Prisonniers de la Bastille
Sous louis XIV : 40 détenus par an en moyenne de 1660 à 1715 environ
Sous Louis XV : 43 détenus par an en moyenne
Et Louis XVI : environ 19.
Par ailleurs cette évolution carcérale évoluait également dans le temps puisqu'au XVIIe la moyenne de détention était de 3 ans et d’un à deux mois sous Louis XVI [VIII] Une Bastille plus ouverte et moins enfermée sur elle-même avec des visiteurs réguliers indépendants comme aujourd'hui, aurait pu largement casser cette légende populaire. Louis XVI avait en tout cas conscience de la situation et semblait en tout cas motivé pour la détruire... si on se réfère aux plans pour la remplacer par une place qui ressemble d'ailleurs beaucoup à celle d'aujourd'hui.
De plus les prisonniers étaient souvent politiques et parfois relativement connus et populaire...ce qui n'était pas vraiment le cas de la prison du Châtelet qui enfermait les prisonniers principalement de droits communs et les plus dangereux, ils se feront massacrer lors de la révolution...
Article connexe. Prise de la Bastille, 14 juillet 1789. - Les Prisonniers de Loches
Célèbres prisonniers.
- Voltaire
- Prévôt de Beaumont le Roger- Marquis de Sade
Clefs de la Bastille, la seconde est celle d'une pièce du gouverneur et la troisième, en partant du haut, est celle d'un cachot de la prison.
Autres Prisonniers.
Hugues Aubriot, intendant des finances et prévôt de Paris sous Charles V. Voir création de la Bastille pour plus de détail.
Jacques d'Armagnac, duc de Nemours, condamné à mort pour récidive de trahison envers le roi. Enfermé à la Bastille dans une cage de fer, à la demande de Louis XI ( voir donjon de Loches ), vers 1477, il est rapidement jugé et sa tête sera tranché le 23 août 1477 sur place publique aux Halles de Paris. Sa femme Louise d'Anjou serait morte de chagrin le jour de sa condamnation le 4 août 1477 par le Parlement de Paris. [vi]
Jacques de Beaune, Baron de Semblançay, enfermé en 1526. Il a été surintendant des Finances de François Ier.
Aymar de Rançonnet, second président au Parlement de Paris, enfermé en 1557 et mort en 1559 à la Bastille. Il était accusé ,par la famille des Guises, d'inceste envers sa fille. Tragédie familiale, la fille en question va mourir sur un fumier ( sic ), son fils est exécuté et sa femme est foudroyée par un orage. [vi]
Charles de Gontaut, duc de Biron, né en 1562 à Saint-Blancard, et exécuté le 31 ( ou 13 ) juillet 1602 à la Bastille, est un militaire français. Maréchal de France, il est célèbre pour l'amitié que lui portait Henri IV, qu'il a pourtant trahi. Il était le seigneur du château de Biron.
Antoine de Lage, Seigneur de Puy-Laurens ( appelé aussi Duché-Pairie d'Aiguillon situé dans l'actuelle Aquitaine ), favori de Monsieur ( frère du roi ) il est enfermé par Richelieu à la Bastille en 1635 et y décède le 1 juillet 1635 ( soit à la Bastille soit au Donjon de Vincennes ).
Nicolas Fontaine : Arrêté en 1666, il est emprisonné à la Bastille pendant deux ans. Ecrivain.[vi]
Jean Le Noir, est un théologien et canoniste français, célèbre écrivain de son temps. Enfermé en 1683 à la bastille pour son opposition à la nomination de l'archevêque de Paris ( il l'accuse d'hérésie ), condamné le 24 avril 1684 à faire amende honorable et à la galère à perpétuité.[vi] Il meurt dans la prison du Château de Nantes le 22 avril 1692.
Avis important au Public, 1725, est une petite affiche sur les murs de Paris, souvent écrite à la main, qui notamment se moquait du pouvoir en place. Il conduit notamment un certain Poleins, famille de parlementaire d'Albi, à être enbastillé, il est mis en prison de la bastille le 3 octobre 1725 et en sort le 5 juillet 1726.
Roger de Rabutin, Comte de Bussy-Rabutin, Lieutenant Général des Armées du Roi. Embastillé une première fois pour libertinage et comportement scandaleux, il écrit un livre à sa maîtresse " une histoire amoureuse de France" qui le renvoi à la Bastille en 1665.
Robert François Damien exécuté à Paris en Place de Grève le 28 mars 1757. Condamné pour tentative de régicide sur Louis XV, il subira le même sort que Ravaillac : il est écartelé par quatre chevaux dans un supplice de plus de deux heures sur la place publique. La longueur et la dureté de l'exécution va choquer la population, il est le dernier écartelé sur place publique.
Habits de Robert François Damien et gravure de son éxécution sur la place de Grève le 26 mars 1757, Bibliothèque de l'Arsenal
Paul Pellisson : Fervent défenseur de Nicolas Fouquet, premier commis du ministre, il est également emprisonné pendant 4 ans. Libéré il aura cependant une carrière plutôt brillante devenant membre de l'académie française en 1653 et devient historiographe du roi en 1668. [iv]
Jean-François Marmontel, disciple de Voltaire, il n'est pas embastillé en 1759 pour ses écrits ou ses idées mais pour avoir refusé de donner le nom de l'auteur d'une satire sur le Duc d'Aumont.
Le Maréchal-Duc de Richelieu
Célèbre pour ses exploits guerriers mais aussi pour ses aventures amoureuses et ses duels, le maréchal de Richelieu ( 1796-1788 ) a été trois fois embastillé : d'abord en 1711, encore jeune duc de Fronsac, à la demande de son père, pour avoir délaissé sa femme, comme le raconte Saint-Simon, puis en 1716 pour duel, et enfin en 1719, compromis dans la conspiration de Cellamare. Ses mémoires apocryphes ont beaucoup contribué à l'image de la Bastille comme prison de luxe pour grands seigneurs. [iv]
Marquis de Pelleport
Embastillé pendant 4 ans, de Juillet 1784 à Octobre 1788, pour avoir écrit " le Diable dans un bénitier" en 1783. Adepte des pamphlets orduriers et de livret pornographique, il écrira à la bastille une autre oeuvre " les bohémiens". Livre qui par ailleurs obtiendra une retentissante indifférence générale. Il est littéralement massacré par les révolutionnaires le 14 juillet 1789 pour avoir défendu le Major de Losme qui faisait parti de la Bastille lors de sa prise, il s'écria pour le défendre " Arrêtez, Vous allez immoler le meilleur des hommes, j'ai été prisonnier cinq ans ( notons qu'il exagère là son passage ) à la bastille, où il fut mon consolateur". [VIII]
Cagliostro
Célèbre aventurier, Joseph Balsamo, dit de le comte de Cagliostro, né en 1743 à Palerme, après avoir fuit l'Italie, où il était recherché pour escroquerie, arriva en France en 1780. Il y bénéficia de l'appui du Cardinal de Rohan, mais aussi des Françs-maçons, et rencontra un grand succès de mage et de thaumaturge. Mis en cause dans l'affaire du Collier de la Reine, il fut incarcéré à la Bastille avec sa femme Serafina, puis expulsé en 1786. Après un séjour à Londres, il rentra en Italie où il fut arrêté et détenu à perpétuité au Château de San Leo, où il mourra en 1795. Il écrivit une lettre de dénonciation de la Bastille et des lettres de cachet. Publiée à Londres en 1789. Il doit beaucoup se célébrité posthume à Alexande Dumas, Goethe et Gérard de Nerval. [iv]
Mlle Bonafon « la vie privée de Louis XV »
Marie-Madeleine Bonafon était la femme de chambre de la Princesse de Montaubon. Elle aurait participer par ses écrits dont une série de romans avec intrigues et secret qu'il fallait déchiffré comme un puzzle , à la révélation des ébats sexuels dans la cour du roi , ainsi que de Louis XV vers 1740. Le déchiffrage de ses intrigues, édité pour le premier comme un conte de fée allégorique à Rouen dans un total secret en 1745, révéleraient les relations incestueuses de Louis XV.
Elle sera embastillé en 1745 pour le roman satirique " Tanastès", elle y sera enfermée seize mois avant d'être envoyée pendant douze ans au couvent des Bernardins dans le Bourbonnais.
Ces rumeurs d'incestes du roi vont contribuer au fil du temps à une érosion de la légitimité du roi dans le temps. Pour autant Mlle Bonafon lors de ses interrogatoires par le Commissaire Rochebrune , demandera pardon pour sa " faute d'imagination" et en exprimant sa fidélité au roi. Le délit qui lui sera reproché est de parjure et de sacrilège pour avoir pris comme sujet le roi en le réduisant à des ébats sexuels les plus sordides avec ses filles. [IX]
Il est difficile pour autant d'accréditer la véracité de ses propos tout d'abord parce qu'elle même s'est excusée et puis c'était des romans . Même si c'est une époque de libertinage outrageante , parfois exagéré et romancé, ces rumeurs d'incestes étaient fréquentes dans toutes les couches de la noblesse. Même Marie-Antoinette est accusée d'inceste avec son fils ....
Les derniers prisonniers de la Bastille
Quatre contrefacteurs
Sur les sept, quatre (Jean La Corrège, Jean Béchade, Bernard Laroche dit Beausablon, et Jean-Antoine Pujade) étaient des faussaires emprisonnés en 1787 pour avoir falsifié des lettres de change acceptées par la firme bancaire tourton-Ravel. En d’autres termes, il s’agissait de criminels de droit commun, arrêtés sur mandat ordinaire du Châtelet, qui auraient facilement pu être détenus ailleurs. Pujade témoigna à l’Hôtel de Ville qu’il avait quitté la prison l’après-midi du 14 en compagnie de Béchade, mais qu’ils s’étaient séparés par la suite. Tous les quatre ont ensuite été rassemblés et quelques jours après leur « libération » ont été réincarcérés à Bicêtre.
Le 17 avril 1790, un décret de l’Assemblée ordonna de poursuivre leurs poursuites contre eux, mais en définitive il semble qu'ils ont échappés à la condamnation.
James Francis Xavier Whyte (Whyte de Malville)
Whyte était d’origine jacobite irlandaise. Il est né à Dublin en 1730 et avait servi pendant la guerre de Sept Ans, d’abord comme cornet dans les Volontaires Soubise puis comme capitaine dans le régiment franco-irlandais de Lally Tollendal. En 1781, il avait souffert d’une sorte de dépression mentale et avait été enfermé au château de Vincennes aux frais de sa famille. Lorsque Vincennes fut fermée en tant que prison en 1784, il fut transféré avec le Marquis de Sade à la Bastille. En mars 1789, il avait été déclaré interdit et le contrôle de ses biens transféré à ses deux filles.
Whyte défile autour du Palais-royal dans la soirée du 14 et le 15 conduit à l’Hôtel de Ville et de là à la prison-asile de Charenton. Le 31 juillet 1795, il est finalement transféré à l’asile de Petites Maisons. Il a été décrit comme complètement dérangé d’une manière presque comique, s’imaginant être Jules César, Saint Louis et parfois le Tout-Puissant lui-même. ["ce particulier se disoit Major de l’Immensité et tenoit des propos qui manifestoient la perte entière de sa raison » Procès-verbal des séances et délibérations de l’Assemblée générale des électeurs de Paris, réunis à l’Hôtel-de-Ville le 14 juillet 1789 http://gallicalabs.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k40091x p.380]
[George Cadogan Morgan, Travels in Revolutionary France éd. par Mary-Ann Constantine (Université du Pays de Galles, 2012), p.17-18. https://books.google.co.uk/books?id=-VWuBwAAQBAJ]
Auguste-Claude Tavernier
À première vue, Tavernier est un meilleur candidat pour un prisonnier politique - il est souvent dit qu’il avait été incarcéré en 1759 pour complicité présumée dans la tentative d’assassinat de Louis XV par Damien. Cependant, ce n’est pas tout à fait l’histoire complète.
En fait, Tavernier avait également été emprisonné par sa propre famille. Les archives de la Bastille le décrivent comme un rien, fils d’un domestique, féroce, cruel et insolent. Son père Nicolas avait été porteur au service de Jean Pâris de Monmartel, l’un des célèbres frères banquiers de Louis XV. Né en 1728, Auguste-Claude était un jeune homme sauvage. Il est d’abord détenu à Charenton en 1745 à la demande de son père en raison de son « oisiveté et de son libertinage excessifs », puis réincarcéré à Saint-Lazare, et finalement envoyé à la prison de l’île Sainte-Marguerite dans la baie près de Cannes, où sa famille accepte de payer 300# par an pour son entretien. Il résiste à l’offre de Monmartel d’un poste à l’étranger au sein de la Compagnie des Indes.
En 1759, les événements prennent une tournure sérieuse lorsque Tavernier est dénoncé par un codétenu de l’île Sainte-Marguerite, le chevalier de Lussan, pour un complot visant à assassiner le roi. Les autorités n’ont pas eu d’autre choix que de prendre l’affaire au sérieux; il fut transféré à la Bastille pour y être interrogé en juillet 1759 et, l’affaire n’étant jamais résolue, il finit par languir tranquillement. Lisa Jane Graham dans son livre If the King Only Knew (2000) reconstitue les circonstances à partir de deux cartons de documents des Archives Nationales. Les détails de l’intrigue supposée étaient massivement alambiqués; les deux hommes étaient probablement de connivence; Tavernier eut apparemment l’idée de négocier une audition devant le Parlement de Paris, dénonçant les lettres de cachet et assurant ainsi sa libération : « il ferait savoir à M. Louis Quinze que si Damiens l’avait manqué, il ne le manquerait pas et qu’il ferait connaître pendant des siècles son projet d’exterminer des innocents entre quatre murs avec des lettres de cachet ". Certains des écrits de prison de Tavernier sont conservés et font une lecture intéressante. Déiste voltaire, il a transformé ses ressentiments personnels en quelque chose qui se rapproche d’une affaire des Lumières contre l’emprisonnement arbitraire. Selon Lisa Jane Graham, c’était « un homme astucieux et débrouillard qui ne pouvait pas être immédiatement rejeté comme fou ». Néanmoins, il était instable et, en 1789, à l’âge de soixante ans, il avait été en prison pendant presque toute sa vie adulte. Après le 14 juillet, il est retrouvé errant dans les rues à deux heures du matin, gardé sous surveillance dans le quartier de Saint-Roch et exposé au public pendant quelques jours, puis finalement, le dimanche 19, se rend à l’Hôtel de Ville. Le lendemain, il est emmené à Charenton par M. de La Chaise, garde à l’emploi du duc d’Orléans. Il est enregistré comme ayant quitté Charenton en juillet 1795, mais on ne semble pas savoir ce qu’il est devenu par la suite.
[Lisa Jane Graham, If the King Only Knew: Seditious Speech in the Reign of Louis XV (2000)
« Tavernier trente ans a la bastille » Voir Affaire de Tavernier. 23 novembre 1759. Dans Archives de la Bastille, vol. 17 (1866) https://archive.org/details/archivesdelabast17rava
Hubert de Solages
Le dernier prisonnier, Hubert de Solages, prisonnier de droits communs, qui aurait été coupable de « pratiques sexuelles perverses », à savoir d’avoir commis un inceste avec sa sœur Pauline. Les documents officiels indiquent simplement qu’il avait été emprisonné à la demande de son père « en raison de sa dissipation et de sa mauvaise conduite ». En fait, l’Affaire de Solages était beaucoup plus compliquée. Les circonstances ont été examinées dans un livre de 1914 d’Auguste Pie qui est résumé en détail sur Wikipédia. Membre d’une famille noble mineure du Languedoc, Hubert de Solages est né en 1746 et, au moment de son incarcération initiale en 1765, il était sous-lieutenant dans le régiment des dragons. Il semble avoir été impliqué dans un plan mal conçu pour aider sa sœur de vingt-cinq ans à fuir son mari Jean-Antoine Barrau, qui, selon leur oncle Gabriel, chevalier de Solages et pour Pauline elle-même, était un homme dur, jaloux et cruel. C’est Barrau plutôt que le père du jeune homme qui a été le principal instigateur de son emprisonnement - il est possible, bien que loin d’être certain, que sa motivation principale était financière. Solages fut tenu successivement au château de Ferrières près de Castres, au fort de Brescou au large du Cap d’Agde, puis à la forteresse de Pierre-Encize à Lyon d’où il réussit à s’échapper. Après une série de délibérations en 1781, il est transféré à Vincennes en 1782, puis à la Bastille le 28 février 1784. Pauline fut également enfermée dans une succession de couvents.
Dans la Bastille, Solages occupait une salle au quatrième étage de la tour de la Bertodière donnant sur la rue Saint-Antoine, où il passait son temps tranquillement, jouant du violon, lisant et écrivant. Sa famille a payé 2 300 francs pour sa pension et 400 francs pour sa garde. Il est relaté qu’au soir sept heures et demie, le soir du 14 juillet, les députés du district de l’Oratoire ont admis en leur présence un gentilhomme du Languedoc qui, bien que minable en apparence, était « une figure noble et imposante » qui exprimait avec éloquence sa gratitude pour sa libération Il fut logé à l’Hôtel de Rouen, rue d’Angivilliers aux frais des quartiers et actuellement, avec l’aide de son oncle le Chevalier, a pu rentrer chez lui à l’Albigeois. Il meurt le 2 octobre 1824.
[Wikipédia: « L’affaire de Solages; d’après Auguste Puis, Les Lettres de cachet à Toulouse au dix-huitième siècle, Toulouse et Paris, 1914]
sources :
[a] Frantz Funck-Brentano : « Les secrets de la Bastille tirés de ses archives ». 1930
[i] http://www.lepost.fr/article/2009/07/12/1617047_14-juillet-fete-nationale-et-verite-historique.html
[ii] http://contreculture.org/AT_Bastille.html
[iii] Liste des vainqueurs de la Bastille
[iv] Tout ou une grande partie de ce texte est tiré de l'exposition à la bibliothèque de l'arsenal en 2011.
[v] Source du Texte
[vi] Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules , Jean-Joseph Expilly
[VII] " les lettres de cachet, une légende noire" Claude Quétel , édition Perrin
[VIII] une partie de cette information est tiré du Canard Enchainé n° 4718 du 30 mars 2011, page 6
[IX] source principale : Lisa Jane Graham - La police et leurs archives : l'invention de la normalité au XVIIIe siècle
Charles VII de Philippe Contamine (1), p46
Les derniers prisonniers de la Bastille, source principale traduite en français : http://rodama1789.blogspot.com