est de la Queue, peu considérable. mais dont l'église était remarquable avant d'avoir été saccagée par les protestants. (Voir plus loin, la note relative aux dévastations commises dans ces contrées par les religionnaires)
On lit sur les registres du parlement à la date du 9 octobre 1430 : « Ce jour après le recouvrement et démolition de la ville et forteresse de la Queue en Brie, retourna et entra à Paris le comte Suffolk à grande compagnie de gens d'armes de la nation d'Angleterre. » Ainsi la première destruction du château fort de la Queue date de l'invasion des Anglais et du règne de Charles VII.
Note : on remarque le mot Recouvrement et Démolition, ce qui donne probablement la raison de la difficulté actuelle de trouver des traces. Non seulement le château a été détruit mais recouvré probablement pour éviter toute reconstruction ultérieure.
Dans une courte notice manuscrite qui nous a été communiquée sur les lieux, notice dont l'auteur nous est inconnu, mais qui a été évidemment faite depuis l'ouvrage de Dulaure sur les environs de Paris, car elle en reproduit textuellement plusieurs phrases, on lit : « Que, malgré son héroïque résistance, le village et le château de la Queue, assiégés par des forces supérieures, tombèrent au pouvoir de Suffolk qui, pour se venger, fit mettre le feu au fort et à la ville, brûlant hommes, femmes, enfants, bestiaux, grains, et quand les malheureux vaincus sortaient pour échapper aux flammes, ils étaient assaillis et percés à coups de lance ou massacré à coups de hache. » Nous ignorons où ces détails ont été puisés, mais nous croyons que c'est de ce même fait dont Monstrelet veut parler (chap. xciv) lorsqu'il dit « le comte Staffort prit d'assaut la ville de Brie-Comte- Robert..., et après s'en retourna à tout grande joie au lieu dont il s'étoit parti..., et bref en suivant prit le Quesne en Brie..., et en lit bien pendre quatre-vingts de ceux qui étaient dedans le dit Quesne (1 ).»
Cette partie est importante car elle explique assez bien la résistance et le manque de lucidité politique des anglais à cette époque, elle synthétise en partie la défaite à termes des anglais. Mais on comprend aisément l'acharnement des anglais à réduire cette forteresse à néant, d'autant plus que la proximité de Paris leur était importante et vitale. On peut aussi aussi par delà même se poser la question pourquoi les anglais n'ont-ils pas réutilisés le château fort ? Destruction trop importantes, donc reconstruction trop couteuse ? Volonté de faire un exemple ?
Depuis 1362 jusqu'à la fin du XVe siècle et le commencement du XVIe, les seigneurs de la Queue sont inconnus, et cette terre semble être restée dans la famille des Blanchet, car alors Louis Blanchet était seigneur d'une partie, et Jean Reilhac de l'autre portion. Cependant en 1451 Valeran, comte de Meulan, confirme aux moines de Gournay la donation de la chapelle du château (monasterium de Couda) pour en jouir après la mort d'Adalise, femme de Guy le Sanglier (l).
(l) On dit que Montrelet n'écrit pas toujours correctement les noms des villes, et il ne nous parait point étonnant qu'il ait estropié celui-ci qui peut aussi avoir été mal lu.
En 1519, on voit, par un acte du 14 mars, que noble damoiselle Isabelle Mallenfant était dame de toute la seigneurie de la Queue.
En 1550, Antoine Bureau, référendaire en la chancellerie, la possédait.
En 1554, Anne Clausse, dame de Lesigny, et Macé Picot, seigneur d'Amboile, se qualifiaient seigneurs chacun d'une partie de la Queue; ce qu'il y a de certain, c'est que du 16 décembre 1578 à 1580, le cardinal de Birague, chancelier de France, partageait le titre de baron et châtelain de la Queue en Brie avec dame Corneille de Reilhac. Jean-Baptiste Bureau, qui mourut en 1593, porta le même titre.
Il parait que ce fut le chancelier de Birague qui prit le premier le titre de baron de la Queue, que peut-être il avait fait lui-même ériger en baronnie, et il est également présumable que c'est de cette époque que datent les constructions et dénominations de grand et de petit château qui subsistent encore.
On ne trouve plus de trace des possesseurs de cette baronnie jusqu'en 1710, où M. le duc de Charost en était seigneur, et en 1750 où elle était à M. le prince de Dombes.
En 1758 elle avait deux seigneurs hauts justiciers : M. le comte d'Armaillé, seigneur de Lesigny, etc., et M. d'Ormesson.
Vers ce temps Henri-François de Paule Le Fèvre d'Ormesson, conseiller d'État et intendant des finances, déjà qualifié seigneur de Noiseau et de la Queue, devint possesseur de toute la seigneurie de la Queue et d'Amboile, qui prit ensuite le nom d'Ormesson (S). Depuis ce moment la seigneurie de la Queue appartint à la famille d'Or¬messon , d'où les terres, avec les débris de son château fort et autres constructions ont passé, depuis la révolution de 1789, dans les mains de M. de Maistre, du chef de mademoiselle d'Ormesson, son épouse.
(1) Cette chapelle, dont nous avons déjà parlé, parait avoir été dans l'origine sous révocation de saint Loup; donnée aux moines de Gournay ( actuelle Gournay sur Marne ) en 1145,elle est appelée dans la bulle de confirmation du pape Eugène III. en 1147, capellum de Castro quod dicitur Cauda et de même dans les lettres de Thibaut évèque de Paris de 1150;
(2) Amboelle ou Amboile [Amboella), au XII* siècle, Dès M80 existait Garin d'Amboille (de Amboclta ), chevalier ( milet) el sous Phi¬lippe Augusle, Anseau d'Amboelle. Henri IV démolit l'ancien castel et fit construire un des plus jolis châteaux dea environs de Paris pour mademoiselle de Santéry.
M. de Maistre a vendu vers 1796, à M. Trois-Valets, les terrains de la tour, au sud, sur lesquels ce nouveau propriétaire fit élever une maison d'habitation qui attenait au sud-est aux débris du donjon. Il créa ensuite un jardin dans le périmètre même de la tour, démolie alors aux trois quarts de son pourtour, et fit vider l'ancien puits du donjon pour son usage (1).
(I) On y trouve des ossements brulés, des fers de Lance, des fragments de boulets de pierre. Il semble que la ville ait connu d'importants combats meurtriers avec le reste de plusieurs charniers, sans compter la peste et diverses maladies. Il n’est pas aujourd’hui possible de s’avoir si cela venait de la guerre de Cent-Ans ou de la bataille en 1600 entre les religions.
Malgré qu'il ne reste qu'une infime partie du donjon, on peut voir qu'il était très imposant.
Le 22 août 1835, M. Trois-Valets ayant été dépossédé de cette propriété, elle fut adjugée à M. Bonfils, chef du bataillon cantonal des gardes nationaux de Chennevières, propriétaire actuel. Il fit démolir la maison précédemment bâtie, et en fit reconstruire une autre un peu plus loin au sud. Dès l'année 1830, le conseil municipal de la commune de la Queue, sans examiner s'il était réellement propriétaire du donjon du château de la Queue, sans réfléchir que les restes de cette antique forteresse donnaient seuls un certain lustre, un certain intérêt au village, sans considérer qu'ils pouvaient être remarquables sous les rapports historiques et archéologiques, demanda au sous-préfet de Corbeil l'autorisation de démolir une partie de ce donjon , sous le prétexte qu'il menaçait ruine. Le sous-préfet, aussi peu clairvoyant que le conseil municipal, et sans s'assurer qu'une consolidation coûterait moins qu'une démolition, ce qui était de toute évidence, demanda seulement quelles étaient les ressources communales pour celte opération. Sur la proposition de M. Trois-Valets, alors adjoint, il autorisa la démolition aux frais de ce dernier, auquel on abandonna la pierre à bâtir, en retenant les débris et les gravois pour ferrer les chemins communaux. C'est ainsi que M. Trois-Valets crut terminer une discussion qu'il ne voulait point soutenir contre ses concitoyens, et que de minces intérêts particuliers l'emportèrent sur le bien général.
Le destructeur ayant été trompé dans son attente de produit en pierre à bâtir, laissa la démolition inachevée. M. Bonfils, son successeur, voulut la continuer en 1845, tout en manifestant hautement l'intention de conserver ce qui reste encore de la tour; mais alors la commune défendit de faire les travaux qu'elle avait précédemment autorisés, et dont la concession avait été cédée en 1841 par l'ancien propriétaire au nouveau.
M. Bonfils opposa bien entendu à cette prétention de propriété la vente faite par M. de Maistre, et il le fit tant au gouvernement, qui disait aussi avoir des droits sur cette tour, qu'à la commune. En outre il acheta de nouveau à M. de Maistre, par acte de 1847, la propriété des débris du donjon.
Pendant Ce temps, la commune avait manifesté le désir vandale de démolir la totalité de la tour pour bâtir sur son emplacement et de ses débris une école communale.
Depuis ce moment la contestation est pendante entre le gouvernement, la commune et M. Bonfils. Mais nous devons dire que le conseil municipal, mieux éclairé sur ses véritables intérêts, et bien convaincu que la pierre à bâtir, tirée des carrières voisines, coûte moins cher que ne coûterait la démolition de la tour, manifeste, aujourd'hui qu'elle a fait son école communale, l'intention de veiller à la conservation de la tour. D'autre part, M. Bonfils témoigne hautement le même bon vouloir; espérons donc qu'à travers ce conflit ces débris féodaux subsisteront longtemps encore.
Ce texte est important dans le contexte, puisqu’il est de l’époque même avant la destruction complète de la tour par un effondrement « naturel ». Il semble donc qu’aucune intervention n’aie été faite.
Le Donjon
Dans ce moment, les restes du donjon ne forment guère que la sixième partie de son étendue primitive; l'intérieur du fort, autant qu'il est possible d'en juger aujourd'hui, offrait une surface ovale un peu allongée du sud au nord, et qui, partant des débris subsistants, enveloppait le puits du jardin actuel (t). Son diamètre dans œuvre au milieu pouvait être de treize à quatorze mètres, et sa longueur de vingt-deux à vingt-trois mètres.
Au vu du repérage effectué aujourd'hui on a les restes d’un donjon très haut et d’un grand diamètre. Les traces, surtout dans la partie non ouverte au public, démontrent les restes du puissant donjon et de son importance dans la région. Pour autant les murs du donjon me paraissent relativement imposant sur la base actuelle, le rajout des contreforts à tourelles creuses ( pleines en partie au niveau du sol mais creuses en hauteur ) n'était donc pas fortuits. En tout cas la précision de la description semble tout à fait crédible et sérieuse, il serait à mon sens inopportun de la remettre en question, sauf peut-être au niveau de la hauteur car difficilement prouvable. Si réellement on pouvait voir la tour de Montlhéry, la hauteur devait donc être d'au moins 30 mètres et minimum 31 mètres vu le reste avant son éboulement. La tour avait par ailleurs une défense circulaire à chaque étage avec probablement un chemin de ronde défensif dans l’épaisseur même des murs (?)
L'élévation totale devait être de trente-quatre à trente-cinq mètres (environ cent pieds), son fragment conserve encore trente et un trente-deux mètres. Ce donjon était flanqué à l'extérieur de six tours demi-rondes, liées au corps principal, et toute la construction était en petit appareil, de moellon noyé dans la chaux à une grande épaisseur. Des chemins de ronde et des cénacles avaient été conservés dans les demi-tours,, et un large égout, ou mâchicoulis primitif, se trouve encore à sa partie nord-ouest; il est remarquable par sa destination douteuse (2), ainsi que des chenaux laissés à dessein à chaque étage dans l'épaisseur des murs. Ces chenaux ont vingt-cinq centimètres carrés environ, avec des trous plus petits également carrés, espèces de boulins communiquant avec l'intérieur et avec l'extérieur de la tour, à des distances très-rapprochées (1).
Les cénacles intérieurs du donjon principal n'ont jamais été voutés si ce n'est au sommet de l'édifice, qui était couronné, si nous en croyons d'anciens dessins, par un mur eu parapet à archières et à mâchicoulis.
On a au dessus une formidable description de ce qui restait avant sa totale destruction par usure du temps et de l'homme. Le reste avant sa destruction était tout de même de 31 mètres environ.
Les planchers devaient reposer sur des sablières, pour être abimées au besoin, et l'on communiquait d'étage en étage soit par des escaliers, soit par des trappes, à l'aide d'échelles qu'on retirait après soi (2). Il existait ainsi trois planchers formant trois étages, sans compter le rez-de-chaussée; à chacun de ces étages se trouvaient de vastes cheminées dont le large conduit dépassait la voute et le parapet du sommet. Le rez-de-chaussée n'avait point de cheminée, et un puits s'y trouvait pratiqué comme nous l'avons dit; chaque étage était percé de meurtrières et d archères.
Ce donjon faisait évidemment partie du château bâti sur la place actuelle du village. Il y communiquait par une arcade dont on voit encore les restes, et par des souterrains qui régnaient sous le château et étaient au niveau du rez-de-chaussée du donjon. Divers éboulements qui ont eu lieu en différents temps, ont donné lieu de reconnaître ces souterrains (3).
Mais s'il est vrai que les Anglais ruinèrent de fond en comble le château, assurément il n'en fut pas de même du donjon; car il nous parait de toute évidence qu'il a été occupé depuis cette époque. Les baies refaites de plusieurs ouvertures nous semblent attester qu'on y a travaillé depuis 1500. Des reprises en plâtre nous ont convaincu que même depuis ce temps on y a fait des consolidations. Il est très probable que ce donjon a subsisté, sinon en son entier, du moins consolidé et restauré de manière à servir de lieu de défense jusqu'au temps
(2 ) Les tours de l'ancienne enceinte d'Orléans étalent ainsi généralement disposées, et l'une d'elles, la tour Blanche qui subsiste encore, semble avoir été élevée de 1150 à 1200.
Pour autant cela me parait difficilement concevable . Il ne s'agit pas d'une tour mais bien d'un donjon ou une tour maitresse, il est donc peu probable que cette situation de passage d'étage à étage ai pu subsistée avec une échelle ou une trappe... si cela était le cas initialement. Sur l'une des gravures on peut voir des cheminées, il y a eu donc une volonté de confort qui parait en totale contradiction avec un passage aussi austère et compliqué qu'un trou avec une échelle ou des trappes. Le donjon semble trop sophistiqué pour un tel archaïsme, le rapprochement donc avec l'enceinte d'Orléans ne me semble pas opportun.
(I) Ces petits chenaux ne peuvent avoir été destinés à la conduite du eaux puis¬qu'ils sont sans pente, ils ne peuvent pas non plus avoir servi de porte-voix puisqu'ils sont percés de trous carrés comme des trous d'échafauds de distance en dis¬tance, et ouverts à l'intérieur comme à l'extérieur. Nous ignorons quel a été le motif de celte singulière disposition.
(3) Des éboulements eurent lieu en 1785, et l'on trouva que ces souterrains, consolidé par des arceaux en pierre, de distance eu distance, étaient forts étroits II y a peu d'années encore, une vache tomba dans un de ces souterrains creusés dans un roc vif aujourd'hui encombré, et dont l'élévation ne parut pas avoir été au-delà de un mètre cinquante centimètres.
Au niveau des gravures, il faut bien voir qu’elles sont aussi des vues artistiques avec beaucoup d’imperfections et de différences avec la réalité. Les cartes postales le démontrent assez bien.