Château de Marcoussis

 

 

Appelé aussi le Château de Montagu, le château de Marcoussis est situé en région parisienne à quelques kilomètres du château de Montlhéry, les ruines du château de Marcoussis sont dans un bel état de conservation. Ne pas confondre cependant le château de Marcoussis et celui de fédération française de Rugby. Je tiens vivement à remercier Patrick Bourgueil pour sa précieuse aide, toute la documentation qu'il a pu me fournir et la passionnante visite complète du château.

chateau de marcoussis

 

 

Historique
Sources :  Arnaud Deschar, texte écrit dans le cadre d’une publication de l’AHM en 2003

 

 
 
•    Le premier édifice « LA MAISON FORTE »

 
Nous disposons de peu de renseignements (faute de recherche poussée) sur le château dit "de la Motte" ou "maison fort", attesté au moins au XIIIe siècle, voire au XIIème, alors qu’Ansoud le Riche et surtout Lestard (ou Lietar ?) étaient tous deux seigneurs de Marcoussis.

Par contre il subsiste encore aujourd'hui une partie de cet humble château : notamment le départ du pont-levis sur la contre-escarpe nord-est et en face, sur les ruines actuelles du château, une partie de la Motte (qui se distingue du reste de la construction par l'emploi de pierres de meulière).
L'accès au château s'effectuait par un pont-levis soutenu par deux piliers de grès existant encore sous terre. Puis on accédait à la cour par une tour-porte appelée par certains "tour du bûcher". Le logis seigneurial et les bâtiments aux fonctions domestiques complétaient cet ensemble architectural médiéval.

Le tout était entouré de douves en eau vive. Il semble qu'au XIVe siècle, la Motte ait subi des destructions : il ne reste plus que l'entrée fortifiée.

Seules des recherches en archives, une étude du bâti et des fouilles archéologiques, peuvent nous permettre d'enrichir nos connaissances sur les dimensions exactes du château, son ancienneté, les éléments bâtis le composant.

 

Construction du château

 

marcoussis XVIIe

Château de Marcoussis au XVIIe

 

a - Jean de Montagu (1388-1409)

En 1386, Ferri de Cassinel, évêque d'Auxerre, échangea sa seigneurie de Gallargues en Languedoc contre la seigneurie de Marcoussis possédée par Charles VI. L'évêque en fit ensuite don au fils de sa sœur Biette de Cassinel, Jean II de Montagu, en 1388. Ce dernier décida alors de faire de Marcoussis le centre de ses possessions. La seigneurie de Marcoussis qui dépendait de la prévôté, comté et châtellenie de Montlhéry, fut alors érigée en châtellenie.

Né en 1349 ou 1350, Jean de Montagu devint très vite un fidèle très estimé du roi Charles VI qu’il suit dans ses voyages et ses guerres, recevant ainsi de nombreuses récompenses. En 1380, il se maria avec Jacqueline de la Grange. De 1388 à 1392 et de 1395 à 1409, il devint le principal conseiller de Charles VI, alors en lutte avec les ducs de Bourgogne de Berry et d'Anjou.

Maître des Hôtels du roi, Grand maître de l'Hôtel et capitaine de Paris, Jean de Montagu ne put résister à de nombreuses jalousies compte tenu de sa fulgurante ascension sociale. Après un simulacre de jugement, il est décapité au mois d'octobre 1409 à Paris. Tous ses biens sont confisqués par Charles VI. Ils ne furent restitués à son fils qu'en 1417. 

Jean de Montagu fit aussi construire le château de Villeconin.

 
•    b-Le château :

1 / Contexte de la construction :

Le château fut construit en quelques années seulement, ce qui est exceptionnel compte tenu de la construction simultanée du château et du monastère des Célestins, travaux auxquels s’ajoutent l'agrandissement de l'église de Marcoussis et l’édification des digues du Grand et du Petit Etang.

La construction du château de Montagu au début du XVe siècle coïncide avec un changement de fonction du château en général : il conserve ses attributs défensifs (tours, mâchicoulis, fossés...) tout en servant au seigneur de résidence d'apparat et de témoignage ostentatoire de sa puissance.
L'architecte du château de Montagu nous est inconnu. Néanmoins les dates, l'organisation générale de la construction, la description extérieure du château et de ses alentours ont été retrouvées.
Le choix du site se justifie par l'existence ancienne d'une Motte et par les nombreuses propriétés possédées dans les environs par le père de Jean de Montagu, Gérard de Montagu.

Les ambitions personnelles de Jean de Montagu ne doivent pas faire oublier la fonction majeure d’un château, fonction encore effective à la fin du Moyen-Age : le château est un outil de défense des biens du seigneur et une place de défense, ainsi qu’un lieu de refuge pour les habitants de la seigneurie et des châtellenies voisines.

Les impressions de Perron de Langres ne peuvent nous tromper :

"Toute l'architecture de ces grands bâtiments, quoique d'un ordre ancien et gothique, ne laisse pas de nous donner de grandes idées des vastes desseins que pouvoit avoir le Sire de Montaigu, car à parler franchement, ces somptueux édifices élevés en si peu de temps et même avant celuy de l'usage de la poudre à canon, ont toutes les marques d'une forteresse de deffence et imprenable [...]", (l'Anastase de Perron de Langres, 1694, p. 61).
Un autre ouvrage du 17e siècle souligne que « construire un château est un droit régalien. Jean de Montagu demande donc à Charles VI l'autorisation de l'édifier, probablement en 1398 », (Simon de la Motte, Celestinorum Marcouciaco, 1678-1682). 

 

2 / La construction :

La période de construction du château est connue dans son ensemble : de 1403 ou 1404 à 1407ou 1408, soit environ trois à quatre années de travaux.
Selon E. Saintes-James de Gaucourt, Jean de Montagu aurait obtenu le 29 octobre 1403 des lettres patentes supplémentaires pour renforcer encore davantage les défenses de son château.

•    Déroulement du chantier

On note un engouement qui s'inscrit parfaitement dans le contexte des grands chantiers de construction de la fin du XIVe et du début du XVe à l'initiative des princes de sang, chaque prince essayant d'innover en s'inspirant de l'autre : les architectes du duc de Bourgogne visitèrent par exemple le chantier du duc de Berry à Mehun-sur-Yèvre. De plus, de véritables dynasties d'architectes étaient sollicitées : ainsi les frères architectes de Dammartin ou Jean Aubelet.

Jean de Montagu a-t-il voulu imiter les plus grands du royaume ?
Il est certain que le chantier fut de grande envergure et soutenu par d'importants moyens financiers. De nombreux ouvriers participèrent à sa construction rapide.

Dans l'Anastase de Perron de Langres, 1694, on apprend que chaque samedi le seigneur d'Orsay, Raymond Raguier, organisait la paye des ouvriers sur une imposante pierre de grès encore existante sur le site du château.
Quant aux matériaux nécessaires à la construction, ils ont été extraits des collines environnantes.

Les coûts estimés nous laissent percevoir l’ampleur et les dimensions de l'édifice. Dans son "Journal", Nicolas de Baye annonce un coût de construction du château et du couvent de 200 000 francs :

Mais le faste, l'émerveillement devant "le bel castel" de Marcoussis l'emporta souvent sur la réalité. L'auteur inconnu du poème Le Songe Véritable estime à 600 000 francs le montant du seul projet du château.


 
 II - Modernisation et apogée (fin du XVe siècle et début du XVIe siècle).

 

 La famille Malet de Graville, de noblesse très ancienne, devint propriétaire de la châtellenie pendant plus d'un siècle.

 

a - L’amiral Louis Malet de Graville (1470-†1516) :

Il fut chambellan de Louis XI en 1470. Il dirigea la politique de la France jusqu’à la majorité de Charles VIII (de 1487 à 1493), puis devint gouverneur de Normandie et de Picardie en 1494 et fut ensuite l'un des principaux conseillers du roi Louis XII avec le cardinal Georges d'Amboise.
L'année 1508 marqua le début de sa retraite de la scène politique : il se retira dans son château de Marcoussis.

Grâce à l'amiral Louis Malet de Graville, homme cultivé qui avait le souci de perpétuer la mémoire de ses prédécesseurs, le château de Montagu sortit temporairement de l’oubli et connut de nouveau les fastes du temps de Jean de Montagu, un siècle auparavant.
Notons que le château fut le théâtre d'amours interdits entre François Ier et l'une des filles de l'Amiral de Graville, Louise (ou Jeanne); ou encore entre Anne de Graville et Pierre de Balsac et aussi, plus tard, entre Henri IV et Henriette d'Entragues.

 

b - Transformations au château :

Dès 1497, Marcoussis devient la résidence favorite de l'Amiral de Graville.
Il y fit faire de nombreuses réparations et y apporta de notables améliorations orientées vers la recherche de confort : il supprima le principal escalier qui était saillant dans la cour, au milieu du bâtiment formant l'aile droite et le fit reconstruire "d'une manière aussi belle que commode". Sur cette même aile, la tour semi-circulaire fut abaissée d'un niveau, pour permettre l’aménagement d’un salon octogonal.
L'intérieur du château fut décoré de sculptures, de peintures murales, de tentures et de tapisseries dont une suite de 112 pièces, représentant l'histoire de la destruction de Troie.

 

C’est probablement sous Louis Malet de Graville qu'est construit le boulevard (ou barbacane) devant l'entrée du château mais cette hypothèse n’est pas vérifiée actuellement. Il s’agirait pour autant de renforcer l'entrée du château (partie la plus vulnérable de l'édifice), que de laisser une marque durable du passage des Malet de Graville à Marcoussis.
 
•    Le boulevard

Il se compose de deux tours reliées au château par des hauts murs, et est défendu par son propre système de fossés d'eau vive et par la rivière au sud-ouest. L'entrée à ce passage fortifié s’effectue par deux petits ponts-levis latéraux à l'est et à l'ouest.

Selon Henri Germain, l’amiral de Graville «  répara, agrandit et embellit ce château où il devait mourir ». Louis Malet de Graville mourut à Marcoussis en 1516.
 
•    Le Terrier

Il s’agit de l’inventaire écrit et illustré de toutes les possessions appartenant à la châtellenie de Marcoussis.

Le terrier de l'Amiral Louis Malet de Graville est composé en deux temps : entre 1491 et 1493 pour la partie manuscrite et au début du XVIème pour les miniatures.
Ce terrier fait figurer dans plusieurs enluminures le boulevard et l'ensemble du château. Il nous donne également de précieux renseignements sur la vie des seigneurs à la fin du XVème siècle : chasse au gibier, dressage de rapaces (fauconnerie dans la ferme), constitution d'une héronnière dans les marais de Marcoussis, visite du roi Charles VIII...

 

 
 
III - De la simple résidence à l'abandon (du XVIe siècle au XVIIIe siècle)

Coronelli Marcoussis France 1706

 

a - La simple résidence

Du début du XVIe à la Révolution (de la famille de Balsac à la Comtesse d’Esclignac), le château ne connaît aucune transformation extérieure majeure.

A la fin du XVIe siècle, François de Balsac (†1613), seigneur de Marcoussis y réside peu. Gouverneur d'Orléans, lieutenant du roi pour l'Orléanais, il se place du côté des ligueurs contre le roi Henri III lors des guerres de Religion, avant de se rallier à lui en 1588. Après la mort d'Henri III, dernier des rois Valois, en 1589, François laisse la seigneurie de Marcoussis à son fils aîné Charles, en usufruit.
Il fut marié avec Jacqueline de Rohan (†1578) puis avec Marie Touchet, maîtresse de Charles IX. Naquirent de cette union interdite Henriette d’Entragues de Verneuil (†1633) maîtresse de Henri IV, et Marie-Charlotte d’Entragues.

On sait également que François de Balsac, sa fille Henriette d'Entragues et le comte d'Auvergne tentèrent une conspiration contre Henri IV, en livrant le duc de Verneuil au roi d'Espagne pour qu'il puisse ensuite monter sur le trône de France.
La conspiration fut déjouée, François de Balsac et le comte furent arrêtés en 1604, condamnés à mort, puis à la prison à perpétuité, et finalement graciés.
En 1650, le seigneur de Marcoussis se nomme Léon de Balsac d’Illiers et le château sert de prison dorée aux frondeurs s'opposant au roi : les princes de Condé, Conti et Longueville. A l'occasion de cet évènement, des aménagements sont effectués pour renforcer les défenses du château : notamment la suppression des soubassements du pont de la maison forte et la pose de barreaux aux baies.

A la fin du XVIIe, de précieux inventaires décrivent très précisément le château, le boulevard, la ferme attenante et toute la seigneurie de Marcoussis. Les inventaires de 1698, effectués du vivant de Léon de Balsac d'Illiers d'Entragues, deuxième du nom, décrivent notamment très précisément la distribution intérieure et la fonction de chaque pièce du château et du boulevard.

b - L’abandon

Elisabeth-Thérèse-Marguerite de Montigni Chevalier Duplessis, comtesse de Sebbeville et de Pont de Veyle est le dernier seigneur de Marcoussis de 1751 à 1790.
Mais la comtesse a surtout vécu à Versailles du vivant de son mari, puis en son château du Plessis-Pâté, et vers 1790 dans le faubourg Saint-Honoré dans son hôtel particulier.

A la fin de la décennie de 1770, le comté de Montlhéry sort du domaine royal, et par conséquent, également la châtellenie de Marcoussis qui compte alors 1000 à 1200 habitants.
La vallée de Marcoussis demeure encore un lieu de chasse apprécié et Louis XV fait construire en 1772 un pavillon de chasse près du Grand Etang, ainsi que 25 km de routes et chemins à travers bois.

 
 

 
•    Le château entre 1782 et 1784

D’après le terrier de la comtesse d'Esclignac, dressé entre 1782 et 1784, la châtellenie de Marcoussis s'étendait sur plus de 7.000 arpents formant un ensemble cohérent.
La comtesse effectua des travaux de modernisation pour l'amélioration du confort du château : élargissement des fenêtres : "l'avancée du château est détruite ne conservant qu'un corps de bâtiment pour servir de remise et d'écuries". Les ponts-levis sont remplacés par des ponts en pierre appelés ponts à dormants.

Les matériaux de démolition sont utilisés pour réparer les murs du Grand et du Petit Parc le long de la route de Versailles. Un mur est construit à la place d'un fossé et d'une haie séparant le Grand parc de la plaine de Nozay.

La comtesse ayant droit de haute, moyenne et basse justice sur les seigneuries de Marcoussis, Nozay et la Ville-du-Bois, elle transféra la prison, auparavant située dans la cour du château, au bailliage, dès sa construction.

A la Révolution, les archives de la seigneurie sont transportées à Versailles.

 

 
•    IV De la destruction à l’abandon (XIXe et XXe siècles)

A la mort de la comtesse d'Esclignac (1790), cinq de ses neveux héritent d'une partie de ses possessions. Le château et le Petit Parc deviennent la propriété d’Antoine-Hyacinthe Chastenet de Puységur qui le cède ensuite à son frère, Armand-Marc-Jacques 

Le château est alors abandonné au régisseur, le notaire Boudier, et à la fermière Renoult. Il n’est habité que par trois gardes, des domestiques et le concierge. A cette époque, il est en mauvais état.

En 1792, des patriotes pénètrent dans la cour, enfoncent la porte de la chapelle et la dévastent en mutilant les statues et en brisant tous les vitraux. Les appartements encore meublés sont également pillés et saccagés, et le château sans porte, sans vitre, sans fenêtre, reste à l'état de ruine, «  exposé à toutes les injures du temps et des hommes ».
On sait également qu’à l'automne 1792, les bâtiments du château et du couvent servirent de dépôt de remonte pour le district et que l’on y établit aussi des greniers à foin.

 

Destruction et Abandon

Une partie de l'ancienne ferme est transformée en logis de maître, et le marquis de Puységur fait détruire le château dans les premières décennies du XIXe siècle. Seule la tour nord-est du château est épargnée, ainsi que l'une des deux tours de la barbacane qui devient vers 1827 la chapelle funéraire de la famille des Chastenet de Puységur. Les pierres taillées, les objets d'intérieur … sont vendus.

Le château devient alors un des éléments du parc paysager. Au dessus des remblais accumulés sur le terre-plein castral, sont plantés des arbres qui subsistèrent jusqu'au début du XXème siècle (photo de 1899 prise par l'instituteur Mercier). Puis les ruines du château devinrent le décor d'un jardin ouvert romantique avec des parterres de gazon, un petit bassin, des encadrements de portes remontés...
En 1864, un nouveau "château", plus petit mais plus confortable, est édifié au centre du parc.

La propriété est finalement donnée au mois de décembre 1940 à la Fondation des Orphelins Apprentis d'Auteuil par Honorine Marguerite Geneviève de La Baume Pluvinel, à condition de créer une école d’horticulture, école qui fonctionne encore aujourd'hui.

 canard de marcoussis

 

 

 
 

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