Robert de Baudricourt
Robert de Baudricourt était lorrain par son père Liébault, chambellan du duc de Bar et gouverneur de Pont-à-Mousson, et champenois par sa mère Marguerite d'Aulnoy ( ou Aulnay ). Il avait succédé, probablement entre 1415 et 1420, à un de ses oncles maternels comme gouverneur de Vaucouleurs et bailli de Chaumont.(1)
Lors de la guerre de Cent-Ans il se révéla être un capitaine fidèle à Charles VII, à l'instar de Guillaume de Flavy qui combat âprement les anglais à quelques dizaines de Km et que l'on retrouvera à Compiègne. Robert va mener avec une certaine adresse une forme de guérilla pendant des années, entre 1420 et 1428, contre les troupes Anglo-Bourguignonnes qui vont prendre Vaucouleurs en 1428, mais ce dernier avec ruse réussi à signer une trêve avec Antoine de Vergy. Le Barrois était alors fortement malmené par les divers écorcheurs et troupes à la solde Anglo-Bourguignonnes sans jamais cependant les contrôler totalement.
Il fit une alliance de circonstance avec Robert de Sarrebrück avec qui il semble entretenir à la fois des liens économiques mais aussi stratégiques et militaires alors qu'ils ne sont pas totalement dans la même mouvance mais dont les intérêts sont proches.
Il entre pleinement dans l'histoire nationale avec Jeanne d'Arc lorsqu'il l'autorise à partir de Vaucouleurs afin de rencontrer le roi à Chinon, afin de s'assurer de la réussite de la mission il lui adjoint au moins deux de ses hommes : Jean de Metz, écuyer et homme de confiance de Baudricourt et Bertrand de Poulengy, écuyer.
Son fils Jean de Baudricourt deviendra Maréchal de France et un proche conseiller du roi de France.
Robert de Baudricourt, selon une vue d'artiste sur des cartes Chromo Poulain, vers 1910.
Il est donc le fils de Liébaud de Baudricourt, chevalier et chambellan du roi ainsi que le petit-fils de Jean de Baudricourt, écuyer, et de Marguerite d'Aulnay, dame de Blaise, elle même petite-fille de Philippe d'Aunay (v. 1290/93-1314), impliqué dans le scandale de la Tour de Nesle, amant de Marguerite de Bourgogne.
Il serait né à la fin du XIVe siècle mais sa date de naissance exacte est inconnue, il fut un fidèle de la couronne de France jusqu'à son décès, en 1454. Il semble qu'avant sa rencontre avec Jeanne d'Arc, il fut en contact régulier avec le dauphin Charles selon Olivier de Bouzy, même si pour ce dernier ce n'était pas à cette époque d'un intérêt vital mais que cela entrait dans des actions politiques afin de réduire la puissance des Bourguignons et des Anglais dans le Barrois.
Il se mariera trois fois, dont il aurait sept enfants, le plus connu de ses enfants est Jean de Baudricourt, qui devient seigneur de Choiseul (vers 1433/1435-1499) et seigneur du château de Vignory.
Néanmoins c'est sa petite-fille Catherine de St-Belin, morte en 1501, fille de Marguerite de Baudricourt et de Geoffroy de Saint-Belin, ce dernier aurait un des compagnons de Jeanne d'Arc en 1430, mariée à Jean (IV) de Chaumont d'Amboise, d'où postérité, qui finira par recevoir la majorité de son héritage.
1420, premier fait d'armes
Robert de Baudricourt va se faire connaître en 1420 lors d'une action assez culottée et risquée, en s'attaquant notamment à un groupe armée d'une ambassade du duc de Bourgogne. Cette action, qui même à l'époque est considéré comme une traitrise et hors du champ des relations diplomatiques, démontre assez bien que Baudricourt est un fidèle de Charles VII et semble enclin à réaliser des coups de mains dont l'objectif est poltique mais aussi probablement pécunier puisqu'il obtient avec son compère le paiement d'une rançon afin de les libérer.
Il a donc un sens politique probablement plus avancé que l'on pourrait supposer au premier abord.
1420, les premiers jours de mai, Robert de Sarrebrück, damoiseau de Commercy, comte de Roucy et de Braine est un des grands féodaux de la frontière champenoise et Robert de Baudricourt enlevèrent sur la route de Verdun une ambassade du duc de Bourgogne conduite par Gauthier de Ruppes. Cette affaire fit grand bruit, notamment après l'infame traité de Troyes et seulement quelques mois après l'assassinat du duc de Bourgogne Jean sans Peur sur le pont de Montereau. Cet acte est qualifié par les anglo-bourguignons comme du brigandage mais avait en réalité une action politique d'envergure dans la région selon Valérie Toureille :
"L’opération elle-même ne manquait pas de hardiesse, car la troupe capturée était nombreuse et bien armée. Elle supposait une organisation minutieuse, y compris dans la collecte des renseignements. Dès lors, les auteurs qui ont voulu voir dans ce geste un vulgaire acte de banditisme se sont mépris car l’action cachait une ambition politique majeure : mettre fin au processus de rapprochement engagé entre le Barrois et la Bourgogne. Pour le duc de Bourgogne, le moment était propice à ce rapprochement. Avec la disparition de l’influence orléanaise, qui maintenait un statu quo dans l’espace lorrain, le duché de Bar pouvait devenir un allié précieux. La qualité de ses ambassadeurs prouve que Philippe le Bon avait soigné les formes. De son côté, le cardinal Louis, isolé dans un espace entièrement acquis à la cause bourguignonne, était prêt à rallier son camp. L’embuscade mit un terme définitif à cette esquisse d’alliance. Le Barrois, considéré dès lors comme une terre ennemie, fut bientôt menacé par les troupes anglaises".
Gauthier de Ruppes ou de Bauffremont est sire de Ruppes, de Soye, Châteauvillars, et de Fedey-sur-Saône. Ce chevalier banneret, joua un grand rôle dans les affaires de la Bourgogne. Il servit le duc de Bourgogne contre les Liégeois et le parti d’Orléans. Il fut nommé chef de l’armée bourguignonne devant Paris et fit partie d’une ambassade à Rome en 1422. Le pape le chargea d’une mission de conciliation entre le Dauphin et les Anglo-Bourguignons. Il se trouvait à la bataille d’Anthon et mourut peu après. Il avait épousé Anne de Furstemberg. Il était l'un des capitaines du duc de Bourgogne, et l’un de ses chambellans. Son père, qui portait le même prénom, avait déjà combattu aux côtés de Jean sans Peur à Nicopolis (1396) . Le 12 avril 1420, Philippe le Bon avait explicitement envoyé cet homme de confiance depuis Troyes à Verdun « pour aucunes choses secrettez tres grandement touchans les affaires de ce royaulme et de mondit seigneur » (3)Toureille Valérie, source du paragraphe.
Toujours la même année, en mai, les Anglo-Bourguignons tentent de prendre Vaucouleurs, il semble que ce ne fut pas le cas, puisque une trêve fut conclu le 25 juin entre le cardinal de Bar et et son « très chier sire et cousin le duc de Bourgoigne » (3)
La situation va rester tendue jusqu'en 1428.
1421, Pierre de Luxembourg, fait une incursion miltaire dans le Barrois et prend deux forteresses à côté de Gondrecourt.
1423, Vaucouleurs est régulièrement menacée et les razzias des différentes troupes ennemies pillent sans vergogne les villages alentours. Domremy et Greux sont contraints, et quasi forcé, de payer leur sécurité à Robert de Sarrebrück (3), probablement avec laval de Baudricourt avec qui il garde une certaine proximité politique et militaire.
1424, les terres de Robert sont confisquées par le Duc de Bedford dont le bailliage de Chaumont qui sont données à Jean de Vergy, seigneur de Saint-Dizier, mais assi la forteresse de Blaise à côté de Vignory.
1424 à 1425, les seigneurs de Vergy vont tenter de prendre Vaucouleurs, Robert de Baudricourt ne s'en laissera pas compter et fit des contre-attaques dans les terres de Vergy, optant plutôt pour la technique de guérillas, comme Duguesclin en son temps, que des affrontements directs à l'issue incertaine.
"Robert de Baudricourt et ses hommes firent main basse sur tout ce qu’on put prendre, pain, vin, argent, vaisselle, vêtements, bétail. Et on brûla ce que l’on ne pouvait emporter Presque tous les moulins du Bassigny furent ainsi détruits." citation source (3)
1426, brève trêve entre le capitaine de Vaucouleurs et Jean de Toulongeon, maréchal de Bourgogne (3)
1428 prise de Vaucouleurs
1428, Antoine de Vergy fait lever une taxe sur les diocèses de Troyes et de Langres afin de prendre la forteresse de Vaucouleurs, preuve que Robert de Baudricourt est devenu un ennemi difficile à déloger pour les Bouguignons.
Avec plus d'un milliers d'homme, il prend la ville de Vaucouleurs assiégée, la ville capitule fin juillet 1428. Néanmoins il semble que Robert Baudricourt reste capitaine de la ville en signant avec ruse une trêve. C'est entre mai 1428 et début 1429 que Jeanne d'Arc va rencontrer le capitaine de Baudricourt, on est donc dans un contexte particuliers puisqu'il est contraint en théorie de respecter la trêve tout en gardant adroitement des contacts avec Charles VII, sur ce point Robert de Baudricourt semble avoir une certaine adresse politique et diplomatique.
1431, le 2 juillet
Il connaitra quelques faits d'armes aux côtés de René d'Anjou notamment à la bataille de Bulgnéville le 2 juillet 1431. Il est contraint de s'enfuir du du champ de bataille afin de ne pas être capturé par les Anglo-Bourguignons, cette fuite eut un certain effet sur sa réputation, à l'époque fuir un combat pour éviter sa capture n'était pas considéré comme un acte chevaleresque mais plutôt d'une forme de lâcheté.
Robert de Baudricourt et Jeanne d'Arc
1428 à 1429
Il est connu aujourd'hui pour avoir été le capitaine de Vaucouleurs et avoir laissé, en partie financé, Jeanne d'Arc partir à la rencontre du roi à Chinon. En effet après un an d'hésitation, Robert de Baudricourt laisse partir Jeanne, avec une lettre de sauf-conduit, en lui disant : « Va... va et advienne que pourra. » (2),
Robert de Baudricourt et Jacques d'Arc
Il est dificile de connaître aujourd'hui les liens exacts entre le père de Jeanne et le capitaine de Vaucouleurs, néanmoins ont sait qu'ils se connaissent au moins à partir de 1427 et très probablement avant puisqu'on retrouve en 1423 un acte le qualifiant de doyen de Domremy, en 1427, il est considéré comme procureur fondé des habitants de Domremy lors d'un procès entre les habitants et le capitaine.
"Deux actes dont nous nous proposons de publier intégralement le texte prouvent avec évidence que Jacques d’Arc figurait au premier rang des notables de Domremy ; dans le premier, daté de Maxey-sur-Meuse le 7 octobre 1423, il est qualifié doyen de ce village et vient à ce titre immédiatement après le maire et l’échevin ; dans le second, rédigé à Vaucouleurs le 31 mars 1427, il est le procureur fondé des habitans de Domremy dans un procès de grande importance qu’ils avaient alors à soutenir par devant Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs. Ces deux pièces, la dernière surtout, offrent un intérêt sur lequel il serait superflu d’insister ; elles n’établissent pas seulement la situation relativement élevée qu’occupait la famille d’Arc à Domremy ; elles montrent en outre que le père de Jeanne, investi officiellement de la procuration des habitans de ce village, était entré en relations directes et personnelles avec le capitaine de Vaucouleurs dès 1427." source du texte : 6
Le premier contact vers le 13 mai 1428 avec Robert Baudricourt tourna court assez rapidement
Le capitaine de la place la renvoyant manu militari vers son père. On peut évidemment s'étonner qu'elle ait pu l'approcher, mais c'est oublier cependant son cousin Durant Laxart** , dont on parle rarement, qui est un personnage important de la réussite de Jeanne à convaincre le capitaine de Vaucouleurs de lui laisser un sauf-conduit et une lettre de recommandation. Par ailleurs le capitaine de Vaucouleurs est tenu d'administrer ses sujets, il ne peut donc sauf raison valable refuser une rencontre avec Jeanne . C'est un peu comme si le maire d'un village refusait de rencontrer un citoyen, il est normalement tenu de la recevoir, surtout que Jacques d'Arc ,son père, n'est pas un inconnu dans les environs. Par ailleurs on constate que Jacques d'Arc connait personnellement le capitaine de Vaucouleurs.
On peut se référer au témoignage, dans le procès de réhabilitation , de Bertrand de Poulengy, écuyer du roi , qui est un témoin visuel et auditif de la première rencontre avec Robert de Baudricourt :
"Jeanne vint à Vaucouleurs vers la fête de l'Ascension de Notre-Seigneur. Je la vis parler au capitaine Robert de Baudricourt. Elle lui disait: « Je suis venu à vous de la part de mon Seigneur, pour que vous mandiez au dauphin de se bien tenir et de ne pas cesser la guerre contre ses ennemis. Avant la mi-carême le Seigneur lui donnera secours. De fait, le royaume n'appartient pas au dauphin, mais à mon Seigneur. Mais mon Seigneur veut que le dauphin soit fait roi et ait le royaume en commande. Malgré ses ennemis le dauphin sera fait roi, et c'est moi qui le mènerai au sacre. » Robert lui dit « Quel est ton Seigneur? » Et elle dit: « Le roi du Ciel ! ».
Après cette entrevue, Jeanne s'en retourna au logis de son père, avec son cousin Durand Laxart, de Burey-le-Petit." ( il s'agit probablement du village de Burey en Vaux situé à quelques Km de Domrémy, sans certitude cependant )
Durand Laxart semble connaître Robert de Baudricourt. Il est d'ailleurs fortement convaincu de la mission de Jeanne et doit avoir pour elle une réelle affection, car sinon comment expliquer qu'il ait financé lui même les différents voyages?
Deuxième rencontre en 1428, probablement avant la prise de Vaucouleurs par Antoine de Vergy
Ce n'est pas l'unique rencontre de Jeanne et Baudricourt dans cette année 1428, puisque le témoignage visuel de Catherine, femme de Henri le Roger Charon à Vaucouleurs, en fait état dans le procès de réhabilitation :
"Jeanne a demeuré environ trois semaines dans notre logis. En plusieurs fois, elle fit parler ai sire Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, pour qu'il la menât où était le dauphin. Sire Robert refusa, un jour, j'aperçus le capitaine Robert qui venait chez nous en compagnie de messire Jean Fournier, notre curé. Ils virent Jeanne à part. Ensuite j'interrogeai Jeanne et elle me raconta ce qui s'était passé. Le curé avait apporté son étole; et, en présence du capitaine, il l'avait adjurée, disant: « Si tu es chose mauvaise, va-t'en; si tu es chose bonne, approche. » Pour lors Jeanne se traîna vers le prêtre et resta à ses genoux. Toutefois elle disait que le curé n'avait pas bien fait, vu qu'il la connaissait, l'ayant ouïe en confession.
Comme Robert n'était pas disposé à la conduire au roi, Jeanne me dit: « Bon gré, mal gré, il faut que j'aille trouver le dauphin. Ne savez-vous pas la prophétie qui dit que la France sera perdue par une femme et sera relevée par une pucelle des marches de Lorraine? » Je me rappelai cette prophétie et demeurai stupéfaite. Le désir de Jeannette était bien fort; le temps lui pesait comme à une femme enceinte, parce qu'on ne la menait pas vers le dauphin. Depuis lors, beaucoup d'autres et moi eûmes foi en elle. "
La ferveur et la persuasion de Jeanne, Catherine l'exprime assez bien quand elle dit : "Le désir de Jeannette était bien fort; le temps lui pesait comme à une femme enceinte, parce qu'on ne la menait pas vers le dauphin. Depuis lors, beaucoup d'autres et moi eûmes foi en elle. "
Ce qui peut paraître aujourd'hui surprenant sur l'audition de Jeanne par Robert de Baudricourt ne l'est pas vraiment en réalité, Jeanne est tenace et semble convaincue de sa mission. On peut remarquer aussi que le curé Jean Fournier en question ne semble pas encore convaincu et Jeanne n'est pas particulièrement en confiance avec lui, ce qui explique probablement en partie les assourdissants silences du curé de Domrémy notamment après la capture de Jeanne.
Dernière rencontre avec le capitaine de Vaucouleurs quelques jours probablement avant son départ le 13 février 1429.
La dernière rencontre avec Baudricourt, Jeannette lui dira :
« Au nom de Dieu, vous tardez trop à m'envoyer, car, aujourd'hui, le gentil Dauphin a eu, assez près d'Orléans, un bien grand dommage, et serat-il encore menacé de l'avoir plus grand si vous ne m'envoyez bientôt vers lui (5). »
L'équipe qui suivra Jeanne jusqu'à Chinon :
Jean de Metz, écuyer et homme de confiance de Baudricourt et son servant Jean de Honnecourt
Bertrand de Poulengy, écuyer, et son servant Julien
Jean de Hannecourt
Colet de Vienne, messager de Charles VII
Richard, un archer
sources : (1) Jeanne à Chinon et Robert de Rouvres (2) Olivier Bouzy, « De Vaucouleurs à Blois : l'entrée en scène de Jeanne d'Arc », dans Contamine, Bouzy et Hélary 2012, p. 103-106, (3)Toureille Valérie, « Deux Armagnacs aux confins du royaume : Robert de Sarrebrück et Robert de Baudricourt », Revue du Nord, 2013/4 (n° 402), p. 977-1001. DOI : 10.3917/rdn.402.0977. URL : https://www.cairn.info/revue-du-nord-2013-4-page-977.htm, (4) Ch.-É. Dumont, Histoire de la ville et des seigneurs, Bar-le-Duc, Rollin, 1843, t. 1, p. 209., (5) Olivier de Bouzy, (6) Revue des Deux Mondes tome 69, 1885, Siméon Luce