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Château de Busset
Le château de Busset, dressé sur un éperon dominant l’Allier, est l’un des plus remarquables châteaux de famille d’Auvergne, associant puissante forteresse médiévale, résidence d’apparat Renaissance et demeure aristocratique remaniée au XIXᵉ siècle. Son histoire, étroitement liée aux familles de Vichy, de Tourzel d’Allègre puis aux Bourbon-Busset, illustre plus de huit siècles de filiation nobiliaire ininterrompue, du temps des Templiers jusqu’à l’écrivain académicien Jacques de Bourbon-Busset au XXᵉ siècle.
Image IA inspirée d'une carte postale du château de Busset.
Un site défensif devenu château de famille
À l’origine, le site de Busset accueille, dès la fin du XIIᵉ siècle, une commanderie de Templiers, tenue au nom de l’ordre par la famille de Vichy, qui finit par en devenir propriétaire. Ce choix d’implantation, sur une butte dominante, répond avant tout à des impératifs défensifs et explique la présence d’un puissant donjon, de grosses tours rondes et de courtines, dont plusieurs éléments subsistent encore aujourd’hui.
Au XIIIᵉ siècle, Busset est donc un fief fortifié contrôlant la vallée de l’Allier, dans la mouvance du duché de Bourbon, ce qui le place au cœur des enjeux militaires et politiques du Bourbonnais médiéval. Plus tard, l’église actuelle, installée à l’angle nord‑est de l’ensemble, deviendra sanctuaire paroissial en 1840, marquant l’intégration du vieux château dans la vie religieuse locale.
De Vichy à Tourzel d’Allègre
Au XIVᵉ siècle, Damas de Vichy est mentionné comme compagnon du duc de Bourbon, soulignant l’ancrage de la famille au plus près de la haute aristocratie régionale. Sa fille, Maragde ou Esméralde de Vichy, épouse en 1387 Morinot de Tourzel, seigneur d’Allègre, conseiller et chambellan du roi Charles V et de Jean, duc de Berry. Par ce mariage, la seigneurie de Busset passe de la maison de Vichy à la puissante famille d’Allègre, ce qui assure au château un rôle de résidence seigneuriale de premier plan.
Cette lignée de Tourzel d’Allègre, solidement implantée dans le Bourbonnais, prépare le terrain à l’entrée des Bourbons à Busset par le biais d’une alliance matrimoniale au tournant de la Renaissance. Le souvenir de ces premières familles reste inscrit dans les armoiries et les emblèmes qui ponctuent encore certains décors du château.
L’alliance de 1498 : Marguerite de Tourzel et Pierre de Bourbon
En 1498, Marguerite de Tourzel, héritière de la seigneurie, épouse Pierre de Bourbon, fils de Louis de Bourbon, prince‑évêque de Liège, et de Catherine d’Egmont. Louis de Bourbon, cinquième enfant du duc Charles Ier de Bourbon, avait été élu prince‑évêque de Liège à dix‑huit ans, avant d’être assassiné en 1482 par Guillaume de La Marck, épisode resté célèbre dans l’histoire politique des Pays-Bas bourguignons.
Le mariage de Louis de Bourbon avec Catherine d’Egmont, fille du duc d’Egmont, avait été conclu en 1463 malgré l’interdiction formelle de Louis XI, ce qui exposera plus tard leurs enfants à des contestations de légitimité. Pierre de Bourbon, mari de Marguerite de Tourzel, porte ainsi la marque de cette union discutée, mais son installation à Busset inaugure la lignée des Bourbon-Busset qui demeure propriétaire du château jusqu’à nos jours, à la brève interruption révolutionnaire près.
La querelle de succession et la légitimation de 1518
À la mort du duc Jean II de Bourbon en 1488, Pierre de Bourbon, fils aîné de Louis de Bourbon, tente de faire valoir ses droits sur le duché en tant que premier dans l’ordre de succession. Un autre oncle, Pierre de Bourbon, sire de Beaujeu et époux d’Anne de France, fille de Louis XI, bénéficie cependant de puissants appuis royaux et oppose que le mariage de Louis et de Catherine d’Egmont n’est pas prouvé, faisant de son neveu un bâtard aux yeux du droit dynastique.
Cette contestation écarte Pierre et ses frères de la succession ducale, même s’ils restent de sang bourbonien. En 1518, un arrêt du roi reconnaît finalement Pierre et ses frères comme cousins du roi et les autorise à porter les armes de la maison de Bourbon, consacrant juridiquement la branche dite de Bourbon-Busset. D’un strict point de vue généalogique, cette branche constitue même la lignée aînée des Bourbons encore représentée, tout en étant demeurée officiellement non dynaste pour la couronne de France.
Philippe de Bourbon-Busset et Louise Borgia
À la génération suivante, Philippe de Bourbon-Busset épouse Louise Borgia, duchesse de Valentinois et dame de Chalus, fille de César Borgia et de Charlotte d’Albret. Cette alliance spectaculaire relie Busset à l’une des familles les plus fameuses de la Renaissance italienne et renforce le prestige symbolique de la lignée.
La tradition locale attribue à Louise Borgia les premières grandes transformations du vieux château féodal, notamment la construction des trois étages de galeries de l’aile donnant sur la cour d’honneur. Ces aménagements marquent le passage de la stricte forteresse médiévale à la résidence d’apparat, en accord avec les goûts architecturaux de la Renaissance et le rang nouvellement affirmé des Bourbon-Busset.
Une demeure transmise de génération en génération
Les descendants de Philippe de Bourbon-Busset et de Louise Borgia se succèdent à Busset jusqu’à aujourd’hui, à l’exception d’un bref intermède pendant la Révolution française. Le château reste ainsi un rare exemple de demeure seigneuriale demeurée dans la même famille depuis le XVᵉ siècle, ce qui explique la richesse des souvenirs et des archives conservés sur place.
Au cours du XVIᵉ siècle, les galeries du corps de logis sont aménagées, renforçant le caractère résidentiel de la demeure. Plus tard, les Bourbon-Busset adaptent régulièrement les bâtiments aux goûts de leur temps, sans effacer l’ossature médiévale qui continue de structurer l’ensemble castral.
Architecture : du donjon médiéval au néogothique
Organisé autour d’une vaste cour sommitale dominant l’Allier, le château de Busset conserve un donjon, plusieurs grosses tours rondes, des courtines crénelées et une tour dite de la Prison, autant de témoins de la première forteresse. On accède à la cour par une porterie encadrée de deux tours massives et précédée de profonds fossés, composition qui souligne encore l’ancienne fonction défensive du site.
À l’extérieur, l’aile sud est flanquée d’une grosse tour ronde et se singularise côté cour par une chapelle néogothique en léger décrochement. L’angle nord‑est est occupé par l’église ancienne chapelle castrale devenue paroissiale en 1840, tandis qu’une aile en retour orientée est‑ouest, avec trois galeries superposées côté cour, structure la façade principale.
Les interventions de René Hod au XIXᵉ siècle
Dans les années 1850, l’architecte angevin René Hod remanie de manière importante la porterie, construit une nouvelle chapelle et donne au long corps de logis est‑ouest son aspect actuel. Architecte ordinaire du département de l’Allier, Hod pare la façade sur cour d’un décor d’inspiration gothique : pignon en granit du Bourbonnais, rampants ornés, fleuron sommital, balustres de balcon, ainsi qu’une échauguette faisant pendant à la tour de Riom.
Ce « gothique tout neuf », typique du goût néogothique du XIXᵉ siècle, se superpose à la structure médiévale sans la masquer complètement, créant un dialogue stylistique entre Moyen Âge reconstruit et réalité castrale ancienne. L’ensemble renforce l’image d’un château romantique, tout en répondant aux attentes d’une aristocratie soucieuse de mettre en scène son passé.
Restaurations du XXᵉ siècle et jardins

Description des éléments du château, inspiré du document Edition Atlas.
Au XXᵉ siècle, l’architecte des Monuments historiques Marcel Génermont conduit une nouvelle campagne de restaurations, à la demande du comte François de Bourbon-Busset. Les travaux visent notamment à rétablir la galerie basse, dont les arcades en plein cintre avaient été murées, dans un état proche de sa configuration d’origine, et à valoriser les ensembles de fresques découverts sous des enduits.
Parallèlement, les propriétaires aménagent de splendides jardins à l’italienne qui viennent compléter des jardins à la française situés en contrebas du château. Ce dispositif paysager en terrasses répond à la topographie de la butte castrale et offre des perspectives remarquables sur la vallée de l’Allier.
La tour de Riom et la tour de la Prison
Parmi les éléments les plus anciens, la tour d’Orion ou de Riom, puissante tour coiffée en poivrière et autrefois couronnée de hourds, marque fortement la silhouette du château. Cette tour illustre la phase féodale du site, lorsque Busset se présente avant tout comme un point d’appui défensif au cœur du Bourbonnais.
La tour de la Prison, tour circulaire marquant l’angle des deux corps de logis, rappelle quant à elle la fonction seigneuriale et judiciaire de la demeure. Sa présence, associée aux fossés, courtines et dispositifs défensifs, témoigne de l’autorité seigneuriale exercée sur le territoire environnant.
L’oratoire et ses fresques religieuses
Au dernier étage d’une tour d’angle se trouve un oratoire décoré de fresques de la fin de l’époque gothique, disposées en panneaux peints sur fond sombre imitant un encadrement. On y voit des portraits de saints et plusieurs scènes de la vie du Christ, telles que la Visitation, l’agonie au jardin des Oliviers, la Descente de Croix, les Lamentations sur le corps du Christ mort, ainsi qu’une représentation de la Trinité, plus rare dans ce type de cycle.
Les espaces laissés libres entre les panneaux sont occupés par les emblèmes de la famille de Tourzel et par les initiales de Marguerite de Tourzel et de Pierre de Bourbon, ancrant la décoration dans le contexte patronal de la fin du XVe et du début du XVIᵉ siècle. Cet oratoire fait ainsi dialoguer piété familiale et affirmation héraldique, dans l’esprit des fondations aristocratiques de la fin du Moyen Âge.
La galerie peinte et Henri Baude
La galerie du premier étage du corps de logis abrite une suite de sept panneaux de peintures murales, longtemps masqués par un enduit et restaurés dans les années 1970. Ces peintures représentent des personnages et des animaux accompagnés de sentences morales en vers, empruntées aux « Dictz moraux pour faire tapisserie » du poète moulinois Henri Baude.
Henri Baude, poète bourbonnais mort dans les dernières années du XVe siècle, fréquente de près la cour de France et celle du duc Jean de Bourbon, mais sa liberté de ton lui attire de nombreux ennuis, au point d’être emprisonné. La présence de ses vers à Busset illustre la circulation de la culture de cour dans les résidences seigneuriales du Bourbonnais et témoigne des goûts littéraires raffinés des commanditaires.
Une fresque militaire énigmatique
Dans une pièce du premier étage, une fresque découverte par hasard sous un enduit montre un joueur de tambour et un joueur de fifre encadrant un porte‑tendard marchant en procession, en tête d’un cortège militaire. Les trois personnages portent des habits de parade : armure et chausses rayées pour le porte‑tendard, pourpoint et grègues pour ses compagnons, tous coiffés de chapeaux surmontés d’énormes panaches de plumes, ce qui donne à la scène une forte impression de mouvement.
L’énigme demeure sur l’événement commémoré par cette fresque et sur l’identité de l’artiste, d’autant plus que l’étendard est aux couleurs de l’Espagne, détail qui pourrait renvoyer à un épisode militaire précis ou à une alliance politique aujourd’hui mal documentée. Cette œuvre participe au caractère singulier de Busset, où s’entremêlent souvenirs guerriers, références étrangères et mise en scène du pouvoir familial.
Décor intérieur et néogothique
Outre les fresques, le château conserve une monumentale cheminée du XVe siècle dans la salle à manger, ainsi que plusieurs ensembles de fresques remarquables disséminés dans les galeries et les pièces nobles. Au XIXᵉ siècle, les intérieurs du grand corps de logis est‑ouest reçoivent un décor néogothique avec boiseries en plis de serviette et plafonds à caissons polychromes, en accord avec la mode historiciste du temps.
Corniches, culots moulurés, tourelles en encorbellement et échauguettes complètent ce vocabulaire architectural néogothique, particulièrement visible sur le grand pignon occidental parementé en granite du Bourbonnais. L’ensemble compose une image cohérente de « château médiéval » rêvé par le XIXᵉ siècle, superposée à la réalité stratifiée d’un site occupé depuis plus de huit cents ans.
Jacques de Bourbon-Busset, écrivain académicien
Au XXᵉ siècle, le château de Busset reste associé à la figure de Jacques de Bourbon-Busset (1912‑2001), écrivain et homme politique, membre de l’Académie française. Issu de la famille propriétaire du château depuis le XVe siècle, il contribue, par son œuvre et son engagement public, à faire connaître le nom de Bourbon-Busset bien au‑delà du Bourbonnais.
Cette continuité familiale fait de Busset un château de souvenirs autant que d’histoire, où les strates architecturales croisent les mémoires littéraires et politiques contemporaines. Le site illustre ainsi la longévité d’une maison aristocratique française, de la féodalité à l’époque moderne, puis à la République.
Chronologie historique
| Période / Date | Famille / Personnage | Événement principal |
|---|---|---|
| Fin XIIᵉ siècle | Templiers / famille de Vichy | Commanderie templière sur le site de Busset. |
| XIIIᵉ siècle | Famille de Vichy | Busset, fief fortifié dominant l’Allier. |
| 1387 | Maragde (Esméralde) de Vichy / Morinot de Tourzel | Mariage, passage de la seigneurie à la famille d’Allègre. |
| 1438‑1482 | Louis de Bourbon, prince‑évêque de Liège | Carrière épiscopale, assassinat en 1482 par Guillaume de La Marck. |
| 1463 | Louis de Bourbon / Catherine d’Egmont | Mariage contesté malgré l’interdiction de Louis XI. |
| 1488 | Pierre de Bourbon | Tentative de faire valoir ses droits sur le duché de Bourbon. |
| 1498 | Marguerite de Tourzel / Pierre de Bourbon | Mariage, entrée des Bourbon à Busset. |
| Début XVIᵉ siècle | Philippe de Bourbon-Busset / Louise Borgia | Alliance, transformations du château et galeries. |
| 1518 | Pierre de Bourbon et ses frères | Arrêt royal : légitimation comme cousins du roi, armes de Bourbon. |
| XVIᵉ siècle | Bourbon-Busset | Aménagement des galeries du corps de logis. |
| Années 1850 | René Hod | Remaniement de la porterie, chapelle, façade néogothique. |
| XXᵉ siècle | Marcel Génermont / François de Bourbon-Busset | Nouvelle campagne de restaurations, jardins à l’italienne. |
| 1912‑2001 | Jacques de Bourbon-Busset | Écrivain, académicien, figure moderne de la lignée. |
Sources :