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- Catégorie : Bouches-du-Rhône - 13
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Mas de la Brune
Un joyau Renaissance aux portes d’Eygalières
À deux pas du village d’Eygalières, au pied des Alpilles, se dresse le Mas de la Brune, un manoir de style Renaissance construit en 1572 qui semble surgir au milieu des terres comme un décor figé dans le temps. Classé Monument historique depuis 1924, cet édifice rare en Provence se distingue autant par son architecture raffinée que par le dialogue qu’il entretient avec le paysage d’oliviers, de vignes et de garrigue qui l’entoure.
Un manoir seigneurial du XVIᵉ siècle
Le Mas de la Brune est édifié en 1572 pour Pierre Isnard, consul d’Eygalières et intendant du duc de Guise, au terme d’une période où le village et la région sont marqués par les guerres de Religion et les rivalités de pouvoirs. Cette demeure, à mi-chemin entre maison forte et résidence de prestige, matérialise l’ascension sociale de son commanditaire, qui choisit un langage architectural résolument moderne pour l’époque en Provence : celui de la Renaissance.
Pendant plusieurs siècles, la propriété reste entre les mains d’une même lignée, ce qui explique qu’elle n’ait été mise en vente qu’à deux reprises en près de cinq cents ans, fait exceptionnel pour une telle demeure. Ce long ancrage familial a permis la conservation de nombreux éléments d’origine, aussi bien dans les volumes bâtis que dans les décors sculptés.
Une architecture Renaissance unique en Provence
Le Mas de la Brune est souvent décrit comme un véritable joyau d’architecture Renaissance en Provence, tant il concentre sur une façade relativement compacte un riche vocabulaire ornemental. Corniches travaillées, encorbellements, fenêtres à meneaux et encadrements sculptés structurent la façade principale, dont les proportions évoquent davantage un petit château qu’un simple mas agricole.
Les motifs décoratifs mêlent références chrétiennes – notamment des éléments inspirés des Évangiles – et réminiscences de légendes païennes, dans l’esprit érudit et parfois syncrétique de la Renaissance. Cette iconographie, loin d’être purement décorative, affirme la culture et les ambitions de son propriétaire, tout en inscrivant l’édifice dans un courant artistique alors encore marginal dans cette partie de la Provence.
Un domaine au cœur des Alpilles
Le manoir se dresse au milieu d’un vaste parc de plusieurs hectares, planté d’arbres centenaires, de prairies et d’essences méditerranéennes, avec en toile de fond la ligne tourmentée des Alpilles. Cette implantation en léger retrait du village d’Eygalières renforce l’impression de « maison surgie de la campagne », isolée mais visuellement très présente dans le paysage rural environnant.
Au fil du temps, les abords du mas ont été aménagés en jardins, allées et espaces paysagers, tout en conservant le caractère agricole originel du site, où coexistent vergers, terres cultivées et espaces d’agrément. Aujourd’hui encore, ce cadre contribue fortement au charme de la propriété, qui incarne une forme idéale de résidence seigneuriale provençale attachée à sa terre.
Classement, sauvegarde et valorisation
Le classement au titre des Monuments historiques en 1924 reconnaît la valeur exceptionnelle du Mas de la Brune, à la fois comme témoin de la Renaissance en Provence et comme exemple rare de manoir noble isolé au milieu des champs. Ce statut impose des contraintes mais a permis la préservation des façades, toitures et éléments sculptés, ainsi que la sauvegarde de l’organisation générale du bâti et de la composition paysagère.
Au XXIᵉ siècle, la mise en vente de la propriété, largement relayée par la presse, a remis sur le devant de la scène ce monument longtemps discret, suscitant un regain d’intérêt pour son histoire et son architecture. Certaines campagnes de restauration et d’entretien ont permis de consolider l’édifice et de maintenir lisible son langage Renaissance, tout en l’adaptant à un usage résidentiel contemporain haut de gamme.
Le Mas de la Brune aujourd’hui
Aujourd’hui, le Mas de la Brune demeure une propriété privée, destinée à un usage résidentiel de prestige, parfois présentée dans des catalogues internationaux comme un « gemme Renaissance » au cœur de la Provence des Alpilles. Son image contribue à l’aura d’Eygalières, village réputé pour son cadre de vie, son patrimoine bâti et ses paysages, qui attirent artistes, écrivains et résidents en quête d’authenticité.
En réunissant manoir Renaissance, décor sculpté érudit et vaste parc agricole, le Mas de la Brune incarne une forme d’art de vivre provençal où l’histoire, la pierre et la terre forment un ensemble indissociable, faisant de cette demeure l’un des témoins les plus singuliers du XVIᵉ siècle dans la région.
Une Histoire de Notables et d'Érudits
L'histoire du Mas débute véritablement avec Pierre Bruno-Isnard, consul d'Eygalières et intendant du duc de Guise. Issu d'une famille de notables installée en Provence depuis le XIIIe siècle, il décide de faire bâtir cette "maison des champs" au cœur de son domaine agricole en 1571.
L'Architecte : Le maître d'œuvre fut un certain Flayas. La maîtrise architecturale suggère qu'il a pu fréquenter la cour des Valois ou l'entourage du duc de Montmorency, s'imprégnant ainsi de la culture humaniste de l'époque. Évolution : Le domaine, qui s'étendait autrefois sur une centaine d'hectares, a quitté la famille Isnard en 1848 avant d'être morcelé au XIXe siècle. Renouveau : Classé monument historique en 1924, le Mas a été acquis en 1995 par M. et Mme Alain de Larouzière qui l'ont transformé en hôtel de luxe tout en respectant son caractère.
Une Architecture entre Défense et Élégance
La demeure présente une dualité fascinante, reflétant le contexte troublé des guerres de Religion durant sa construction.
La Façade Extérieure
L'extérieur du Mas tempère son allure robuste par une grande élégance :
Rez-de-chaussée défensif : Les ouvertures y sont rares pour ne pas offrir de prise aux assaillants potentiels. Toutefois, l'entrée est marquée par des pilastres doriques et surmontée d'un oculus.
Étage raffiné : Inspiré des modèles parisiens, l'étage arbore des croisées à meneaux encadrées de pilastres corinthiens et un entablement orné de masques grimaçants.
Éléments distinctifs : Une échauguette coiffée d'un dôme en coupole domine le toit souligné par une génoise.
La Symbolique de la Sirène
Un élément architectural attire particulièrement l'attention : une niche abritant une statue de sirène, située sous l'échauguette.
Description : Cette créature de pierre mi-femme, mi-poisson tient un luth entre ses mains.
Message spirituel : Une inscription gravée sous la statue avertit le visiteur : "Mortel Vivant Pense et Croy / Que Ta Fin Sera Enfer ou Paradis sans Fin". La sirène semble ainsi accompagner les âmes vers l'éternité, symbolisant le passage vers le repos ou le tourment.
Trésors de l'Intérieur
L'intérieur du Mas a conservé de nombreux éléments d'origine malgré les aménagements successifs.
Le Vestibule et l'Escalier : L'escalier en vis dessert les étages. Ses trompes sont ornées de sculptures des quatre évangélistes, dont Saint Luc écrivant l'évangile. Plus haut, des têtes sculptées représentent les péchés capitaux de la gourmandise et de la luxure.
Salles Voûtées : Le rez-de-chaussée abrite de vastes salles voûtées, dont un salon ayant gardé sa cheminée monumentale et son "potager" (fourneau pour mijoter les plats).
Témoins agricoles : Une niche dans la salle à manger conserve un pressoir à olives daté de 1682, rappelant la vocation agricole originelle du lieu.
Le Jardin de l'Alchimiste
En 1999, un jardin contemporain a été créé pour compléter la demeure, conçu par les paysagistes Arnaud Maurières et Éric Ossart. Ce jardin s'inspire des symboles bibliques et alchimiques présents dans l'architecture du Mas.
La visite s'articule autour de trois espaces:
Le chemin de Berechit : Un labyrinthe végétal reproduisant le premier mot de la Bible.
Le Jardin Magique : Consacré aux plantes provençales.
Le Jardin Alchimique : Divisé en trois carrés de couleurs (l'œuvre au rouge, au blanc et au noir), évoquant les étapes initiatiques de la pierre philosophale.
Chronologie Clé du Mas de la Brune
XIIIe siècle : Installation de la famille Brune (ou Bruno) en Provence.
1572 : Construction du Mas.
1848 : La demeure quitte la descendance des Isnard.
1924 : Classement aux Monuments Historiques.
1995 : Rachat et restauration par la famille de Larouzière.
1999 : Ouverture au public du Jardin de l'Alchimiste.