Les Saintes Ampoules

L'ampoule sacrée de Reims, également connue sous le nom de "La Sainte Ampoule", a une origine légendaire et est un récipient liturgique renfermant du baume utilisé lors du sacre des rois, mais curieusement pas des reines. À partir du Xe siècle, la tradition rapporte que cette ampoule contient de l'huile sacrée apportée lors du baptême de Clovis par une colombe ou un ange, une tradition déjà documentée à la fin du IXe siècle. Cette légende, qui trouve ses racines à Reims et est rapportée par Hincmar, s'inspire également de l'iconographie du baptême du Christ, où une colombe portant une fiole d'huile baptismale est souvent représentée.

Sainte Ampoule

La Sainte Ampoule de Reims semble avoir été utilisée à partir du sacre de Louis VIII. À chaque sacre royal, elle est transportée en procession de l'Abbaye de Saint-Remi à la cathédrale de Reims. Une petite quantité du baume est prélevée à l'aide d'une aiguille en or, puis mélangée avec du saint chrême consacré par l'archevêque le Jeudi Saint précédent. Ce mélange est ensuite utilisé pour les onctions lors du sacre.

cathedrale de reims

L'ampoule est considérée comme inépuisable en raison de son infime prélèvement, ce qui renforce la croyance en son origine divine. Cette croyance contribue à sacraliser la royauté capétienne, en la présentant comme étant directement liée à une intervention divine plutôt qu'à l'Église.

Les partisans de Charles VII, par exemple, ont utilisé l'absence de la Sainte Ampoule pour contester la validité sacramentelle du sacre de Henri VI à Notre-Dame de Paris en 1431.

Une seconde ampoule ?

Une seconde ampoule sacrée, préservée à Marmoutier, renferme le baume qui aurait été apporté par un ange ou la Vierge à saint Martin. Cette ampoule a été utilisée lors du sacre de Henri IV à Chartres en 1594. En 1483, les deux ampoules sacrées ont été apportées au chevet de Louis XI mourant.

Destruction révolutionnaire

Pendant la Révolution Française, une grande partie du contenu du reliquaire original ainsi que du baume associé subirent des dommages considérables sous l'impulsion du conventionnel Rühl, lors d'un événement mémorable en octobre 1793. Cet acte, perpétré au pied de la statue de Louis XV sur la place Royale de Reims, revêtait une signification hautement symbolique, exprimant une opposition farouche envers la royauté.

Plus tard, Louis XVIII envisagea de se faire couronner à Reims, mais en raison de sa santé chancelante, de l'occupation étrangère et des problèmes financiers du royaume, ce projet fut finalement abandonné.

Concernant la Sainte Ampoule, sa disparition totale ne fut pas avérée après les actes de Rühl. Il semblerait que des fragments aient été préservés par des témoins de l'événement et mis en sécurité dans la cathédrale de Reims. Une autre hypothèse suggère que le curé constitutionnel Jules-Armand Seraine et un officier municipal nommé Philippe Hourelle auraient récupéré une partie du contenu de la Sainte Ampoule et l'auraient caché. Louis Champagne Prévoteau aurait également conservé deux fragments de verre de l'ampoule, portant encore des résidus du précieux baume.

En 1819, afin de préserver ces reliques, un coffret reliquaire spécialement conçu à cet effet fut commandé à l'orfèvre royal Jean-Charles Cahier par l'archevêque de Reims, Jean-Charles de Coucy. Ce coffret fut achevé en 1820 et est toujours conservé au palais du Tau, abritant la petite fiole en cristal de roche. Cependant, il convient de noter que cette fiole ne contient plus aujourd'hui le Saint Chrême, qui fut transféré en 1906 dans un petit flacon par le cardinal Luçon.

Un fait intéressant à souligner est que le baume de la Sainte Ampoule ne fut réutilisé qu'une seule fois depuis le sacre de Charles X, lors de la consécration de l'autel de la cathédrale de Reims en 1937, suite à sa restauration après les ravages de la Grande Guerre.

 

 

 source : Dictionnaire de la France Médiévale de Jean Favier, Palais du Tau