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- Catégorie : Charente-Maritime - 17
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Château des Égreteaux
Le château des Égreteaux, à Pons en Charente-Maritime, est l’un des exemples les plus spectaculaires de reconstitution patrimoniale du XIXᵉ siècle en France. Installé au cœur d’un vaste parc, ce château singulier doit son existence à un pari audacieux : démonter un édifice Renaissance, le château d’Usson, pierre par pierre pour le faire renaître à un autre endroit, sous une forme recomposée mais fidèle à son esprit d’origine.
Un projet visionnaire porté par William Augereau
L’histoire des Égreteaux s’écrit d’abord au nom d’un homme, William Augereau, ingénieur et maire de Jarnac-Champagne, passionné par l’architecture et la sauvegarde des monuments. Le 13 décembre 1879, il acquiert les vestiges très délabrés du château d’Usson, alors en ruine sur la commune d’Échebrune, et décide non pas de les restaurer sur place, mais de les transporter jusqu’à son domaine des Égreteaux à Pons.
Pour mener à bien cette entreprise hors norme, Augereau fait démonter l’édifice pierre à pierre, chaque élément étant soigneusement numéroté, puis conçoit des wagons spéciaux afin d’acheminer les blocs via une voie ferrée locale. Le chantier, étalé sur plusieurs années, aboutit en 1886 à l’achèvement du nouveau château, permettant à son propriétaire de revendiquer le sauvetage d’un témoignage majeur de la Renaissance saintongeaise.
Aux origines : le château d’Usson, joyau Renaissance
Les pierres réemployées aux Égreteaux proviennent du château d’Usson, bâti entre 1536 et 1548 sous François Ier par Jean de Rabaine, gentilhomme calviniste influent dans la région. Ce premier château illustrait l’implantation du style Renaissance en Saintonge, en écho aux grands modèles royaux et seigneuriaux du temps, notamment ceux liés à Galiot de Genouillac, bâtisseur du château d’Assier et parent par alliance des Rabaine.
Au XVIIIᵉ siècle, le domaine d’Usson est vendu alors qu’il est déjà en mauvais état, avant de subir une destruction partielle en 1861 qui ne laisse subsister que des fragments de l’édifice originel. C’est sur ces vestiges mutilés qu’Augereau met la main à la fin du XIXᵉ siècle, transformant ce qui aurait pu disparaître définitivement en matériau pour une recréation patrimoniale inédite.
Un château en « U » entre original et recomposition
Le château des Égreteaux adopte un plan en U autour d’une cour, combinant parties authentiquement Renaissance et ajouts ou réajustements du XIXᵉ siècle. Cette composition confère à l’ensemble l’allure d’un véritable « puzzle » architectural, où chaque aile raconte une facette différente de l’histoire d’Usson et du projet d’Augereau.
L’aile centrale, souvent appelée galerie Renaissance, reprend l’ancienne galerie d’Usson datée de 1536, reconnaissable à sa série d’arcades en anse de panier encadrées de pilastres cannelés à chapiteaux corinthiens. Au-dessus, l’entablement porte une frise de médaillons à portraits et se termine par une crête ornée de merlons et de créneaux, rappelant à la fois le vocabulaire défensif et le raffinement décoratif de la première Renaissance.
Ailes, tours et symboles érudits
Sur la gauche, l’aile latérale intègre l’ancien porche d’entrée d’Usson, encadré de niches abritant les statues allégoriques de deux Vertus : la Justice et la Force, qui soulignent le programme moral et politique voulu par Jean de Rabaine. À droite, une aile avec rez-de-chaussée en loggia, recomposition du XIXᵉ siècle, supporte un étage et des lucarnes d’origine décorées de bas-reliefs narratifs, dont le détail fin témoigne de la virtuosité des tailleurs de pierre de la Renaissance saintongeaise.
Une tour cylindrique d’angle, écho symbolique aux donjons médiévaux, vient ponctuer la composition à l’une des extrémités de la cour. Son toit conique surmonté d’un lanternon orné de coquilles et de croissants de lune rappelle les armoiries des Rabaine, inscrivant ainsi la mémoire de la famille fondatrice dans le château recomposé.
Colombier, inscriptions et érudition humaniste
L’aile droite s’achève par un ancien colombier coiffé d’un dôme en dalles de pierre, élément rural et seigneurial à la fois, qui témoigne de l’organisation économique d’un grand domaine de la Renaissance. Sur les façades de la cour, une profusion d’inscriptions en latin et en français empruntent à la Bible, à Sophocle ou à Virgile, révélant la culture humaniste et le souci moral de Jean de Rabaine.
Ce réseau de devises, sentences et citations transforme les murs en véritable « livre de pierre », où se mêlent foi, sagesse antique et réflexions sur le pouvoir, offrant aux visiteurs et aux hôtes un parcours à la fois architectural et intellectuel.
Éléments rapportés : un château-cabinet de curiosités
Au-delà des blocs venus d’Usson, William Augereau enrichit encore les Égreteaux avec des fragments d’autres demeures historiques de la région et d’Île-de-France. Du château de Pons, il fait installer une cheminée du XVIIᵉ siècle attribuée à la famille d’Albret, qui inscrit l’édifice dans la lignée des grandes maisons nobiliaires locales.
Du château de Choisy, ancienne résidence appréciée de Louis XV et remaniée par Mansart, proviennent les boiseries Régence du salon d’hiver, donnant à l’intérieur une dimension supplémentaire, entre décor Renaissance recomposé et ambiance XVIIIᵉ de résidence royale. Cette accumulation de pièces d’origines diverses fait du château des Égreteaux une sorte de cabinet de curiosités architectural, où se rencontrent plusieurs siècles de création française.
Repères chronologiques essentiels
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1536‑1548 : construction du château d’Usson par Jean de Rabaine, dans le goût de la Renaissance française.
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1715 : vente du domaine d’Usson, déjà fortement dégradé.
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1861 : destruction partielle de l’édifice, qui tombe en ruine.
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13 décembre 1879 : achat des vestiges par William Augereau, qui lance le projet de démontage et de transfert vers Pons.
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1886 : achèvement du château des Égreteaux sur le domaine d’Augereau, donnant naissance à ce château « recomposé » unique en Charente-Maritime.
source principale : fiche edition atlas