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Château de Jonquières
Situé au cœur du Languedoc, en bordure du plateau du Larzac, le château de Jonquières est une demeure seigneuriale des XVIe et XVIIe siècles, alliant plan médiéval et décor classique raffiné. Ancienne seigneurie des Vissec de Latude, puis des Loriol et des Cabissole, ce château rural domine un domaine viticole toujours en activité, réputé pour ses vins des coteaux du Languedoc et des Terrasses du Larzac. Entre histoire médiévale, architecture maniériste et chambres d’hôtes de charme, Jonquières offre une immersion complète dans l’art de vivre languedocien.
Un château rural au cœur du Languedoc
Adossé au village de Jonquières, en bordure du plateau du Larzac, le château de Jonquières est une élégante demeure seigneuriale des XVIe et XVIIe siècles, à la fois résidence de prestige et centre d’exploitation rurale. Son plan en U, flanqué de tours, rappelle l’héritage des châteaux médiévaux, tandis que la façade sur cour affiche un décor raffiné typique du Languedoc classique.
Aujourd’hui, le domaine est à la fois propriété viticole, maison d’hôtes et monument historique, toujours détenu par la même lignée depuis le Moyen Âge, ce qui en fait un rare exemple de continuité familiale ininterrompue. Le vignoble, conduit en agriculture biologique, et les chambres d’hôtes ouvertes aux groupes prolongent cette tradition d’accueil autour du vin et du patrimoine.
Des origines médiévales au temps des Vissec
La seigneurie de Jonquières relève au Moyen Âge des évêques de Lodève, qui en conservent la haute seigneurie tandis que des familles locales y tiennent le fief en fidélité. Dès le XIIIe siècle, la terre est entre les mains de la famille de Saint‑Jean, qui possède sur place une résidence qualifiée de castrum en 1323, plus proche d’une petite fortification rurale que d’un grand château princier.
Au XVe siècle, l’héritage bascule vers les Vissec de Latude, par le mariage de Raymond de Saint‑Jean avec Jeanne de Vissec et le testament de 1454 en faveur du frère de cette dernière. Au XVIe siècle, Arnaud de Vissec, seigneur de Latude et de Jonquières, épouse Souveraine de Montbrun, issue des Lodève-Montbrun, ce qui amène la famille à écarteler ses armes avec celles de cette puissante lignée épiscopale.
Bernardin de Vissec, soldat et bâtisseur
En 1580, Arnaud II de Latude figure déjà dans le compoix de Jonquières pour ses terres nobles, signe d’un patrimoine foncier structuré et taxé selon la taille réelle, appliquée aux biens et non aux personnes. Son fils Bernardin de Vissec de Latude, protégé de la maison de Lauzières‑Thémines, fait carrière auprès de la cour en tant que page de la reine mère Anne d’Autriche, puis officier engagé dans les guerres du temps.
Bernardin se distingue notamment au siège de Leucate en 1637, où il est grièvement blessé lors des combats contre les Espagnols, avant de se retirer sur ses terres de Jonquières. Entre 1656 et 1666, à la fin d’une vie bien remplie, il entreprend de transformer profondément le château, lui donnant l’aspect que l’on voit encore aujourd’hui, tout en sachant que ses travaux ne profiteront pas à une descendance directe.
Le message gravé dans la pierre
Sur un cartouche de la façade nord, Bernardin fait graver une devise latine mélancolique que l’on peut traduire par : « Si ma postérité ne peut pas naître, mes murailles croîtront ». Cette phrase résume l’état d’esprit d’un gentilhomme sans héritier direct, qui choisit de laisser son empreinte dans la pierre et l’architecture plutôt que dans une lignée.
Le château qu’il remanie est déjà bien établi au début du XVIIe siècle, comme l’indique un document de 1627 mentionnant une demeure dotée de basse‑cour et de fossés. Les campagnes de travaux de Bernardin modernisent et embellissent cet ensemble, en lui ajoutant une façade ordonnancée et un décor maniériste très marqué.
Une architecture entre défense et élégance
Le château occupe le nord‑ouest du village et s’adosse à l’ancienne chapelle seigneuriale, devenue église paroissiale au XIXe siècle. Il se compose de trois corps de bâtiments en U entourant une cour, avec un corps de logis principal flanqué côté extérieur de deux tours cylindriques plus élevées, probablement datées du XVIe siècle.
La façade sur jardin, encadrée par ces deux tours d’angle, est rythmée par deux bandeaux d’étage rectilignes qui unifient la composition. Du côté de la cour, le corps de logis est précédé d’un escalier extérieur en fer à cheval, aux deux volées symétriques bordées de balustres, menant à une loggia à arcades qui dessert les différents corps de bâtiments, surmontée d’une galerie similaire à l’étage.
Portes monumentales et décor maniériste
La porte d’entrée des appartements, encadrée de pilastres, est surmontée d’un fronton triangulaire rompu terminé par deux volutes, typique d’une inspiration maniériste. Au centre, un cartouche sculpté porte les armes écartelées des Vissec de Latude et des Lodève‑Montbrun, rappelant l’alliance qui a scellé la fortune de la seigneurie, et la date 1656 figure sur le cimier qui les surmonte.
Plus loin, dans le parc, se dresse un portail monumental isolé, non encadré de murs de clôture, qui pourrait avoir été rapporté d’une autre résidence des Vissec. Son arc en plein cintre, encadré de pilastres ioniques, porte une clé ornée d’une courge ou d’une citrouille entourée de guirlandes de fruits, surmontée d’un fronton triangulaire rompu lui aussi décoré d’un cartouche armorié daté de 1656.
De Latude aux Cabissole : une longue transmission
Dernier de sa branche, Bernardin de Latude lègue Jonquières à son neveu Henri de Loriol, fils de sa sœur Souveraine, inaugurant une nouvelle étape dynastique. Plus tard, une autre Souveraine de Loriol apporte le domaine en dot à Raymond de Massol, avant que leur fille Louise n’épouse, en 1787, Pierre de Lansade, maintenant ainsi la continuité d’une noblesse terrienne attachée au lieu.
En 1963, au décès d’un autre Pierre de Lansade, le château revient aux neveux de son épouse, la famille de Cabissole, apparentée aux Latude par une ancêtre commune. Christian de Cabissole engage alors une vaste campagne de restauration, poursuivie par son fils François, qui s’emploie à reconstituer le vignoble et à redonner tout son éclat à la propriété.
Un domaine viticole ancien et dynamique
Le domaine de Jonquières est une propriété viticole familiale attestée depuis des siècles, qui n’a jamais été vendue et se transmet de génération en génération depuis le XIIe siècle. La vigne et le vin y occupent une place centrale, comme en témoignent les exportations vers le Canada dès les années 1870 et une médaille d’argent obtenue à l’Exposition universelle de 1889, signe d’une reconnaissance précoce.
Le vignoble couvre aujourd’hui une dizaine d’hectares, conduit en agriculture biologique, et produit des vins en appellations Terrasses du Larzac et coteaux du Languedoc, en blancs, rosés et rouges. Depuis les années 1980, François et Isabelle de Cabissole ont recréé une cave particulière (ouverte en 1992), et leur fille Charlotte avec son époux Clément de Béarn ont repris le flambeau en 2014 pour poursuivre le développement du domaine.
Chambres d’hôtes dans un monument historique
Au‑delà du vin, le château s’est ouvert à l’accueil touristique avec plusieurs chambres d’hôtes aménagées dans les étages de la demeure historique. Situées au deuxième étage, ces chambres offrent des vues sur le parc et le plateau du Larzac, dans une atmosphère classique et confortable qui met en valeur les volumes anciens.
Depuis 2024, la maison d’hôtes reçoit essentiellement des groupes, avec un minimum de trois chambres réservées pour deux nuits, pour une capacité totale d’environ douze personnes. Les propriétaires mettent en avant le calme des lieux, la qualité de l’entretien et le charme patiné d’un monument historique toujours habité, qui conjugue art de vivre languedocien et mémoire seigneuriale.