Jeanne d'Évreux : Dernière reine des Capétiens directs (1310-1371)
Jeanne d'Évreux, née vers 1310 et morte le 4 mars 1371 à Brie-Comte-Robert, fut reine de France et de Navarre de 1324 à 1328 en tant qu’épouse de Charles IV le Bel, dernier roi de la dynastie capétienne directe. Sa vie, marquée par un mariage consanguin autorisé par dispense papale et par un veuvage de plus de quatre décennies, reflète les enjeux politiques et culturels du XIVᵉ siècle.
Une alliance dynastique stratégique
Fille de Louis d'Évreux et de Marguerite d'Artois, Jeanne est issue de la branche cadette de la maison capétienne. Orpheline de mère en bas âge, elle grandit dans un environnement marqué par les alliances matrimoniales royales. Le 5 juillet 1324, à l’âge de quatorze ans, elle épouse son cousin germain Charles IV le Bel, veuf de Marie de Luxembourg, morte tragiquement. Cette union, rendue possible par une dispense papale délivrée le 21 juin 1324, vise à consolider la continuité dynastique.
Reine couronnée le 11 mai 1326 en la Sainte-Chapelle de Paris, Jeanne donne deux filles à Charles IV et est enceinte d’une troisième enfant lorsque le roi meurt prématurément le 1ᵉʳ février 1328. Le 1ᵉʳ avril de la même année, elle met au monde une fille, Blanche. Cet événement scelle la fin de la lignée des Capétiens directs, car la loi salique interdit aux femmes de prétendre au trône. Le cousin du roi défunt, Philippe de Valois, devient alors roi sous le nom de Philippe VI, initiant la dynastie des Valois.
Un long veuvage et un rôle discret mais influent
Après la mort de Charles IV, Jeanne d’Évreux se retire dans le domaine de son douaire, qui lui assure un train de vie confortable. Bien qu’elle vive loin des affaires courantes, elle reste impliquée dans certains enjeux politiques majeurs. En 1354, elle intervient aux côtés de sa nièce Blanche de Navarre pour obtenir la réconciliation entre son neveu Charles II de Navarre et le roi Jean II le Bon, scellée par le traité de Mantes.
Respectée par la nouvelle dynastie, elle joue également un rôle symbolique important. Marraine du futur Charles VI en 1368, elle incarne la continuité dynastique et le lien entre les Capétiens et les Valois.
Une mécène éclairée
Le mécénat de Jeanne d’Évreux témoigne de sa piété et de son raffinement. Parmi ses donations, la Vierge à l’Enfant, chef-d’œuvre d’orfèvrerie en argent doré, demeure une pièce emblématique. Offerte à la basilique de Saint-Denis en 1339, cette statue ornée d’émaux et de scènes de la Passion reflète la dévotion de la reine.
Elle s’illustre également dans le domaine de l’enluminure. Le célèbre Livre d’heures de Jeanne d’Évreux, commandé par son époux Charles IV, est réalisé par l’artiste Jean Pucelle. Ce manuscrit miniature, d’une finesse exceptionnelle, comporte 25 miniatures en grisaille et près de 700 figures marginales. Jeanne commande également son propre bréviaire, qui témoigne de l’influence franciscaine dans sa spiritualité.
Fin de vie et héritage

Jeanne d’Évreux s’éteint le 4 mars 1371 dans son château de Brie-Comte-Robert, résidence qu’elle affectionnait particulièrement. Elle est inhumée aux côtés de son époux dans la basilique royale de Saint-Denis, bien que son tombeau ait été profané lors de la Révolution française, en 1793.
Par ses interventions politiques et son mécénat artistique, Jeanne d’Évreux a laissé une empreinte discrète mais durable sur son époque. Dernière reine des Capétiens directs, elle symbolise la transition entre deux dynasties et incarne un certain idéal de sagesse et de piété au sein de la cour médiévale.