L'Alimentation au Moyen Âge
L'alimentation au Moyen Âge était étroitement liée aux productions locales, sauf dans les milieux aisés et avec le développement des échanges commerciaux. Cette relation entre l'alimentation et la production locale était particulièrement évidente dans les campagnes, mais elle persistait également dans les villes à la fin du Moyen Âge. À l'époque médiévale, la nourriture revêtait une importance cruciale, car les famines étaient fréquentes et pouvaient être déclenchées par une mauvaise saison ou une guerre, mettant ainsi fin aux récoltes. Cette importance alimentaire a également engendré de profondes disparités sociales, créant un contraste marqué entre la table du seigneur et celle du paysan.
Banquet médiéval du comte de Dunois.
L'alimentation médiévale était principalement basée sur trois éléments clés : la viande, le pain, et les dérivés de pâtisserie. Cependant, pour la grande majorité de la population qui n'était pas noble, la cuisine médiévale se caractérisait souvent par son caractère économique, visant à maximiser l'utilisation des ressources disponibles.
La cuisine médiévale se distinguait par l'utilisation abondante d'épices, mais cette pratique n'était pas destinée à masquer la médiocrité des plats. Au contraire, le Moyen Âge témoigne d'une quête constante visant à maîtriser l'harmonie des épices, avec un nombre impressionnant de variétés. Certaines de ces épices, aujourd'hui oubliées, étaient très prisées à l'époque, comme le poivre long d'Insulinde. Cependant, il est essentiel de noter que les épices n'étaient pas accessibles à tous, constituant un critère de distinction sociale. Des épices plus courantes telles que le safran, la cannelle ou le gingembre étaient également appréciées par le peuple. Les médecins médiévaux attribuaient même des propriétés digestives aux épices, et leur origine lointaine apportait une dimension de rêve, associant l'Orient à une sorte de paradis.
En dépit de cette variété d'épices, la cuisine médiévale était relativement diététique, avec peu de matières grasses et l'absence de sucre, qui était davantage considéré comme une forme de médication que comme un ingrédient gustatif.
L'organisation des repas médiévaux reflétait également un souci diététique. Les grands festins commençaient par des salades assaisonnées ou des fruits frais pour stimuler l'appétit, suivis de potages ou de brouets. Les viandes rôties étaient accompagnées de diverses sauces, souvent épaissies avec de la mie de pain ou du jaune d'œuf, mais sans matière grasse. L'entremets, sorte de divertissement entre les plats, incluait des divertissements tels que des chansons de bardes, des jongleries et des plaisanteries de bouffons, ainsi que des plats insolites comme les "pâtés d'oiseaux vivants" pour surprendre les convives. La fin du repas était marquée par "la desserte," équivalant à notre dessert contemporain, suivi de "l'issue de table" composée de fromages, de fruits ou de gâteaux légers. Des vins légèrement sucrés accompagnaient parfaitement ces derniers plats pour clore le repas et faciliter la digestion.
Section 1.1 : Alimentation en Milieux Urbains
Dans les villes du Moyen Âge, comme Toulouse ou Paris, la consommation alimentaire dépendait en grande partie de la production agricole et de l'élevage de la région environnante. Les céréales, les poissons des viviers, des étangs, et les produits de l'élevage tels que la volaille et le porc constituaient l'essentiel de l'alimentation urbaine. Cependant, trois types de produits étaient importés de loin : le vin, le poisson de mer (en particulier le hareng séché ou salé), et le sel, à la fois condiment et moyen de conservation.
Section 1.2 : Les Défis de l'Alimentation Urbaine
Les citadins dépendaient fortement des marchés locaux pour leur alimentation quotidienne. Dans les cours et les familles aisées, la diversité alimentaire était plus grande, avec des présentations élaborées et l'utilisation d'épices. Des métiers tels que les saucissiers, les pâtissiers (fabricants de pâtés) et les rôtisseurs ont émergé pour répondre à la demande alimentaire croissante en ville.
Section 1.3 : Le Rôle des Épices
Les épices jouaient un rôle essentiel dans la cuisine médiévale, allant des condiments communs aux précieuses épices importées d'Orient. Elles servaient à rehausser les plats, à aromatiser le vin, à faciliter la digestion, et avaient des propriétés médicinales. Leur utilisation était un signe de luxe à la table.
Chapitre 2 : Contraintes Alimentaires et Pratiques Religieuses
Au Moyen Âge, l'alimentation était également influencée par des impératifs religieux, notamment l'abstinence pendant le carême et le temps de l'Avent, ce qui nécessitait une augmentation de la consommation de poisson.
Chapitre 3 : Évolution de l'Alimentation au Fil du Temps
Section 3.1 : Alimentation Paysanne
source : gallica.bnf.fr
L'alimentation du paysan médiéval était basée sur les céréales, les racines, les baies sauvages, les œufs et le fromage. La viande et le poisson étaient moins fréquents, bien que leur consommation ait augmenté aux XIIe et XIIIe siècles. Le pain constituait une grande partie de leur alimentation quotidienne, principalement à base de seigle, d'orge, de mil, ou de froment en fonction des régions et des époques.
Section 3.2 : Transformation de l'Alimentation en Ville
L'amélioration des transports commerciaux a permis l'accessibilité du hareng salé ou fumé aux régions éloignées de la mer. La production de froment a dépassé les besoins de la noblesse, et le pain de froment a gagné en popularité en ville. Cependant, les périodes de pénurie ont vu le retour du pain noir ou du pain de noix. Les bouillies étaient courantes, en particulier pour accommoder les céréales moins courantes et les légumineuses.
Section 3.3 : La Consommation de Viande
Contrairement aux idées reçues basées sur les descriptions des périodes de disette, la consommation de viande n'était pas aussi limitée. Les travailleurs salariés et les corvéables en campagne ainsi que les citadins bénéficiaient souvent d'une distribution quotidienne de viande et de poisson. En ville, la consommation de viande de boucherie a augmenté à partir du XIIIe siècle.
En résumé, l'alimentation au Moyen Âge était étroitement liée à la production locale, mais elle a évolué avec le temps, devenant plus diversifiée, notamment en ville. Les épices et les pratiques religieuses ont également influencé les choix alimentaires, tandis que la consommation de viande et de poisson était plus répandue que ce que l'on pourrait penser.
La Diététique Médiévale : Nourriture, Épices, et Boissons
Les Viandes Médiévales
- Noblesse vs Peuple
- Porc, charcuterie
- Gibiers réservés aux nobles
Au Moyen Âge, la consommation de viandes était fortement différenciée entre la noblesse et les couches populaires. Les nobles privilégiaient le porc et ses dérivés de charcuterie, ainsi que les gros gibiers comme le sanglier, le cerf et le chevreuil. Les oiseaux prestigieux, tels que les faisans, cygnes, aigles et paons, étaient réservés aux festins seigneuriaux. Les nobles se régalaient également de poulardes, oies, pintades, dindes et canards. En revanche, le petit peuple se contentait de gibiers plus modestes comme les lièvres, lapins et petits oiseaux. Les poules, vaches et moutons étaient moins couramment servis à table et étaient généralement destinés à produire des œufs, du lait et de la laine. La préparation des viandes impliquait diverses méthodes de cuisson, notamment la rôtisserie pour les nobles et la cuisson en sauce, en ragoût ou en pâté pour le peuple. Les épices d'Orient étaient largement utilisées pour parfumer et masquer le goût des viandes faisandées.
Les Poissons et les Épices
- Carême et remplacements
- Poissons frais, salés, fumés
- Escargots, grenouilles, écrevisses
- Épices rares et chères
les poissons occupaient une place importante dans l'alimentation, notamment pendant la période de carême lorsque la viande, les œufs et le beurre étaient interdits. On consommait des poissons frais tels que la carpe, l'anguille, la perche et le brochet, abondants dans les étangs des couvents et châteaux. Les nobles avaient le privilège de savourer des truites et des saumons conservés dans des viviers. Les poissons salés ou fumés, comme la morue, le maquereau et le hareng, étaient également courants, tout comme les escargots, les grenouilles et les écrevisses.
Les épices jouaient un rôle majeur dans la cuisine médiévale. Importées d'Orient, elles étaient rares et coûteuses en Europe, ce qui en faisait un signe distinctif de luxe. Les épices populaires à l'époque comprenaient le gingembre, la cardamome, la cannelle, le poivre, les clous de girofle, la muscade, le cumin, les amandes, le sucre et le safran. En plus des épices exotiques, on utilisait également des herbes locales telles que les feuilles de laurier, les oignons, la ciboulette et l'ail pour parfumer les plats. Les épices étaient considérées non seulement comme des ingrédients pour améliorer la saveur des plats, mais aussi pour leurs prétendues vertus thérapeutiques, selon les croyances de l'époque.
Les Sauces Médiévales
- Froides et chaudes
- À base de vinaigre ou verjus
- Épaissies avec pain ou jaune d'œuf
Les sauces médiévales étaient un élément essentiel de la cuisine de l'époque, ajoutant saveur et complexité aux plats. Elles se divisaient en deux catégories principales :
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Sauces Acides et Aigres : Pendant les mois d'été, on servait des sauces froides à base de vinaigre ou de verjus, un jus aigre obtenu à partir de raisins verts. Ces sauces étaient agrémentées de fines herbes hachées telles que la sarriette, la menthe et la ciboulette. Elles étaient idéales pour accompagner les plats de viande par temps chaud.
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Sauces Chaudes Épaissies : En hiver, les sauces chaudes étaient préférées. Elles étaient épaissies avec du pain, du jaune d'œuf ou des foies de volailles. Ces sauces épaisses étaient servies avec les venaisons et les viandes. Elles ajoutaient une dimension chaleureuse et riche aux plats médiévaux.
Les sauces médiévales étaient élaborées avec des ingrédients locaux tels que le vin, le vinaigre, les herbes aromatiques et les épices. Ces sauces étaient soigneusement préparées pour rehausser la saveur des viandes et des poissons. L'utilisation habile des sauces était considérée comme un art culinaire à part entière à l'époque médiévale, et elles contribuaient à la diversité et à la sophistication de la cuisine de cette période.
Les Desserts et Douceurs
- Tartes, rissoles, pain perdu
- Dragées, fruits secs, fruits confits
- Épices de chambre
Les desserts et douceurs de l'époque médiévale offraient une fin sucrée et parfumée aux repas. Voici un résumé de ces délices :
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Tartes et Rissoles : Les tartes au flan et les rissoles aux fruits secs et au miel étaient appréciées en fin de repas. Ces friandises sucrées ajoutaient une touche sucrée et gourmande à la table médiévale.
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Pain Perdu : Le pain perdu était une manière ingénieuse de réutiliser le pain rassis. Il était trempé dans du lait, des œufs et du sucre, puis frit jusqu'à obtenir une texture dorée et croustillante.
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Riz "Engoulé" : Le riz "engoulé" était un plat à base de riz, d'amandes et de miel, parfumé à la fleur d'oranger. C'était une option sucrée et exquise.
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Blancs-Mangers : Les blancs-mangers étaient des desserts colorés et parfumés à la fleur d'oranger. Ils étaient souvent servis sous forme de gelées ou de crèmes.
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Dragées et Fruits Secs : Les dragées étaient faites de grains de coriandre ou de genièvre, tandis que les fruits secs, tels que les pignons de pin, les pistaches, les amandes, les noix et les noisettes, étaient enrobés de sucre ou pilés et mélangés avec du miel.
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Fruits Confits : Certains fruits étaient cuits dans du vin ou du sirop pour en intensifier la saveur et la douceur.
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Massepains : Les massepains parfumés à la rose étaient appréciés pour leur douceur et leur texture délicate.
Ces douceurs médiévales étaient souvent dégustées lors de repas festifs et constituaient un véritable plaisir pour le palais à la fin d'un festin. Elles reflétaient le goût sucré de l'époque, qui était parfois considéré comme un luxe rare venu des croisades.
Le Pain Quotidien du Paysan
- Évolution des farines
- Rôle du pain dans la nourriture paysanne
Le pain était une pierre angulaire de l'alimentation paysanne médiévale. Voici un résumé de l'importance du pain pour le quotidien du paysan à cette époque :
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Base de l'alimentation : Le pain, aux côtés des fromages, des racines et des fruits, constituait la base de l'alimentation du paysan médiéval. Il était une source essentielle de glucides et de calories pour son régime alimentaire.
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Diversité de pains : Les paysans fabriquaient différentes variétés de pain, allant des grosses miches rondes aux couronnes en passant par les petits pains individuels. La fabrication du pain était une compétence essentielle pour les boulangers et les ménagères de l'époque.
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Évolution des ingrédients : Au début du Moyen Âge, le pain était principalement fabriqué à partir de farines de seigle, d'avoine ou d'orge en raison de leur rentabilité. Cependant, au XIIe siècle, la farine de froment (blé), plus digeste, est redevenue populaire.
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Utilisation polyvalente : Outre son rôle alimentaire, le pain avait des usages variés. Les tranches épaisses appelées "tranchoirs" servaient d'assiettes ou de supports aux viandes en sauce. Les pains "ratés" étaient parfois vendus sur les marchés pour être utilisés comme liants de sauce.
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Partage et générosité : À la fin des repas, les tranchoirs ou les pains non consommés étaient souvent partagés avec les pauvres ou donnés aux chiens, témoignant de l'esprit de partage et de générosité de l'époque.
Le pain était bien plus qu'un simple aliment pour les paysans médiévaux ; il représentait un pilier essentiel de leur alimentation et de leur mode de vie.
Les Fruits et Légumes Médiévaux
- Disponibilité selon région et saison
- Racines, féculents, légumes verts
- Utilisation des herbes fines
Les fruits et légumes médiévaux étaient essentiels à l'alimentation de l'époque. Voici un résumé de leur rôle et de leurs caractéristiques :
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Variété restreinte : Les fruits et légumes consommés au Moyen Âge étaient principalement ceux de la région et de la saison en raison des contraintes de conservation et de transport. Les fruits exotiques, tels que les dattes, figues, oranges, citrons, étaient introduits par les croisés et poussaient principalement dans les régions chaudes.
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Fruits populaires : Parmi les fruits populaires figuraient les pommes, prunes, raisins, poires, ainsi que les fraises, framboises et mûres cueillies en forêt. Ces fruits étaient récoltés dans les jardins ou à l'état sauvage.
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Légumes essentiellement racines : Les légumes médiévaux étaient principalement des racines, bien loin des variétés modernes. Par exemple, la carotte médiévale était blanchâtre et tordue, bien éloignée de la carotte orange que nous connaissons aujourd'hui. Les légumes étaient classés en trois catégories principales : racines, féculents et légumes verts.
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Héritage des croisades : Les croisades ont introduit certains fruits et légumes exotiques en Europe, élargissant ainsi la diversité alimentaire. Les croisades ont également influencé l'utilisation d'épices et d'autres ingrédients dans la cuisine médiévale.
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Utilisation polyvalente : Les fruits et légumes étaient utilisés de diverses manières, que ce soit dans des plats salés ou sucrés. Par exemple, les légumes étaient souvent préparés en bouillies ou en accompagnement de viandes, tandis que les fruits étaient utilisés dans des tartes, des rissoles, ou en confiseries.
Bien que les fruits et légumes médiévaux présentaient une diversité limitée par rapport à aujourd'hui, ils jouaient un rôle essentiel dans l'alimentation de l'époque et reflétaient les ressources disponibles localement et saisonnières.
Boissons et Breuvages
- Vin comme boisson principale
- Vin blanc vs vin rouge
- Bière, cidre, breuvages aux herbes et épices
Les boissons et breuvages médiévaux étaient une partie essentielle de l'alimentation de l'époque. Voici un résumé de leurs caractéristiques :
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Vin prédominant : Le vin était la boisson principale du Moyen Âge. Il était préféré à l'eau, souvent considérée comme contaminée. Au XIe siècle, le vin blanc était populaire, mais à partir du XIIe siècle, le vin rouge gagnait en préférence, en particulier dans les régions du sud de l'Europe. Le vin médiéval était acide et souvent dilué avec de l'eau ou agrémenté d'épices, de miel ou d'herbes pour améliorer son goût.
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Bière et cidre : En plus du vin, la bière (cervoise) et le cidre étaient également appréciés, en fonction des régions. Ces boissons étaient considérées aussi précieuses que les bourgognes rouges et blancs.
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Breuvages aux herbes et aux épices : Pour faciliter la digestion, divers breuvages aux herbes et aux épices étaient servis. Parmi eux, on trouvait le vin d'anis, d'absinthe, de romarin, de sauge, ainsi que l'hypocras et le clairet.
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Piquette : La "piquette" était une boisson courante, fabriquée à partir de raisin, d'eau et de sucre.
Les boissons médiévales jouaient un rôle crucial dans l'accompagnement des repas et étaient adaptées aux préférences locales et aux ressources disponibles. Elles témoignent de l'importance culturelle et sociale attachée à la consommation de boissons à cette époque.
source : Dictionnaire de la France Médiévale de Jean Favier, Université de Nancy