FONTAINEBLEAU AU XIXe SIÈCLE

 

L'EMPEREUR NAPOLÉON 1ER EN COSTUME DE SACRE, Atelier de François Gérard (Rome,1770-Paris,1837) Paris Huile sur toile 1805

Napoléon Ier, musée du Louvre,  Atelier de François Gérard (Rome,1770-Paris,1837) Paris Huile sur toile 1805

La Révolution épargna Fontainebleau, et Napoléon devenu empereur trouva ce palais délabré, mais intact. Il en affecta temporairement l’aile neuve à l’École militaire peu après transférée à Saint-Cyr, fit faire aux bâtiments toutes les grosses réparations nécessaires après vingt ans d’abandon et remeubla richement, mais dans le triste goût du temps, les grands et petits appar­tements.

Pendant tout le règne, la cour impériale fit presque chaque année d’assez longs séjours à Fontainebleau. L’empereur occupait le premier étage du bâtiment adossé à la galerie de François Ier; l’impératrice José­phine, le rez-de-chaussée du même bâtiment. Marie- Louise reprit possession de l’appartement des reines. A son intention, Napoléon fit planter le jardin anglais, tout parsemé de pins, qui devaient rappeler à l’impé­ratrice les forêts de l’Autriche et du Tyrol.

Trois des principaux événements de l’Empire s’ac­complirent à Fontainebleau. Les deux voyages du pape et la première abdication.

 

Le premier voyage, tout triomphal, eut lieu en novembre 1804. Pie VII venait couronner celui qui s’intitulait alors «son dévot fils». Napoléon attendit le Pape à la Croix de Saint-Hérem, le conduisit dans sa voiture jusqu’au palais et l’installa dans l’ancien appartement des Reines-mères. Le Pontife et l’em­pereur se firent ensuite réciproquement des visites officielles et, après des cérémonies qui durèrent troisjours, se rendirent à Paris où le couronnement eut lieu le 2 décembre 1804.

Le 20 juin 1812, Pie VII revient, mais en prisonnier. Depuis 1809, Napoléon a supprimé de fait le pouvoir temporel, et relégué le pape à Savone où il le garde à jVue et met tout en œuvre pour faire légitimer son coup d'Etat par une renonciation solennelle et volon­taire de la victime h ses droits. Pie Vil résiste. Sou­dain l’empereur fait conduire son prisonnier à Fontai­nebleau. Les négociations reprirent et durèrent plus de six mois sans aboutir. « Pie VII, dit Henri Martin, était dans l’angoisse lorsque Napoléon arriva brusque­ment à Fontainebleau le 10 janvier 1813, entra chez le Pape sans lui laisser le temps de se reconnaître, et l’embrassa en l’appelant son Père. Pie Vil, tout étourdi et tout ému, ne repoussa pas ces singulières démons­trations. Il v eut entre eux de longfs tête-à-tête sur les- quels on a débité beaucoup de fables 1 ; on ne sait pas bien ce qui s’y passa. Napoléon se refit très catho­lique devant le Saint-Père, lui promettant la restau­ration de l’Eglise dans les pays protestants soumis à l’empire, Hollande, Allemagne du Nord. » Bref, il obtint la renonciation presque formelle du Pape au pouvoir temporel, et un concordat rédige dans ce sens fut signé le 25 janvier. Un mois plus tard, on entraîna le Pape à se rétracter par une lettre à l’empereur. Napoléon tint cette lettre secrète et en empêcha la publication par des menaces terribles. Néanmoins, après un an de lutte, il dut rendre la liberté à son prisonnier, qui quitta Fontainebleau le 23 janvier

1. On a été jusqu’à dire que Napoléon se serait livré à des voies de fait sur son prisonnier.

1814, en donnant, du haut du Fer à cheval, sa béné­diction au peuple. Son séjour au palais avait duré dix- neuf mois.

L’Empire à ce moment touchait à sa fin. Le 31 mars 1814, Napoléon arrivait à Fontainebleau, le jour même où l'empereur de Russie et le roi de Prusse entraient à Paris. Napoléon aurait voulu tenter un coup de main sur sa capitale, mais ses généraux s’y opposaient. Le mot d’abdication avait été prononcé; on parlait déjà du rétablissement des Bourbons ; l’entourage de l’empe­reur, le sentant perdu, songeait a le sacrifier pour sau­vegarder les droits de son fils. On espérait rallier le czar à l’idée de proclamer le roi de Rome empereur, avec Marie-Louise comme régente.

Tandis qu’on essayait de faire partager ces vues à Napoléon, le Sénat impérial prononçait sa déchéance définitive. Il fallait se hâter, si l’on voulait que la pro­position d’une régence fût admise seulement à la dis­cussion par les souverains alliés. Napoléon résistait; il avait confiance en ses soldats qui l’acclamaient encore chaque fois qu’il les passait en revue ; enfin sentant grandir l’opposition de son état-major il se décide à une abdication eu faveur de son fils. 11 envoie M. de Caulaincourt avec les maréchaux Ney et Mac­donald -pour soutenir cette proposition auprès du czar Alexandre. Mais le czar la rejette, et les trois en­voyés reviennent auprès de Napoléon. Tout est fini cette fois, à moins que Napoléon ne veuille tenter une

lutte d'aventurier en se retirant derrière la Loire. Il se résigne à l’abdication, et le 5 au soir il signe sur un iméridon de son cabinet la déclaration suivante : « Les puissances alliées ayant déclaré que l’empereur Napo­léon était le seul obstacle au rétablissement de la paix en Europe, l’empereur, fidèle à son serment, déclare qu’il renonce pour lui et ses successeurs au trône de France et d’Italie, et qu’il n’est aucun sacrifice person­nel, même celui de sa vie, qu’il ne soit prêt à faire aux intérêts de la France. » Le 11 avril au soir Napoléon tente de s’empoisonner en avalant de l’opium mêlé à de l’eau, mais de violents vomissements le sauvent, et il se décide à attendre encore les événements.

Cependant ses officiers généraux l’abandonnaient un à un. C’était chaque jour un nouveau départ. « L’un, dit Thiers, quittait Fontainebleau pour raison de santé, l’autre pour raison de famille ou d’affaires; tous promettaient de revenir, aucun n’y songeait. Napoléon feignait d’entrer dans les motifs de chacun, serrait affectueusement la main des partants; car il savait que c’étaient des adieux définitifs qu’il recevait. Peu à peu, le palais de Fontainebleau était devenu désert. Dans ses cours silencieuses on avait quelquefois encore l’oreille frappée par des bruits de voiture, on écoutait, et c’étaient des voitures qui s’en allaient. Cette longue agonie devait finir. Le 20 au matin, Napoléon se décida à quitter Fontainebleau. Le bataillon de sa garde des­tiné à le suivre à l’île d’Elbe était déjà en route. La garde elle-même était campée à Fontainebleau. Il voulut lui adresser ses adieux. Ilia fit ranger en cercle autour de lui, dans la cour du Château, puis, en présence de ses vieux soldats profondéments émus, il prononça les paroles suivantes : « Soldats, vous mes « vieux compagnons d’armes que j’ai toujours trouvés « sur le chemin de l’honneur, il faut enfin nous quitter. J’aurais pu rester plus longtemps au milieu de vous, mais il aurait fallu prolonger une lutte cruelle, «ajouter peut-être la guerre civile à la guerre étrangère, et je n’ai pu me résoudre à déchirer plus longtemps le sein de la France. Jouissez du repos que vous avez si justement acquis, et soyez heureux. Quant à moi, ne me plaignez pas. Il me reste une mission, et c’est pour elle que je consens à vivre, c’est de raconter à la postérité les grandes choses que nous avons faites ensemble. Je voudrais vous serrer tous dans mes bras, mais laissez-moi embrasser ce drapeau qui vous représente... » Alors, attirant à lui le général Petit, qui portait le drapeau de la vieille garde, il pressa sur sa poitrine le drapeau et le générai, au milieu des cris et des larmes des as­sistants, puis il se jeta dans le fond de sa voiture, les yeux humides, et ayant attendri les commissaires eux-mêmes, chargés de l’accompagner. »

La Restauration n’a pas laissé de souvenirs à Fon­tainebleau. On dit que Louis XVIII, visitant ce palais en 1816, en admira les somptueux aménagementslaissés par l’Empire et dit au comte d’Artois : « Nous avoos eu, mon frère, un bon fermier ». Il était venu à Fontainebleau pour recevoir la princesse Caroline de Naples, fiancée au duc de Bcrri, son petit-neveu, et, pendant ce séjour, ordonna la restauration delà galerie de Diane qu’il data de la vingt-huitième année de soi» règne.

Charles X ne fut attiré à Fontainebleau que par la beauté des chasses. Il y arrivait à l’improviste, presque sans suite et pour quelques jours seulement. La du­chesse d’Angoulème, fille de Louis XVI, nièce et bru de Charles X, entrait dans la cour du Cheval blanc, le 30 juillet 1830, lorsqu’elle apprit le succès de la révolution qui précipitait du trône la branche aînée des Bourbons. Elle partit aussitôt pour l’exil oii la rejoignirent bientôt les autres membres de sa famille.

Louis-Philippe aima beaucoup Fontainebleau où il fit avec ses enfants de nombreux séjours l’été. Il ordonna de nombreuses réparations qui ne sont pas toutes heureuses : nous aurons bientôt l’occasion d’en parler. C’est à Fontainebleau qu’il voulut recevoir la princesse Hélène de Mecldembourg, fiancée au duc d’Orléans. Le mariage civil fut célébré dans la galerie Henri II ; le mariage catholique dans la chapelle de la Trinité, et le mariage protestant dans la salle qui s’étend sous la gale­rie Henri IL II y eut un grand repas dans la galerie de Diane, avant la retraite des mariés dans leur apparte­ment qui avait été aménagé dans le gros pavillon qui domine l’étang. Les fêtes durèrent du 29 mai au 3 juin 1837. Des promenades furent organisées dans la forêt. MUe Mars joua les Fausses Confidences, et Duprez chanta Guillaume Tell. Il y eut une grande revue des troupes campées aux environs de la ville; enfin cette cérémonie fit revivre un moment les splendeurs de l’ancien régime.

 

Napoléon III

Napoléon III, peinture au musée du Louvre

La cour de Napoléon III a souvent visité Fontaine­bleau. Cette résidence partageait avec Compiègne la faveur d’être choisie pour les villégiatures d’automne. On y donna des fêtes nombreuses et brillantes, et l’on construisit la jolie salle de spectacle située à l'extrémité de l’aile neuve. Mais la politique étant bannie de ce séjour réservé au plaisir, il ne s’y passa de 1852 à 1879 aucun événement digne d’être signalé.

Depuis la ebute de l’Empire, Fontainebleau est devenu un musée national. Cependant M. le prési­dent Carnot y a fait dans l’été de 1888 un séjour de deux mois, dans les appartements du premier étage de l’aile neuve, aménagés avec infiniment de goût par le conservateur du palais M. Carrière. Fontainebleau restera sans doute une solitude. Mais cette solitude n’est-elle pas suffisamment peuplée par tant de sou­venirs ?

 

 

 

source : Les palais nationaux : Fontainebleau, Chantilly, Compiègne, Saint-Germain, Rambouillet, Pau, etc., etc. / par Louis Tarsot et Maurice Charlot ( date d'édition inconnue mais probablement fin XIXe ), numérisation et OCR par montjoye.net avec  des rajouts et modifications du texte initial.

Vous pouvez néanmoins trouvez un exemplaire numérique sur gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6448891b


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