Château de Rouen, Donjon et Tour de Jeanne d’Arc
La tour Jeanne d’Arc , qui n’est autre que le donjon du Château de Bouvreuil à Rouen, a été construite sous Philippe Auguste dans un style Philipien ( on en a aussi un bel exemple au château de Dourdan ou au château de Nesles ). Ouvert à la visite, il est le dernier élément important du château où fut enfermée Jeanne d'Arc, c'est également dans ce château et en partie dans le donjon que le procès eut lieu.
Situé en hauteur de Rouen, le donjon permettait de surveiller Rouen et la Seine pour prévenir toute invasion. Mais aussi curieux soit-il, Rouen et la ville aux Cent Clochers, n'avait qu'une seule enceinte qui ceinturait la ville dont il ne reste quasiment plus rien aujourd'hui.
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Informations
- Adresse : Entrée actuelle, 61 rue du Bouvreuil, 76000 Rouen
- Google Maps : Carte
- Téléphone : 02 35 98 16 21
- Email :
- Heures d'ouvertures & Visites : Prix entrée : 1.5€
- Du 1er avril au 30 septembre : de 10h à 12h30 et de 14h à 18h du lundi au samedi. De 14h à 18h30 le dimanche.
Du 1er octobre au 31 mars : de 10h à 12h30 et de 14h à 17h du lundi au samedi . De 14h à 17h30 le dimanche.
Fermeture : mardi et 1er janvier, 1er mai, 1er et 11 novembre, 25 décembre.
La tour Jeanne d’Arc , est le donjon du château de Bouvreuil à Rouen, a été construite sous Philippe Auguste dans un style Philipien, châteaux construits sous Philippe-Auguste dans un style bien particulier. L'une des particularités des châteaux Philipiens est que le donjon est souvent à l’extérieur des remparts de l’enceinte, à l’instar du château de Dourdan. Cette tour a été construite au début du XIIIe en même temps que le château qu’il protégeait, après 1204.
Pendant la seconde guerre mondiale, les Allemands rajoutent une chape de béton sur son sommet, permettant en cas de destruction du toit en poivrière après un bombardement, de protéger le stock de munition. Puis la tour deviendra assez rapidement le centre névralgique de la Gestapo à Rouen, en y installant les bureaux dans la tour, comme quoi l’histoire se répète ( parfois ). Selon la « légende », lors de la libération, les Nazis fuiront le donjon via un souterrain ( qui existe encore ).
Selon la thèse conspirationniste sur Jeanne , elle se serait évadée par le souterrain et libérée au lieu d'être brûlée. Evidemment cette thèse, franchement très farfelue, n'a pas lieu d'être et ne sont que des hypothèses sans fondements ( voir la page sur la place du Vieux-Marché où elle fut brûlée ).
Le Donjon et Jeanne d’Arc
Jeanne d'Arc menacée de torture, d'après un dessin d'Albert Robida
La légende populaire veut qu’elle soit enfermée dans le donjon, il n’en est rien, pour la très probable raison que le donjon possédait une ouverture à l’extérieur et une vers l’intérieur du château, rendant possible une évasion y compris par la ruse ou la force. On peut noter qu’un donjon extérieur n’est pas forcément le bon endroit pour une prison. Le donjon du château de Vincennes, malgré son fossé et sa hauteur, y verra plusieurs évasions ( en général avec complicité ) : Duc de Beaufort le 2 septembre 1645, Jean Henri dit Masers de Latude en 1750 et 1764. À Dourdan, La Hire s'évade du Donjon également par complicité.
Il faut rappeler qu'à deux reprises, Jeanne d’Arc tente de s’évader : à Beaulieu-les-Fontaines dans un donjon qui aujourd’hui n’existe plus, dont l’entreprise fut à la limite du succès, et, au château de Beaurevoir où elle chute dans les fossés, elle sera retrouvée évanouie le lendemain par les gardes.
La tour où elle fut enfermée existait jusqu’en 1808, très fortement dégradée, elle est détruite pour agrandir un pensionnat. Il reste encore quelques traces au 102 rue Jeanne d’Arc à Rouen. Le donjon faillit subir le même sort en 1841, mais suite à un formidable élan de la population et du maire de Domremy-la-Pucelle, il fut racheté 60 000 frs d’époque par une souscription nationale. Sa restauration est définitivement scellée en 1874 comme on peut le voir aujourd’hui. La tour actuelle prend la disposition probable du donjon sous Philippe-Auguste, mais elle avait une apparence différente lors de la présence de Jeanne.
Tentative d'intimidation et menace de torture
C’est le mercredi 9 mai 1431, quarante-huitième séance, dans cette tour que Jeanne d'Arc va vivre un des (nombreux ) moments les plus terribles de sa captivité. Au rez-de-chaussée, donc à l’entrée actuelle du Donjon, Pierre Cauchon, les prélats et les Anglais, vont lui faire croire à un simulacre de torture pour la faire abjurer. Une tentative qui va échouer avec une phrase sans équivoque de Jeanne :
« vraiment, si vous me deviez faire détruire les membres et faire partir l’âme de corps, si , ne vous dirai-je autre chose ; et se aucune chose vous en disoy-je, après si diroy-je toujours que vous me le auriés faire dire par force », en résumé elle explique qu’elle est prête à dire ce qu’ils veulent mais qu’elle déclarera toujours que c’était par violence et donc nulle dans un procès.
Cauchon est alors un peu pris au dépourvu, à la fois pris en tenaille par les Anglais qui le pressent d’accélérer le procès et le risque de la torturer sans abjuration auquel cas le procès prendrait une tournure qui serait devenu intenable, car en cas de non-abjuration sous la torture elle aurait été lavée de tout soupçon. Cauchon le savait probablement et c'est peut-être la raison pour laquelle elle n'a pas été torturée dans le cadre du procès, elle subit cependant d'autres violences. Il est très probable que cette situation Cauchon ne l’avait pas imaginée, alors qu’il avait tout préparé, avec minutie. Jeanne résiste au-delà de toute attente la rendant encore plus populaire et rendant les Anglais fous de rage. Il est possible que ce soit à ce moment-là que Cauchon va accélérer le procès, car c’est seulement 21 jours plus tard qu’elle sera brûlée vive sur la place du vieux marché à Rouen le 30 mai 1431.
Il faut se mettre dans le contexte : on ne peut qu’admirer le courage de Jeanne, alors qu’elle subit seule, sans aide, sans avocat**, sans soutien, depuis le 9 janvier 1431*** , début du procès, des interrogatoires violents et vicieux sans interruption, des pressions, des menaces de ses geôliers anglais ; elle répond toujours du tac au tac avec force et d’un aplomb indéboulonnable alors qu’elle est particulièrement affaiblie physiquement.
Pierre de la tour des Champs, celle où était enfermée Jeanne d'Arc à Rouen. Elle se trouve aujourd'hui à Beaulieu les Fontaines.
L'affaire Ricarville
La guerre de Cent Ans ne manque pas d'hommes courageux et téméraires, Ricarville et ses compagnons en sont un exemple exemplaire...
En février 1432, les Anglais tiennent toujours la ville de Rouen. Un capitaine du nom de Ricarville, avec une centaine d'hommes, tente de pénétrer le château de Nuit en tout discrétion et réussissent, grâce à la complicité probable d’un soldat anglais, à y rentrer.
Le capitaine de la place, Arundel, alors dans ses appartements dans le château, tente de s’échapper mais s’assure avant de la loyauté des Rouennais en leur demandant pour qui ils sont et la réponse fut : “qu’ils étaient pour le roi de France ET d’Angleterre” donc pour Henri VI. Il réussit sa descente via une corbeille prêtée par les gens d’église de la Cathédrale qui d’ailleurs réclameront rapidement leur objet.
Ricarville se trouve pris au piège dans le château et se réfugie dans le donjon dit aujourd’hui de Jeanne d’Arc. Les troupes de Boussac, venu de Beauvais, ne peuvent les aider, tandis que les Anglais tirent au canon depuis la place Rouge Mare sur le donjon pour les obliger à sortir, le Duc de Bedfort leur demandant d'écraser si nécessaire la tour sous les soldats.
Ricarville n’ayant plus de recours, il tient quinze jours et finit par se rendre, lui et ses hommes. Capturé, il est de suite exécuté et ses compagnons tués sur la place du vieux marché actuel par le même bourreau de Jeanne d'Arc, Geoffroy Thérage. [ L12 -128 ]
Les portes d'entrée du Donjon de Dourdan ( gauche ) et de Bouvreuil à Rouen ( droite ), notez les ressemblances très frappantes :
Plan du château de Bouvreuil en 3D, que j'ai réalisé à partir d'un plan de 1635, de la maquette du château et du plan fourni lors de la visite. Les toits des tours, notamment en poivrière, sont juste présents à titre esthétique, il n'est donc pas sûr que la représentation des toits soit juste, d'autant que selon les maquettes et dessins cela change beaucoup. Vous pouvez cliquer sur la photo pour l'agrandir, en jaune la tour des champs où fut enfermée Jeanne d'Arc le 25 décembre 1430 ( la tour va changer de nom par la suite en tour de la Pucelle , dont on voit ici des restes aujourd'hui ). Les rues présentes sont celles du Moyen-âge qui n'ont par ailleurs aucun lien avec les rues d'aujourd'hui, sauf en partie pour la rue du Bailliage et la rue de Bouvreuil.
** Elle n'a pas souhaité en avoir, il faut dire que son "avocat" aurait été de toute façon du camp anglais ou bourguignon y compris si c'était un ecclésiastique. Le moindre avocat venant par exemple du roi et/ou du royaume de France aurait été surement mis au bucher également...
*** Elle fut cependant emprisonnée dans la tour dite de la pucelle le 24 ou 25 décembre 1430.