montjoye.net
Châteaux, Histoire & Patrimoine
  1. Vous êtes ici :  
  2. Accueil
  3. Châteaux de France
  4. Île-de-France
  5. Seine-et-Marne - 77

Château de Montaiguillon

Détails
Catégorie : Seine-et-Marne - 77
Création : 16 Février 2019
Mis à jour : 17 Février 2019
Clics : 10359

 

 Histoire & Visite

 

Château de Montaiguillon
Château de Montaiguillon

Edifié au XIIIe siècle, dans un style Philippien, la date de construction est incertaine car on ne connait pas le commanditaire précis du château. Il fut l'objet pendant la guerre de Cent-Ans d'âpres combats entre les troupes de Charles VII et celles du duc de Bedfort. En 1613 le château est démantelé par Louis XIII. En 2002 le meurtre du gardien présent depuis quelques années jette un froid dans le village de Louan et les alentours. Il est  en vente depuis quelques années.

 

Voir aussi

Château de Nesles - Château de Dourdan - Château du Louvre - Médiéval

 
Informations
  • Adresse :  77560 Louan-Villegruis-Fontaine
  • Google Maps : Carte
  • Téléphone :  
  • Email :
  • Site   :  
  • Heures d'Ouvertures & Visites en 2018 ( à titre indicatif, changement d'horaire possible, toujours se référer au site officiel avant tout déplacement )  : Pas de visite, château actuellement en vente  ( 360 000€ ) 

     
Historique & Histoire 
source : source sur place, documentation diverses, (1) revue héraldique, historique et nobiliaire de Denis de Thézan, (2)  Panorama Pittoresque 1842, Chronique d'Enguerrand de Monstrelet (3), les beautés de l'histoire de la Champagne par Alexandre Clément Boitel (4), racines et histoires (5)

 

1150, La première mention historique du nom de Montaiguillon( rf : Monte acuto) est une  charte de l’année 1150, par laquelle Simon de Héthel, fils de Hugues, seigneur de Bray et son héritier, donne aux religieux de l’abbaye de Nesle la dîme du bois de Montaiguillon. Cette terre était donc dépendante de la baronnie de Bray, et l’édifice serait dù à l’un de ses seigneurs. L’abandon des dîmes de Montaiguillon à l’abbaye de Nesle est un de ces actes de piété très-fréquents au moyen Age. La libéralité était en ce temps vertu commune. Ces oblations et ces offrandes, faites par les nobles et les princes aux couvents, étaient appelées précaires. Les collections des chartes de Moreau, de Bréquigny et de Doat contiennent une foule de titres de donations de cette espèce ; et il ne faut en rechercher la source que dans cette haute influence morale exercée par les moines pendant tout le moyen Age. Cette source si touchante et si légitime donna lieu au développement immense que le domaine des monastères. (1)

Fin XIIe jusquen 1252, Thomas II de Coucy dit «de Vervins», ( frère du puissant Enguerrand de Coucy, voir Château de Coucy )


 ° ~1180/91 + 1252/53 seigneur de Vervins, Fontaines et Landouzies, vassal du comte de Champagne pour Montaiguillon (jusqu’en 1252), X avec valeur à Bouvines (1214), renforce Jean de Brienne, Empereur de Constantinople (1239).

ép. dès 1224 (1212 ?) de Mahaut de Réthel; elle décède après 1255 (entre 01/07/1259 et 19/06/1268) dame de Trie (-Le-Bardoul), Charmentrai (près Meaux), Chamery (près Sedan), baronne de Stonne,etc. (fille d’Hugues II, comte de Réthel, et de Félicité de Broyes, comtesse
de Beaufort) postérité qui suit de la branche des seigneurs de Coucy-Vervins et Coucy-Polecourt. (5)

 

1252, dans la dernière moitié du XIIIe siècle, Montaiguillon appartenait à  Marie de Brienne, comme le prouvent les deux quittances suivantes dont les originaux sont conservés parmi les titres du grand prieuré de France, aux Archives de l'Empire :

« A tous ceux qui ces présentes lettres verront et orront, nous, Marie, comtesse de Brienne, dame de Montaiguillon, salut en nostre Seigneur. Nous faisons conettre chose à tous tant es présent que es futurs, que nous nous tenons pour paiée pleinement dou maislre et des frères du Temple de Bon Leu de cinquante livres torneis que ils nous dévoient paier au jour de la fesle Saint-Andrieu l’apostre qui fu au mil deux cens soixante et onze. En cui tesmoiguaige de ceste chose nous avons fait ces présentes lettres sceler de nostre propre scel, les quex furent faites et baillées l'an mil deux cens soixante et onze, le jour do lafeste Sainte Katherine. »

Voici la seconde de ces quittances :

« Je, Marie, comtesse de Brènc et dame de Monlagulon, fais à savoir à tous cez qui verront et orront ces présentes lestres que je me tien a paiée de cinquante une livres dis soz queli raeslrc du Temple de Boen Leu me devoit pour le comte de Brene pour réson de mon douaire à La Chandeleur, Tan 72, et por que ce soit chose fermo etestable siais douées ces lestres scellées do mon scel qui furent festes en l'an de rinqnarnation nostre Seigneur Jcsus-Christ mil deux cens soixanto douze, ou mois de février. » (2)

Chronique de Charles VI, une bande brigands ( ou Routier ) tentent de prendre le château alors gardé par une petite garnison

Il y avait dans le voisinage, à six milles de Provins, un important château fort, appelé Montaiguillon, qui n'était gardé que par une faible garnison, parce qu’on le réputait imprenable, comme le précédent, à cause de la hauteur et de l'épaisseur de scs remparts flanques de grosses tours et environnés d’un fossé large et profond garni intérieurement et des deux côtés d’un fort revêtement en pierre. Une bande considérable de Brigands de la campagne, qui occupait les bois voisins, et qui commettait toutes sortes de dégâts daus la Bric, résolut de s’emparer de cette place, afin d'avoir une retraite sûre, quand ils revenaient de leurs courses dévastatrices. Après avoir vainement sommé la garnison de se rendre, si elle ne voulait être tout entière passée au fil de l’épée, ils firent un amas énorme de fascines pour combler les fossés, et parvenir plus facilement à hauteur des murs. Mais la fortune déjoua leur projet. Le bailli royal de Meaux, en ayant eu connaissance, rassembla aussitôt un  nombre de gens de guerre et marcha vers le château en toute hâte. Il détacha en avant trente de scs hommes, armés de pied en cap. Ceux-ci, ayant trouvé les Brigands épars çà et là, comme un troupeau «le moutons, et sans défiance, car ils croyaient ces hommes de la garnison de Provins, fondirent tout à coup sur eux la lance en arrêt, et on criant de toutes leurs forces : Aotrc-Dame et Armagnac ! En entendant ce cri redoutable, les paysans s'enfuirent avec la plus grande précipitation. Mais les autres hommes d'armes, survenant au même instant, en tuèrent quatre cents sans faire merci à aucun, quoique plusieurs offrissent à genoux de payer une bonne rançon. Puis, pour brûler les cadavres, ils firent mettre le feu aux fascines qui avaient été préparées. Le château fort fut ainsi mis pour longtemps à l'abri d'un coup de main.

1421, après avoir assisté au siége de Crespy, le maréchal de Chastellux vint bloquer la forteresse de Montaiguillon, qui se rendit le 10 décembre 1421.

La mort du malheureux roi Charles VI, arrivée peu de temps après celle de son gendre, changea la face des choses : l'héritier légitime, du trône, brouillé à mort avec le duc de Bourgogne, était réduit à ses provinces d'au-delà de la Loire, tandis que les Anglais occupaient le reste du royaume. Chaque seigneur suivait la bannière de son suzerain, et accomplissait ainsi son devoir : il n'est donc pas étonnant de voir le sire de Chastellux combattre contre Charles VII avec le duc de Bourgogne. La France du XVe siècle ne doit point être assimilée à celle du XIXe : l'unité nationale ne s'est opérée que lentement et prudemment.


A peu de distance de Louan, on remarque les ruines majestueuses et pittoresques du château fort de Montaiguillon , dont plusieurs parties sont dans uu bel état de conservation et méritent à plusieurs égards de fixer l'attention. Cette ancienne forteresse est située sur un mont sablonneux au milieu d’une forêt de 700 arpents ; elle passait autrefois pour la plus forte place de la Brie. Les Anglais l'assiégèrent sans succès en 1424. L’ordre de Malte la possédait eu 1432, époque où elle fut prise et brûlée par les Anglais, après le siège qu’ils firent de Provins.

On lit dans une chronique de Villenauxe, que la forteresse de Montaiguillon fut démantelée en 1613 par ordre de .Louis XIII, qui donna en dédommagement à M. de Villemontée, son possesseur, une somme de 60,000 écus.

La situation de ces ruines isolées au milieu d’un bois, leur masse imposante, les arbustes et le lierre rampant qui en tapissent les murs, tout se réunit pour leur donner un aspect des plus romantiques. Le château se composait de plusieurs tours rondes encore debout, réunies par des terrasses au haut desquelles on avait pratiqué un chemin de ronde que l’on voit encore en partie. Des pans de murs énormes, détruits par les efforts de la mine, et qui semblent être tombés d'hier, gisent dans les larges douves qui environnent la forteresse ; de nombreux étages multipliaient 1es logements pour les seigneurs et leur suite; mais la séparation de ces étages a disparu : on aperçoit seulement les ruines distinctes d'une chapelle, ainsi que quelques débris d’escaliers et de cheminées gothiques, qui pendent dans les angles des murs à 3o ou 40 pieds de hauteur. (2)

 

1423, siège du château de Montaiguillon par les Anglais

Le siège du château qui va durer des mois, c'est un exemple assez intéressant et relativement détaillé d'un siège militaire et de technique utilisée par les assaillants et les assiégés pour se défaire de leurs adversaires.

 

Chronique d'Enguerrand de Monstrelet : Comment le Comte de Salisbury assiégea la forteresse de Mont-Aiguillon , laquelle se rendit à lui ; et autres matières.

"En ce temps , alla le comte de Salisbury, atout grand’ puissance, assiéger la forteresse de Mont-Aiguillon,en Champagne, par l’ordonnance et commandement du duc de Bedfort, qui se disait régent de France ; lequel Salisbury était pour lors gouverneur du pays de Champagne et de Brie : lequel siège il continua par moult longue espace de temps, en faisant plusieurs assauts par divers engins et autres instruments de guerre. Et y fut bien six mois ou environ. Toutefois, ce temps durant , furent livrés plusieurs assauts àla forteresse , et, par diverses manières de les assiéger, furent moult oppressés. Et pouvoient être dedans jusques à six vingts combattants ; desquels étaient capitaines le seigneur de la Bourbe, le seigneur de Cotigny , et un homme d’armes nommé Bourghe-non. Desquels six vingts combattants se départaient grand’ partie, et en la fin n’y demeurèrent que trente ou environ, lesquels , en conclusion , furent contraints de manger leurs chevaux. Et en la fin se rendirent audit comte de Salisbury ". (3)

 

 Fossés sec du château de Montaiguillon

 

Montaiguillon en Champagne par Denis de Thézan

texte du XIXe siècle légèrement modifié

 

Début du siège par les Anglais

Tout est tranquille aux alentours : renfermés dans leur forteresse. Prégent de Coëtivy et scs compagnons s’occupent à vider quelques brocs de vin pour se reposer de leurs fatigues, en devisant de la longue guerre qui décime la France. Chacun sent que l’avenir, comme le présent, comme le passé, est gros de malheurs; qu’il y a dans l’air quelque chose de lourd et de terrible, comme lorsqu’un orage se forme; et ils se disaat que l’orage venant à éclater, il pleuvra encore bien du sang. Sur la ligne des tours qui enserre le colosse de granit, on distingue de distance en distance les gardas et le bruit monotone de leurs pas. De temps en temps ces mots : Sentinelles, veillez ! s’élève d’un point, et comme un écho, parcourent de jalons en jalons toute la ligne circulaire pour revenir mourir à l’endroit d’où Us sont partis. Tout à coup, une sentinelle crie d’une voix puissante : Aux armes, aux armes! Voici l'ennemi!
O Montaiguillon ! à ce cri, tout en toi vient de tressaillir : un souffle de guerre t’a fait frissonner comme la feuillée sous le vent précurseur de l’orage. Voici les hommes d’armes qui se dressent à la herse, aux créneaux, aux mâchicoulis; voici les lances, les piques, les épées! Le fer s’agite, se heurte; tout va, chef et soldats ; la bannière se gonfle à la brise sur la tour du beffroi.

La trompette sonne : Aux armes! Voici l’ennemi!

En effet, à droite et à gauche du château tourbillonne un nuage de poussière, au milieu duquel les armures scintillent çà et là comme des éclairs. — Procc/la equestrisl une tempête à cheval ! — Ce sont les Anglais. « En ce temps-là, dit Enguerrand de Monstrelet, alla le comte de Salsebery à tout grand puissance assiéger la forteresse de Mont-Aiguillon, en Champaigne, par l’ordonnance et commandement du duc de Bethfort, qui se disoit régentde la France. Lequel Salsebery estoit pour lors gouverneur du pays de Cliam-paigne et de Brie; lequel siège il continua par moult longue espace de temps en faisant plusieurs assaux par divers engins et autres instruments de guerre et y fust bien six mois ou environ. Toutefois, ce temps durant, furent livrez plusieurs assaux à la forteresse et par diverses manières de les assiéger furent moult opressez et pou-voient estre dedans jusque à six vingts combattants. »

Montaiguillon est défendu par cent vingt hommes d’armes, contre une armée anglaise commandée par Salisbury. Déjà, depuis plusieurs mois, les assiégés tiennent les ennemis. — « Ceux de dedans écrit des Ursins, non esbahis, ni effrayez de tout cela, ayant bonne volonté et résolution de se défendre, souvent sailloient sur leurs ennemis et fort les grevoient tant de traicts que austrement, dont ils tuoient plusieurs. »

 

Contre Attaque des assiégés par Prégent de Coëtivy

Mais Prégent de Coêtivy a résolu de déchirer cette ceinture de fer qui étreint le château à travers sa ceinture de murailles et une sortie est décidée. Les chevaux sont sellés, et en un instant tous sont prêts. La herse de la porte sc lève et laisse sortir une poignée de braves. Celui qui s’avance le premier, couvert d’une épaisse armure, monté sur un cheval de bataille, c’est Coètivy. Aux arçons de sa selle de guerre pend, du côté droit, une masse d’armes pesante et dentelée. — « En avant! » s’écrie-t-il, et son cheval est parti au galop. Aussitôt, tous, répétant ce cri, s’élancent en suivant leur pennon et arrivent ainsi à grande course et la lance en arrêt au milieu du camp ennemi.

Les Anglais, voyant fondre sur eux cette poignée de Français, se préparent à la hâte à les charger. Le terrain vide qui séparait les combattants a disparu sous le sabot des chevaux, et tous se rencontrent avec un grand bruit. Ils sc heurtent, coursier contre coursier, fer contre fer. L’agilité des Français leur a donné l’avantage, et déjà sont renversés nombre d’ennemis tués ou blessés. Les lances sont brisées, et voici que la hache et l’épée sifflent, flamboient, et ouvrent un combat d’homme à homme, de corps à corps, avec ses ruses d’adresse, ses efforts de géant.

Prégent de Coètivy est au plus fort delà mêlée, culbutant hommes et chevaux. Cependant, la muraille de fer qu’il a ouverte devant lui s’est refermée sur lui, effaçant sa trace comme la vague efface le sillage d’un navire, et le presse comme pour l’étouffer. Il a vu le péril : il est temps de rentrer dans la forteresse. Il jette son épée, laisse tomber la bride de son cheval, puis, saisissant à deux mains sa lourde masse d’armes, il crie aux siens : « A moi ! » s’élance en frappant sur les rangs ennemis comme un batteur dans une aire, et se retrouve bientôt à la herse, qui sc lève de nouveau et le laisse rentrer avec sa troupe, sans que les Anglais osent le poursuivre. Les quelques hommes d’armes demeurés sur les tours, témoins anxieux de cette horrible mêlée, racontèrent qu’à chaque coup que frappait le chevalier breton, il abattait un Anglais; car, lorsque sa masse ne fendait pas l'armure, elle assommait l’homme. Il balaya ainsi des rangs entiers. Salisbury songe à lever le siège, et auparavant il veut tenter un dernier moyen de s'emparer de Moutaiguillon. Ii fait percer une mine ; elle approchait déjà du mur, lorsqu’un homme d’armes du château, placé dans le souterrain, entend un hruit de pioche. Coetivy ordonne une contre-mine. Après quelques heures de travail, les Anglais et les Français ne se trouvent séparés que par un espace à peu près de l’épaisseur d’un mètre. Cet espace est effondré, et de part et d’autre les hommes d’armes commencent de se charger rudement dans cet étroit passage, où l’on peut à peine se tenir debout et où les éclairs des épées jettent seuls une lueur fauve et fuT gitive. Les Anglais prennent la faite, et « il y eust ésdictes mines, dit toujours des Ursins, de beaux faicts d’armes faicts. »

( Probablement vers ) Fin février 1423, ou 1424, forcé de marcher à la rencontre des troupes de Charles VII, vers Auxerre, le comte de Salisbury laissa devant Montoiguillon assez de monde pour surveiller la place, et partit avec son armée. Pendant son absence, une partie de la garnison, pour éviter la faim, sortit. Les assiégés manquaient de vivres depuis longtemps ; ils n’avaient plus de pain et avaient mangé leurs chevaux. Réduits à une trentaine d’hommes, les Français tenaient ainsi, lorsqu’ils virent un matin foisonner, s’agiter, marcher l'horizon, — un horizon d’hommes ! Ils crurent d’abord que c’était un renfort qui leur arrivait, mais ils s’aperçurent bientôt de leur méprise : c’était Salisbury qui revenait avec le duc de Suffolk et toute l’armée anglaise. Le siège durait depuis plus d’un an. Désespérant d’être secourus, les assiégés entamèrent des négociations, et les restes de la garnison se rendirent prisonniers, « par condition qu’ils payeroient pour sauver leurs vies vingt-et-deux mille saluts d’or, dont pour ladicte somme fournir, demourèrent en hostage quatre des principaux jus-ques l’accomplissement d’icelle. Et se partirent les compagnons sous bon sauf couduict, réservé ceulx qui austres fois avoienl faict serment de la paix finale qui avoit esté jurée entre les roys de France et d’Angleterre. Et quand tous s’en fureut partis (connue dict est), la forteresse fut abattue et du tout démolie. » Des Ursius ajoute que « prisoit fort le dict comte (Salisbury) la vaillance de ceux de dedans. »

Ainsi allait l’armée anglaise, labourant le sol de la Champagne, saccageant ses villes et ses châteaux.

 

 

1433, on retrouve Montaiguillon. Nicolas de Giresme, chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, et Denis de Chailly, bailli  de Meaux, viennent une seconde fois de reprendre Provins sur les Anglais qui, par représailles, brûlent, en se retirant, Rampillon, Notre-Dame de La Roche et Montaiguillon, appartenant au commandeur de Giresme. — « Fra Nicolo de Giresme, corn-meudatore délia Croix e di Rampilloue, cavaliero di grand valore, del Priorato di Francia, » dit Rosio, historien de Malte. Ceci peut faire supposer que Montaiguillon était une dépendance de la commanderie de la Croix-cn-Brie dont Rampillon était un des membres.

Notons en passant que ce Nicolas de Giresme occupe une place considérable dans les annales de son ordre. Outre la commanderie de la Croix-en-Brie, nous le voyons investi de l’administration de celles de Coulours en 1435, de Laon en 1447, de Saint-Jean de Latran en 1448, de Haute-Avesne en 1453, d'Estrepigny en 1457 et de Moisy en Brie en 1464. Enfin, il devint grand prieur de France et chambellan du roi.

Deux autres membres de son nom l'avaient précédé dans l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem : Girard de Giresme, commandeur d’Estrepigny en 1424, et Renaud de Giresme, tour à tour commandeur de Coulours en 1398, commandeur de Moisy eu 1400, commandeur d’Estrepigny en 1401 , commandeur d’Orléans en 1406, commandeur de Haut-Avesne en 1409, commandeur de Saint-Jean de Latran en 1413, puis élevé à la dignité de grand prieur de France.

A partir du milieu du XVe siècle, Montaiguillon se dépouille de tout souvenir de guerre, et, pour en continuer l’historique, il faut le suivre dans les généalogistes. Quelle que soit la sécheresse de cette sorte de documents, que nous allons restreindre à leur plus simple utilité, il est impossible de les omettre ; et quoique l’intérêt de la curiosité y soit presque nul, nous ne croyons pas pouvoir nous dispenser de donner la nécrologie de chacun des divers possesseurs de ce château.

Les deux guerriers dont nous venons de parler, de concert avec Barbazan, que Charles Vil avait nommé gouverneur delà Champagne, reprennent également Mont-Aiguillon et le restaurent.
Faisons connaître quelques-uns de ses possesseurs, puis nous retracerons son dernier malheur.

MM.de Boucicault et Baudicourt en sont successivement seigneurs. Après avoir appartenu à une princesse de la maison de Bourgogne, Mont-Aiguillon passe par les tilles dans la maison de Choiseul, qui en jouit jusqu’en 1595, que M. de Yillemonté en fait l'acquisition.
Le moment fatal a sonné.

Au commencement du règne de Louis XIII, les grands cherchaient à rompre l'unité de l'Etat, en couvrant de nouveau le royaume de duchés, de comtés, deharonies. Le cardinal de Richelieu crut qu’il devenait indispensable d’abattre toutes ces nombreuses forteresses.

 

Château de Montaiguillon, tours penchées

Les tours ( du XIIIe ) sont penchées sous Louis XIII qui décida de démanteler le château devenu un repaire de brigands, en faisant exploser par explosif les tours, elles ne furent pas détruitent.

1613,Louis XIII achète le château à Mr de Villemonté et ordonne de détruire cette place forte par Richelieu, ce qui est tenté de faire à l'aide d'explosif, on peut voir encore aujourd'hui les tours penchées. (4)

Mont-Aiguillon, étant considéré comme la place forte la plus redoutable, ne tarda pas à subir le sort funeste qui lui était destiné. Le roi l'acheta, en 1613, à M. de Villemonté, sou possesseur, pour une somme de 60,000 écus, d’autres disent 100,000.
M. de Villemonté fit construire avec cette somme, en 1617, le château de Villenauxe. Pour démanteler le château de Mont-Aiguillon, on fut forcé de faire jouer la mine.

On place des barils de poudre au milieu des salles à boiseries sculptées, à plafonds à moulures, sous les tourelles dentelées, sous les portes de fer et de chêne, sous toute l'armure de granit du vieux colosse guerrier marqué par la croix et l’épée. On met le feu aux mines. 11 se fait un explosion terrible qui porte au loin l’épouvante. Mais la forteresse a été bâtie avec tant de solidité en pierres de grès, que des murs entiers sautent sans se disjoindre. On voit une tour qui n'a pu être entamée, qui a été soulevée tout entière, et qui s’est rassise par son propre poids ; seulement elle est restée fortement inclinée. Par lâ elle devient la demeure de la chèvre et du hibou.

Louis XIII ne se contenta pas de donner à M. de Villemonté une indemnité pécuniaire pour la perle de son château; mais, en 1637, il érigea en faveur de M. François de Villemonté, deuxième du nom, la terre de Mont-Aiguillon en marquisat.


1651, Le maréchal d’Estrée acheta, en 1651, cette propriété, et y fit élever deux pavillons.

M. de Villemonté, évêque de Saint-Malo, y rentra, et, en 1659, donna cette terre en mariage à Mme la comtesse de Belloy, d’où elle passa à la comtesse de Livron, dont le fils, le marquis, la vendit, en 1718, à M. le marquis de Saint-Chamans, maréchal des camps et armées du roi, lieutenant des gardes-du-corps, qui fut le père de M. Alexandre-Louis de Saint-Chamans, marquis de Saint-Chamans et de Mont-Aiguillon, vicomte de la Barthe-de-Rabenau, lieutenant général des armées du roi, gouverneur do Saint-Venent, en Artois, et grand sénéchal d'épée de la province de Béarn. Ce dernier fut obligé d’émigrer en 1792.

Son château deVillenauxe fut démoli en 1793, et la terre vendue en détail. Lors du rétablissement de l'ordre, sous Napoléon Ier, M. de Saint-Chamans revint en France, et fut réintégré dans scs biens non vendus. Il fit, en 1808, l’achat du château de Bouchy. Ce ne fut que sous la Restauration qu’il put obtenir la restitution de ses bois (1,500 arpents), où sont situées les ruines de sou château de Mont-Aiguillon, qui sont si curieuses â visiter. A son décès, tout passa â sa veuve, née de Saint-Chamans, sa légataire universelle.

Mont-Aiguillon, en retournant â la maison de Saint-Chamans, revenait en quelque sorte entre les mains de ses premiers propriétaires. ,Le nom de Saint-Chamans appartient aux annales de la chevalerie en effet il y a sept cents ans, un chevalier de Saint-Chamans occupait la dignité de grand-maître des Templiers. Il y a quatre siècles, un autre Saint-Chamans était honoré de la dignité de grand maréchal de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. C'est donc pour les successeurs de ce nom illustre une sorte de devoir de conserver Mont-Aiguillon avec ses tristesses et ses ruines solennelles. (4)

1875, les ruines du château sont classées au titre des monuments historiques.

2002, meurtre dans le château du gardien Frédéric Landelle, tué de trois balles dans la tête. Il était depuis janvier 1996 le gardien du château. Le meurtre, non élucidé, a compromis pendant quelques années l'accès au château.

 

 

Vidéo réalisée par Skywiews.

 

 

Photographies & Photos
Entree Chateau Poterne
Base Courtine Du Chateau
Chateau De Montaiguillon Louan
Enceinte Medievale Chateau
Route Chateau Sqeine Et Marne
Latrine Angle De Tour
Fosse Tour Angle Montaiguillon
Chateau De Montaiguillon
Poterne
Fosse Basse Cour
Tour Arrasee

XIXe siecle Empire Napoleon Fontainebleau

Détails
Catégorie : Seine-et-Marne - 77
Création : 19 Juillet 2018
Mis à jour : 18 Octobre 2021
Clics : 4875
CHAPITRES

 

I - Château de Fontainebleau au Moyen-Âge

II - Château de Fontainebleau ( description )

III - Fontainebleau sous François Ier

IV - de Henri II à Henri IV

V - sous Louis XIII , Louis XIV ,  Louis XV & Louis XVI 

VI - au XIXe siecle : l'Empire Napoleon Ier jusqu'à la fin du siècle

 

FONTAINEBLEAU AU XIXe SIÈCLE

 

L'EMPEREUR NAPOLÉON 1ER EN COSTUME DE SACRE, Atelier de François Gérard (Rome,1770-Paris,1837) Paris Huile sur toile 1805

Napoléon Ier, musée du Louvre,  Atelier de François Gérard (Rome,1770-Paris,1837) Paris Huile sur toile 1805

La Révolution épargna Fontainebleau, et Napoléon devenu empereur trouva ce palais délabré, mais intact. Il en affecta temporairement l’aile neuve à l’École militaire peu après transférée à Saint-Cyr, fit faire aux bâtiments toutes les grosses réparations nécessaires après vingt ans d’abandon et remeubla richement, mais dans le triste goût du temps, les grands et petits appar­tements.

Pendant tout le règne, la cour impériale fit presque chaque année d’assez longs séjours à Fontainebleau. L’empereur occupait le premier étage du bâtiment adossé à la galerie de François Ier; l’impératrice r5xdé­phine, le rez-de-chaussée du même bâtiment. Marie- Louise reprit possession de l’appartement des reines. A son intention, Napoléon fit planter le jardin anglais, tout parsemé de pins, qui devaient rappeler à l’impé­ratrice les forêts de l’Autriche et du Tyrol.

Trois des principaux événements de l’Empire s’ac­complirent à Fontainebleau. Les deux voyages du pape et la première abdication.

 

Le premier voyage, tout triomphal, eut lieu en novembre 1804. Pie VII venait couronner celui qui s’intitulait alors «son dévot fils». Napoléon attendit le Pape à la Croix de Saint-Hérem, le conduisit dans sa voiture jusqu’au palais et l’installa dans l’ancien appartement des Reines-mères. Le Pontife et l’em­pereur se firent ensuite réciproquement des visites officielles et, après des cérémonies qui durèrent troisjours, se rendirent à Paris où le couronnement eut lieu le 2 décembre 1804.

Le 20 juin 1812, Pie VII revient, mais en prisonnier. Depuis 1809, Napoléon a supprimé de fait le pouvoir temporel, et relégué le pape à Savone où il le garde à jVue et met tout en œuvre pour faire légitimer son coup d'Etat par une renonciation solennelle et volon­taire de la victime h ses droits. Pie Vil résiste. Sou­dain l’empereur fait conduire son prisonnier à Fontai­nebleau. Les négociations reprirent et durèrent plus de six mois sans aboutir. « Pie VII, dit Henri Martin, était dans l’angoisse lorsque Napoléon arriva brusque­ment à Fontainebleau le 10 janvier 1813, entra chez le Pape sans lui laisser le temps de se reconnaître, et l’embrassa en l’appelant son Père. Pie Vil, tout étourdi et tout ému, ne repoussa pas ces singulières démons­trations. Il v eut entre eux de longfs tête-à-tête sur les- quels on a débité beaucoup de fables 1 ; on ne sait pas bien ce qui s’y passa. Napoléon se refit très catho­lique devant le Saint-Père, lui promettant la restau­ration de l’Eglise dans les pays protestants soumis à l’empire, Hollande, Allemagne du Nord. » Bref, il obtint la renonciation presque formelle du Pape au pouvoir temporel, et un concordat rédige dans ce sens fut signé le 25 janvier. Un mois plus tard, on entraîna le Pape à se rétracter par une lettre à l’empereur. Napoléon tint cette lettre secrète et en empêcha la publication par des menaces terribles. Néanmoins, après un an de lutte, il dut rendre la liberté à son prisonnier, qui quitta Fontainebleau le 23 janvier

1. On a été jusqu’à dire que Napoléon se serait livré à des voies de fait sur son prisonnier.

1814, en donnant, du haut du Fer à cheval, sa béné­diction au peuple. Son séjour au palais avait duré dix- neuf mois.

L’Empire à ce moment touchait à sa fin. Le 31 mars 1814, Napoléon arrivait à Fontainebleau, le jour même où l'empereur de Russie et le roi de Prusse entraient à Paris. Napoléon aurait voulu tenter un coup de main sur sa capitale, mais ses généraux s’y opposaient. Le mot d’abdication avait été prononcé; on parlait déjà du rétablissement des Bourbons ; l’entourage de l’empe­reur, le sentant perdu, songeait a le sacrifier pour sau­vegarder les droits de son fils. On espérait rallier le czar à l’idée de proclamer le roi de Rome empereur, avec Marie-Louise comme régente.

Tandis qu’on essayait de faire partager ces vues à Napoléon, le Sénat impérial prononçait sa déchéance définitive. Il fallait se hâter, si l’on voulait que la pro­position d’une régence fût admise seulement à la dis­cussion par les souverains alliés. Napoléon résistait; il avait confiance en ses soldats qui l’acclamaient encore chaque fois qu’il les passait en revue ; enfin sentant grandir l’opposition de son état-major il se décide à une abdication eu faveur de son fils. 11 envoie M. de Caulaincourt avec les maréchaux Ney et Mac­donald -pour soutenir cette proposition auprès du czar Alexandre. Mais le czar la rejette, et les trois en­voyés reviennent auprès de Napoléon. Tout est fini cette fois, à moins que Napoléon ne veuille tenter une

lutte d'aventurier en se retirant derrière la Loire. Il se résigne à l’abdication, et le 5 au soir il signe sur un iméridon de son cabinet la déclaration suivante : « Les puissances alliées ayant déclaré que l’empereur Napo­léon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l’empereur, fidèle à son serment, déclare qu’il renonce pour lui et ses successeurs au trône de France et d’Italie, et qu’il n’est aucun sacrifice person­nel, même celui de sa vie, qu’il ne soit prêt à faire aux intérêts de la France. » Le 11 avril au soir Napoléon tente de s’empoisonner en avalant de l’opium mêlé à de l’eau, mais de violents vomissements le sauvent, et il se décide à attendre encore les événements.

Cependant ses officiers généraux l’abandonnaient un à un. C’était chaque jour un nouveau départ. « L’un, dit Thiers, quittait Fontainebleau pour raison de santé, l’autre pour raison de famille ou d’affaires; tous promettaient de revenir, aucun n’y songeait. Napoléon feignait d’entrer dans les motifs de chacun, serrait affectueusement la main des partants; car il savait que c’étaient des adieux définitifs qu’il recevait. Peu à peu, le palais de Fontainebleau était devenu désert. Dans ses cours silencieuses on avait quelquefois encore l’oreille frappée par des bruits de voiture, on écoutait, et c’étaient des voitures qui s’en allaient. Cette longue agonie devait finir. Le 20 au matin, Napoléon se décida à quitter Fontainebleau. Le bataillon de sa garde des­tiné à le suivre à l’île d’Elbe était déjà en route. La garde elle-même était campée à Fontainebleau. Il voulut lui adresser ses adieux. Ilia fit ranger en cercle autour de lui, dans la cour du château, puis, en présence de ses vieux soldats profondéments émus, il prononça les paroles suivantes : « Soldats, vous mes « vieux compagnons d’armes que j’ai toujours trouvés « sur le chemin de l’honneur, il faut enfin nous quitter. J’aurais pu rester plus longtemps au milieu de vous, mais il aurait fallu prolonger une lutte cruelle, «ajouter peut-être la guerre civile à la guerre étrangère, et je n’ai pu me résoudre à déchirer plus longtemps le sein de la France. Jouissez du repos que vous avez si justement acquis, et soyez heureux. Quant à moi, ne me plaignez pas. Il me reste une mission, et c’est pour elle que je consens à vivre, c’est de raconter à la postérité les grandes choses que nous avons faites ensemble. Je voudrais vous serrer tous dans mes bras, mais laissez-moi embrasser ce drapeau qui vous représente... » Alors, attirant à lui le général Petit, qui portait le drapeau de la vieille garde, il pressa sur sa poitrine le drapeau et le générai, au milieu des cris et des larmes des as­sistants, puis il se jeta dans le fond de sa voiture, les yeux humides, et ayant attendri les commissaires eux-mêmes, chargés de l’accompagner. »

La Restauration n’a pas laissé de souvenirs à Fon­tainebleau. On dit que Louis XVIII, visitant ce palais en 1816, en admira les somptueux aménagementslaissés par l’Empire et dit au comte d’Artois : « Nous avoos eu, mon frère, un bon fermier ». Il était venu à Fontainebleau pour recevoir la princesse Caroline de Naples, fiancée au duc de Bcrri, son petit-neveu, et, pendant ce séjour, ordonna la restauration delà galerie de Diane qu’il data de la vingt-huitième année de soi» règne.

Charles X ne fut attiré à Fontainebleau que par la beauté des chasses. Il y arrivait à l’improviste, presque sans suite et pour quelques jours seulement. La du­chesse d’Angoulème, fille de Louis XVI, nièce et bru de Charles X, entrait dans la cour du Cheval blanc, le 30 juillet 1830, lorsqu’elle apprit le succès de la révolution qui précipitait du trône la branche aînée des Bourbons. Elle partit aussitôt pour l’exil oii la rejoignirent bientôt les autres membres de sa famille.

Louis-Philippe aima beaucoup Fontainebleau où il fit avec ses enfants de nombreux séjours l’été. Il ordonna de nombreuses réparations qui ne sont pas toutes heureuses : nous aurons bientôt l’occasion d’en parler. C’est à Fontainebleau qu’il voulut recevoir la princesse Hélène de Mecldembourg, fiancée au duc d’Orléans. Le mariage civil fut célébré dans la galerie Henri II ; le mariage catholique dans la chapelle de la Trinité, et le mariage protestant dans la salle qui s’étend sous la gale­rie Henri IL II y eut un grand repas dans la galerie de Diane, avant la retraite des mariés dans leur apparte­ment qui avait été aménagé dans le gros pavillon qui domine l’étang. Les fêtes durèrent du 29 mai au 3 juin 1837. Des promenades furent organisées dans la forêt. MUe Mars joua les Fausses Confidences, et Duprez chanta Guillaume Tell. Il y eut une grande revue des troupes campées aux environs de la ville; enfin cette cérémonie fit revivre un moment les splendeurs de l’ancien régime.

 

Napoléon III

Napoléon III, peinture au musée du Louvre

La cour de Napoléon III a souvent visité Fontaine­bleau. Cette résidence partageait avec Compiègne la faveur d’être choisie pour les villégiatures d’automne. On y donna des fêtes nombreuses et brillantes, et l’on construisit la jolie salle de spectacle située à l'extrémité de l’aile neuve. Mais la politique étant bannie de ce séjour réservé au plaisir, il ne s’y passa de 1852 à 1879 aucun événement digne d’être signalé.

Depuis la ebute de l’Empire, Fontainebleau est devenu un musée national. Cependant M. le prési­dent Carnot y a fait dans l’été de 1888 un séjour de deux mois, dans les appartements du premier étage de l’aile neuve, aménagés avec infiniment de goût par le conservateur du palais M. Carrière. Fontainebleau restera sans doute une solitude. Mais cette solitude n’est-elle pas suffisamment peuplée par tant de sou­venirs ?

 

 

 

source : Les palais nationaux : Fontainebleau, Chantilly, Compiègne, Saint-Germain, Rambouillet, Pau, etc., etc. / par Louis Tarsot et Maurice Charlot ( date d'édition inconnue mais probablement fin XIXe ), numérisation et OCR par montjoye.net avec  des rajouts et modifications du texte initial.

Vous pouvez néanmoins trouvez un exemplaire numérique sur gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6448891b

Louis XIII - Louis XIV - Louis XV - Louis XVI Fontainebleau

Détails
Catégorie : Seine-et-Marne - 77
Création : 19 Juillet 2018
Mis à jour : 9 Novembre 2019
Clics : 4155
CHAPITRES

 

I - Château de Fontainebleau au Moyen-Âge

II - Château de Fontainebleau ( description )

III - Fontainebleau sous François Ier

IV - de Henri II à Henri IV

V - sous Louis XIII , Louis XIV ,  Louis XV & Louis XVI 

VI - au XIXe siecle : l'Empire Napoleon Ier jusqu'à la fin du siècle

 

LOUIS XIII

Louis XIII ne semble pas être venu à Fontainebleau avant le mois d’avril 1621. Il y tint à cette époque un conseil important, avec le connétable de Luynes, le prince de Condé, les ducs de Guise, de Mayenne, d’El- beul' et de Brissac, et décida contre les Réformés la guerre qui s’arrêta en octobre 1622, après le siège de Montauban.

Pendant l’été de 1625, le roi reçut à Fontainebleau le cardinal Barberin , neveu du pape Urbain VIII, en­voyé pour arranger l’affaire de la Valteline, révoltée contre les Grisons, souverains de cette vallée alpestre. Le légat fut reçu avec une magnificence particulière, logé près du roi et de la reine. Il leur donna la com­munion. Marie de Médicis lui offrit une collation dans la galerie d’Ulysse, Anne d’Autriche un repas dans la galerie de Diane. Mais les négociations furent inutiles, et la France soutint les Grisons, malgré le Pape, qui voulait l’indépendance de la Valteline.

En 1626, se dénoua à Fontainebleau l’intrigue de cour qui coûta la vie au malheureux Henri de Talleyrand, comte de Chalais. La duchesse de Chevreuse avait engagé ce jeune homme, qui l’aimait, dans le parti de Gaston d’Orléans, frère du roi. Ce prince, excité par le maréchal d’Ornano, son ancien gouverneur, conspirait contre Richelieu pour éviter un mariage avec Mlle de Montpensier. La cour était à Fontainebleau depuis Noël 1625. Le cardinal habitait sa maison de Fleury, à deux lieues du palais. Avec l’aide de Chalais, les officiers de Gaston projetèrent d’enlever le pre­mier ministre. Mais Chalais, pris de remords ou de peur, avertit Richelieu qui se retira à Fontainebleau, avant que le coup de main eût été tenté.

Dès lors l’imprudent Chalais, surveillé de près par Richelieu, impuissant à se dégager des intrigues de Gaston, joue un double rôle qui le rend suspect aux deux partis. Il compromet le maréchal d’Ornano que Louis XIII attire à Fontainebleau pour le faire arrêter après l’avoir indignement flatté pendant toute une journée; il compromet les deux Vendôme que l’on enferme dans le château de Nantes ; lui-même, enfin, est accusé par un rival d’amour d’avoir voulu attenter à la vie du roi. Gaston l’abandonne; le malheureux Chalais est jeté dans un cachot, et après un procès de deux mois il a la tête tranchée sur une place publique de Nantes. Rien n’avait pu fléchir l’implacable ven­geance de Richelieu.

En 1629, lord Edmond, envoyé de Charles II d’An­gleterre, jure dans l'église paroissiale de Fontaine­bleau la paix entre la France et l’Angleterre. Cette cérémonie est suivie d’un grand souper dans la salle de bal.

En 1633, a lieu dans la salle de la Belle cheminée, disposée*provisoirement en chapelle, une promotion de chevaliers de l’ordre du Saint-Esprit.

Enfin en 1642, après le procès de Cinq Mars, Ri­chelieu mourant traversa Fontainebleau en retournant à Paris. Vingt-quatre de ses gardes le portaient dans une énorme litière, et pour le monter dans sa chambre (il ne pouvait plus marcher) on fut obligé, dit-on, d’éventrer une croisée de l’hôtel d’Albert, où il logeait. Louis XIII qui l’avait attendu à Fontainebleau revint avec lui à Paris. Le ministre mourut le 4 décembre suivant, et le roi le 14 mai 1643.

Fontainebleau doit à Louis XIII l’escalier du Fer-à-Cheval et la décoration de l’appartement des Reines-Mères. Le palais sous ce règne était arrivé à son plus haut degré de splendeur, et les poètes en célébraient à l’envi les magnificences. Le père Dan cite de curieux vers de ce Colletet que Boileau nous représente.

crolté jusqu’à l’échine,

Allant chercher son pain de cuisine en cuisine.

Voici ces vers, un peu mythologiques, mais non pas dépourvus de grâce et de facilité. C’est une descrip­tion des jardins du palais :

Parterres enrichis d’éternelle peinture,

Où les grâces de l’art ont fardé la nature,

Que votre abord me plaît, que vos diversités Me montrent à l’envi de naissantes beautés!

Vieux chênes et vous pins dont les pointes chenues S’éloignent de la terre et s’approchent des nues, Bois où l’astre du jour, confondant ses rayons,

Fait naître cent soleils pour un que nous voyons;

Ternir de son éclat les nymphes d’alentour Et paraître une reine au milieu de sa cour.

Se couronner le front de ses perles liquides,

Friser l’azur flottant de ses tresses humides,

C’est un plaisir de voir la nymphe de ces eaux Couvrir sa nudité d’un crêpe de roseaux,

Où le chant des oiseaux et le bruit des fontaines Font un concert plus doux que celui des syrènes.

Le favorable dieu qui préside en ces lieux Fait voir d’un grand canal l’objet tout gracieux,

Vous voir, vous posséder est le bien le plus doux. N’est-ce pas vivre heureux que de vivre chez vous? Après avoir passé dans une grande allée D’aulnes et d’ypréaux artistement voilée,

Beaux lieux dont la tranquille et plaisante demeure Ne reçoit pas d’ennui qu’aussitdt il n’y meure;

 

 

Louis XIV

Louis XIV Château de Versailles

 

 

Pendant le règne d’Anne d’Autriche, Fontainebleau est un peu abandonné pour Saint-Germain, plus pro­che de Paris. La reine d’Angleterre, Henriette de France, y fait un court séjour en 1644 en revenant de prendre les eaux de Bourbon-l’Archambault. Elle y est logée dans l'appartement des Reines-mères.

En septembre 1645, le jeune roi Louis XIV vient pour la première lois il Fontainebleau. On y célèbre, par procuration, le mariage de la princesse Marie de Gonzague avec le roi Vladislas de Pologne ; on re­çoit en grand appareil l’oncle du roi, Gaston d’Or­léans, cpii revenait de l’armée des Pays-Bas. Lejeune roi alla au-devant de lui jusqu’à la Croix de Saint Hérem et le fit monter dans son carrosse. Pendant une chasse qui suivit, Mazarin tua d’un coup d’épée un sanglier qui s’était jeté sur son cheval.

L’été suivant, Fontainebleau vit revenir la reine d’Angleterre obligée de quitter son royaume et son époux après les premières victoires de Cromwell. Le prince de Galles, depuis Charles II, accompagnait sa mère dans l’exil. On aurait voulu faire oublier à la malheureuse Henriette de France les soucis que lui causait la révolution d’Angleterre. Chasses, prome­nades, concerts, tout fut mis en œuvre. Un festin eut lieu dans la galerie des Cerfs au son de la musique des vingt-quatre violons du roi ; un petit bal fut donné au prince de Galles pour l’initier aux grâces de la danse française. Mais les exilés ne songeaient qu’à l’An­gleterre, d’où arrivaient les plus sombres nouvelles.

Plus gaie fut, eu 1646, la réception du comte de la Gardie, ambassadeur de Christine de Suède. « Anne d’Autriche, pour le régaler (dit Mme de Motte- ville), lui donna à Fontainebleau tous les divertis­sements ordinaires. 11 orna la promenade du canal d’un carrosse en broderies d’or et d’argent qu’il avait fait faire pour sa reine. Il le fit traîner par six chevaux richement harnachés, au milieu d’une douzaine de pages de cette princesse, habillés de sa livrée, qui était jaune et noir, avec des parements d’argent. Cette cour en figure, avec la nôtre effective et belle, rendait la promenade tout à lait agréable. » Les troubles de la

Fronde et les événements politiques firent ensuite délaisser Fontainebleau pendant plus de douze ans.

Pendant l’automne de 1657, la reine Christine de Suède habita Fontainebleau, où le jeune roi vint lui faire une courte visite. Christine traînait partout avec elle un secrétaire très intime, le marquis de Mona- delschi, contre lequel elle avait ou croyait avoir des griefs restés ignorés. Le 10 novembre elle envoya quérir un religieux mathurin, le Père Lebel, desservant de la chapelle du château, lui confia, sous le sceau de la confession, un paquet de lettres cacheté à ses armes, avec ordre de le lui rendre à la première réquisition. Cela fait, elle appela Monadelschi, dans la galerie des Cerfs, lui dit qu’il l’avait trahie et qu’il fallait qu’il en fût puni. Monadelschi niait; Christine fit alors entrer le Père Lebel et, preuves en main, convainquit Mona­delschi de sa trahison. «Alors, dit Madame de Motte- ville, il se jeta à ses pieds et lui demanda pardon. Elle lui dit qu’il étoit un traître et qu’il ne méritoit pas de grâce ; et ayant dit au Père de le confesser, elle les quitta tous cL'ux pour rentrer dans son appartement, d’où elle envoya dans la galerie Sentinelli, son capi­taine des gardes, qui avoit ordre de faire l’exécution. Monadelschi refusa longtemps de se confesser, demanda pardon à son bourreau Sentinelli, et le pria d’aller, de sa part, implorer la miséricorde de la reine, leur maî­tresse. » Celle-ci se moqua de ce que Monadelschi avait peur de la mort, « l’appela poltron et dit à soncapitaine des gardes : « Allez, il faut qu’il meure, et, « afin de l’obliger à se confesser, blessez-le. » Senti- nelli revint annoncer à ce misérable l’arrêt définitif de sa mort, et en même temps lui voulut donner quel­ques coups d’épée ; mais il trouva qu’il étoit armé sous son pourpoint; si bien que l’épée ne put le blesser qu’au bras dont il para le coup. Il en reçut encore un sur la tète, et comme il se vit baigné dans son sang, alors il se confessa au Père Lebcl, qui étoit aussi effrayé que son pénitent. Le Père, après l’avôir con­fessé, alla se jeter aux pieds de cette reine impitoya­ble qui le refusa de nouveau. Enfin Sentinelli lui passa son épée au travers de la gorge, et la lui coupa à force de la chicoter. Quand il fut expire, on prit son corps et on l’emporta enterrer sans bruit1. Cette bar­bare princesse, après une action si cruelle que celle- là, demeura dans sa chambre à rire et à causer, aussi tranquillement que si elle eût fait une chose indiffé­rente et fort louable. » Malgré l’horreur qu’inspira ce crime et une lettre insolente qu’elle aurait écrite il Mazarin, Christine passa à la cour de France le carnaval de 1658, fut logée au Louvre, et vit le roi danser un ballet.

1. Dans l’église d’Avon, où se voit encore la pierre tumulaire.

En 1660 est célébré, à Saint-Jean-de-Luz, le mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne,. Marie-Thérèse. Pendant qu’on préparait à Paris l’entrée triomphale de la reine, les nouveaux’époux résidèrent à  Fontainebleau. Ils y revinrent en juin 1661, quelques semaines après la mort du cardinal Mazarin.

A ce moment Marie-Thérèse était enceinte et l’on attendait sa délivrance. Louis XIV, qui désirait vive­ment un dauphin, faisait dire partout des prières pu­bliques, mais sans interrompre les réjouissances de la Cour. Un roi de vingt-trois ans, beau, spirituel et victorieux, répandait autour de lui l’allégresse et les plaisirs. Ce fut un délicieux commencement de règne, une féerie réalisée, quelque chose qui ne s’était jamais vu et ne se revit jamais plus. Fontainebleau eut les premiers feux, les plus purs de cette étincelante au­rore, avant de se voir préférer Saint-Germain, Ver­sailles et Marly. Chaque jour on imaginait quelque divertissement nouveau, chasse, concert ou prome­nade. On improvisait dans le parc de magnifiques collations. Le soir, le canal s’illuminait. Des barques pavoisées glissaient sur les eaux, et les violons du roi, cachés dans un bosquet, accompagnaient en sour­dine les propos galants que les Lauzun et les Guiehe murmuraient aux oreilles des filles d’honneur des deux reines. Parfois Benserade ordonnait un ballet. 11 savait l’art de flatter, par des allusions mythologi­ques, l’orgueil enivré du jeune roi. On a gardé le sou­venir du Ballet des Saisons où le roi limira tour à tour Cérès et le Printemps, tandis que Mlle La Vallière, encore presque inconnue, représentait une nymphe auprès de celui que déjà peut-être elle aimait en secret.

Ce fut au milieu de cette joie que fut préparée la perte de Fouquet. Depuis un an, Colbert prouvait au roi les malversations du surintendant. Pourtant Louis XIV hésitait à sévir. Le 17 août il accepta d’aller ii Vaux, magnifique château que Fouquet s’était fait bâtir près de Fontainebleau. La reine-mère Anne d’Autriche l’accompagnait. On représenta pour la première fois les Fâcheux,' de Molière, avec des intermèdes de danses, de musique et de chant. Le théâtre était dressé dans le jardin, et la décoration était ornée de fontaines véritables et de véritables orangers; il y eut ensuite un feu d’artifice et un bal où l’on dansa jusqu’à trois heures du matin. On dit que le roi fut outré des modernes magnificences de Vaux, qui rivalisaient avec celles des maisons royales. En revenant la nuit dans son carrosse avec la reine, sa mère, il ne put s’empêcher de dire : « Ah ! Mad ame, est-ce que nous ne ferons pas rendre gorge à ces gens-là! » Quinze jours après (le 5 septembre) Fouquet était arrêté à Nantes où le roi était allé faire un court séjour.

A son retour à Fontainebleau, Louis XIV eut le bonheur de voir naître son fils. « Le 1er novembre 1661, à midi moins sept minutes, dit l’abbé de Choisy, la reine accoucha de Monseigneur le Dauphin. Nous nous promenions dans la cour ovale, lorsque le roi ouvrit la fenêtre de sa chambre, et annonça lui-même le bonheur public en nous criant assez haut : « La reine est accouchée d’un garçon. » Ce dernier mot, dans la bouche de Louis XIV, prouve que le père était plus ému que le roi. On fut bien aise de cette naissance, il y eut des feux allumés partout, et les co­médiens espagnols dansèrent un ballet dans la cour des Fontaines, devant le balcon delà reine-mère, avec des castagnettes, des harpes et des guitares. » Quel­ques jours après, Monsieur, frère du roi donna une collation à l’ermitage de Franchard.

« On y alla à cheval, dit Mllc de Montpensier, et habillé de couleur. Quand on fut arrivé, il prit fan­taisie de se promener dans les rochers les plus incom­modes du monde, et où je crois qu’il n’avait jamais été que des chèvres. Pour moi, je demeurai dans un cabinet du jardin de l’ermite ii les regarder mon­ter et descendre. Monsieur et beaucoup de dames demeurèrent avec moi. Le roi envoya quérir les violons et nous manda de l’aller trouver. Il fallut obéir. Quels chemins! Je m’étonne que personne ne se blessa. Je crois que les bonnes prières de l’ermite nous conservèrent tous. Après souper, on s’en re­tourna en calèche avec quantité de flambeaux. »

Que l’on essaye de se figurer ces fêtes uniques aux derniers beaux jours de l’automne, au moment où les arbres que va dépouiller la première bise se parent, pour un jour, des nuances les plus vives et les plus délicates; les carrosses sont arrêtés sous les grands chênes de Franchard. Les valets tiennent par la bride les chevaux couverts de harnais brodés ; les meutes aboient; les cors sonnent; à travers les rochers que dorent les rayons mourants du soleil, dans les sentiers jaunissants, ducs, comtes, marquis et chevaliers, cou­verts de rubans et de dentelles, s’empressent autour des filles et dames d’honneur en habit de chasse ; les plu­mes ondulent sur les grands chapeaux de feutre ; les rires se mêlent aux cris de frayeur. C’est une de ces parties royales que Van der Meulen aimait à peindre, et dont les plus complaisantes descriptions ne seront jamais que de pilles reflets.

La Cour revient l’année suivante à Fontainebleau. Monsieur venait d’épouser la sœur du roi Charles II, Henriette d’Angleterre. Madartie porta à Fontaine­bleau la joie et les plaisirs. Le roi, qui précédemment avait peu souri h l'idée de l’épouser, « connut, en la voyant de plus près, combien il avait été injuste, en ne la trouvant pas la plus belle personne du monde ». Madame à ce moment devient la reine de la cour, et ce moment durera jusqu’à sa mort; elle donne le ton à toute cette jeunesse, dispose de toutes les parties de divertissements : « Elles se faisaient toutes pour elle, dit Mmc de Lafayette, et il paraissait que le roi n’avait de plaisir que’ par celui qu’elle en recevait. C’était dans le milieu de l’été : Madame s’allait bai­gner tous les jours^elle partait en carrosse à cause de la chaleur, et revenait à cheval suivie de toutes les dames, habillées galamment, avec mille plumes sur

leur tète, accompagnées du roi et de la jeunesse de la Cour. Après souper, on montait dans des calèches, et, au bruit des violons, on s’allait promener une par­tie de la nuit autour du canal. » Les intrigues s’ébauchaient parmi ces groupes charmants de personnes jeu­nes et belles. Le roi fut plus touché qu’un beau-frère ne doit l’être, Madame plus sensible peut-être qu’il n’est permis à une belle-sœur ; entre eux deux ce goût vif, précurseur presque assuré de l’amour. Déjà Monsieur s’inquiétait. Mlle de La Yallière parut à point pour détourner le charme.

Elle avait déjà conquis bien des cœurs parmi les courtisans; Fouquet l’avait recherchée et le comte de Brienne s’était fait son chevalier. Le roi, qui l’aimait sans s’être encore déclaré, vit avec peiiie les atten­tions de Brienne. Il le fit venir dans le salon de Louis XIII, lui arracha l’aveu de son amour et, en avouant le sien, laissa entendre qu’il ne souffrirait pas de rival. Brienne se le tint pour dit et laissa le champ libre à son maître. L’intrigue se dénoua aux Tuileries quelques mois plus tard.

L’amour d’ailleurs n’occupait pas seul la pensée de Louis XIV. Dès le lendemain de la mort de Mazarin, il avait pris la direction des affaires et parlait en maître à ses sujets et à l’Europe.

A Londres, le baron de Watteville, ambassadeur d’Espagne, avait osé, les armes à la main, disputer le pas au comte d’Estrades, ambassadeur de France.

Louis XIV offensé menaça de déclarer la guerre, et le roi Philippe dut envoyer le comte de Fuentès à Fon­tainebleau (2 mars 1662) pour jurer, en présence de tous les ministres étrangers, « que les ambassadeurs espagnols ne concourraient plus dorénavant avec ceux de France ».

A Rome, le duc de Créqui, ambassadeur de Franco a quelques démêlés avec la garde corse du pape Alexandre VII ; un de ses pages est tué, quelques la­quais sont blessés. Louis XIV exige réparation et le Pon­tife temporise. Le roi déclare qu’il fera assiéger Rome et saisir le Comtat Venaissin. Alexandre dut céder, et le cardinal Chigi fût envoyé à Fontainebleau pour faire au roi des excuses solennelles. Les fêtes de cette réception du légat durèrent dix jours. Louis XIV tenait à reconnaître par sa courtoisie la condescen­dance d’Alexandre VIL

Après cette cérémonie et pendant quinze ou seize ans Fontainebleau est moins fréquenté. Saint-Germain devient le séjour ordinaire-de la Cour. On bâtit, ou plutôt on transforme Versailles. Fontainebleau n’est plus qu’une maison de plaisance où le roi apparaît pour quelques semaines en été ou en automne. A partir de 1676 environ, ces voyages deviennent réguliers. Chaque année le roi désigne les seigneurs et les dames autorisés à l’accompagner. C’est une fa­veur très recherchée. Les lourds carrosses se mettaient en marche, précédés des bagages et du personnel de la maison du roi. « Le roi voyageait toujours en carrosse plein de femmes, dit Saint-Simon. Il fallait être en grand habit, parées et serrées dans leur corps de jupe, danser, vedler, être des fêtes, manger, être gaies et de bonne compagnie, ne paraître craindre ni être incommodées du chaud, du froid, de l’air, de la poussière, et tout cela précisément aux jours et heu­res marquées, sans déranger d’une inimité. » Le tra­jet dans ces conditions n’était point un plaisir. Jus­qu’à la mort de Marie-Thérèse (1683), Mme de Mon- tespan est la reine de ces voyages. En son honneur se donnent les parties de chasse et de pêche aux flambeaux. Pour elle on représente les opéras de Lulli, les comédies de Molière et les tragédies de Racine.

Pourtant Mme de Sévigné la blème de quitter Versailles. « Fontainebleau, écrit-elle le 30 juillet 1677, me paraît un lieu périlleux ; il me semble qu’il ne faut point faire changer de place aux vieilles amours non plus qu’aux vieilles gens. La routine fait quelquefois la plus forte raison de leurs attachements; quand on les dérange, ce n’est plus cela.» L’événement devait lui donner raison.

En 1679, on signe dans le salon Louis XIII le con­trat de mariage entre le roi d’Espagne, Charles II, et Marie-Louise d’Orléans, nièce du roi. II y eut feu d’artilice dans la cour du Cheval blanc. La cour se plaça, pour y assister, dans la galerie d’Ulysse. Après des fêtes qui durèrent une se­maine, la jeune princesse quitta le palais. Les adieux eurent lieu dans la forêt. La nouvelle reine était au désespoir, et Louis XIV voyant ses larmes lui dit en l’embrassant : « Je ne pourrais mieux faire pour ma fille! —Vous pouviez, répondit-elle, quelque chose de plus pour votre nièce. » Fille avait eu l’espoir d’épou­ser le Dauphin. Dix ans après, elle mourait subite­ment, empoisonnée, dit-on, par l’ambassadeur d’Au­triche. On redoutait son amour pour la France et l’influence qu’elle avait prise sur son royal époux.

Pendant ces années, grandissait l’iniluence de Mme de Maintenon. Mme de Montespan conservait seulement les apparences de la faveur, sa rivale en possédait déjà toutes les réalités. Chaque année, Fontainebleau voyait revenir la nouvelle favorite plus puissante. Mais sa situation s’affermit surtout en 1683, après la mort de la reine à Chambord. « Pendant le voyage de Fontainebleau (septembre 1683) qui suivit la mort de la reine, dit Mlle de Caylus, je vis tant d’agitation dans l’esprit de Mme de Maintenon, que j’ai jugé depuis en la rappelant à ma mémoire qu’elle était causée par une incertitude violente de son état, de ses pensées, de ses craintes et de ses espérances ; en un mot, son cœur n’était pas libre, et son esprit était fort agité. Pour cacher ces divers mouvements et pour justifier les larmes que son domestique et moi lui voyions quelquefois répandre, elle se plaignait de va­peurs et elle allait, disait-elle, chercher à respirer dans la forêt de Fontainebleau avec la seule Mme de Montchevreuil ; elle y allait même quelquefois à des heures indues. Enfin, les vapeurs passèrent, le calme succéda à l’agitation, et ce fut à la fin de ce même voyage. » Quelques mois après, dans la chapelle de Versailles, Louis XIV se liait par un mariage secret avec la veuve de Scarron.

Dès lors Mme de Maintenon est reine de fait et trai­tée à peu près comme telle à Fontainebleau, comme ailleurs. Louis XIV lui fait disposer un bel apparte­ment, entre la salle des Gardes et la galerie Henri II. Il paraît que l’habitation en était plus somptueuse que commode. « J’ai, à Fontainebleau, écrit la favorite, un très bel appartement, mais sujet au froid l’hiver et au chaud l’été, y ayant une fenêtre de la' gran­deur des plus grandes arcades, où il n’y a ni volets, ni châssis, ni contrevents, parce que la symétrie en serait choquée. Ma solidité a quelque chose à souf­frir, ainsi que ma santé de vivre avec des gens qui ne veulent que paraître et qui se logent comme des divinités. » C’est dans cet appartement que Louis XIV venait passer ses soirées au retour de la chasse, comme il les avait autrefois passées chez Mme de Montespan, monotone tête-à-tête où la reine de la main gauche avait fort à faire pour amuser le roi vieillissant ! C’est là que fut signée, le 22 octobre 1685, la révocation de l’édit de Nantes, qui jetait hors de France un mil­lion peut-être de bons Français, dont le seul crime était d’adorer Dieu à leur manière.

Uu double deuil vient d’ailleurs attrister les séjours de la cour à Fontainebleau. En 1685, c’est la mort du prince de Conti; en 1686, la mort du grand Coudé. « Monsieur le Prince, écrit Mme de Sévigné, avait couru avec une diligence (jui lui coûta la vie, de Chantilly à Fontainebleau, quand M"lc de Bourbon, sa bru, y tomba malade de la petite vérole. Il fut fort malade, et enfin il a péri par une grande oppression. 11 est mort regretté et pleuré amèrement de sa famille et de scs amis. Le roi en a témoigné beaucoup de tristesse, et enfin on sent la douleur de voir sortir du monde un si grand homme, un si grand héros, dont les siècles entiers ne sauront point remplir la place. »

En septembre 1691, la cour fait un séjour à Fontai­nebleau après la mort de Louvois. La perte de ce fa­meux ministre avait obligé Louis XIV à un redoublement de travail. « Les personnes qui l’ont vu de plus près seraient surprises de son activité, écrit Mrac de Maintenon. Il a plus de conseils que jamais, parce qu’il a plus d’affaires, et donne deux ou trois heures par jour à la chasse. Quand il le peut, il rentre à six heures, et est jusqu’à dix sans cesser de lire, d’écrire ou de dicter. Il congédie souvent les princesses après souper pour expédier quelque courrier. » Louis XIV faisait en conscience son métier de roi.

En novembre 1695, eut lieu à Fontainebleau la ré­ception solennelle de la princesse Adélaïde de Savoie, qui venait d’épouser, à onze ans, le jeune duc de Bour­gogne. Louis XIV alla jusqu’à Montargis au-devant d’elle, et le soir même il écrivait à Mme de Maintcnon, restée à Fontainebleau, la curieuse lettre qu’on fit lire : « Je 1'ai considérée de toute manière pour vous mander ce qu’il m’en semble. Elle a la plus belle taille et la meilleure grâce que j’aie jamais vues ; habillée à peindre et coiffée de même ; des yeux vifs et très- beaux, des paupières noires et admirables, le teint tort uni, blanc et rouge comme on peut le désirer, les plus beaux cheveux noirs que l’on puisse voir et en grande quantité. Elle est maigre comme il convient à son âge, la bouche fort vermeille, les lèvres grosses, les dents blanches, longues et très mal rangées, les- mains bien faites, mais de la couleur de son âge. Elle parle peu, au moins à ce que j’ai vu, n’est point em­barrassée qu’on la regarde, comme une personne qui a vu du monde. Elle fait mal la révérence et d’un air un peu italien. Elle a quelque chose d’une Italienne dans le visage, mais elle plaît, et je l’ai vu dans les yeux de tout le monde. Pour vous parler comme je fais tou­jours, je la trouve à souhait et serais lâché qu'elle fût plus belle... Nous avons soupé, elle n’a manqué à ricnT et est d une politesse surprenante à toutes choses...L'air est noble et les manières polies et agréables. J’ai plaisir a vous en dire du bien, car je trouve que, sans préoccupation et sans flatterie, je le puis faire et que tout m’y oblige. »

A la réception de cette missive royale, Mme de Maintenon se hâta d’écrire à la duchesse de Savoie, mère de la jeune duchesse de Bourgogne : « Je voudrais qu il me fut permis d’envoyer à N otre Altesse la lettre que je viens de recevoir du roi. Il n’a pu attendre jus­qu’à ce soir à me dire comment il a trouvé la prin­cesse. Il en est charmé, et conclut par tout ce qu’il voit en elle que son éducation n’a point été négligée : il se récrie sur son air, sa grâce, sa politesse, sa rete­nue, sa modestie... Il n’est pas possible de se tirer de cette entrevue comme elle l’a fait : elle est par­faite en tout, ce qui surprend bien agréablement dans une personne de onze ans... »

Quand Adélaïde de Savoie arriva à Fontainebleau, « toute la cour, dit Saint-Simon, était sur le Fer à cheval, qui faisait untrèsbeau spectacle avecla foulequi étaitau bas. Le roi menait la princesse qui semblait sortir de sa poche, et la conduisit fort lentement à la tribune un moment, puis au grand appartement de la reine-mère, qui lui était destiné. » On lui présenta la famille royale et les principaux personnages de la cour, et, quelques jours après, on la conduisit à Versailles.

Deux ans après ( 1697 ), Fontainebleau vit célébrer le mariage d’Elisabeth-Charlotte d’Orléans, nièce du roi, avec le duc Léopold de Lorraine. Les lêtes de ce mariage, les dernières que donna Louis XIV h Fontainebleau, furent d’une magnificence extraordi­naire, mais attristées parles larmes de la jeune mariée, « qui après la cérémonie, dit Saint-Simon, ne parut plus le reste du jour, qu’elle passa à pleurer chez elle, au grand scandale des Lorrains ».

Enfin, le 9 novembre 1700 arrive à Fontainebleau le courrier qui apportait la nouvelle du plus grand évé­nement du règne. Le roi d’Espagne, Charles II, venait de mourir, désignant pour son successeur le duc d’An­jou, second fils du Dauphin. Louis XIV envoya cher­cher le Dauphin, qui était à la chasse, et lorsqu’il fut venu il tint, avec ce prince et ses ministres, un con­seil, dont les résolutions furent tenues secrètes. Le marquis de Castel dos Rios, ambassadeur d’Espagne, eut une audience du roi, dans laquelle il lui donna avis de la mort de son maître. Le Dauphin et le mar­quis de Torcy furent présents à cette audience, où le testament du roi d’Espagne fut lu. L’ambassadeur se jeta aux pieds du roi, et lui dit : « Sire, Votre Ma­jesté voit à ses pieds un homme qui a l’honneur de lui offrir vingt-deux couronnes... Me sera-t-il permis de reconnaître aujourd’hui Mgr le duc d’Anjou pour mon maître? » Le roi lui répondit : « Je verrai! — Mais, Sire, reprit l’ambassadeur, ce prince est re­connu des Espagnols pour leur roi, m’ôterez-vous la gloire d’ètre le premier à lui rendre mes devoirs? » Le roi lui dit : « Monsieur, vivez en paix, l’on vous ren­dra toujours toute justice qui vous sera due. » L’am­bassadeur, en sortant, dit à quelques seigneurs : « Il ne faut plus citer désormais la fierté espagnole, puisque le roi de France paye d’un : Je verrai un présent comme celui que je viens de lui offrir. » Le roi, d’ailleurs, hésitait à accepter le testament; il reculait devant une lutte certaine contre l’Europe coalisée. Le Dauphin, quittant sa réserve habituelle, soutint avec énergie les droits de son (ils. Mmu de Maintenon se rangea de son côté. Six jours après, à Versailles, le duc d’Anjou était proclamé roi d’Es­pagne. Deux mois plus tard, il se dirigeait vers son royaume. Fontainebleau lui avait laissé de chers sou­venirs dont on a un curieux témoignage, car, en 1701, il chargea un gentilhomme qu’il envoyait en France, de faire, en mémoire de lui, le tour du grand canal de Henri IV.

Les voyages annuels à Fontainebleau n’offrent plus d’intérêt jusqu’à la mort de Louis XIV. On y reçut plusieurs fois la visite de la reine détrônée d’Angle­terre, veuve de Jacques II Stuart. En 1702, un incendie détruisit le pavillon des Armes et le clocher de la chapelle. Le dernier voyage de Louis XIV eut lieu en 1713.

Il est facile, grâce à Saint-Simon, de reconstituer une journée de ce prince à Fontainebleau. A huit heures, on éveillait le roi, qui couchait dans la pièce que l'on appelle aujourd’hui la salle du Trône. Il s’ha­billait, et ses dévotions achevées, en présence des sei­gneurs « ayant leurs entrées », recevait sa famille et donnait l’ordre pour la journée. Pendant ce temps, la cour attendait dans la salle du Conseil et dans le salon de Louis XIII. Vers neuf heures, le roi allait à la messe en passant par le salon de Saint-Louis et la pe­tite galerie de François Ier. A l’aller et au retour de la messe, chacun lui parlait, pourvu cependant qu’on eût averti le capitaine des gardes si on n’était pas d’un rang distingué. Après la messe, avait lieu le conseil, qui se prolongeait souvent fort tard. Quand les affaires étaient plus vite expédiées, le roi se rendait alors chez Mrae de Maintenon jusqu’au dîner, ordinairement fixé à une heure, mais qui pouvait être avancé suivant les chasses ou les promenades projetées pour l’après-nndi. A Fontainebleau, les chasses au cerf avaient lieu plusieurs fois la semaine. Les promenades, le plus souvent au­tour du canal, étaient un spectacle magnifique, « sur­tout pour ceux, dit Saint-Simon, qui étaient de l’autre côté et qui voyaient ce tableau se réfléchir dans l’eau. Le roi était accompagné de toute sa cour, à pied, à cheval et en calèche... Il menait quelquefois les dames dans la forêt, et y faisait porter la collation. » Vers sept heures on rentrait; la cour se concentrait dans les appartements qui forment aujourd’hui la salle du Conseil, les salons de Louis XIII, de Saint-Louis et des Aides de camp, la salle des Gardes. Les tables de jeu étaient installées. Le roi circulait en causant dans l’appartement, puis retournait chez Mmc de Main- tenon, où se tenait un petit conseil particulier avec un ou deux ministres jusqu’au souper, à dix heures. Le roi soupait avec les fils et les filles de France et les dames du premier rang *. Jamais d’hommes, sinon debout, autour de la table. Tout le monde en grande toilette. Après souper, le roi entrait dans sa chambre,se tenait cjuelques moments debout, environné de toute sa cour, le dos au balustre du pied de son lit. puis, avec des révérences aux dames, passait dans la salle du Conseil. Il y demeurait environ une heure

1. La table était le plus souvent dressée, ou dans le salon de François Ier, ou dans le salon actuel des Aides de camp. Dans les grandes solennités, es repas avaient lieu dans la salle de la Belle cheminée, ou dans la galerie Diane.

avec sa famille, lui dans un fauteuil, son frère dans uti autre, le Dauphin debout ou sur un tabouret. Les dames des princesses et les dames d’honneur entraient et formaient le cercle, assises tant qu’il y avait des sièges, ou par terre sans carreaux, mais point d'hommes que les princes. Après une conversation indifférente, il allait donner à manger à ses chiens, rentrait dans sa chambre, donnait l’ordre et congédiait le gros de la cour, se déshabillait devant les grandes et petites entrées. Vers minuit et demie ou une heure il pouvait dormir.

Louis XIV n’a laissé que peu de traces à Fontaine­bleau. Cependant on lui doit le dessin actuel du grand parterre et l’appartement de Mme de Maintenon, qui, d’ailleurs, a singulièrement obstrué le dégagement de la salle de bal. C’est lui aussi qui a fait construire le gros pavillon au bout de l’aile des Reines-mères ; mais c’est une modification dont il n’y a pas lieu de le louer.

 

LOUIS XV 

Louis XV, peinture Saint-Denis

 

Le Régent négligea complètement Fon­tainebleau pour le Palais-Royal et pour Saint-Cloud. Cependant, tel était le renom de ce palais, que le czar Pierre de Russie, en 1717, voulut y être conduit et le visiter. « Le 30 mai, dit Duclos, dans ses Mémoires secrets, il alla dîner à Petitbourg, chez le duc d’Antin, qui le conduisit le même jour à Fontainebleau, où lé comte de Toulouse lui donna, le lendemain, le plai­
sir de la chasse. 11 ne voulut, au retour, manger qu’avec ses gens dans l’île de l’Étang. Le comte de Toulouse et le duc d’Antin durent savoir gré au czar de les en avoir exclus. Il fallut porter ce prince et ses gens dans des carrosses pour revenir à Petit- bourg, où ils arrivèrent dans un état fort dégoûtant. »

C’est la seule anecdote qui vaille la peine d’être re­cueillie jusqu’en 1725, date où Louis XV épousa, dans la chapelle de Fontainebleau, la princesse Marie Lec- zinska, fille de Stanislas, roi détrôné de Pologne.

Les fêtes de ce mariage peu brillant n’eurent pas l’éclat ordinaire des noces royales. Mais on remarqua la bonté de la nouvelle reine qui, après la bénédiction nuptiale, distribua aux personnes de la cour les pré­sents placés par le roi dans la corbeille.

A dater de ce mariage, Fontainebleau, sous Louis XV comme sous Louis XIV, devient le but d’un voyage annuel de la cour. Louis XV se plaît beaucoup dans ce palais, moins solennel que Versailles. Il y veut ses aises comme partout ailleurs, et par malheur ce goût l’entraîne à détruire l’admirable galerie d’Ulysse, rem­placée par l’aile neuve qui fait un si fâcheux effet dans la cour du Cheval blanc. En outre, se trouvant à l’étroit dans les pièces réservées de tous temps au roi et à la reine, il fait doubler sur le jardin de Diane le bâtiment oii se trouve la galerie de François Ier, autrefois éclairée par des fenêtres sur ses deux façades, et se ménage des appartements dans cette construction nouvelle. Enfin
il fait décorer la salle du Conseil par Boucher et Vanloo, et ce décor est si gracieux cju’il faut bien lui pardonner son manque d’harmonie avec le caractère des autres salons du palais.

Les très nombreux séjours de Louis XV à Fontaine­bleau offrent peu d’événements mémorables. La chro­nique galante est à peu près muette. Ni Mm° de Pompadour, ni M“e du Barry n’ont laissé de traces dans ce' palais témoin de tant d’intrigues amou­reuses. La chronique politique ne nous rappelle que la remise du chapeau de cardinal à l’ancien précepteur du roi, l’abbé Fleury, évêque de Fréjus, depuis premier ministre ( 1726 ) ; la signature des articles préliminaires ( 1762) du traité de paix entre la France et l’Angleterre, ratifié à Paris en 1763, et qui mettait fin à la guerre de Sept ans; enfin la mort du dauphin, fils unique de Louis XV ( 1765 ).Ce prince estimable succombait aux suites d’une maladie de poitrine. Le roi fut vivement frappé de sa mort. Quand on lui annonça pour la première fois son petit-fils sous le nom de Monsieur le Dauphin, « Pauvre France! s’écria-t-il, un roi de cinquante-cinq ans et un Dauphin de onze. »

Enfin des fêtes eurent lieu à Fontainebleau : en 1768, à l’occasion du voyage en France de Christian \II, roi de Danemark; en 1771 et en 1773, à l’occasion du mariage du comte de Provence et du comte d’Artois avec les princesses de Savoie.

Lorsque Louis XV habitait Fontainebleau il y avait souvent représentation d’opéra ou de comédie dans la salle de la Belle Cheminée aménagée par ce roi en salle de spectacle. Ces représentations amenèrent à Fontainebleau les deux plusgrands écrivains du siècle.

C’est d’abord Voltaire, qui, de 1740 à 1750, vint parfois surveiller la représentation de ses ballets et de ses tragédies. Puis J.-J. Rousseau parut à Fontai­nebleau en 1752, à l’occasion de la première représen­tation de son opéra, le Devin du village. Ce fut pour lui un sujet de poignantes émotions dont le récit se trouve dans les Confessions.

Rousseau arriva au palais pôur assister à la dernière répétition de son œuvre, et il en lut assez, satisfait. Le soir, Rousseau se rend au théâtre dans la loge qu’on lui a réservée. Il n’avait pas jugé à propos de quitter son accoutrement ordinaire : c’est-à-dire qu’il était en habit « simple et négligé, mais non crasseux ni malpropre » ; et qu’il portait sa barbe; parce que « c’est la nature qui nous la donne, et que, selon les temps et les modes, elle est quelquefois un ornement ». Enfin la représentation commence. «La pièce (ut très mal jouée, quant aux acteurs, mais bien chantée et bien exécutée pour la musique. Dès la première scène, qui véritablement est d’une naïveté touchante, j’entendis s’élever dans les loges un murmure de sur­prise et d’attendrissement jusqu’alors inouï dans ce genre de pièces. La fermentation croissante alla

bientôt au point d’être sensible dans toute l’assemblée. On ne claque point devant le roi, cela fait qu’on en­tendit tout; la pièce et l’auteur y gagnèrent. J’enten­dais autour de moi un chuchotement de femmes qui me semblaient belles comme des anges et qui s’en­tredisaient ;i demi-voix : « Cela est charmant, cela est « ravissant; il n’y a pas un son là qui ne parte du « cœur! » Le plaisir de donner de l’émotion à tant d’ai­mables personnes m’émut inoi-mêmc jusqu’aux lar­mes. J’ai vu des pièces exciter de plus vifs transports d’admiration, mais jamais une ivresse aussi pleine, aussi douce, aussi touchante, régner dans tout un spectacle, et surtout à la cour, un jour de première représentation. Ceux qui ont vu celle-là doivent s’en souvenir; car l’effet en fut unique. »

Le lendemain, on devait présenter Jean-Jacques au roi. Mais la peur le prit et il s’enfuit sans crier gare, perdant ainsi la pension qui lui était promise. Car le roi avait beaucoup goûté le Devin, et depuis la repré­sentation ne cessait d’en fredonner les airs « avec la voix la plus fausse de son royaume ».

Louis XVI.

Louis XVI Saint Denis

 

Sous Louis XVI se perpétue la tra­dition des voyages annuels à Fontainebleau. Marie- Antoinette n’aurait garde d’y manquer. Elle aime beaucoup le vieux palais des rcis de France et la forêt immense qui l’environne. En 1773, étant dauphine, elleassistait à l’une des chasses de Louis XV et secourut
la famille d’un pauvre vigneron blessé par un sanglier qui avait franchi la haie d’un jardin où il travaillait. Devenue reine. Marie-Antoinette fit transformer son appartement par l’architecte Rousseau et se plut à y organiser des réunions d’où l’étiquette était bannie. On vit pour la première fois (qu’aurait dit Louis XIV ? ) des seigneurs, qui n’étaient pas du sang royal, admis à la table royale ! Dans le parc, sous les ombrages qui entourent le canal, des pastorales improvisées rappe­laient les fêtes champêtres de Rambouillet et de Tria non.

Pendant ce temps le roi chassait, s’occupait de ser­rurerie. Il avait installé un atelier dans les combles au-dessus de son appartement. Une chose le chagri­nait toutefois : le peu d’empreâsement de la cour à le suivre à Fontainebleau. Chaque année le cortège s’éclaircissait, et le roi s’offensait de cette négligence. 11 obligea les titulaires des grandes charges à raccom­pagner, sauf excuses légitimes, dans tous ses dépla­cements. Cette rigueur causa des murmures et, après 1786, on renonça aux voyages à Fontainebleau.


Pendant ce séjour de 1786, le dernier de l’ancien régime, Louis XVI ratifia le traité de commerce et de navigation entre la France et l’Angleterre, qui effaçait les dernières traces de la guerre pour l’indépendance des États-Unis. Puis le roi dit à Fontainebleau un adieu qui devait être éternel, quoiqu’en 1791 l’Assemblée nationale ait rangé ce palais parmi les résidences réservées au domaine royal.

 

 

 source : Les palais nationaux : Fontainebleau, Chantilly, Compiègne, Saint-Germain, Rambouillet, Pau, etc., etc. / par Louis Tarsot et Maurice Charlot ( date d'édition inconnue mais probablement fin XIXe ), numérisation et OCR par montjoye.net avec  des rajouts et modifications du texte initial.

Vous pouvez néanmoins trouvez un exemplaire numérique sur gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6448891b

Henri II à Henri IV Fontainebleau

Détails
Catégorie : Seine-et-Marne - 77
Création : 19 Juillet 2018
Mis à jour : 9 Novembre 2019
Clics : 4982
 
CHAPITRES

 

I - Château de Fontainebleau au Moyen-Âge

II - Château de Fontainebleau ( description )

III - Fontainebleau sous François Ier

IV - de Henri II à Henri IV

V - sous Louis XIII , Louis XIV ,  Louis XV & Louis XVI 

VI - au XIXe siecle : l'Empire Napoleon Ier jusqu'à la fin du siècle

 

Henri II et ses fils

Henri II roi de France, peinture, portrait, Louvres

 Le nouveau roi commence son règne par l’exil de la duchesse d’Étampes, . Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, n’attend pas longtemps pour se venger des longues insolences de sa rivale. Le jour même de la mort de François Ier, elle lui fait rede­mander les joyaux qu’elle devait à la générosité de son royal amant. Juste revanche de son procédé à l’égard de Mm° de Chateaubriand. Puis l’ancienne favorite est chassée et va traîner dans l’oubli les der­nières années d’une vie méprisée.

Diane est désormais la véritable reine de Fontaine­bleau. Elle est la maîtresse absolue du cœur du roi, si absolue, qu’on l’accusait tout bas de sorti­lège. Tandis que Catherine de Médicis, délaissée, traîne péniblement à Fontainebleau ses grossesses et ses relévailles, la belle duchesse, dans ses habits de veuve, en soie blanche ou noire, la gorge savamment découverte, préside aux tournois, aux chasses et aux festins. Par quel art raffiné resta- t-ellc jusqu’à soixante-dix ans te aussy belle de face, aussy fraîche et aussy aimable comme en l’aage de trente ans, de façon qu’il n’y avait cœur de rocher qui ne s’en fust ému » ? On l’ignore; à moins qu’on ne prenne au sérieux les bouillons d’or potable dont Brantôme ajoute qu’elle faisait usage tous les matins.

Dans le galant essaim des favorites royales, Diane, ne l’emporte que par sa réputation de beauté presque fabuleuse. Elle ne fut pas aimée de la cour qu’elle do­minait. Cependant elle protégea les lettres et les arts. Sous ce rapport, Fontainebleau lui doit beaucoup. Elle conserva Paul Duchâtel jusqu’à sa mort, à la tête de la bibliothèque du palais, et le remplaça par un savant de mérite, Pierre de Montdorré.- Enfin elle poussa Henri II à terminer les travaux de Fontainebleau nar la décoration de la salle de bal. Le Primatice et son élève, Ni'colo dell’ Abbate, se mirent à l’œuvre et firent de cette galerie la merveille du palais. Partout furent prodigués les emblèmes de Diane, les arcs, les flèches, et surtout les croissants[1]. C’est là que la belle duchesse de l’Hôpital , le cardinal de Lorraine et le duc de Guise portent à Coligny les défis les plus violents, et la con­férence est brusquement rompue. Le fanatisme des deux partis avait vaincu la tolérance de l’Hôpital.

 

Charles IX. 

 

Dès les premiers mois du règne, la reine-régente Catherine de Medicis s établit à Fontaine- bleau. Acette époqueelle favorise les calvinistes. Contre elle se forme le triumvirat compose du duc de Guise, du connétable de Montmorency et du maréchal de Saint-André, auxquels.se joint, sans trop savoir pour­quoi, le roi de Navarre, lieutenant général du royaume. Le prince de Condé médite de s’emparer de la personne du roi, et Catherine n’est pas éloignée de le lui livrer. Soudain le roi de Navarre, poussé par le duc de Guise, se présente à Catherine et lui représente « que les hérétiques en armes tenant la campagne, le roi n’est pas en sûreté dans un château de plaisance qui n’a ni fossés ni murailles; qu’il est de son devoir, comme lieutenant général du royaume, de recon­duire Leurs Majestés à Paris ». La reine-mère rassure son fils et montre une sécurité qui prouve son entente avec Condé. Mais le connétable de Montmorency, qui, sous les ordres du roi de Navarre, commandait, a toute la force militaire, ordonna le départ immédiat de la cour pour Melun ; « et comme les domestiques de Catherine montraient quelque hésitation, il menaça de donner des coups de bâton à ceux qui refuseraient de détendre le lit du roi, pour la crainte qu’ils auraient de sa mère ». La régente et le petit roi tout en larmes furent reconduits à Paris.

Charles IX ne revint plus à Fontainebleau qu’en 1564, au début du grand voyage à travers la France qu’il entreprit avec sa mère. Le luxe de la cour de Cathe­rine rappelait le temps de François Ier. Cent cin­quante fdles d’honneur, dressées à la séduction, lui servaient à attirer et à retenir autour d’elle catho­liques et protestants. Ces belles personnes figuraient dans les ballets et les pantomimes que la reine aimait à composer.

Après la réception solennelle des ambassadeurs du pape, de l’empereur, du roi d’Espagne et du duc de Savoie, qui engagèrent le roi à défendre et à maintenir la foi catholique, les réjouissances commencèrent. La reine-mère, le connétable de Montmorency et le duc d’Orléans offrirent tour à tour de magnifiques festins. Il y eut un tournoi allégorique où l’on vit dix chevaliers délivrer dix dames, vêtues en nymphes, enfermées dans un château enchanté; enfin une tragi-comédie dont les principaux acteurs étaient le duc d’Anjou (Henri III), Madame Marguerite de France (la reine Margot, pre­mière femme de Henri IV), le prince de Condé et le duc de Guise.

 

Henri III, musée du Louvre

Henri III

 

Après cette fête brillante, Fontainebleau devient silencieux. Henri III ne vint qu’en 1578 dans ce château où il était né, et qu’il aimait s’il faut en croire les vers que lui prête Desportes, son poète favori :

Lieux de moy tant aimez, si doux à ma naissance, Rochers qui des saisons dédaignez l’inconstance,

Francs de tout changement,

Effroyables déserts, et vous, bois solitaires,

Pour la dernière fois, soyez les secrétaires De mon deuil véhément.

Nymphes de ces forests, mes tidelles nourrices,

Tout ainsi qu’en naissant vous me fûtes propices,

Ne m’abandonnez pas,

Quand j’achève le cours de ma triste aventure ;

Vous listes mon berceau, faites ma sépulture,

Et pleurez mon trépas.

On doit aux derniers Valois ou plutôt à leur mère, la reine Catherine, quelques embellissements du palais. Elle fit revêtir de pierres de taille deux des pavillons de la grande façade de la basse-cour ; construire un grand perron qui a été remplacé par le célèbre escalier du Fer à cheval ; achever les peintures de la galerie d'Ulysse ; placer sous un dôme, au milieu de la basse-cour, un moulage en plâtre du cheval de Marc-Aurèle [2] qui se voit à Rome devant le Capitole. Cependant, si nous en croyons du Cerceau, le château était fort délabré au moment de l’avènement de Henri IV.

 

HENRI IV

 

Henri IV le palais de Fontainebleau reprend son animation

Avec Henri IV le palais de Fontainebleau reprend son animation. Jusqu’en 1598, c’est-à-dire jusqu’à la con­clusion du traité de Vervins, ce prince ne fait qu’y passer. Toujours à cheval, il parcourt la France, à la chasse de l’Espagnol et du ligueur. A-t-il un moment de répit, il vient, au débotté, se reposer à Fontainebleau, ordonne et surveille à la hâte quelques travaux, pousse une pointe jusqu’au Château de Montceaux-lès-Meaux[3] où il a installé la belle Gabrielle d’Estrées, duchesse de Bcaufort, puis court se remettre à la tète de ses armées en Norman­die, en Picardie ou en Artois.

La paix signée, le bon roi veut rattraper le temps perdu. Les chasses avec curées aux flambeaux, les ballets, les festins vont recommencer dans le palais silencieux depuis tantôt trente ans. Mais pas de reine pour tenir la cour. Marguerite de Valois n’est plus que de nom la femme de Henri IV. La duchesse de Beau- fort voit toutes les fêtes données en son honneur. Le roi est retenu auprès d’elle par la naissance de deux fils et d’une fille qu’il aime tendrement. II n’a point d’héritiers légitimes et regarde parfois avec mélancolie ces beaux enfants si dignes du trône, n’était la tache originelle de leur naissance. Depuis longtemps déjà des pourparlers ont lieu entre le roi et la reine Marguerite pour aboutir à une annu­lation de mariage qui permettrait à Henri IY de se re­marier.

Cette situation est pour Gabrielle à la fois un péril et une tentation. Qui le roi va-t-il épouser? S’il le voulait, elle serait reine. Le roi y songe parfois. S’il n’eût écouté que son cœur, il n’eût point hésité à placer ;i ses côtés sur le trône une femme passionnément aimée, d’humeur douce, point tracassière et dont d avait déjà une belle lignée. Sully, son confident, l’en dissuadait vivement. Gabrielle l’apprit, et certain jour elle osa mettre le roi en demeure de choisir entre elle et Sully. Henri la tança vertement. « Je vous déclare, dit-il, que si j’étais réduit à cette nécessité de perdre l’un ou l’autre, je me passerais mieux de dix maîtresses comme vous que d’un serviteur comme lui. » Sur ces mots le roi allait sortir lorsque Gabrielle se serait jetée à ses pieds en la suppliant de la remettre en grâce auprès de son ami.

Cependant, vers les premiers mois de 1599, le mariage du roi avec Gabrielle semblait imminent.

Pâques approchait. Le roi voulut aller à Fontainebleau. Gabrielle devait le rejoindre. Elle était fort affligée depuis quelque temps, dit Sully, et ne faisait que sou­pirer et pleurer toutes les nuits sans qu on en pût deviner la cause. Le roi, pressé de la revoir, lui écrivit ce billet : « De nos délicieux déserts de Fontainebleau.

Mes chères amours, ce courrier est arrivé ce soir; je vous l’ai soudain dépêché, parce qu'il m’a dit que vous lui aviez commandé d’être demain de retour auprès de vous, et qu’il rapportât de mes nouvelles. Je me porte bien, Dieu merci; je ne suis malade que d’un violent désir de vous voir. »

« Or, dit Sully, quoy que cette dame fust ainsv agitée cTe tels soucis et fantaisies, et outre cela fort incommodée de sa grossesse, si ne laissa-t-elle pas néantmoins de vouloir aller avec le roy à Fontaine­bleau vers la fin du caresme. Mais comme luy vit les festcs approcher, et que s’il la retenoist près de luy et en ces jours de dévotion, cela pourroit apprcster à parler, voire apporter du scandale aux plus scrupuleux, il luy commanda de s’en aller faire ses Pasques à Paris, pendant qu’il feroit les siennes aux champs, et la voulut conduire quasi à moitié chemin, où en se séparant il se fit de part et d’autre autant de compli­ments, de mystères et de cérémonies que s’ils eussent bien su qu’ils ne se dévoient jamais plus revoir, voire elle en partant, et ayant les larmes aux yeux, lui recom­manda son César, son Alexandre et sa Henriette, ses bastiments de Monceaux, et ses pauvres serviteurs; ce qui attendrit tellement le cœur du roy, qu’il ne se pou- voit quasi tirer d’entre ses bras, voire fallut que M. le mareschal d’Ornano et Messieurs de Roquelaure et de Frontenac les vinssent séparer et le ramener. »

La duchesse de Beaufort voyageait en bateau. Elle était accompagnée de Bassompierre à qui le roi avait dit la veille au soir : « Bassompierre, ma maîtresse vous veut demain mener avec elle dans son bateau à Paris ; vous jouerez ensemble par les chemins. » On aborde près de l’Arsenal. Gabrielle va loger chez le financier Zarnet, ami du roi et « seigneur de dix-sept cent mille écus ». Elle entend les ténèbres au petit Saint-Antoine et au retour, comme elle allait commencer une lettre au roi, elle est prise successivement de deux con­vulsions si violentes qu’elle ne revint plus à elle.

« Elle dura en cet état-là, dit Bassompierre, toute la nuit et le lendemain, qu’elle accoucha d’un enfant mort; le vendredi saint, à six heures du matin, elle expira. Je la vis en cet état le jeudi après midi, tellement changée qu’elle n’était pas reconnaissable. »

Le roi avait été prévenu de la maladie de Gabrielle. Il accourait il toute bride. Bassompierre se porta à sa rencontre et le joignit un peu avant Villejuif. Le roi devina sur sa mine la triste nouvelle, « ce qui lui fit faire de grandes lamentations ». Il fallut le mettre presque de force dans un carrosse pour le reconduire à Fontainebleau. Arrivé au palais, il monta aussitôt dans la salle de la Grande-Cheminée1, pria toute la com­pagnie de retourner à Paris « pour prier Dieu pour sa consolation » et ne retint que le seul Bassompierre. « Vous avez été, lui dit-il, le dernier auprès de ma maîtresse, demeurez aussi près de moi pour m’en entretenir. »

Un courrier avait été dépêché à Sully, qui se trouvait à son château de Rosny. Le hon seigneur était encore couché « devisant avec Madame sa femme » quand il entendit « fort sonner la cloche de la porte et une voix peu après qui crioit incessamment, do part du roy, de part du roy». Il mit la tête à la fenêtre pour appeler ses gens, faire abaisser le pont et ouvrir la porte, puis descendit en bas « en robe de nuit ». — « Le roi est-il malade?» Ce fut son premier cri.—Non ; madame la du­chesse est morte. » La nouvelle ne troubla pas Sully plus que de raison. Il craignait toujours que le roi ne fît la folie d’époüser Gabrielle. Aussi retourna-t-il tout joyeux auprès de sa femme et lui dit en l’embrassant : « Ma fille, il y a bien des nouvelles; vous n’irez point au coucher ni au lever de la duchesse, car la corde a rompu. Voilà le roy délivré de beaucoup de travaux d’esprit parmi tant d’irrésolutions dont il était agité! » Et sur-le-champ Sully se met en route pour Fontaine­bleau.

Henri l’attendait avec impatience. Il le reçut dans la galerie de sa chambre. Sully lui fit un long discours pour l’exhorter à la résignation. Le roi l’écouta avec patience, « après quoi il sortit de la galerie, et fut trouvé beaucoup moins triste par ceux qui estoient dans la chambre, qu’ils ne l’avoient veu auparavant. Et quelques jours après, sa vertu surmontant peu à peu ses passions, et n’ayant plus personne pour l’entretenir d’icelles, il revint en son premier naturel et vaqua comme auparavant aux affaires de l’Estat ». Toutefois il fit porter le deuil à toute sa cour. Il le porta lui-même en noir les huit premiers jours, et ensuite en violet.

A peine Gabrielle est-elle morte qu’on reprend les négociations avec la reine Marguerite, et qu’on pré­pare un mariage avec la princesse de Toscane, Marie de Médicis. En même temps, le Vert-Galant courtise Henriette de Balzac d’Entragues, fille de Marie Tou- chet, l’ancienne maîtresse de Charles IX, et, par suite, sœur utérine du duc d’Angoulême. Marie Touchet avait épousé Balzac d’Entragues, gouverneur d’Or­léans. Henriette, alors âgée de vingt ans, fort belle, mais ambitieuse et coquette, sut inspirer au roi une passion irrésistible.

Elle commença par se faire donner par le roi cent mille écus, bientôt suivis d'une promesse de mariage écrite en bonne et due forme. Quelques jours après, le roi prit à part Sully, dans la galerie de Fontaine­bleau, et lui mit un papier entre les mains; puis « se tournant de l’autre côté, avec une certaine façon, comme s’il eût eu honte de le lui voir lire, il dit : « Li- « sez cela, puis m’en dites votre avis. » C’était la pro­messe de mariage. Rosny, après l’avoir lue, la rendit au roi, en lui disant qu’il n’avait pas assez médité sur une affaire de telle importance, pour émettre un avis. Mais le roi insistant: « Là, là, dit-il, parlez-en libre­ment, et ne faites point tant le discret ; votre silence m’offense plus que ne sauroient faire toutes vos con­trariantes paroles, car, sur un tel sujet que je me doute bien que vous ne m’approuverez pas, quand ce ne se- roit que pour les cent mille écus que je vous ai fait bailler avec tant de regret. Je vous promets de ne me fâcher de rien que vous puissiez dire. Partant, parlez librement, et me dites ce qu’il vous en semble; je le veux et vous le commande absolument. — Vous le voulez-donc, Sire, et me promettez de n’en être point en colère contre moi, quoi que je puisse dire et faire ? — Oui, oui, dit le roi, je vous promets tout ce que vous voudrez, car aussi bien, pour votre dire, n’en sera-t-il ni plus, ni moins. » Sully reprit alors la promesse comme s’il voulait la relire et la déchira en deux : « Voilà, Sire, puisqu’il vous plaît le savoir, ce qu’il me semble d’une telle promesse! — Comment, morbleu ! ce dit le roi, que pensez-vous faire ? Je crois que vous êtes fou ! — Il est vrai, Sire, je suis un fou et un sot, et je voudrais l’être si fort que je le fusse tout seul en France. » Il voulait continuer à parler, mais le roi rentra dans son cabinet sans lui répondre, écrivit une autre promesse, sortit, passa devant lui sans le regarder, monta à cheval, et partit pour Malesherbes où l’attendait Henriette d’Entragues. Sully se crut disgracié, mais, peu de jours après, le roi, en lui donnant la charge de grand-maître de l’artillerie, lui prouva qu’il avait apprécié sa courageuse sincérité.

Un complice s’offrit en ce moment à l’artificieuse Henriette qui visait si haut : c’était le maréchal de Bi­ron, depuis longtemps mécontent du roi dont il avait lassé la générosité. Lorsque le duc de Savoie vint en France, en décembre 1599,1e maréchal nerepoussa pas les offres que lui fit ce prince insinuant. Pendant les fêtes qui furent données à Fontainebleau, le duc et le maréchal se virent secrètement. Le duc voulait que le maréchal l’aidât à recouvrer le marquisat de Saluces, et laissait entrevoir au maréchal la fortune des Guises et l’appui des Espagnols. Cependant rien de définitif ne fut alors conclu entre eux. Les pourparlers traî­nèrent pendant deux années (1600 et 1601) avec la complicité de la marquise de Verneuil.

Au plus fort de ces intrigues de politique et d’amour eut lieu à Fontainebleau dans la salle du Conseil, le 4 mai de l’an 1600, une conférence religieuse entre l’évêque d’Evreux, Davy Duperron, et le célèbre Du- plessis-Mornay qu’on appelait le pape des huguenots. Cette discussion ne tourna pas à l’honneur de Du- plessis-Mornay. On lui prouva, paraît-il, la fausseté de certaines citations contre l’Eucharistie, et au sortir de la séance, le roi dit à Sully : « Eh bien ! que pen­sez-vous de votre pape ? — II me semble qu’il est plus pape que vous ne pensez ; car ne voyez-vous pas qu’il donne le chapeau rouge à M. d’Evreux? mais, au fond, je ne vis jamais homme si étonné, ni qui se défendît si mal. Si notre religion n’avoit un meilleur soutien que ses jambes et ses bras en croix ( Mornay les tenait ainsi) je la quitterais plutôt aujourd’hui que demain. » A la suite de cette conférence, Duperron fut créé cardinal, et le président de Canaye, l’un des juges, se convertit au catholicisme.

Depuis décembre 1599 le divorce était prononcé en­tre le roi et la reine Marguerite, et en décembre 1600, Henri IV épousait Marie de Médicis. Les cérémonies du mariage eurent lieu à Lyon. La jeune reine passa ensuite quelques jours à Fontainebleau. Elle y revint pendant l’été de 1601 et accoucha d’un dauphin le 27 septembre. La sage-femme qui assista la reine nous a laissé la naïve relation de cette naissance.

Elle s’amuse à cacher d’abord au roi le sexe de l’en­fant. Le petit dauphin lui paraît faible ; elle veut lui faire boire du vin. Le roi le lui verse dans une cuil­lère, elle l’avale et le « souffle » elle-même dans la bouche de l’enfant. Mais Henri ignore encore s’il est père d’une fille ou d’un garçon. « Il vint, dit la sage- femme, à côté de la reine et se baissa, et me dit, la bouche contre mon oreille : « Sage-femme, est-ce « un fils ? » Je lui dis que oui. « Je vous prie, ne « me donnez pas de courte joie, cela me ferai* mou- « rir. » Je développe un petit M. le dauphin et lui fis voir que c’étoit un fils, que la reine n’en vit rien. 11 leva les yeux au ciel, ayant les mains jointes, et rendit grâce à Dieu. Les larmes lui rouloient sur la face, aussi grosses que de gros pois. » Le roi s’approcha alors de la reine, et l’embrassant : « Ma mie, vous « avez eu beaucoup de mal, mais Dieu nous a fait une « grande joie de nous avoir donné ce que nous lui « avions demandé : nous avons un beau fds. » La reine, à l’instant, joignit les mains, et les levant avec les yeux vers le ciel, jeta quantité de grosses larmes, et à l’instant tomba en faiblesse. » Déjà le roi avait ouvert la porte de la chambre et fait entrer toute la cour. Il y avait plus de deux cents personnes autour du lit de la reine. La sage-femme s’en fâcha. « Tais- toi ! tais-toi! sage-femme, dit le roi, ne te fâche pas; cet enfant est à tout le monde, il faut que chacun s’en réjouisse. » Et prenant le dauphin entre ses bras, il le montre aux assistants, lui met son épée entre les mains : « La puisses-tu, mon fils, employer à la gloire de Dieu, à la défense de la couronne et du peuple ! »

Un mois après, l’enfant royal faisait sa première entrée à Paris. On le menait à Saint-Germain-en-Laye, à cause du bon air ( surnommée parfois la montagne du bon air ). Il était en litière ouverte, et afin que le peuple pût le voir aisément, la nourrice le tenait à la mamelle.

Ce serait mal connaître Henri IV que de se figurer que son mariage avait rompu sa liaison avec Henriette d’Entragues, alors marquise de Verneuil. Un fils était né de leurs amours quelques jours après le dauphin. La reine, accompagnée de l’enfant royal, ayant rencontré dans le parc Henriette et son fils, celle-ci eut l’audace de dire : « Voici nos deux dauphins, Madame, mais le mien est plus beau que le vôtre ! » Marie de Médicis répondit par un soulflet rudement appliqué sur la joue de la favorite. On peut juger par ce trait des criaille- rics que le roi avait à supporter.

Cependant, la marquise ne se piquait pas d’une fidélité rigoureuse. Les mémoires de Bassompierre en font foi. Est-ce elle que le roi soupçonnait lorsqu’il plaça, dans la galerie de Diane, Pontis1, cadet au , régiment des gardes, avec ordre d’épier « un des pre­miers seigneurs de sa cour, qui allait, après son cou­cher, visiter une grande dame, pour lors logée au château » ?

Pontis, sur les onze heures, muni d’une clef qui ouvrait toutes les portes du palais, alla donc se placer dans un recoin de la galerie, d’où il pouvait tout voir sans être vu. « Au bout d’une heure, dit-il, j’entendis venir celui de qui on m’avait parlé ; mais comme il n’avoit pas de lumière, on ne pouvoit le connoître. Je ne lui donnai pas le loisir d’aller dans la chambre où il alloit, parce que je le suivis ; et lui, m’ayant enten­du, tourna à côté dans une autre galerie, où il se coula si doucement et si vite qu’il s’en fallut peu qu’il ne m’échappât dans l’obscurité. Cela m’obligea de doubler le pas pour le suivre de plus près. Il se douta aussitôt qu’on le suivoit, et étant entré dans la gale­rie des Cerfs, il tira la porte sur lui, espérant de m’ar­rêter tout court; mais il fut bien étonné d’entendre ouvrir la porte et de se voir suivi comme auparavant. Alors d fit cent tours dans les cours et basses-cours, et enfin se sauva dans le jardin, dont il ferma brus­quement la porte, croyant m’échapper par ce moyen et se cacher en quelque lieu. Son dessein lui réussit

1. Ce Pontis est mort à Port-Royal, après avoir servi sous trois rois.

assez heureusement d’abord, car s’étant caché dans une grande et épaisse palissade qui faisoit un grand Ombrage et le mettoit à couvert de la clarté de la lune, je ne vis personne lorsque j’entrai dans le jardin. Mais lorsque j’étois comme au désespoir de l’avoir ainsi laissé échapper, retournant vers la porte et re­gardant dans l’épaisseur des plus proches palissades, je l’y aperçus. Lui, se voyant ainsi découvert, sortit de la palissade tout en colère, faisant mine de vouloir s’en aller fort vite; mais tout d’un coup il se retourna et dit tout haut : « Ah ! c’en est trop ! » Et il fit semblant de mettre l’épée à la main. Je m’arrêtai et demeurai ferme sans dire un seul mot et fis mine de vouloir me défendre, résolu de le faire si on m’y eut obligé, mais ce seigneur fit encore quelques tours et rentra ensuite dans la galerie, d’où il se retira dans sa chambre, à la porte de laquelle je demeurai comme en faction.

« Le roi ne tarda pas à paraître en robe de cham­bre avec une petite lanterne à la main, et quoique je n’eusse jamais eu l’honneur de lui parler je tâchai de lui rendre compte de ma commission le mieux que je pus, et comme je lui représentois assez naïvement la colère avec laquelle mon gentilhomme étant tout a coup sorti de la palissade, il avait fait mine ensuite de mettre l’épée à la main, le roi m’interrompant me de­manda : « Mais qu’aurois-tu foit, cadet, s’il étoit venu « jusqu’à toi ! — Je me serois défendu, Sire, lui dis- « je. Car Votre Majesté m’avoit bien fait commander « de ne point parler, mais non pas de ne point me dé- « fendre. » Le roi éclatant de rire ajouta : «Je le juge

Malgré ses infidélités, M“° de Verneuil osait en­core se flatter de faire déclarer nul le mariage du roi. Des intrigues s’ourdissaient dans ce but. Le comte d’Auvergne et le duc de Bouillon y prirent part ; Biron renoua ses rapports avec l’étranger. Il reprit ses correspondances avec le duc de Savoie et le comte de Fuentès, gouverneur de Milan pour le roi d’Espagne. L’imprudent courait à sa perte. A ce moment cependant il était au comble de la faveur.

En effet, en octobre 1601, il fut envoyé à Londres et reçu avec honneur par la reine Elisabeth. A son retour il fut fort bien accueilli par le roi qui le conduisit à Fontainebleau et lui en fit les honneurs avec des grands témoignages d'affection. Mais Biron était aveuglé. Un de ses complices, nommé La Fin, lui vola l’original du traité passé avec le duc de Savoie et le remit au roi. Il s’agissait de livrer laFrance à 1 Espagne et de substi­
tuer le fils de la marquise de Verneuil aux droits du dauphin. Aussitôt Henri fit part à Sully des révéla­tions de La Fin, et tous les deux furent d’avis qu’il fallait appeler le maréchal et l’interroger. On se déci­derait d’après sa conduite.

Le roi manda le maréchal à Fontainebleau : « Je ne voudrais pas, disait-il, les larmes aux yeux, que le maréchal de Biron fût le premier exemple de la sévé­rité de ma justice, et que mon règne, jusqu’ici calme et serein, se chargeât tout soudain de foudres et d’é­clairs. » Biron se décida à quitter Dijon. A Mon- targis, il reçut de sa sœur, la comtesse de Roussi, un avis ainsi concu : « Si vous allez plus loin, vous êtes perdu ; » mais persuadé, comme le duc de Guise au Château de Blois qu’ils n oseraient, il poursuivit sa route, et arriva à Fontainebleau le 13 juin 1602 de grand matin.

Le roi entrait dans le grand jardin et disait : « Non, il ne viendra pas. » Mais à l’instant le maréchal parut, et dès qu’il aperçut Sa Majesté, il fit trois révérences. Le roi s’avançant l’embrassa, et lui dit : « Vous avez bien fait de venir, car autrement je vous allais quérir. » Puis il le prit par la main, et ils passèrent ainsi d’un jardin dans l’autre, où Sa Majesté lui parla « des avis qu’il avait eus de quelques mauvaises intentions con­tre son État, ce qui ne lui apporterait qu’un repentir, s’il lui disait la vérité ». Le maréchal répondit quel­ques paroles hautaines, entre autres, «qu’il n’était venu pour se justifier, mais pour savoir qui étaient ses
accusateurs; qu’il n’avait pas besoin de pardon, puis­qu’il n’avait offensé ».

Après dîner, le roi se promenait dans la salle, où sa statue était sculptée en relief sur la cheminée. Biron vint l’y trouver. Le roi, lui montrant cette statue, dit : « Eh bien ! cousin, si le roi d’Espagne me voyait comme cela, que dirait-il ? — Il ne vous craindrait guère, » répondit le maréchal. Un regard du roi le fit rentrer en lui-même. Il reprit aussitôt : « J’entends, Sire, en cette statue, mais non pas en votre personne. — Bien, Monsieur le maréchal, » répliqua le roi avec un sourire amer, et il alla trouver Sully en son pavillon, au bout du parterre. « Mon ami, dit-il tristement, voilà un malheureux homme que le maréchal. J’ai envie de lui pardonner; mon cœur ne se peut porter à faire du mal à un homme qui a du courage, duquel je me suis si longtemps servi, et qui m’a été si familier. Mais toute ma crainte est que, quand je lui aurai pardonné, il ne pardonne, ni à moi, ni à mon enfant, ni à mon État! »

Sully proposa de tenter à son tour une démarche auprès du maréchal. 11 alla le trouver dans la chambre du roi. Le maréchal le salua très froidement. « lié ! qu’est-ceci, Monsieur? s’écria Sully. Vous me saluez en sénateur et non pas à l’accoutumée, llo! ho! il ne faut pas faire ainsi le froid, embrassez, embrassez-moi encore une fois, et causons. » Ils s’assirent : « Eh bien ! Monsieur, quel homme êtes-vous? Avez-vous salué le roi ? Que lui avez-vous dit? Vous le connaissez bien, il est libre et franc, et veut que l'on vive de même avec lui. L’on m’a dit que vous avez fait le froid et le retenu avec lui ; cela n’est pas de saison. Ce n’est pas comme il faut procéder envers cet esprit vraiment royal : ouvrez-lui votre cœur et lui dites tout, ou à moi si vous voulez, et devant qu’il soit nuit, je vous réponds que vous demeu­rerez contents l’un de l’autre? — Je veux bien vous croire, reprit Biron; mais je ne sais rien et n’ai à confesser péché ni peccadille ; car j’en sens ma conscience fort nette. »

Le roi lui-même revint à la charge. « Je sais tout, dit-il en embrassant le maréchal. Parle, Biron, mon ami, c’est ton ami qui t’en prie; personne autre que moi ne le saura. » Biron resta insensible. Il s’en fiait à son complice La Fin, qui lui avait dit à son arrivée à Fontainebleau : « Courage et bon bec, mon maître, ils ne savent rien. »

La nuit se passa. Le lendemain le roi se lève de bon matin et s’en va promener dans le jardin de Diane. Il fit appeler le maréchal et lui parla assez longtemps. L’on voyait le maréchal la tête nue, frappant sa poi­trine en parlant au roi; ce n’étaient, paraît-il, que me­naces contre ceux qui l’accusaient. Cette opiniâtreté triompha enfin des hésitations du roi. Après un entre­tien avec la reine et Sully, Henri donna l’ordre d’ar­rêter le soir même Biron et le comte d’Auvergne.

Pendant le souper qu’il fit avec plusieurs seigneurs, le maréchal fit un éloge emphatique du roi d’Espagne Philippe II « Ignorez-vous, lui dit-on, que ce roi il ne  pardonne jamais une offense, pas même à son propre fils?» La cour passa chez le roi pour le jeu. Biron reçut alors un billet de sa sœur : « Si vous ne vous retirez, dans deux heures vous êtes arrêté. » Un de ses familiers lui dit encore : « Monsieur, je voudrais avoir un poignard dans le 9iin et que vous fussiez en Bourgogne. — Si j’y étais, répondit Biron, et que je dusse en avoir quatre, le roi m’ayant mandé, je viendrais. » Et il entra dans la chambre du roi. Il j o lia avec la reine. Pendant qu’il jouait le comte d’Auvergne lui dit ;i l’oreille : « II ne fait pas bon pour nous ici. » Minuit allait sonner. Le roi voulut tenter une dernière épreuve et, attirant Biron dans l’embrasure d’une croisée: « Maréchal, c’est de votre bouche que je veux enfin savoir ce dont, à mon grand regret, je suis trop éclairé; je vous assure votre grâce, et quoi que vous ayez commis contre moi, je vous couvrirai du man­teau de ma protection et l’oublierai pour jamais. — Oh! c’est trop pousser un homme de bien, répondit Biron avec impatience; c’est moi qui vous demande justice de mes ennemis, sinon je me la ferai moi-même. — Bien, maréchal, je vois que je n’apprendrai rien de vous. » Henri sortit alors et donna aux capitaines de ses gardes, Vitry et Praslin, l’ordre d’arrêter Biron et le comte d’Auvergne, et rentrant dans sa chambre il congédia tout le monde et dit au maréchal : « Adieu, baron de Biron, vous savez ce que je vous ai dit. »

Un aveu pouvait encore tout sauver. L’orgueilleux maréchal ne put s’y résoudre et sortit. Vitry l’atten­dait dans la salle Saint-Louis, et lui demanda son épée au nom du roi. « Tu te railles, dit Biron. — Le roi m’a commandé de lui rendre compte de votre personne. — Fais, je te prie, que je parle au roi. — Non, Mon­sieur, le roi est retiré; votre épée. — Mon épée ! mon épée! qui a fait tant de bons service! — Oui, Monsieur, baillez votre épée. » Biron se soumet enfin, mais dit aux seigneurs qui étaient là : « Voyez, Messieurs, comme on traite les bons catholiques. »

Pendant ce temps Praslin arrêtait le comte d’Au­vergne qui s’écria : « Voici mon épée! Elle n’a jamais tué que des sangliers. Si tu m’avais averti de ceci, il y a deux heures que je dormirais. » Et en effet, il se cou­cha tranquillement et dormit. On enferma Biron dans le Pavillon des Armes, sur la cour du Cheval blanc. Il se promenait à grands pas, frappait du poing contre les murailles, apostrophait les gardes, se parlait à lui- même, s’accusait d’imprudence ; donnait des ordres, puis s’interrompait, se rappelant qu’il était prisonnier et qu’il n’y avait là personne pour lui obéir.

Biron fut conduit en bateau à la Bastille, avec le comte d’Auvergne, dans la nuit du 15 au 16 juin. Six semaines après il fut condamné par les Pairs et le Par­lement, toutes chambres assemblées, à avoir la tête tranchée en Grève et ses biens confisqués. Enfin le 31 juillet 1602 il fut exécuté, par faveur, dans la cour de la Forteresse & Prison de La Bastille , « et parut plus agité et transporté en cette dernière action que l’on n’eût cru ». Son corps fut en­terré en l’église Saint-Paul. Le comte d’Auvergne eut son pardon.

La mort de Biron ne mit pas fin aux intrigues de cour dont la marquise de Verneuil était l’âme. Un soir que le roi était parti déguisé de Fontainebleau, pour aller retrouver sa maîtresse, il pensa tomber entre les mains de quinze ou seize parents des d’Entragues qui l’attendaient dans la forêt pour l’enlever. Il ne leur échappa que par un insigne bonheur.

Henri se décida à sévir. Les coupables furent livrés au Parlement, qui condamna les comtes de Balzac et d’Auvergne à avoir la tête tranchée, et la marquise à être enfermée pour le reste de ses jours dans un cou­vent. Vaines menaces d’ailleurs ! Le roi commua leur peine. Balzac fut simplement exilé à Malesherbes. Le comte d’Auvergne resta quelques mois à la Bastille, et Henriette dicta elle-même les conditions de sa grâce.

A peine libre, elle mit tout en œuvre pour perdre Sully. Les ennemis du ministre avaient si bien multi­plié leurs attaques que des doutes étaient nés dans l'esprit du roi. Il partait un matin pour la chasse, lors­que Sully, qui était venu à Fontainebleau, lui faire sa cour s’approcha pour prendre congé : « Où allez vous ? » lui dit le roi cherchant à entamer la conversation. « A Paris, sire, répondit Sully, pour les affaires dont Votre Majesté me parla il y a deux jours. — Eh bien ! allez, reprit-il, c’est bien fait. Je vous recommande toujours mes affaires et que vous m’aimiez bien. » Ensuite il l’embrassa et le laissa aller. Mais à peine Sully avait-il fait quelques pas, que Henri le rappela : « N’avez- vous rien à me dire? lui demanda-t-il. — Non pour le présent. — Aussi bien ai-je moi à vous, » repartit le roi : en même temps il le prit par la main et le mena, à la vue de toute sa cour, dans une ajlée du jardin. Là, il ne fut plus question de soupçons. Le roi nomme à Sully ceux qui avaient travaillé contre lui, lui dé­couvre leurs manœuvres et leurs accusations, et s’accuse d’y avoir donné un moment créance. Enfin le roi entremêle cette conversation de tant de regrets de s’être laissé prévenir, de tant de promesses d’une confiance et d’une amitié inaltérables, que le duc veut se jeter à ses pieds pour le remercier. Plus prompt que Sully, Henri IV le prit dans ses bras : « Relevez-vous, dit-il, on croirait que je vous par­donne. » Il l’embrassa avec affection, et rentrant dans le cercle des courtisans: «Messieurs, leur dit- il , je veux vous dire à tous que j’aime Rosny plus que jamais, et qu’entre lui et moi c’est à la vie et à la mort. » Jusqu’à la fin du régne, Fontainebleau ne con­naîtra plus que des fêtes. Le roi y attire les poètes, et Malherbe célèbre le séjour préféré du roi :

Beaux et grands bâtiments d’éternelle structure, Superbes de matière et d’ouvrages divers,

Où le plus digne roi qui soit en l'univers Aux miracles de l’art fait céder la nature;

Beau parc et beaux jardins qui, dans votre clôture,

Avez toujours des fleurs et des ombrages verts,

Non sans quelque démon qui défend aux hivers D’en effacer jamais l'agréable peinture ;

Lieux qui donnez aux cœurs tant d’aimables désirs, Bois, fontaines, canaux, si, parmi vos plaisirs,

Mon humeur est chagrine et mon visage triste,

Ce n’est pas qu’en effet vous n’ayez des appas,

Mais quoi que vous ayez vous n’avez point Caliste,

Et moi je ne vois rien quand je ne la vois pas.

Les fêles succèdent aux fêtes. Le 14 septembre 1606 on procède au baptême de trois enfants de France, le dauphin , la princesse Elisabeth, depuis reine d’Es­pagne, et la princesse Christine, depuis duchesse de Savoie. La cour ovale était couverte d’une grande toile peinte où l’on voyait « la figure d’un dauphin, les chit- fres du roi et de la reine et des fleurs de lis en or ». Un grand pont orné de tapisseries joignait les fenêtres de la salle de Saint-Louis, dans le donjon, au dôme du Baptistère. Sous ce dôme se dressait un magni­fique autel, et tout autour de la cour s’étageaient des gradins remplis de peuple. Après la cérémonie un splendide souper fut servi dans la salle de bal. « Ja­mais, dit l’Estoile, on n’avoit vu pareille richesse ; l’épée du duc d’Epernon avoit dix-huit cents dia­mants ; l’habit du maréchal de Bassompierre, dont la façon lui coûta six cents écus, étoit de toile d’or vio­lette ; le brodeur y avoit employé cinquante livres pe­sant de perles. »    .

Fendant toutes ces fêtes on jouait nuit et jour. Bassompierre nous édifie sur ce point. C’est d’abord quand il revient à la cour après un voyage en Hongrie (1604) : « Le roy étoit dessus cette grande terrasse, de­vant la cour dn Cheval blanc, quand nous y arrivâmes, et nous y attendit, me recevant avec mille embrassades; puis me mena en la chambre de la Reine, sa femme, et fus bien reçu des dames, qui ne me trouvèrent point mal fait pour un Allemand invétéré qu'une quarantaine année dans le pays. Il me prêta ses chevaux pour courre le cerf le lendemain qui étoit le jour de la Saint-Barthélemy, 24 d’aout. Il ne voulut point courre ce jour-là auquel il avoit couru tant de fortune autrefois. Après la chasse jé le vins trouver à la salle des Etuves, où nous jouâ­mes au lansquenet avec la reine et lui. »

Puis lorsqu’on reçoit à Fontainebleau le duc de Mantoue, beau-lrère du roi : « Nous demeurâmes quelques jours à Fontainebleau, jouant le plus furieux jeu dont on ait ouï parler. Il ne se passoit journée qu’il n’y eût vingt mille pistolcs pour le moins de perte ou de gain. Les moindres marques étoient de cinquante pistoles, les marques les plus grandes étoient de cinq cents pistoles ; de sorte que l’on pouvoit tenir dans sa main plus de cinquante mille pistoles de ces marques-là. Je gagnai cette année- là plus de cinq cent mille livres au jeu, bien que je lusse distrait par mille folies de jeunesse et d’a­mour. »

Pendant tout le règne, les visiteurs illustres se suc­cédèrent à Fontainebleau; en 1601, ce sont les ambas­sadeurs vénitiens ; en 1607, un envoyé du Sultan ; en 1608, don Pedre de Tolède, chargé par le roi d’Es­pagne de proposer une alliance pour l’extermination des hérétiques. Don Pedre échoua dans sa mission. C’est lui qui, parcourant un jour avec le roi le palais et les jardins de Fontainebleau, lui dit avec à-propos : « Cette maison serait plus belle, Sire, si Dieu y était logé aussi bien que Votre Majesté. » Cette saillie dé­cida peut-être Henri IV à presser la restauration de la chapelle de la Sainte-Trinité.

chapelle de la Sainte-Trinité.

 

Henri IV vint pour la dernière fois à Fontainebleau en mars 1610. Le 14 mai suivant, il tombait sous le couteau de Ravaillac.

Le souvenir de ce bon roi est aussi vivant à Fontainebleau que celui de François Ier lui-même. Peut-être même Henri IV a-t-il plus fidèlement aimé ce beau lieu dont il avait fait sa résidence habituelle.

 

Outre la restauration de la chapelle de la Trinité on lui doit la cour des Offices,—le bâtiment très élégant où se trouvent la galerie des Cerfs et la galerie de Diane, — la décoration de la salle de Louis XIII. Dans le parc il fit creuser le grand canal, dessina le jardin de l’Etang et traça le plan du parterre qui subsiste encore malgré les retouches opérées sous Louis XIV par Le Nôtre. Enfin, il continua d’enrichir la bibliothèque dont, sous son règne, Casaubon était le conservateur.

Fontainebleau François Ier

Détails
Catégorie : Seine-et-Marne - 77
Création : 19 Juillet 2018
Mis à jour : 18 Octobre 2021
Clics : 6051
CHAPITRES

 

I - Château de Fontainebleau au Moyen-Âge

II - Château de Fontainebleau ( description )

III - Fontainebleau sous François Ier

IV - de Henri II à Henri IV

V - sous Louis XIII , Louis XIV ,  Louis XV & Louis XVI 

VI - au XIXe siecle : l'Empire Napoleon Ier jusqu'à la fin du siècle

 

FRANÇOIS Ier au Château de Fontainebleau

 Francois Ier Musee du Louvre atelier Corneille portrait

 

Photo prise au musée du Louvre, atelier de Corneille de Lyon, vers 1515-20. 

 

Le vieux château se dressait sur remplacement de la cour ovale. Le plan de cette partie du palais neuf est sensiblement le même que celui de la forteresse primitive. Le pavillon de Saint-Louis a remplacé le donjon; la porte Dorée, les chapelles haute et basse, le pavillon des Dauphins, celui des Chasses, le porti­que de Serlio, s’élèvent sur le terrain et peut-être sur les fondations des tours qui flanquaient l’enceinte. La cour de la Fontaine était occupée par les bâtiments accessoires nécessaires à toute demeure féodale : lo­gis des gens d’armes et des valets, paneterie, pres­soir, fauconnerie et chenil. Un fossé alimenté par les eaux de l’étang ceignait la maison royale et ses dé­pendances.

En somme le château, avant sa transformation, était une forteresse de moyenne grandeur, avec donjon, tours, tourelles et mâchicoulis, comme il y eu avait tant d’autres en France à cette époque. C’était une maison de plaisance des rois, non pas une de leurs résidences coutumières. Rien ne recommandait ce louis à François Ier. Les hasards de la chasse ou des voyages de la cour l’y amenèrent un jour.

Le site lui plut. Mais il ne fit d’abord dans le château que des travaux de réparations et d’amé­nagement. Il y amena cependant les artistes appe­lés d'Italie dès le début de soit règne. Léonard de Vinci y fit quelques séjours de 1515 à 1518. Mais depuis longtemps malade il n’exécuta pas de tra­vaux spéciaux pour le palais. Vasari raconte qu’il s’éteinnit entre les bras de François Ier. Le fait est contesté. Il est d’ailleurs certain que Léonard ne mourut pas à Fontainebleau.

Un an avant la mort de Léonard, François Ier avait appelé en France Andrea Vannucchi, dit Andrea del Sarto (1518). Ce maître peignit pour Fontainebleau la Madone et l’admirable Charité qui sont aujourd’hui au Louvre. Puis rappelé en Italie par sa femme, Lucrezia del Fede, dont il était éperdument épris, il obtint du roi une mission et des sommes im­portantes pour l’achat de tableaux et de statues. Lu­crezia lui fit oublier la mission. L’argent du roi fut gaspillé. Andrea n’osa plus retourner en France, et mourut en 1530 sans avoir revu François Ier.

A Fontainebleau, nulle trace ne subsiste aujour­d’hui de ces deux artistes, les plus grands que Fran­çois ait ravis pour un temps à l’Italie. Nul souvenir non plus de la première maîtresse en titre, de cette Fran­çoise de Foix, duchesse de Chateaubriand, dont la fa­veur poétise les premières années du règne. Sans doute elle accompagna le roi dans ses courts pas­sades au vieux château et suivit la cour dans le palais transformé. Mais déjà son étoile avait pâli. La duchesse d’Etampes et Diane de Poitiers avaient fait oublier la triste Chateaubriand, qui meurt en 1537, loin du roi dont l’amour n’avait point survécu à la pri­son de Madrid.

Peut-être cependant est-ce à Fontainebleau, qu’à la prière de M'lled’Etampes, François Ier fit récla­mer à la comtesse de Chateaubriand « les plus beaux joyaux qu’il luy avait donnés, dit Brantôme, pour l’amour des belles devises qui estoient mises engra­vées et empreintes ; lesquelles la reyne de Navarre, sa sœur, avoit faictes et composées.

Francois Ier Duchesse Etampes par Richard Parkes Bonington

François Ier et la duchesse d'Etampes.

 

« Le roy François, pour ce, ayant envoyé un gen­tilhomme vers elle pour les lui demander, elle lit de la malade sur le coup et remit le gentilhomme dans trois jours ii venir, et qu’il auroit ce qu'il demandoit.

 Cependant, de dépit, elle envoya quérir un orfè­vre, et lui fit fondre tous ces joyaux, sans avoir res­pect ny affection des belles devises qui y estoient engravées, et après, le gentilhomme tourné, elle lui donna tous les joyaux convertis et contournés en lingots d’or.

« Allez, dit-elle, portez cela au roy, et dites-luy que puisqu’il luy a pieu me révoquer ce qu’il m’avoit donné si libéralement, que je le luy rends et renvoyé en lingots d’or. Pour quant aux devises je les ai si bien empreintes et colloquées dans ma pensée, et les y tiens si chères, que je n’ay peu permettre que personne en disposast, en jouist et en eust de plaisir que moy- mesme.

« Quand le roy eut receu le tout, et lingots et pro­pos de ceste dame, il ne dit autre chose, sinon : « Re- « tournez-luy le tout. Ce que j’en faisois ce n’estoit « pas pour la valeur (car je luy en eusse rendu deux « fois plus), mais pour l’amour des devises ; et puisqu'elle les a faict ainsy perdre, je ne veux point de « l’or et je le lui renvoyé; elle a montré en cela plus « découragé et de générosité que n’eusse pensé pou- « voir provenir d’une femme. » Un cœur de femme généreuse despité et ainsy desdaigné fait de grandes choses. »

Nous quittons maintenant le vieux manoir de Saint-Louis et de Philippe le Bel. Le nouveau château va sor­tir de terre.

En 1526, François 1er sort de sa prison de Madrid. Depuis plus d’un an il est privé de tous les plai­sirs qui lui sont chers. Il a besoin de fêtes, de tour­nois, de propos joyeux et d’aventures galantes. Il lui faut une cour magnifique ; il faut à cette cour un ca­dre plus large et plus opulent que celui dont s’étaient contentés nos rois jusqu’il Louis XII. Aussi, dès son retour d’exil, François Ier donne-t-il libre car­rière à son goût pour les constructions originales, dégantes ou grandioses. Dès 1526, le plan de Cham­bord est arrêté et, pendant douze ans, douze cents ouvriers ne cessent de travailler aux chantiers de ce palais colossal. Presque en même temps s’élève le château de Madrid, au bois de Boulogne. Un beaujour enfin, François s’éprend de Fontainebleau et se résout à en faire son séjour habituel. « Les vastes paysages de la Loire, dit Michelet, les déserts de la Sologne qui plaisaient au roi cavalier et lui faisaient si tristement placer sa féerie de Chambord, n’allaient plus au promeneur valétudinaire. Il lui fallait une nature plus resserrée et exquise. Il aimait Fontaine­bleau. Harmonie d’âge et de saison. Fontainebleau est surtout un paysage d’automne, le plus original, le plus sauvage et le plus doux, le plus recueilli. Ses roches chaudement ensoleillées où s’abrite le malade, ses ombrages fantastiques, empourprés des teintes d'oc­tobre qui font rêver avant l’hiver; à deux pas, la petite Seine entre des raisins dorés; c’est un délicieux nid pour se reposer et boire ce qui resterait de vie, une goutte réservée de vendange. »

C’est en 1528 que François Ier fait raser à peu près complètement le château féodal. Un architecte in­connu, peut-être Italien (mais non pas Serlio qui ne vint pas en France avant 1537), lui fournit les dessins du nouveau palais. Une fantaisie royale a contraint l’artiste à respecter le tracé du manoir détruit et peut-être quelques pans de murs. Quel qu’il soit, l’architecte s’est tiré à son honneur des difficultés que lui créait un plan fixé d’avance. La capricieuse ordonnance des bâtiments de la cour ovale, en amusant la vue, accuse et sauve en même temps l’irrégularité de leur disposition. Au bout d’un an les constructions étaient en bonne voie, mais déjà Fran­çois les trouvait trop étroites et demandait des plans plus grandioses pour son nouveau palais. Il avait pour voisins les religieux de la Sainte-Trinité, dont le couvent, avec ses dépendances, occupait l’emplacement du jardin de Diane et de la cour du Cheval blanc. Ces terrains étaient nécessaires à qui voulait étendre le château autour et en vue de l’étang, dont les eaux en­tourées d’ombrages formaient un point de vue char­mant pour les appartements royaux.

En 1529, Fran­çois Ier en fait l’acquisition :

« Attendu, disait l’acte d’achat, qu’avons l’intention faire ci-après la plupart du temps notre résidence à Fontainebleau, pour le plaisir que prenons audit lieu et aux déduits de la chasse des bêtes rousses et noires qui sont en la forêt de Bière et aux environs; nous est convenu prendre et recouvrer de nos chers et bien amés les ministres et religieux de l’ordre de la Sainte- Trinité, la moitié du lieu où est de présent située la grande galerie faite pour aller du dit châtel en leur église et logis de l’abbaye, leur jardin, et leur grand clos de prés, celui où est de présent notre écurie, avec leurs étangs et viviers, etc., pour les récompenser d’icelles prises... nous avons donné et donnons la somme de 200 livres tournois il prendre et à percevoir chacun an sur le revenu de notre terre et seigneurie de Moret. »

Le couvent acheté et détruit, de nouveaux corps de logis s’élèvent comme par enchantement. On bâtit la cour du Cheval blanc, ou mieux la Basse-Cour, et pour former la cour de la Fontaine, on réunit par une galerie les deux massifs du château, dont le plan géné­ral ne subira plus désormais de modifications impor­tantes. Les jardins etles parterres sont tracés et plantés.

Mais il faut orner les dedans du palais. Pour son séjour favori, François Ier rêve une décoration somp­tueuse et surtout permanente. Plus de ces tapisseries et de ces verdures que les ouvriers royaux suspendent à la hâte, le long des murailles, avant l’arrivée de la cour ; de ces meubles transportés dans des fourgoqs d’une résidence à l’autre; de ces décors qu’on enlève des que la toile est baissée et que les acteurs sont sortis! Fontainebleau sera peint à fresque, revêtu de marbres précieux, de stucs et de boiseries merveilleu­sement travaillés. Les artistes manquent en France : il eu viendra d’Italie, et François les couvrira d’or.

En 1530 arrive à Fontainebleau le Florentin Giovanni-Battista Rosso. On lui donne une pension de 400 écus, des logements dans les palais royaux et bientôt la surintendance des bâtiments, peintures et embellissements de Fontainebleau. Il construit la ga­lerie de François Ier qu’il orne d’une série de fresques et de reliefs en stuc exécutés sous sa direction par Paolo Pon/.io et Domenico del Barbiere. Dans la cham­bre de la duchesse d’Etampes — aujourd’hui trans­formée en escalier, — il peint plusieurs traits des Amours d’Alexandre le Grand. Le roi enthousiasmé augmente ses pensions et le nomme chanoine de la Sainte-Chapelle.

Mais voici que le Rosso, ayant été A'olé de quelques centaines de ducats, en accusa trop légèrement un peintre florentin de ses amis, Francesco Pellegrino , qui fut mis à la question. L’innscence de Pellegrino fut reconnue, et le Rosso, ne pouvant sur­vivre au chagrin et à la honte que lui causait eette er­reur, s’empoisonna en 1541 à l’âge de quarante-cinq ans.

Il avait connu toute l’amertume des rivalités entre artistes. François Ier avait appelé en France (1531) un peintre de Bologne, Francesco Primaticcio — le Pri- matice — qui sur-le-champ déclara la guerre au Rosso. Pour mettre un terme à leurs querelles, François Ier, vers 1534, envoya le Primatice en Italie pour mouler les principales statues antiques et acquérir divers chefs- d’œuvre de Part moderne. Le Primatice rapporta de sa mission la Lèda de Michel-Ange (depuis détruite sur les ordres d’Anne d’Autriche ! ) et le moulage des antiques de Florence et de Rome qui, coulés en bronze à Fontainebleau, figurent aujourd’hui dans les galeries du Louvre. A cette époque le Rosso était mort, et le Primatice prit la direction des travaux de Fontainebleau, qu’il conserva jusqu’à sa mort ( 1570). Il commença par détruire une partie des fresques de son rival qu’il remplaça par les siennes. Il exécuta en­suite la décoration de la porte Dorée et entreprit celle de lagalerie d’Ulysse, qu’il continua sous quatre règnes. Mai» on doit surtout le juger d’après les peintures de la salle de bal qui lui furent commandées par le roi Henri II.

La longue faveur du Primatice lut un moment me­nacée par le séjour à la cour du fameux Benvenuto Cellini (1540-1544). Sans la haine de la duchesse d’Étampes, Cellini l’aurait emporté sur le maître bolo­nais. La favorite ne pouvait lui pardonner d’avoir négligé de lui soumettre les maquettes des travaux com­mandés par François Ier pour Fontainebleau. Cellini était chargé d’exécuter un bas-relief en bronze pour le tympan de la porte Dorée, et un surtout de table où devaient figurer douze statues d’argent de grandeur naturelle L Le Primatice, appuyé par la duchesse d’Étampes, intrigua sourdement pour se faire attribuer les commandes promises à Cellini, mais il dut y re­noncer dans la crainte d’être poignardé par l’orfèvre florentin. Une courte trêve suivit. Benvenuto voulut en profiter pour reconquérir les bonnes grâces de la duchesse d’Étampes en lui offrant une aiguière d’or merveilleusement ciselée. La duchesse ne daigna même pas le recevoir, et l’artiste, après une longue at­tente dans l’antichambre de la favorite, remporta son cadeau qu’il offrit, de dépit, au cardinal de Lorraine.

A ce moment le Primatice avait jeté en bronze les moules des antiques rapportés par lui d’Italie ; ses statues étaient disposées dans la petite galerie de fon­tainebleau, maintenant appelée galerie de François Ier.

1. Le bas-relief pour la porte Dorée a été placé au Louvre, dans la salle des Cariatides, au-dessus de la belle tribune de Jean Goujon. Il repré­sente la Nymphe de Fontainebleau. Du surtout de table il ne subsiste qu’une salière d’or, aujourd’hui à Vienne.

Cellini venait d’achever lin Jupiter en aident ; il veut le montrer au roi. On lui ordonne de placer son œuvre au fond de la petite galerie. Il arrive et trouve la place encombrée des moulages du Primatice. C’était une ruse de Mmo d’Etampes qui voulait écraser la statue de Cellini par le voisinage de l’Apollon du Belvédère et de la Vénus de Médicis. Cellini, sans murmurer, installe au fond de la galerie son Jupiter posé sur un socle à roulettes, maniable en tous sens, et attend la visite du roi.

Le jour baissait lorsque François lit sou entrée dans la galerie. Il la parcourut lentement, retenu par Mmo d’Etampes devant chacun des antiques du Pri­matice; mais au moment où, Ja nuit tombée, il appro­chait de Cellini, l’artiste alluma rapidement une torche placée entre les flammes de la foudre que la statue brandissait dans sa main droite, et, d’un mouve­ment adroit, il lança son Jupiter à la rencontre du roi. L’effet fut magique. La lumière tombant d’en haut semblait animer la statue mouvante. Le dauphin, le roi et la reine de Navarre qui se trouvaient là pous­sèrent un cri d’admiration, et François Ier s’écria :

« Benvenuto, ton Jupiter est cent fois plus beau que je ne l’aurais imaginé. » Tous applaudirent. « En vérité, reprit hardiment Mme d’Etampes, n’avez-vous pas d’yeux pour ces sublimes figures antiques ? Voilà de vrais chefs-d’œuvre ! Fi de ces babioles modernes ! » Mais François soutint que Cellini avait surpassé les anciens. A cela Mrae d’Étampes, répliqua que Cellini devait son succès à un subterfuge et que, de plus, il avait couvert sa statue d’un voile pour en cacher les défauts. L’artiste avait en effet jeté une draperie sur son Jupiter pour lui donner plus de majesté. Furieux, il arracha violemment le voile, et le roi, jqui s’aper­çut de sa colère, lui dit en français : « Tais-toi, Benvenuto! et compte sur une récompense mille fois au-dessus de tes espérances. » En sortant quelques minutes après, il adressa cette dernière flatterie à Benvenuto : « J’ai enlevé à l’Italie l’artiste le plus grand et le plus universel qui ait jamais existé. » Quelques mois après, cependant, le sculpteur quit­tait la cour de France, laissant le champ libre au Primatice, protégé par la favorite.

A côté des artistes italiens, quelle part revient aux maîtres français dans la décoration première de Fon­tainebleau? On l’ignore. Cependant on attribue à Jean Goujon les cariatides qui encadrent les fresques du Rosso dans la chambre de la duchesse d’Etampes. De beaux vitraux ornaient les fenêtres du palais. Etaient- ils de Jean Cousin et de Pinaigrier ? Rien n’empèche de le supposer; rien non plus ne permet de l’affirmer.

Maintenant les artistes ont accompli leur œuvre. Les décors sont prêts pour la féerie que François Ior et sa cour vont jouer avec une aisance merveilleuse. Examinons un peu cette cour brillante, tant vantée par les contemporains.

Le roi commence par appeler les dames dans ses pa­lais. « Une cour sans dames, disait-il, est une année sans printemps et un printemps sans roses. » Bran­tôme, le bon apôtre, le félicite de cette innovation où le fiable trouve son compte. « Pour le regard des dames, certes il faut avouer qu’advant luy, elles ne fré quentoient point à la cour. Mais le roy François ve­nant à son règne, considérant que toute la décoration d’une cour estoit des dames, l’en voulut peupler plus que de la coustume ancienne. Comme de vray, une cour sans dames est un jardin sans aucunes belles fleurs, et mieux ressemble une cour d’un satrape ou d’un Turc que non pas d’un grand roi chrétien. » Autour de François Ier, « ce n’estoient que dames de maison, demoiselles de réputation, qui paroissoient en sa cour comme déesses au ciel. Bien souvent ai-je veu nos roys aller aux champs, aux villes et ailleurs, y demeurer et s’esbattre quelques jours et n’y mener point les dames; mais nous étions si esbahis, si per­dus, si faschés, que pour huict jours que nous fai­sions séparés d’elles et de leurs beaux yeux, ils nous paroissoient un an et toujours à souhaiter :

« Quand serons-nous à la cour ? » N’appelant la cour bien souvent là où estoit le roy, mais où estoient la reyne et ses dames. »

Longtemps après la mort de François Ier on parlait encore de l’éclat qu’il avait donné à sa cour. Ronsard, qui tout jeune page avait connu les splendeurs de ce

Fontainebleau primitif, en parle dans son Bocage royal avec un vif accent de regret :

Quand voirrons-nous quelque tournoy nouveau?

Quand voirrons-nous par tout Fontainebleau,

De chambre en chambre aller les mascarades .

Quand oyrons-nous au matin des aubades De divers luths mariez à la voix?

Et les cornets, les fifres, les haubois,

Les tambourins, violons, espinettes,

Sonner ensemble avecque les trompettes Quand voirrons-nous comme balles voler Par artifice un grand feu dedans l’air?

Quand voirrons-nous, sur le haut d’une scène,

Quelque Janin  ayant la bouche pleine Ou de farine, ou d’encre, qui dira Quelque bon mot qui nous réjouira?

La reine de toutes ces fêtes était Anne de Pisseleu, duchesse d’Étampes, maîtresse de François Ier depuis 1526, c’est-à-dire depuis son retour d’Espagne. La reine Eléonore, sœur de Charles-Quint, ne comptait guère à côté de cette beauté blonde dont le teint éblouissant était célébré par tous les poètes de la cour. Mme d’Étampes avait l’esprit le plus brillant, le goût le plus exquis ; elle exerçait sur le roi un empire contre lequel rien ne put prévaloir. C’est elle qui or­donne les magnificences que François Ier déploie dans « son Fontainebleau » chaque fois qu’il en trouve l’oc­casion.

En 1536 a lieu la réception de Jacques V, roi d’Ecosse, qui venait demander la main de Madame Made­leine, fille de François Ior. Ce prince, paraît-il, eut l’audace d’épier la jeune fille qui se baignait dans la grotte des Pins; il en fut puni, car il entendit la prin­cesse faire à l’une de ses femmes l’aveu de son aversion pour lui et de son amour pour don Juan, fils de Char- les-Quint. Jacques Y passa outre, et en 1537 il épousa la pauvre Madeleine. « Quand elle fut en Ecosse, dit Brantôme, elle en trouva le pays tout ainsy qu’on luy avait dict, et bien différent de la doulce France.Tou- tesfois, sans autre semblant de repentance, elle 11e di­soit autre chose sinon : « Hélas ! J’ay voulu estre « reyne; » couvrant sa tristesse et le feu de son am­bition d’une cendre de patience. » Elle mourut d’en­nui au bout de six mois de mariage. Ronsard lui a consacré quelques vers pleins d’émotion :

La belle Magdeleine, honneur de chasteté,

Une Grâce en beauté, Junon en majesté,

A peine de l’Escosse avoit touché le bord,

Quand au lieu d’un royaume elle y trouva la mort.

Ni larmes du mary, ni beauté, ni jeunesse,

Ni vœu, ni oraison, ne fléchit la rudesse De la Parque! O cruel et pitoyable sort!

En 1539, Charles-Quint traverse la France pour aller châtier les Gantois révoltés. François Ier ne manqua pas de lui offrir l’hospitalité à Fontainebleau. Le Père Dan nous a laissé le récit du cérémonial de cette réception : « Entrant dans la forêt, il fut accueilli par une troupe de personnes déguisées en forme de dieux et de déesses bocagères, qui, au son des hautbois, composèrent une danse rustique; les­quels s’écartèrent promptement de part et d’autre dans la forest, et l’empereur poursuivant son chemin arrivaici. Son entrée fui par la grande allée de la Chaus­sée. A la porte, il y avoit un arc triomphal orné de tro­phées, et enrichy de peintures qui représentoient le roi et l’empereur revestus à l’antique, accompagnez de la Paix et de la Concorde. Là estoit encore un concert de musique, et après avoir entendu quelques airs, il fut conduit dans le chasteau au son des trompettes et des tambours, et entrant dans la petite galerie, il y rencontra le roi, où se firent les compli­ments entre Leurs Majestés, et de là fut conduit au pavillon des Poêles, qui lui avait été ordonné pour son logement. Le souper estant préparé en la salle de bal, le roy qui avoit laissé quelque temps à l’empe­reur pour se reposer à loisir, l’alla prendre en sa chambre, et ils vinrent ensemble souper, avec untémoi- gnage de part et d’autre d’une grande réjouissance. Le lendemain et plusieurs autres jours qu’il séjourna ici, du Bellay, auteur de ce temps-là, remarque que le roy lui donna tous les plaisirs qui se peuvent inventer, comme de chasses royales, de tournois, d’es­carmouches, de combats à pied et à cheval, et en somme de toutes sortes de divertissements1. »

1. Trésor des merveilles de la maison royale de Fontainebleau

 charles quint francois Ier Basilique de Saint Denis

 

Charles Quint et François Ier

Au milieu de toutes ces fêtes, l’empereur n’était pas tranquille. Il craignait que le roi ne le retînt prison­nier pour obtenir l’annulation du traité de Madrid. Peut-être lui avait-on rapporté les propos de Triboulet, le bouffon de François Ier, qui voulait l’inscrire sur la liste des fous célèbres, mais disait à François Ier : « Si vous le laissez échapper, j’y mettrai Votre Majesté. » La duchesse d’Etampes était de l’avis de Triboulet. Le roi dit un jour à l’empereur : « Voyez-vous, mon frère, cette belle dame? Elle est d’avis que je ne vous laisse point sortir d’ici que vous n’ayez révoqué le traité de Madrid. » L’empereur répondit froidement : « Si l’avis est bon, il faut le suivre. » On prétend que le lendemain, au moment de se laver les mains pour se mettre à table, Charlcs-Quint tira de son doigt un dia­mant d’un grand prix et le laissa tomber aux pieds de la duchesse; celle-ci ramassa le diamant et voulait le lui rendre; l’empereur refusa de le reprendre en lui disant : « Gardez-le, Madame, il est en de belles mains ! » Mais un diamant était-il suffisant pour gagner une femme qui disposait de tous les joyaux de la couronne ? Quoi qu’il en soit, Charles-Quint put traverser la France en toute sûreté. François Ier poussa le scrupule jusqu’à ne lui parier d’aucune affaire d’Etat.

En 1543,François II naît à Fontainebleau. On donne à cette occasion des fêtes magnifiques, mais ces fêtes sont éclipsées par celles du baptême de Madame Elisabeth de France, fille aînée de Henri II (1545).

La cérémonie eut lieu dans la cour du Donjon, tendue de tapisseries d’or, d’argent et de soie ; on avait élevé, au centre de la cour, un pavillon de belle architecture, avec portique composé à l’antique, enguirlandé de feuillages, semé d’écussons et de devises et surmonté d’un mât doré. En guise de voûte, un voile de soie bleue, où étaient attachées quantité d’étoiles d’or, se déployait au-dessus de la cour entière. « Dans ce pavillon, dit le Père Dan, se dressoit une pyramide de neuf estages, couverte de drap d’or frisé. Le tout composoit un buffet chargé delà vaisselle royale, toute d’or, et de tant de vases et diverses pièces antiques, aussi tous d’or et en si grand nombre, qu’il sembloit qu’icy l’on eust rassemblé l’élite des bulbfts de tous les princes de l’Europe. Aussy est-il véritable que l’on yavoit apporté tout ce que les roys de France avoient eu de rare en leurs cabinets, dispersés en divers endroits du royaume, et afin de faire connoître à un chacun quelle estoit la valeur et excellence de toutes ces singulières raretés, il y avoit aussi des per­sonnes commises qui en donnoient 1 intelligence aux spectateurs et principalement aux Anglais et aux autres étrangers qui estoient en grand nombre à cette magni­ficence, leur disant comme quelques-unes de ces rares pièces avoient été apportées en France par l’empereur Charlemagne, connue les autres lui avoient été en­voyées par quelques rois, et ainsi des autres singula­rités dont il n’y avoit pas une moderne, mais toutes antiques. »

La fin du règne est attristée par les intrigues du dauphin contre son père, ou plutôt de Diane de Poitiers, maîtresse du jeune prince, contre la duchesse d’Etampes. La duchesse, encore jeune, riait de l’âge de sa rivale. « Je suis née, disait-elle, l’année où se maria Madame Diane. » Les deux favorites excitaient l’un contre l’autre le père et le fils. « Le dauphin, écrit Michelet, dit un jour devant ses familiers, qu’à son avènement il ferait ceci et cela, donnerait tels offices, et il leur distribua généreusement toutes les charges de la couronne. Un témoin de la scène, auquel on n’avait pas songé, était un simple, vieil enfant et fol à bourlet, appelé Briandas. Soit de lui-même, soit poussé par la duchesse d’Etampes, il court au roi, et fièrement : « Dieu te garde, François de Valois ! » Le roi s’étonne. « Par le sang Dieu, tu n’es plus roi; je « viens de le voir. Et toi, Monsieur de Thaïs, tu n’as « plus l’artillerie, c’est Brissac ! » Et à un autre :

« Tu n’es plus chambellan, c’est Saint-André! » Puis s’adressant au roi : « Par la mort Dieu ! Tu vas voir « bientôt Monsieur le Connétable, qui te commandera « à baguette et t’apprendra à faire le sot. Fuis-t’en !»

« je renie Dieu, tu es mort ! » Le roi fait venir la duchesse d'Etampes. On fait dire au fou tous les noms des nouveaux officiers de la couronne. Puis le roi prend trente hommes de sa garde écossaise, va à la chambre du dauphin. Personne. Rien que des pages qu’on fit sauter par les fenêtres. On brise, on casse tout. Mais après, qu’aurait fait le roi? Il n’avait pas d’autre héritier. Sa maîtresse, tout à l’heure sans appui et à la discrétion du dauphin, apaisa, arrangea les choses. Le roi se garda seulement des de sou fils, qui auraient pu l’empoisonner. » tir ces entrefaites, François tomba gravement malade.

Dan, pour donner l’alarme à ces fuyards et >i’il les rappellerait à leur devoir, quoique sa ai1*é ne fût pas encore bien bonne et que son visage oignât quelque grande indisposition, il juge a P'opos de feindre une entière santé, se fardant un le visage et s’ajustant si proprement, qu’il sem- 't plutôt un jeune courtisan que non pas un homme 11 'on âge et de l’estât où il estoit. Voire plus, le jour la Feste-Dieu, il voulut se trouver à la procession C V>me aider à porter le dais sous lequel on portoit le saint Sacrement, et estant de retour assis dans sa c 'hïibre, il dit : « Je leur ferai encore une fois peur ’*vant que mourir. » Cependant le bruit de la gué- rlSbn de Sa Majesté ayant été su partout, cela estonna I les courtisans, qui ne manquèrent à revenir petit à P* *it vers le roi, tous fort honteux et confus, ce qui ^r,-tii fort à rire à Sa Majesté, principalement quand '* apprit que la plupart, ayant quitté le dauphin, ‘ ' oient laissé aussi seul que lui l’avoit été durant sa aladie. » Quelques mois aprèscettescène, François Ier m<hirut obscurément h Rambouillet.

On doit à ce roi la formation de la bibliothèque palais de Fontainebleau. Guillaume Budé en eut la direction jusqu’en 1540 et l’augmenta considérable­ment. Il eut pour successeur Pierre Duchâtel, évêque de Tulle, qui avait gagné les bonnes grâces du roi en l’entretenant pendant scs repas. « C’est, disait François, le seul homme de lettres que je n’aie pas épuisé en discours. »

Duchâtel fit réunir en 1544 la bibliothèque de Blois à celle de Fontainebleau, dressa des catalogues, relia les livres, et fit du dépôt qui lui était confié un objet d’envie et d’admiration pour tous les savants de l’Europe.

 

source : Les palais nationaux : Fontainebleau, Chantilly, Compiègne, Saint-Germain, Rambouillet, Pau, etc., etc. / par Louis Tarsot et Maurice Charlot ( date d'édition inconnue mais probablement fin XIXe ), numérisation et OCR par montjoye.net avec des rajouts et modifications du texte initial.

Vous pouvez néanmoins trouvez un exemplaire numérique sur gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6448891b

 

 
  1. Château de Fontainebleau
  2. Château et Parc de Coupvray
  3. Château de Nangis
  4. Jeanne d'Arc à Nangis

Page 2 sur 4

  • 1
  • 2
  • 3
  • 4

Main Menu

  • Accueil
  • Châteaux de France
  • Eglises de France
  • Jeanne d'Arc
  • Patrimoine & Divers
    • Patrimoine Paris
    • Maroc
    • Jordanie
    • Ecosse
    • Allemagne
    • Templiers
      • Chapelles des Templiers
      • Commanderies des Templiers
    • Personnages
    • Glossaire
  • Contact
    • Droits Photos
    • Contacter le site



Recherche


Les plus lus !

  • Château de Vaux le Vicomte
  • Château de Château-Gaillard
  • Château Vieux de Saint Germain en Laye
  • Jeanne d'Arc - Histoire & Parcours
  • les Blasons et Etendards de Jeanne d'Arc
  • Château de Chenonceau
  • André Le Nôtre , Jardinier du Roi
  • Collégiale de Poissy, Saint-Louis, Louis IX
  • Château de Dourdan
  • Château de Loches

Les derniers articles

  • Les étendards de Jeanne d'Arc
  • Les étendards Origine et histoire
  • Saluzzo
  • Guillaume des Roches
  • Bataille de la Roche aux Moines
  • Fabriquer de la Monnaie au Moyen-Âge
  • Château de Champigny sur Veude
  • Henri II Plantagenet
  • Arthur Ier de Bretagne
  • Château de Sours, L'Aval ou chateau de la vallé

Total des clicks !

  • Clics sur articles 15362909