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Les étendards Origine et Histoire

Origine et fonction des enseignes militaires

Depuis toujours, les armées se rassemblent autour d’un signe distinctif marquant la présence de leur chef. Héritier des enseignes carolingiennes, l’étendard devient, sous les Capétiens, l’emblème du roi de France. Les grands barons, eux, se distinguent par le gonfanon.

gonfanon

Gonfanon

Au XIIIᵉ siècle, avec la généralisation des armoiries, apparaissent de nouvelles formes d’enseignes :

  • les pennons, réservés aux chevaliers qui sont en trois formes distinctes : les pennons pointus, les pennons à queue d'aronde et les pavons.

  • les bannières, qui remplacent peu à peu les gonfanons des barons.

La codification des enseignes au XIIIe siècle

La première véritable codification figure dans les Siete Partidas du roi Alphonse X de Castille (1252-1284). Elle définit une organisation hiérarchisée :

  • Rois et empereurs : seuls autorisés à porter l’étendard carré aux armes de leur royaume.

  • Barons avec plus de 100 chevaliers et contingents urbains : enseigne capitaine, drapeau carré terminé par trois queues.

  • Barons avec 50 à 100 chevaliers : pendon posadero, drapeau triangulaire qui donnera naissance au pennon.

  • Seigneurs avec 10 à 50 chevaliers : bannière rectangulaire, plus haute que large.

  • Seigneurs avec 2 à 10 chevaliers : banderole étroite terminée par deux queues.

En France, les petits seigneurs royaux portent souvent le pennon ou le pennoncel, bannière coupée en diagonale.

L’évolution des enseignes au XIVe siècle

En 1351, une ordonnance royale précise :

  • le pennon peut être porté par une compagnie de 30 à 35 fantassins, ou par un chevalier ;

  • l’étendard, désormais porté aussi par les princes de sang, est multiplié en plusieurs exemplaires et placé à la tête des troupes et subdivisions.

La hiérarchie des enseignes selon Antoine de La Sale (1444)

Le chroniqueur Antoine de La Sale décrit au XVe siècle l’organisation suivante :

  • Rois et princes : étendard (triangle fendu de deux queues), bannière carrée et pennon.

  • Marquis, comtes, vicomtes, barons, bannerets : bannière rectangulaire + pennon personnel.

  • Chevaliers : pennon triangulaire.

👉 Passage possible de chevalier à banneret : possession d’un Château entouré de 25 feux, avec 6 bacheliers ou 50 hommes d’armes. Le maréchal coupe alors la queue du pennon pour en faire une bannière.

Différence entre bannière, pennon et étendard

  • Bannières : armes disposées parallèlement à la hampe.

  • Étendards : armes transversales, la hampe indiquant le haut.

Cette distinction est fondamentale dans l’héraldique médiévale.

Nouveaux emblèmes et étendards au temps de Charles VI

À partir de 1384, un second système se superpose au premier :

  • Charles VI introduit des emblèmes personnels (cerf ailé, anneaux sur fond rouge).

  • Les grands seigneurs adoptent des figures religieuses, comme leurs saints patrons.

Durant la guerre civile Armagnacs-Bourguignons, les enseignes deviennent des symboles de parti :

  • Louis d’Orléans : le bâton noueux.

  • Le duc de Bourgogne : un rabot et deux bâtons en croix de saint André.

  • Après l’assassinat de Louis (1407), son fils Charles d’Orléans fait fabriquer 4 200 pennons noirs avec la devise « Justice ».

Enseignes religieuses et politiques

Deux grands types d’enseignes apparaissent alors :

  1. À motif religieux (saints patrons, symboles spirituels).

  2. À devise politique (mots d’ordre, insignes de parti).

Les capitaines combinent parfois ces deux aspects. Les chefs secondaires, sans armoiries, reprennent les emblèmes de leur seigneur. Chaque étendard est doublé d’un pennon, servant désormais de signal tactique plutôt que de signe de rang.

Nombre et organisation des drapeaux dans une compagnie

Une compagnie peut arborer jusqu’à trois drapeaux :

  1. L’étendard royal ou princier.

  2. L’étendard de la compagnie.

  3. Le pennon du capitaine.

Les deux derniers reprennent souvent les éléments de l’étendard supérieur.

Les dimensions des enseignes médiévales

La hiérarchie se reflète aussi dans les tailles :

  • Bannière impériale : 2 × 2,30 m.

  • Bannière de banneret : 60 × 80 cm.

  • Étendard royal : jusqu’à 6 m de long.

  • Étendard de capitaine : env. 3,50 × 0,80 m.

  • Pennon de chevalier : plus grand que celui des piétons.

Ces variations entraînaient des confusions visuelles entre pennons et étendards.

Lecture, motifs et décorations

  • Les motifs se lisent de la hampe vers la pointe.

  • Les enluminures représentent les étendards de face, queue à droite.

  • Le revers peut différer mais doit être brodé (la peinture traverse le tissu).

L’étendard de Jeanne d’Arc

L’étendard porté par Jeanne d’Arc respecte pleinement ces règles médiévales.

Etendard de Jeanne d'Arc selon une étude d'Adrien Harmand en 1929

Transformation de la terminologie au XVe siècle

Au milieu du XVe siècle, le vocabulaire évolue :

  • Pour la cavalerie : enseigne.

  • Pour l’infanterie : guidon.

  • Le mot étendard est réservé à nouveau au prince.

 

 

Le Pennon de la Conquête

Le Pennon de la conquête de Valence par Jacques Ier d'Aragon.

photo wikipedia

Le Pennon de la Conquête (espagnol : Pendón de la Conquista ; valencien : Penó de la Conquesta) est le drapeau hissé le 28 septembre 1238 par les Maures de Valence, en Espagne, sur la tour d'Alī-Bufāt — plus tard appelée Torre del Temple — pour marquer leur reddition aux troupes du roi Jacques Ier d’Aragon. Cet acte mit officiellement fin au siège de Valence de 1238.

L’événement est connu grâce au récit même de Jacques Ier, dans sa Chronique, où il décrit son émotion à la vue de l’étendard :

« Nous étions dans le lit de la rivière, entre les jardins et la tour ; et quand nous avons vu notre drapeau sur la tour, nous sommes descendus de notre cheval, et nous dirigeant vers l’est, nous avons pleuré de nos yeux et embrassé la terre pour la grande miséricorde que Dieu nous avait faite. »

Représentations artistiques

L’épisode de la conquête est représenté dans plusieurs œuvres. Dans une peinture murale du Château d’Alcañiz, Jacques Ier apparaît s’approchant de Valence, tandis que des drapeaux aux bandes rayées flottent sur les tours de la ville. La scène montre un cavalier aux couleurs d’Aragon accompagné d’un fantassin se dirigeant vers une fortification à quatre tours dotée d’une porte ouverte.

Description du Pennon

Le pennon, aujourd’hui conservé, se compose de :

  • trois pièces de tissu blanc, jaunies par le temps, cousues ensemble,

  • une découpe en forme de gonfalon,

  • quatre bandes rouges peintes,

  • une inscription en haut : « año 1238 »,

  • une longueur d’environ 2 mètres.

Conservation et transmission

Dès la conquête, Jacques Ier considéra le pennon comme une relique. Il ordonna qu’il soit conservé dans l’église de l’hôpital Saint-Vincent. Ce n’est qu’au XIXᵉ siècle que l’étendard fut transféré à son emplacement actuel, où il est toujours visible : l’hôtel de ville de Valence.

 

sources : Centre Jeanne d'Arc de la Ville d'Orléans, Olivier Bouzy, Philippe Contamine, https://herald.poore-house.com/display/heraldic-flags/pennons/


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