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Château de La Cousse
Le château de La Cousse, à Coulaures, en Périgord, est un remarquable exemple de demeure seigneuriale qui a traversé la guerre de Cent Ans, les remaniements classiques du XVIIIᵉ siècle et les modernisations du XIXᵉ siècle, tout en restant dans les mains d’une même lignée familiale depuis le milieu du XVᵉ siècle. Situé entre l’Isle et l’Auvézère, sur un coteau dominant la campagne périgourdine, il illustre la continuité d’un fief noble devenu véritable château d’agrément, aujourd’hui protégé au titre des Monuments historiques.

Dessin IA de La Cousse.
Visite : Ouvert au public : l'extérieur du château, la tour du XVe, la chapelle, le parc et les jardins. Visite libre du 1er juillet au 20 septembre ( date qui change chaque année, se renseigner avant tout déplacement ) de 13h à 19h Renseignements: 05 53 05 01 12 source ; Naturellement Perigord
Château de La Cousse : contexte historique et situation
Le château de La Cousse se trouve sur la commune de Coulaures, en Périgord, construit sur un coteau entre les vallées de l’Isle et de l’Auvézère, au cœur d’un parc clos de murs qui souligne son caractère de demeure de campagne isolée et protégée. La maison actuelle a pour origine un logis du XVᵉ siècle, établi à l’époque où le Périgord, repris aux Anglais en 1369, reste cependant exposé aux incursions et aux ravages de la guerre de Cent Ans. Autour de ce noyau médiéval, un grand corps de logis d’architecture classique est ajouté sous le règne de Louis XV, donnant au site son allure de château de famille du XVIIIᵉ siècle.
Des Jaubert aux Lestrade : une terre transmise en 1439
Au XIVᵉ siècle, La Cousse apparaît comme un « repaire noble » appartenant à la famille Jaubert, dont les armes sont « d’or à la tour crénelée, ajourée et maçonnée de sable, au croissant de même en chef », et qui possède également la seigneurie de La Roche-Jaubert, ainsi que les coseigneuries de Montardit et de Montagrier dans la juridiction d’Excideuil. La transmission décisive se produit en 1439, lorsque Marie Jaubert, héritière de La Cousse et issue de la lignée chevaleresque des Jaubert de La Roche-Jaubert, apporte cette terre en dot lors de son mariage avec Bertrand (ou Bernard) de Lestrade, rapprochant ainsi deux vieilles familles du pays, déjà unies par une longue proximité de voisinage.
C’est très probablement à Coulaures qu’est célébré, en 1439, ce mariage honoré par la présence de Jean de Bretagne, comte de Penthièvre, devenu comte de Périgord en 1437, qui manifeste sa bienveillance en accordant à la mariée une somme de cinquante livres à prendre sur la prévôté de Thiviers. Ce geste de libéralité, en pleine guerre franco-anglaise, rappelle l’importance des liens féodo-vassaliques et la volonté du suzerain de soutenir une maison qui tient un point de résistance face aux Anglais, à un moment où la guerre de Cent Ans ne prend fin qu’en 1453.
La Cousse pendant et après la guerre de Cent Ans
Dans les années qui suivent le mariage de 1439, La Cousse s’affirme comme un centre de résistance aux menées anglaises en Périgord, contexte qui explique sans doute la ruine partielle du logis médiéval. Le repaire noble est alors partiellement reconstruit au XVᵉ siècle, un peu plus au nord de son emplacement originel, marquant la volonté de réorganiser la défense et l’habitat seigneurial sur un site mieux adapté aux nécessités du temps. Le Périgord, bien que officiellement libéré en 1369, demeure jusqu’en 1453 un théâtre de tensions, ce qui donne à La Cousse un rôle stratégique local dans la maîtrise du territoire et la protection des possessions des familles Jaubert puis Lestrade.
La lignée des Lestrade : origines et branches
La famille de Lestrade est originaire de Coulaures et fait remonter sa lignée à Étienne, damoiseau cité en 1299, preuve d’un enracinement ancien dans la petite noblesse périgourdine. Au fil des siècles, elle se divise en plusieurs branches, notamment celles de Floyrac, de Bouilhams et de La Cousse, aujourd’hui éteintes, tandis que la branche de Conty subsiste et possède encore le château de Conty, également à Coulaures. Les Lestrade suivent principalement la carrière des armes et, au XVIIIᵉ siècle, adoptent le titre de marquis, ce qui traduit l’ascension sociale de cette lignée rurale et guerrière devenue haute noblesse locale.
La singularité de La Cousse tient à ce que les Lestrade ne cessent jamais d’y résider, aménageant sans interruption la demeure et la transformant au rythme des siècles sans jamais rompre la continuité familiale. Cette occupation constante explique la cohérence d’ensemble du domaine, où se superposent les traces du repaire médiéval, les remaniements du XVIIᵉ siècle et la grande campagne de travaux du XVIIIᵉ siècle qui donnera son visage définitif au château.
Transformations des XVIᵉ et XVIIᵉ siècles
Le repaire reconstruit au XVᵉ siècle se compose d’un corps central flanqué de deux ailes se terminant chacune par une tour, dispositif typique des demeures seigneuriales périgourdines de la fin du Moyen Âge. De cet ensemble subsistent aujourd’hui, au nord, une tour isolée qui conserve ses embrasures de tir et des traces de bretèches, et au sud-ouest, un corps de bâtiment dont les encadrements de baies témoignent de remaniements importants effectués dans les premières décennies du XVIIᵉ siècle. Dans le prolongement de ce bâtiment sud-ouest, la tour qui faisait pendant à la tour nord a été arasée au niveau de son premier étage, trace visible des adaptations successives de la défense à une fonction de plus en plus résidentielle.
Ces transformations du XVIIᵉ siècle marquent la transition entre le repaire fortifié et la gentilhommière plus ouverte, à l’image de l’évolution générale des châteaux de famille en Aquitaine à cette période. La structure conserve cependant une forte composante médiévale, notamment par la présence de la tour nord, de ses éléments de défense et de la disposition générale des bâtiments autour d’une cour.
La grande campagne des années 1730 : un château au goût du jour
Vers 1730, une importante campagne de travaux achève de transformer la gentilhommière en véritable château, par la construction d’un grand corps de logis central d’une architecture sobre, conforme aux goûts du règne de Louis XV. Ce nouveau bâtiment, composé d’un rez-de-chaussée surélevé et d’un étage, est accosté de deux pavillons latéraux, tous trois couverts d’un comble brisé à la Mansart, sur le brisis duquel se détachent des lucarnes portées par de hauts piédroits et surmontées de frontons cintrés.
Les deux façades du logis sont éclairées par des fenêtres à petits carreaux et se caractérisent par leur grande simplicité, mais la façade tournée vers la cour est mise en valeur par un majestueux perron et une terrasse bordée de balustres de pierre, qui contribuent à la mise en scène d’une véritable cour d’honneur. À la même époque, l’entrée principale se dote d’une composition monumentale associant la grille d’entrée et les pavillons coiffés de toits à la Mansart aux angles de la cour, affirmant la volonté des Lestrade d’inscrire leur demeure dans les modèles architecturaux du temps tout en conservant les matériaux et les volumes régionaux.
L’art du fer forgé et les jardins à la française
Du XVIIIᵉ siècle datent les fleurs de lys qui ornent les girouettes se détachant sur la toiture du château, ainsi que la grande grille de fer forgé fermant la cour d’honneur, témoignage du soin porté aux éléments décoratifs extérieurs. Cette grille, encadrée par deux pilastres surmontés de vases, est couronnée par un élégant motif où s’inscrivent les armoiries des Lestrade, timbrées d’une couronne et encadrées de deux lions, affirmant la dignité marquisale de la famille.
Un plan du XIXᵉ siècle montre le tracé des jardins à la française qui s’étendaient à l’est du château, sur environ un hectare, dessiné en carré parcouru par quatre allées formant une croix et deux allées en diagonale, révélant une subtile géométrie ordonnant l’espace. Ces jardins, typiques des compositions régulières héritées du Grand Siècle, complétaient la mise en scène du château en l’insérant dans un paysage structuré et contrôlé, où l’ordonnance des allées faisait écho à la régularité des façades classiques.
Modernisations du XIXᵉ siècle
Au XIXᵉ siècle, le château de La Cousse fait l’objet de plusieurs remaniements ponctuels qui adaptent la demeure aux usages et au confort de l’époque tout en respectant son caractère. On modernise alors la chapelle, située au nord-est du corps de logis, et l’on recouvre les façades du bâtiment principal d’un enduit sur lequel sont peints de faux chaînages, pratique fréquente visant à donner l’illusion d’un appareil de pierre plus régulier.
Ces interventions n’altèrent pas la structure générale héritée des campagnes du XVIIᵉ et du XVIIIᵉ siècle, de sorte que La Cousse conserve un aspect très homogène malgré la superposition de plusieurs phases de travaux. La demeure reste avant tout une « vieille demeure familiale », davantage adaptée à la résidence continue d’une lignée qu’à la représentation ostentatoire d’une grande cour.
La Révolution française et la protection de Mirabeau
Sous la Révolution, le château est habité par Jean‑Baptiste Claude de Lestrade et son épouse Marie Jeanne Claude Victoire de Lasteyrie du Saillant, nièce du célèbre orateur révolutionnaire Honoré‑Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau. La tradition rapporte que La Cousse aurait été épargné grâce à la protection de Mirabeau, ce qui expliquerait l’absence de dommages graves sur les bâtiments à une époque où nombre de châteaux périgourdins subissent destructions ou pillages.
Cette continuité résidentielle à travers la Révolution renforce encore le caractère « de famille » du domaine, qui n’est ni vendu ni morcelé, mais transmis au sein de la même lignée malgré les bouleversements politiques et sociaux. Le château sort ainsi du XVIIIᵉ siècle dans un état relativement préservé, prêt à accueillir les modernisations du siècle suivant sans rupture avec son passé.
Ernest de Lestrade, la famille de Lasteyrie et l’adoption de Marthe
Dernier du nom, Ernest, petit-fils de Jean‑Baptiste Claude de Lestrade, n’a pas de postérité de son mariage avec Amélie de Chabrier Deshelis. Pour assurer la continuité de La Cousse, il adopte sa nièce Marthe de Lasteyrie, fille d’Anne de Lestrade et de Fortuné Charles Ernest de Lasteyrie, marquis du Saillant, liant ainsi encore davantage le destin du château à la famille de Lasteyrie.
En 1868, Marthe, héritière de La Cousse, épouse Gustave de Garrigues de Flaujac, faisant passer le domaine aux Flaujac par mariage, mais sans qu’il y ait la moindre aliénation du bien, qui reste entre les mains des descendants directs. Depuis cette date, le château demeure la propriété de cette lignée, illustrant une remarquable continuité familiale s’étendant sur plus de cinq siècles, de la dot de 1439 au XIXᵉ siècle.
La Cousse au XXᵉ siècle : protection patrimoniale
En 1962, les toitures et les façades du château de La Cousse sont inscrites à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques, reconnaissant officiellement l’intérêt architectural et historique de l’édifice. Cette inscription protège les parties visibles du château et encadre les travaux éventuels, garantissant la conservation de son caractère héritier à la fois du repaire médiéval et de la demeure classique du XVIIIᵉ siècle.
Le domaine, qui n’a fait l’objet d’aucune vente au cours de sa longue histoire, est encore à ce jour en possession des descendants directs de Marthe de Lasteyrie et de Gustave de Garrigues de Flaujac, prolongeant la tradition de « château de famille » qui a façonné La Cousse depuis 1439. Cet enracinement familial contribue à la préservation d’un patrimoine architectural, mais aussi d’archives et de souvenirs, susceptibles d’enrichir la compréhension de la noblesse provinciale en Aquitaine entre le XVᵉ et le XXᵉ siècle.
Sources et ressources complémentaires
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Dossier « La Cousse, à Coulaures, une vieille demeure familiale », dans la collection « Châteaux de famille – Aquitaine, XVᵉ–XVIIIᵉ siècles », Éditions Atlas, 2004.
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Base Mérimée, notice « Château de La Cousse, Coulaures (Dordogne) », Inventaire des Monuments historiques, Ministère de la Culture.
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Travaux sur les châteaux et demeures seigneuriales d’Aquitaine (XVe–XVIIIe siècles) accessibles via les portails académiques et revues spécialisées en histoire régionale