Alchimie

Au Moyen Âge, cette époque était désignée sous le terme Alchimie  Elle était marquée par l'étude des phénomènes naturels, la fabrication de remèdes, ainsi que la quête de recettes, qu'elles soient simples ou dotées d'un caractère plus mystérieux. Des érudits de renom, tels que Albert le Grand, Beauvais Arnaud de Villeneuve, ou encore Roger Bacon, succédant aux philosophes grecs, égyptiens et arabes, se penchaient sur la compréhension des structures fondamentales de la nature et la possibilité de transformer les éléments naturels. Leur idée semblait reposer sur la notion antique d'unité et d'universalité de la matière.

alchimie alchimiste

Les sources d'inspiration incluaient également la théorie aristotélicienne des quatre éléments : en considérant que tout corps était composé de terre, d'eau, d'air et de feu, il suffisait de modifier leur combinaison pour altérer la nature d'une substance. Ces connaissances étaient diffusées grâce aux traités arabes, notamment depuis l'Espagne, où en 1144, la traduction en latin de l'ouvrage alchimique de Morienus avait eu lieu.

Malgré les réticences exprimées par certains théologiens, qui considéraient que la matière ne pouvait être modifiée, étant une part essentielle de la Création, les philosophes, voire certains théologiens, s'intéressaient à l'alchimie. Albert le Grand croyait possible de créer des métaux artificiels presque identiques aux métaux naturels. Pour Vincent de Beauvais, au milieu du XIIIe siècle, tous les métaux résultaient d'une réaction entre le mercure et le soufre au cœur de la Terre, une réaction qu'il était donc envisageable de reproduire. Peu après, un esprit scientifique lucide, comme Roger Bacon, continuait à explorer ces idées.

Bacon était convaincu de la possibilité de la transmutation, même s'il n'avait pas encore tracé le chemin pour y parvenir. En ce qui concerne Thomas d'Aquin, bien que l'alchimie ne l'attirait pas particulièrement, il la considérait comme un art exigeant et raisonné. À la fin du même siècle, le médecin catalan Arnaud de Villeneuve rassembla dans un seul ouvrage, intitulé le "Rosaire", deux domaines apparemment distincts : la médecine, axée sur l'étude des organismes vivants, et l'alchimie, consacrée à la réflexion sur les matières inanimées.

Ces travaux constituèrent le fondement des compilations élaborées par les alchimistes à la fin du Moyen Âge, à l'exemple du moine catalan Guillaume Sedacer, qui se préoccupa souvent de la pierre philosophale et d'astuces pour transformer les métaux communs en argent ou en or (comme dans son "Liber alterquinus"). C'est à cette époque que fit son apparition la pratique des formules cabalistiques et l'utilisation d'un langage crypté, réservés aux initiés afin de préserver les secrets de la science.

De nombreux médecins, tels que le médecin de Charles V, Thomas de Pisan (le père de Christine de Pisan), et le Parisien Nicolas Flamel, se consacraient à l'alchimie, en plus de l'astrologie. Pour eux, ces disciplines étaient fondamentales pour comprendre l'univers et constituaient une recherche indispensable à leur art. Cette forme d'alchimie était principalement d'ordre philosophique.

La quête de la pierre philosophale, réputée capable de transmuter un métal vulgaire en or pur, ne constituait qu'un parmi plusieurs domaines d'application matérielle de l'alchimie médiévale. Cependant, cette recherche avait déjà débuté au IXe siècle à Bagdad. Il convient de noter qu'au XIe siècle, Avicenne avait démontré l'impossibilité d'une telle transmutation. Malgré cela, l'importance de cette quête s'accrut à la fin du Moyen Âge, lorsque l'approvisionnement en métaux précieux en Europe se révéla insuffisant pour soutenir l'économie, et que les efforts pour accéder à l'or africain du Soudan se multiplièrent.

Au XIVe et XVe siècles, de nombreux imposteurs prétendaient être des praticiens de l'alchimie, ce qui conduisit souvent les autorités civiles et religieuses à prendre des mesures sévères à leur encontre. Jean XXII alla même jusqu'à publier une décrétale pour les condamner. Toutefois, les tentatives de l'ordre dominicain pour excommunier les frères impliqués dans l'alchimie en 1323 se révélèrent vaines. De plus, des écrits apocryphes, attribués à de grands philosophes, d'Albert le Grand à Raymond Lulle, continuèrent à circuler de manière surprenante jusqu'à l'époque moderne. 

 

source : Dictionnaire de la France Médiévale de Jean Favier