Jeanne d'Arc au Château de Loches
Détail d'une tapisserie suisse , ville de Bâle, elle est aujourd'hui au Musée d'Orléans. Elle détaille la rencontre entre Charles VII et Jeanne au Château de Loches. Cette tapisserie est d'une datation incertaine, probablement fin XVe, même si il est possible qu'elle soit contemporaine à la pucelle d'Orléans comme ça souvent été évoqué. Pour autant si on observe les armures, elles semblent plutôt être de la fin XVe ( 1460-1480 ), l'harnachement du cheval de Jeanne semble être tout à fait contemporain, son troussequin semble bilobé ou en corne, mais les évolutions importantes des harnachements des chevaux et le manque de détail de la tapisserie ne permet pas d'avoir une certitude, on note par contre les culières à trois branches d'une certaine longueur. Le heaume est probablement un bassinet.
Jeanne est à Loches du 22 au 24 mai 1429..
Jeanne revoit Charles VII après la levée du siège d'Orléans, elle vient le conseiller de prendre le chemin sur Reims pour se faire couronner, contre l'avis d'une partie des conseillers et des capitaines qui voulaient plutôt reprendre la Normandie. On a deux témoignages, qui se recoupent, mais qui sont un tantinet différents :
le Comte de Dunois, au procès de réhabilitation :
« À Loches, — où nous étions allés le trouver, Jeanne et moi, après le siège d’Orléans, — le roi était dans sa chambre de retraite, ayant avec lui son confesseur, le seigneur Christophe, d’Harcourt, évêque de Castres, et le seigneur de Trêves en Anjou, ancien chancelier de France, lorsque Jeanne, qui se disposait à entrer chez lui, frappa à la porte. Presque aussitôt, elle franchit le seuil, se mit à genoux et, tenant embrassées les jambes du roi, elle lui dit ces paroles ou d’autres semblables :
Jeanne : « Gentil dauphin, ne tenez pas davantage tant et de si interminables conseils; mais venez au plus vite à Reims pour prendre votre digne couronne ».
le seigneur d’Harcourt « Est-ce votre conseil qui vous dit cela lui »
Jeanne « Oui, répondit-elle, et je suis très fort aiguillonnée là-dessus. »
d’Harcourt reprit : « Ne voudriez-vous pas dire ici, en présence du roi, la manière de votre conseil, quand il vous parle ? »
Jeanne lui répondit en rougissant : « Je crois comprendre ce que vous voulez savoir, et je vous le dirai volontiers. »
Alors le roi : « Jeanne, vous plaît-il bien de déclarer ce qu’on vous demande, en présence des personnes ici présentes ? —
Jeanne« Oui », répondit-elle ; et elle ajouta les paroles suivantes ou d’autres semblables : « Quand je suis contrariée en quelque manière, parce qu’on fait difficulté d’ajouter foi à ce que je dis de la part de Dieu, je me retire à l’écart, et je prie Dieu, me plaignant à lui de ce que ceux à qui je parle ne me, croient pas facilement. Ma prière à Dieu achevée, j’entends une voix qui me dit : « Fille Dé (fille de Dieu), va, va, va, je serai à ton aide, va.» Et quand j’entends cette voix, j’ai grande joie ; même je voudrais toujours l’entendre ». Et, chose frappante, en répétant ce langage de ses voix, elle était dans un ravissement merveilleux, les regards levés vers le ciel. »
J’ai encore souvenance qu’après les victoires que j’ai dites, les seigneurs du sang royal et les capitaines voulurent que le roi allât en Normandie et non à Reims. Mais la Pucelle fut toujours d’avis d’aller à Reims pour le sacre. Comme raison de son opinion, elle disait qu’une fois le roi sacré et couronné, la puissance de ses ennemis irait toujours en diminuant et que finalement ils ne pourraient nuire ni au royaume ni au roi. Tout le monde se rangea à l’avis de Jeanne »
C'est probablement dans cette pièce que Jeanne d'Arc revoit le roi pour le convaincre de marcher sur Reims et de s'y faire sacrer. L'étage supérieur n'existait pas à cette époque.
Un chroniqueur Allemand, Eberhard Windecke, chronique du XVe :
"Lorsque ces choses furent arrivées, la Pucelle chevauchant avec ses gens vint de Tours en Touraine. ; là devait en même temps venir le roi ; et la Pucelle y fut avant le roi. Elle prit son étendard à la main et chevaucha vers le roi. Et quand ils vinrent à s'aborder, la Pucelle inclina la tête vers le roi, si fort qu'elle put, et le roi la fit gracieusement relever, et tient-on qu'il l'eût volontiers embrassée de la joie qu'il avait . Ce fut le mercredi avant la Pentecôte ( 11 mai 1429 ). Et elle demeura auprès de lui jusqu'après le 23ième jour du mois de mai ( donc à Loches ). Et tint le roi conseil sur ce qu'il devait faire, car la Pucelle voulait de suite le mener à Reims, et le couronner et faire roi. Et se mit le roi sus, et est en chemin et espère réduire Meung et Jargeau et, Beaugency. Dieu veuille y pourvoir aussi."
Cette chronique allemande, que l'on trouve dans le Tome IV de Quicherat, page 497, est surprenante de précision surtout au vu de la distance, mais elle prouve aussi que l'histoire de Jeanne a un retentissement au confins de l'Europe Occidentale. Si Dunois ne fixe pas de date précise, le chroniqueur Allemand lui situe la rencontre au 11 mai 1429, cependant il ne parle pas de Loches mais de Tours, dans cette version de Quicherat le chroniqueur semble soutenir qu'elle venait de Tours sans préciser la rencontre par la suite même si la logique voudrait que ça soit à Tours.
Le témoignage du Bâtard d'Orléans semble confirmer qu'il y a un désaccord avec des capitaines et conseillers du roi, puisque si on prends leur deux témoignages celui de Dunois et du chroniqueur Allemand, Jeanne va à plusieurs reprises tenter de convaincre Charles VII d'aller à Reims. La remarque d'Harcourt semble empreint d'une certaine méfiance lorsqu'il lui demande de dire comment ses voix se manifestent. Un autre point est la remarque du chroniqueur lorsque qu'il dit à propos de Charles VII "qu'il eût volontiers embrassée de la joie qu'il avait", ce qui tranche avec les témoignages d'un roi sombre et taciturne.
Au procès de réhabilitation, Maître Jean Barbin, Avocat :
Lors de son séjour à Loches, maître Jean Barbin, avocat au Parlement raconte : " un fait que je tiens de la bouche de maître Pierre de Versailles. Un jour où il se trouvait à Loches avec Jeanne, certaines gens, se jetant dans les jambes de son cheval, lui baisaient les pieds et les mains.
Maître Pierre dit à Jeanne: « Vous faites mal de souffrir telles choses. Cela ne vous est pas dû. Défendez-vous-en; car vous entraînez les hommes à l’idolâtrie »,
Jeanne répondit: « En vérité, je ne saurais m’en garder, si Dieu ne m’en gardait »
Bref, à mon sens, Jeanne était bonne catholique; et tout ce qu’elle a fait est de Dieu. "
La réponse de Jeanne est intelligente et montre une certaine dextérité avec un aplomb certain. Elle réponds en définitive que si Dieu n'empêche pas ces gestes d'idolâtries de la population, elle même ne peut l'empêcher, c'est totalement imparable.